MANUEL DE FORMATION SUR LA SURVEILLANCE DES DROITS HUMAINS

CHAPITRE 14: L'OBSERVATION DES ELECTIONS


 

MATIÈRES

A. Introduction

B. Normes Internationales Relatives aux Élections Libres et Régulières

1. La Participation aux Affaires Publiques et la Non-Discrimination

2. Les Droits Indispensables

C. Les Objectifs de l'Observation des Élections

D. Sélection des HRO comme Observateurs des Élections

E. La Durée de l'Observation

F. Faire Part de l'Observation aux Autorités

G. Contacts et Entretiens

1. Questions Essentielles Relatives aux Droits de l’Homme

2. Les Groupes Intéressés

3. L’Infrastructure Nationale

H. Les Déplacements

I. Le Monitoring des Élections

1. Le Monitoring des Préparatifs Pré-électoraux et de la Période de Campagne

a. L’Élaboration des Lois et Procédures Électorales

b. Le Monitoring de l’Administration Électorale

c. Le Monitoring des Inscriptions

d. Le Monitoring de l’Éducation Civique

e. Le Monitoring des Médias

2. Le Monitoring du Vote

3. Le Monitoring du Décompte

4. Le Monitoring des Résultats et du Suivi

 

A. INTRODUCTION (1)

 

1. L’ONU a été impliquée dans des processus électoraux d’au moins quatre manières. La première a consisté à organiser et superviser des élections, dans des pays comme la Namibie. Dans ce cas, l’ONU organise pratiquement tous les aspects du processus électoral. La deuxième est la surveillance des élections, par l’accréditation d’un représentant spécial du Secrétaire général confirmant la validité de certains aspects essentiels du processus électoral. Dans la troisième, le processus électoral est organisé et administré par un organe national, et l’ONU est priée d’observer les élections et de vérifier si le processus s’effectue dans la liberté et la régularité.

 

2. Dans ces trois cas de figure de participation de l’ONU à un processus électoral, l’ensemble des cinq conditions suivantes doivent être réunies :

 

(1) Une demande expresse a été reçue de l’État concerné;

 

(2) La participation de l’ONU bénéficie d’un large soutien dans l’opinion publique;

 

(3) Les délais sont suffisants pour que l’ONU puisse mener une mission étendue;

 

(4) La situation a manifestement une dimension internationale;

 

(5) Une décision favorable a été prise par un organe compétent de l’ONU (c’est-à-dire par l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité).

 

3. Avant toute participation à un processus électoral, le siège de l’ONU (ou la mission de droits de l’homme) étudiera les questions suivantes avec le plus grand soin :

 

(1) Existe-t-il une situation de violations grossières des droits de l’homme ?

 

(2) La portée de l’assistance demandée est-elle appropriée ?

 

(3) La participation de l’ONU favorisera-t-elle une confiance injustifiée envers un processus défectueux ou malhonnête ?

 

(4) Les conseils de l’ONU seront-ils appliqués par le gouvernement et les grands acteurs politiques ?

 

4. Un quatrième type de participation de l’ONU dans l’amélioration des capacités nationales couvre les aspects matériels, infrastructurels, juridiques et relatifs aux droits de l’homme des élections. Les demandes d’assistance technique peuvent être satisfaites rapidement, sans que cette demande ait besoin d’être examinée par un organe directeur de l’ONU.

 

5. Des choix stratégiques devront intervenir quant à la forme que prendra la participation de l’ONU. Bien évidemment, le rôle de la mission de terrain de l’ONU changera selon la nature de son mandat. Il est fréquemment demandé aux observateurs de l’ONU et d’autres organisations de jouer plusieurs rôles dans un processus électoral, par exemple aider à préparer les élections, puis les observer. Or il est difficile aux personnes mêmes ayant contribué à préparer un processus électoral de demeurer parfaitement impartiales dans l’observation des résultats de leurs propres efforts. En revanche, en règle générale, la mission de terrain et ses fonctionnaires devraient, notamment en matière d’observation électorale, demeurer neutres, et être perçus comme tels, à l’égard des résultats du vote.

