MANUEL DE FORMATION SUR LA SURVEILLANCE DES DROITS HUMAINS

ANNEXE III AU CHAPITRE IX: Directives pour la coordination sur le terrain entre les délégués du Comité international de la Croix-Rouge et les fonctionnaires de la Mission de droits de l'homme au Rwanda concernant les visites aux personnes privées de leur liberté au Rwanda


 

I. OBJECTIF

 

1.1. Les présentes directives visent à éviter les recoupements d'activités et à établir la complémentarité des tâches respectives des équipes de terrain des deux organisations sur une base systématique, de manière à optimiser leurs effets au bénéfice des personnes détenues.

 

1.2. Ces directives présentent des méthodes concrètes de coordination destinées à éviter les effets contre-productifs d'actes ou de représentations mutuellement contradictoires qui pourraient être préjudiciables au but ultime du travail sur les lieux de détention, à savoir assurer un traitement décent et humain des détenus ainsi que le respect de leurs droits.

 

1.3. Elles revêtiront la même autorité que toute instruction émanant des chefs de mission des deux organisations en direction de leurs équipes respectives sur le terrain.

 

II. LA COMPLÉMENTARITÉ DE L'ACTION SUR LES LIEUX DE DÉTENTION

 

A. Prisons et établissements pénitentiaires

 

2.1. Les délégués du CICR rendront visite aux détenus afin de constater leurs conditions matérielles et psychologiques de détention et la façon dont ils sont traités, en prêtant une attention particulière à toute question concernant des traitements inhumains, cruels ou dégradants. Ils noteront l'identité des détenus de manière à suivre leurs mouvements entre lieux de détention, jusqu'à ce que soit confirmé le terme de leur peine. Ils s'assureront que soient maintenus les liens entre les détenus et leurs familles au travers des messages de la Croix-Rouge. En général, ils vérifieront l'application des garanties judiciaires de base. Les délégués du CICR seront informés par les fonctionnaires chargés des droits de l'homme (HRO) avant que ne soit prise aucune initiative visant à apporter une aide matérielle aux détenus.

 

2.2. Les HRO veilleront au respect des garanties judiciaires à l'égard des détenus emprisonnés, et poursuivront toute autre investigation concernant d'éventuelles violations de droits de l'homme. Ils feront connaître leur présence sur les lieux aux détenus, afin que ceux souhaitant communiquer avec eux puissent le faire. Dans la mesure du possible, ils s'entretiendront avec les détenus dans un lieu privé.

 

2.3. Au cas où des sévices envers les détenus seraient portés à l'attention des HRO au cours de telles visites, les délégués du CICR en seront informés immédiatement. Si les HRO décident d'enquêter sur ces affaires, ils continueront de tenir les délégués du CICR informés de leurs résultats et les consulteront avant de faire leurs représentation.

 

2.4. En cas de mauvais traitements se produisant en présence des HRO ou de l'observation de conditions de détention extrêmes, ils agiront immédiatement, puis en informeront les délégués du CICR, pour permettre à ces derniers d'assurer le suivi de toute action entreprise.

 

2.5. Afin d'effectuer leurs propres observations concernant le respect des normes internationales relatives aux droits de l'homme, les HRO effectueront des missions d'établissement des faits dans les prisons une fois par mois, ou à tout intervalle décidé par le chef de la HRFOR après consultation du chef de délégation du CICR. Les HRO informeront les délégués du CICR du calendrier de ces missions, y compris de toute mission supplémentaire que le chef de la HRFOR pourra décider d'entreprendre dans des circonstances exceptionnelles. Les HRO consulteront les délégués du CICR avant toute représentation auprès des autorités concernant des préoccupations issues de ces missions d'établissement des faits. B. Lieux de détention temporaire : postes de secteur et communaux, brigades de gendarmerie et autres

 

2.6. Les délégués du CICR et les HRO rendront visite aux personnes détenues dans des lieux temporaires selon les priorités établies : les délégués du CICR auront pour priorité les conditions de détention sous l'angle du traitement physique et psychologique et des conditions matérielles, jusqu'à confirmation du terme de leur peine; les HRO auront pour priorité d'assurer le respect des garanties judiciaires à l'égard des détenus, dont les circonstances de l'arrestation, la durée de la détention provisoire, l'établissement de dossiers judiciaires individuels, la libération des personnes détenues arbitrairement et la confirmation de la libération.

