University of Minnesota



M. Mohamed Rahmouni v. Algerie, Le Groupe de travail sur la détention arbitraire, Avis No. 33/2008,  U.N. Doc. A/HRC/13/30/Add.1 at 138 (2010).



 

 

 

AVIS N°. 33/2008 (ALGERIE)

Communication adressee au Gouvernement le 10 juillet 2008.

Concernant M. Mohamed Rahmouni.

L’Etat est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

1. Voir le texte du paragraphe 1 de l’Avis n° 17/2008.

2. Le Groupe de travail regrette que le Gouvernement n’ait pas fourni de renseignements sur le cas en question alors qu’il a eu la possibilite de formuler des observations.

3. Voir le texte du paragraphe 3 de l’Avis n° 17/2008.

4. M. Mohamed Rahmouni, citoyen Algerien; ne le 12 novembre 1980; resident a Bourouba, Alger; a ete arrete a Bourouba le 18 juillet 2007 a 7.30 heures alors qu’il attendait le bus pour se rendre au travail, par trois agents des forces de l’ordre et en presence de nombreux temoins. Les trois agents qui procedent a l’arrestation l’interpellent par son surnom, Samir, presentent leurs papiers officiels d’identite mais pas de mandat d’arrestation et lui ordonnent de les suivre.

5. Six jours plus tard, le 24 juillet 2007, quatre agents, en civil et armes, procedent a une perquisition du domicile des Rahmouni. Le 29 juillet, 11 jours apres l’arrestation, les memes agents se presentent de nouveau au domicile et exigent du frere et du cousin de M. Rahmouni, Ali et Fatah, d’ecrire une declaration selon laquelle, lors de la perquisition, les agents ont trouve les clefs d’une Mercedes et d’un camion de marque JAC. Or la famille ne posse de aucun de ces deux vehicules.

6. M. Rahmouni a ete detenu plus de six mois au secret et sans contact exterieur. Sa famille ne disposait d’aucune information sur les raisons de son arrestation, ni sur son lieu de detention.

7. La mere de M. Rahmouni decide de porter plainte aupres du Procureur general du Tribunal d’Hussein Dey. Celui-ci l’invite alors a s’adresser au Commissariat de Bourouba ou l’officier de police refuse d’enregistrer la plainte, decretant que M. Rahmouni etait au maquis. La famille de M. Rahmouni a depose alors une plainte aupres du Procureur general d’El Harrach. Depuis, la famille de M. Rahmouni n’a cesse de deposer des recours et d’effectuer des demarches aupres des institutions, toutefois sans succes.

8. En novembre 2007, le Procureur du Tribunal d’Hussein Dey lui aurait certifie qu’il etait detenu a la prison de Serkadji. Se rendant sur place accompagnee de son avocat, il s’est avere que M. Rahmouni n’y etait pas non plus.

9. Le 26 janvier 2008, les gardiens de la prison militaire de Blida ont enfin reconnu que M. Rahmouni se trouvait effectivement dans cet etablissement militaire. A sa mere il a ete dit qu’elle n’aurait le droit de visite que lorsque l’instruction serait terminee mais qu’elle pouvait lui apporter de la nourriture et des vetements.

10. Le 19 fevrier 2008, la mere de M. Rahmouni a adresse des plaintes au Ministre de la Defense; au Ministre de la Justice; au Commandant de la Premiere region militaire de Blida, et au Procureur du tribunal militaire de Blida, en vue d’obtenir le respect de son droit de visite. Ce droit a finalement ete obtenu le 20 mai 2008. Les autorites militaires ont alors prevenu Mme. Rahmouni qu’elle ne pourrait pas revenir avant un mois alors qu’un panneau mentionne à l’entree que les visites aux prisonniers ont lieu tous les 15 jours. Selon la source, cette restriction injustifiee du droit de visite aggrave fortement la situation mentale du detenu ainsi que celle de sa mere.