 

6. Quel que soit le rôle spécifique attribué à l’observateur électoral de l’ONU, sa présence peut contribuer à assurer l’intégrité du processus électoral. Ainsi, les HRO faisant fonction d’observateurs électoraux sont en mesure de rendre compte du respect par le pays des droits politiques. En outre, les HRO pourront évaluer le degré de respect par le gouvernement des droits à la liberté d’expression, à la liberté d’association, à ne pas être inquiété pour ses opinions, à se réunir pacifiquement, etc. Enfin, ces fonctionnaires pourront mettre à profit l’ouverture relative de la période électorale pour enquêter sur des rapports spécifiques concernant des violations de droits de l’homme.

 

7. Le présent chapitre du Manuel s’attache essentiellement au troisième type de participation de l’ONU : l’observation et la validation du processus électoral, dans lequel la mission de droits de l’homme a davantage de chances d’être appelée à participer que dans les autres types d’intervention. Si mettre en œuvre des élections, comme en Namibie, exige d’énormes ressources et de très grandes compétences, l’observation et la validation requièrent elles aussi à la fois des ressources et des compétences étendues. En outre, observer des élections est susceptible de placer la mission de droits de l’homme dans une situation très délicate, ce qui risque de faire obstacle à ses autres fonctions de monitoring et de mettre en cause le maintien de la neutralité requise. Par conséquent, la décision de contribuer au monitoring d’élections doit faire l’objet d’une réflexion approfondie. Néanmoins, diverses missions de droits de l’homme ont reçu le mandat de procéder à l’observation et à la validation de processus électoraux.

 

8. Ce chapitre comprend un survol des normes internationales relatives aux droits de l’homme concernant les élections libres et régulières, ainsi qu’une analyse des questions et techniques ayant trait à l’observation d’élections. Il se fonde essentiellement sur “Droits de l’homme et élections: Guide des élections : aspects juridiques, techniques et relatifs aux droits de l’homme”, publication de ce qui était alors le Centre pour les droits de l’homme (2). L’Annexe I reproduit les Directives du HCDH pour l’assistance, le monitoring et l’observation des élections: Liste de contrôle pour l’examen des dispositifs électoraux du point de vue des droits de l’homme.

 

B. NORMES INTERNATIONALES RELATIVES AUX ÉLECTIONS LIBRES ET RÉGULIÈRES

 

1. La participation aux affaires publiques et la non-discrimination

 

9. Le droit de toute personne de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays est un droit fondamental de l’homme (3). Or Les élections jouent un rôle important pour assurer le respect du droit à la participation politique. L’article 21(3) de la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose ainsi : “La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.”

 

10. En outre, le Pacte relatif aux droits civils et politiques garantit à son article 25(b) que tout citoyen a le droit et la possibilité “[d]e voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs”.

 

11. Les organisations régionales ont elles aussi affirmé le droit de prendre part à des élections libres et honnêtes. Selon l’article 3 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, les États parties “s’engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret [...]”. Le document final de la réunion de Copenhague de la Conférence sur la dimension humaine de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe déclare que des élections libres organisées à intervalles raisonnables au scrutin secret sont essentielles à l’expression complète de la dignité inhérente à la personne humaine et des droits égaux et inaliénables de tous les êtres humains. Par ailleurs, en 1994, le Conseil de l’Union interparlementaire a adopté à l’unanimité une Déclaration sur les critères pour des élections libres et régulières.

 

12. L’article 20 de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme et l’article 23(1)(b) de la Convention américaine relative aux droits de l’homme garantissent le droit des citoyens “d’élire et d’être élus dans le cadre de consultations périodiques authentiques”. En outre, l’article 13(1) dispose : “Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays [...].”