 

2.7. Les HRO informeront les délégués du CICR des lieux de détention temporaire où ils auront identifié des problèmes aigus relatifs aux conditions de détention ou à de mauvais traitements, afin que ces problèmes puissent être traités avec diligence; et les délégués du CICR informeront les HRO des lieux où ils auront identifié des problèmes sérieux de nature judiciaire.

 

2.8. À l'égard des lieux de détention temporaire, toute représentation orale concernant les domaines prioritaires définis au point 2.6 tombant dans les attributions de l'autre organisation fera l'objet de consultations préalables entre les délégués du CICR et les HRO, en vue d'éviter l'application de normes différentes vis-à-vis de l'autorité, susceptible de mettre les détenus en danger. Il en ira de même pour toute initiative visant à apporter une aide matérielle.

 

2.9. Les actions immédiates requises en cas de sévices survenant en présence des HRO, ou de l'observation de conditions de détention extrêmes, ne seront pas sujettes à consultation préalable. Les HRO en informeront les délégués du CICR, afin de permettre à ces derniers de suivre toute action entreprise. Dans les situations où de telles actions immédiates ne sont pas requises et où les HRO décident d'enquêter sur des cas de mauvais traitements observés, ils continueront de tenir les délégués du CICR informés de leurs résultats et les consulteront avant de faire leurs représentations.

 

2.10. Dans les cas mentionnés aux points 2.6 à 2.9, les délégués du CICR et les HRO ne visiteront pas les lieux de détention temporaire en même temps : cette présence simultanée sera évitée par l'échange hebdomadaire des calendriers de visites aux lieux de détention temporaire et, le cas échéant, par la notification préalable de toute modification.

 

III. ACTIVITÉS DE FORMATION

 

3.1. Les HRO apporteront leur assistance à l'administration pénitentiaire, aux enquêteurs de police, aux tribunaux et aux parquets, en organisant entre autres des cours et séminaires de formation visant à promouvoir le respect des droits de l'homme.

 

3.2. Dans la mesure où ces formations pourront être liés à certains aspects de la détention, les délégués du CICR seront invités à y contribuer en donnant des conférences sur le droit international humanitaire, et sur le mandat et les activités du CICR en matière de visites aux personnes privées de leur liberté.

 

IV. MOYENS DE COMMUNICATION

 

4.1. Les rapports établis par les délégués du CICR sont confidentiels et adressés uniquement aux autorités responsables de la détention. Les HRO établiront leurs divers rapports sur leurs propres conclusions et évaluations et, s'ils mentionnent des informations rendues publiques par le CICR, feront état de la source de ces informations.

 

4.2. Aux fins de l'application des présentes directives, les deux chefs de mission s'accordent pour échanger leurs informations comme suit :

 

- Les délégués du CICR ne pourront communiquer aux HRO que :

 

 

- le nombre total des détenus et des lieux visités; - les lieux de détention où la situation judiciaire des détenus soulève des préoccupations particulières;

- les requêtes individuelles des détenus, régulièrement visités par les deux équipes, concernant leur situation judiciaire.

- Les HRO informeront les délégués du CICR des lieux de détention temporaire où se posent des problèmes aigus relatifs aux conditions de détention et de traitement.

 

 

4.3. Des réunions régulières, hebdomadaires au moins, entre représentants des deux organisations, seront tenues dans les préfectures où ils sont affectés, en vue de coordonner leurs activités comme indiqué ci-dessus.

 

4.4. Des réunions mensuelles, et toute autre réunion jugée nécessaire, seront tenues à Kigali entre les représentants des deux organisations, en vue d'assurer l'application effective des présentes directives.

 

 

Kigali, 21 mars 1996

 

 

 

Ian Martin

Chef de la Mission HRFOR

Philippe Lazzarini

Chef de délégation du CICR au Rwanda

 


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