11. En janvier 2008, lors d’un entretien, un officier du Commissariat de Bourouba avait affirme a la mere de M. Rahmouni que celui-ci serait implique dans une affaire d’atteinte a la securite de l’Etat. Le Code de justice militaire prevoit la competence des tribunaux militaires pour juger des civils accuses de ces crimes.

12. Un courrier adresse le 4 mai 2008 a la mere de M. Rahmouni emanant du Ministere de la Defense, autorise l’avocat de M. Rahmouni a rendre visite a son client. En depit de cette lettre officielle, le conseil de M. Rahmouni se voit refuser l’acces a la prison et n’a toujours pas obtenu meme l’acces a son dossier, ce qui l’empeche donc de preparer sa defense.

13. La source ajoute que lors de sa visite le 20 juin 2008, sa mere a trouve M. Rahmouni dans un etat lamentable: Il presentait plusieurs blessures a la main et au visage, ce qui laisserait penser que le detenu aurait subi en prison des traitements cruels, inhumains ou degradants.

14. M. Rahmouni n’a pas ete informe des inculpations que reposent sur lui. Malgre son statut de civil, il va etre juge par un tribunal militaire, depourvu de toute independance et directement subordonne au Pouvoir executif.

15. M. Rahmouni n’a pu a aucun moment exercer son droit d’avoir un avocat. Selon la source, M. Rahmouni est, aux yeux des autorites, d’ores et dejà coupable, en violation du principe de presomption d’innocence.

16. La source conclut qu‘il est necessaire que M. Rahmouni soit detenu dans une prison civile et soit juge par un tribunal civil pour garantir le respect de ses droits et pour s’assurer de l’impartialite du proces. De plus, le detenu n’a pas pu etre juge apres 11 mois de detention, ce qui correspond a un delai excessif au terme de l’article 14.3 (c) du Pacte internationale des droits civils et politiques.

17. Selon la source, la situation de disparition forcee de cette personne pendant plus de six mois et la violation de ses droits fondamentaux est suffisamment grave et caracterisee pour considerer sa detention comme arbitraire et contraire aux articles 7, 9 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

18. Par note verbale en date du 14 Juillet 2008 le Gouvernement a accuse reception de la communication et a informe qu’elle a ete transmise aux autorites algeriennes competentes, sans y donner suite. Le Groupe de travail a relance sa demande d’informations par note verbale en date 3 novembre 2008 sans toujours obtenir de reaction.

19. Des lors, en application du paragraphe 16 in fine des methodes de travail du Groupe, ce dernier est fonde, apres le respect des delais impartis au Gouvernement pour presenter ses commentaires et observations, de emettre un Avis, surtout considerant que le Gouvernement n’a sollicite aucun delai supplementaire ou aucun report.

20. D’ailleurs, cette attitude laisse entrevoir que les allegations de la source sont fondees. Ce qui signifie que M. Rahmouni a ete arrete le 18 juillet 2007 sans mandat; garde au secret pendant plus de six mois sans aucune inculpation precise lui permettant de se defendre; sans possibilite de contester sa detention; sans avocat pour assurer sa defense et sans avoir ete traduit devant un tribunal.

21. Que s y ajoute que M. Rahmouni est detenu dans un camp militaire et va etre juge par un tribunal militaire malgre son statut de civil.

22. Tous ces elements, confirmes du reste par des informations d’autres organisations et journaux, doivent etre consideres comme fiables.

23. A la lumiere de ce qui precede, le Groupe de travail rend l’avis suivant:

La detention de Monsieur Mohamed Rahmouni est arbitraire, en etant en contravention aux dispositions des articles 9, 10 et 11 de la Declaration Universelle des Droits de l’homme et 9 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et releve des categories I et III applicables à l’examen des cas soumis au Groupe de travail.

24. Le Groupe de travail, ayant rendu cet avis, prie le Gouvernement algerien d’adopter les mesures necessaires pour remedier a la situation de cette personne, conformement aux normes et principes enonces dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Adopte le 20 novembre 2008

 



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