 

13. De plus, le droit de participer à des élections libres et régulières est applicable de manière universelle et sans discrimination. L’article 1 de la Convention sur les droits politiques de la femme et l’article 7(a) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes établissent que les femmes ont le droit de vote dans toutes les élections, dans des conditions d’égalité avec les hommes. Selon l’article 5(c) de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, “les États parties s’engagent à interdire et à éliminer la discrimination raciale sous toutes ses formes et à garantir le droit de chacun à l’égalité devant la loi sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique, notamment dans la jouissance des droits [...] politiques, notamment droit de participer aux élections — de voter et d’être candidat — selon le système du suffrage universel et égal, droit de prendre part au gouvernement ainsi qu’à la direction des affaires publiques, à tous les échelons, et droit d’accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques”. (Voir également la Déclaration universelle des droits de l’homme, article 2; le Pacte relatif aux droits civils et politiques, article 2.)

 

2. Les droits indispensables (4)

 

14. Les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme protègent également un certain nombre de droits fondamentaux, dont la jouissance est essentielle pour qu’un processus électoral soit significatif.. Le droit de participer à des élections libres et régulières implique ces droits, et notamment :

 

le droit à la liberté d’expression — Le processus électoral est un mécanisme dont l’objet même est l’expression de la volonté politique du peuple. Le droit d’exprimer des idées partisanes doit donc être fermement protégé en période d’élections (5).

 

le droit à la liberté d’opinion — La liberté absolue d’exprimer une opinion politique est impérative dans le contexte électoral puisque l’affirmation authentique de la volonté populaire est impossible dans un climat où cette liberté est absente ou restreinte d’une quelconque façon (6).

 

le droit de réunion pacifique — Le droit de réunion doit être respecté dans la mesure où les manifestations publiques et les rassemblements politiques font partie intégrante du processus électoral et constituent un mécanisme efficace pour la diffusion de l’information politique (7).

 

le droit à la liberté d’association — Ce droit inclut clairement le droit de constituer des organisations politiques et d’y adhérer. Il est essentiel qu’il soit respecté au cours du processus électoral, puisque la possibilité de constituer des organisations politiques et d’y adhérer est l’un des moyens les plus importants pour la population de participer au processus démocratique (8).

 

15. On trouvera au Chapitre 4 “Introduction aux normes du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire” des éléments plus détaillés concernant les normes internationales relatives à ces droits. Parmi les autres droits liés au processus électoral, on peut citer les droits à la liberté de circulation, à créer des syndicats, à participer à la conduite des affaires publiques, à ne pas subir de discriminations fondées sur des bases politiques, et même, dans des circonstances particulièrement difficiles, le droit à ne pas être arbitrairement privé de la vie.

 

C. LES OBJECTIFS DE L’OBSERVATION DES ÉLECTIONS

 

16. Le monitoring des élections peut viser au moins sept objectifs importants :

Tout d’abord, l’objectif premier consiste à assurer que soit conduite une évaluation indépendante, impartiale et objective du processus électoral.

• En deuxième lieu, le monitoring peut avoir pour but de favoriser l’acceptation des résultats du vote.

Troisièmement, l’observation des élections peut avoir pour but d’encourager la participation et d’accroître la confiance des électeurs envers le processus électoral.

• Le quatrième objectif consiste à s’assurer de la régularité du processus électoral, y compris en évitant et en détectant les violences, les intimidations et les fraudes.

Cinquièmement, il est nécessaire d’exercer un monitoring de la protection de tous les droits de l’homme en période électorale.

Sixièmement, le monitoring électoral facilite la résolution des conflits, notamment pour ce qui est des questions relatives au processus électoral.

Septièmement, le monitoring électoral peut apporter un soutien indirect à l’éducation civique et à la construction d’une société civile.

 

D. SÉLECTION DES HRO COMME OBSERVATEURS DES ÉLECTIONS

 

17. Toute délégation d’observateurs des élections se composera de deux membres au minimum. Cependant, dans les meilleurs des cas, elles comprendront bien plus de deux HRO. Il est important de prévoir un nombre suffisant d’observateurs pour que leur présence soit assurée dans un nombre adéquat de lieux de vote et de manifestations électorales. Pour déterminer les effectifs de la délégation d’observateurs, on prendra en compte divers facteurs comme les dimensions du pays, sa population, et le nombre des bureaux de vote.

 

18. De même, divers facteurs interviendront dans la sélection des observateurs. Moins ils seront nombreux, plus il sera important que chacun ait une réputation établie d’indépendance, d’impartialité et d’objectivité, au-delà des qualifications normales du HRO. Les aptitudes linguistiques sont elles aussi importantes. L’expérience de l’administration des élections ou de la politique constitue un autre facteur.

 

19. Les observateurs des élections doivent bien comprendre le mandat et les méthodes de la mission de terrain. En outre, ils devront être bien informés de l’histoire, de la politique actuelle, de la culture locale et du processus électoral du pays dans lequel se déroule celui-ci, faute de quoi il faudra les lui exposer.

 

E. LA DURÉE DE L’OBSERVATION

 

20. Pour être significative, la participation des HRO en tant qu’observateurs exige leur présence dès le début du processus électoral. Si les HRO affectés comme observateurs ne sont pas habituellement en poste dans le pays, il sera préférable qu’ils visitent le site des élections au moins deux fois : une fois pour examiner les préparatifs des élections et la campagne politique, et une seconde fois pour observer les élections elles-mêmes et le décompte des votes. Les HRO en observation d’élections devront prévoir une visite d’au moins sept jours. Les observateurs emploieront ce temps à rencontrer les principaux acteurs du processus électoral, à visiter l’intérieur du pays, à évaluer les préparatifs du vote, y compris les inscriptions sur les listes électorales, à observer le déroulement de la journée du vote, et à effectuer le monitoring du décompte.

 

F. FAIRE PART DE L’OBSERVATION AUX AUTORITÉS

 

21. Si les HRO sont appelés à servir d’observateurs des élections, leur présence devra être expressément autorisée par le mandat de la mission, par la loi électorale, par les procédures et/ou par les officiels. En raison de la visibilité du processus électoral, le rôle de l’observateur sera clairement décrit dans les supports d’information publics.

 

22. Au début du processus d’observation, les HRO devront annoncer leur présence sur le site des élections. Ils expliqueront également les objectifs spécifiques de l’observation. Ils mettront de même en avant l’indépendance et l’impartialité des HRO dans leur rôle d’observateurs électoraux, et la disponibilité de la mission de droits de l’homme vis-à-vis de tout commentaire.

 

G. CONTACTS ET ENTRETIENS

 

23. Les HRO affectés à l’observation des élections chercheront à rencontrer un certain nombre des acteurs du processus politique. Il est important d’organiser des réunions, aussi bien avant qu’après le vote, avec les autorités gouvernementales, des dirigeants politiques et des candidats. Ils essaieront également de rencontrer des membres de l’organisme gouvernemental chargé d’administrer les élections, ainsi que des représentants d’organisations comme les syndicats, les organisations professionnelles, les groupes investis dans les droits de l’homme, etc. Lors de leurs réunions avec des membres de telles organisations, les HRO devront s’enquérir d’éventuelles doléances spécifiques concernant le processus électoral.

 

1. Questions essentielles relatives aux droits de l’homme

 

24. En général, les HRO agissant comme observateurs électoraux devront savoir si (9):

 

(1) les libertés de circulation, de réunion, d’association et d’expression ont été respectées tout au long de la période électorale;

 

(2) tous les partis ont mené leurs activités politiques dans le cadre de la loi;

 

(3) quelque parti politique ou groupe d’intérêt particulier que ce soit a été soumis à des restrictions arbitraires et non nécessaires quant à son accès aux médias ou plus généralement vis-à-vis de sa liberté de faire connaître ses positions;

 

(4) les partis, les candidats et les militants ont joui d’une sécurité égale;

 

(5) les électeurs ont été en mesure de déposer leurs bulletins librement, sans crainte ni intimidation;

 

(6) le secret du scrutin a été observé;

 

(7) la conduite d’ensemble du scrutin a été de nature à éviter les fraudes et les illégalités.

 

2. Les groupes intéressés

 

25. Les HRO chercheront à déterminer la position et les impressions des groupes intéressés en posant les questions suivantes :

 

(1) Quelles sont les préoccupations de chacun des partis politiques en lice ?

 

(2) Quelles sont les préoccupations des organisations non-gouvernementales locales actives dans le domaine des droits de l’homme ?

 

(3) Quelles sont les préoccupations des organisations internationales intéressées s’occupant des droits de l’homme ?

 

(4) Quelles sont les préoccupations de la communauté des juristes ?

 

(5) Tous les acteurs nationaux majeurs ont-ils publiquement accepté de se soumettre au résultat des élections ?

 

(6) Quelles sont les préoccupations de la communauté diplomatique ?

 

3. L’infrastructure nationale

 

26. Le HRO faisant fonction d’observateur électoral devra aussi étudier les infrastructures existantes du pays et répondre aux questions suivantes :

 

(1) Les structures administratives nationales ont-elles l’expérience de l’organisation d’élections libres et régulières ?

 

(2) Les partis politiques ont-ils l’expérience de la compétition électorale multipartite ?

 

(3) Les partis politiques ont-ils la capacité de concourir dans les élections qui s’annoncent ?

 

(4) Le système judiciaire est-il suffisamment indépendant et opérationnel pour lui permettre de trancher en matière électorale ?

 

27. Par ailleurs, le HRO devra déterminer les points suivants concernant les lois et procédures du pays :

 

(1) Les lois et procédures respectent-elles les normes internationales ?

 

(2) Reflètent-elles les besoins, aspirations et réalités historiques spécifiques de la population concernée ?

 

(3) Expriment-elles la volonté politique et les droits à l’autodétermination de la population ?

 

H. LES DÉPLACEMENTS

 

28. Il est d’une importance toute particulière que les HRO servant d’observateurs électoraux disposent de la liberté de circulation et d’accès. Aux termes du mandat de base de la mission, ils doivent également être protégés contre toute atteinte ou ingérence dans l’exercice de leurs fonctions officielles.

 

29. Étant donné que des incidents de campagne et des fraudes électorales peuvent se produire partout dans le pays, les fonctionnaires devraient se déplacer autant que possible de façon à parvenir à une évaluation exacte du processus électoral. Pour ces déplacements, les HRO n’utiliseront pas d’escortes gouvernementales ou militaires. Voyager avec des forces de sécurité gouvernementales, des autorités gouvernementales ou des représentants de partis risquerait en effet d’intimider les personnes à interroger.

 

I. LE MONITORING DES ÉLECTIONS (10)

 

30. Pour observer un processus électoral, la mission de droits de l’homme répartira ses efforts en quatre phases : préparatifs pré-électoraux et période de campagne, vote, décompte et suivi post-électoral.

 

1. Le monitoring des préparatifs pré-électoraux et de la période de campagne

 

a. l’élaboration des lois et procédures électorales

 

31. Le processus d’identification et de délimitation des circonscriptions électorales doit respecter la norme internationale de suffrage égal. Ces délimitations ne doivent pas être conçues pour diluer ou écarter les suffrages de groupes particuliers ou de régions géographiques.

 

32. Des procédures équitables de délimitation des circonscriptions prendront en compte toute une gamme d’informations, dont les données démographiques disponibles, la continuité du territoire, la répartition géographique, la topographie, etc. Si cette délimitation repose sur des données censitaires, les HRO devront vérifier si le recensement reflète la réalité. De plus, les bureaux de vote seront répartis de manière à garantir un égal accès à l’intérieur de chaque circonscription.

 

33. Les lois et procédures électorales doivent éviter qu’un avantage indu soit accordé aux candidats bénéficiant du soutien du gouvernement. Les dispositions relatives à l’habilitation des candidats seront claires et n’établiront pas de discrimination à l’encontre des femmes ou de groupes raciaux ou ethniques particuliers. L’incapacité ne pourra être prononcée qu’après examen indépendant.

 

34. Les partis politiques ne devront pas être confrontés à des restrictions excessives pour participer ou faire campagne. La loi protégera les noms et symboles des partis. Les procédures de désignation des assesseurs des partis, celles concernant les lieux et dates de nomination, et celles concernant le financement des campagnes, devront être clairement établies par la loi. En outre, le calendrier électoral devra prévoir un délai suffisant pour la campagne et les efforts d’information publique.

 

b. Le monitoring de l’administration électorale

 

35. Les dispositions de la loi devraient assurer que des structures administratives objectives, neutres, indépendantes et efficaces soient en place. Le HRO attachera une attention particulière au recrutement, à la rémunération, aux tâches, aux pouvoirs, aux qualifications et aux structures de rapport du personnel électoral. Le HRO posera les questions suivantes : (1) Une ligne unique d’autorité de dernier recours est-elle établie ?; (2) La méthode de recrutement est-elle objective et neutre ?; (3) Les compensations prévues sont-elles potentiellement corruptrices ?

 

36. À tous les niveaux, le personnel doit avoir les compétences nécessaires pour bien s’acquitter de son travail; ce personnel doit également être à l’écart des préjugés et des pressions politiques. Tous les employés électoraux recevront impérativement une formation préalable. Toutes les activités électorales, y compris le processus de décision, le processus juridique, et l’organisation des événements, seront conduites de façon entièrement transparente. De plus, un consensus devrait se faire dans l’opinion publique quant aux structures administratives.

 

c. Le monitoring des inscriptions

 

37. S’il est proposé aux électeurs de s’inscrire par avance, le processus devra être établi avec soin pour assurer la régularité et l’efficacité des dispositions concernant la capacité de l’électeur, les conditions résidentielles, les listes électorales, les registres, et les moyens mis à disposition pour contrôler ces documents. Les listes électorales doivent être accessibles aux parties intéressées. S’il n’est pas prévu de procéder à des inscriptions préalables au vote, il sera nécessaire de mettre en place des mesures alternatives pour prévenir le double vote (par exemple par l’utilisation d’encres indélébiles) et le vote par des personnes non qualifiées.

 

38. Les facteurs d’incapacitation ne doivent pas constituer des discriminations interdites, et ils devraient être aussi limités que possible, de manière à donner accès au scrutin à la plus large part possible de la population. Les procédures d’enregistrement doivent pouvoir admettre la participation la plus large, et éviter d’opposer sans nécessité des barrières techniques à la participation de personnes par ailleurs qualifiées.

 

d. Le monitoring de l’éducation civique

 

39. Des financements et une administration devront être assurés pour des campagnes objectives et non-partisanes d’éducation et d’information des électeurs. Toute campagne d’éducation des électeurs se fondera sur l’expérience électorale de la population. Le public sera entièrement informé sur où, quand et comment voter. Il se verra également expliquer les raisons de l’importance du vote.

 

40. La documentation sera largement diffusée, et publiée dans les diverses langues locales pour contribuer à une participation significative de tous les électeurs qualifiés. L’éducation des électeurs encouragera la participation de tous, y compris des membres des minorités ethniques et des femmes. On emploiera des méthodes multimédia pour apporter une éducation civique efficace à des personnes alphabétisées à des degrés divers. Les campagnes d’éducation des électeurs devront couvrir tout le territoire du pays, y compris les zones rurales et écartées.

 

e. Le monitoring des médias

 

41. Les mécanismes permettant un accès équitable aux médias aux candidats et aux partis sont d’une importance particulière lorsque les grands médias d’information sont contrôlés par le gouvernement. La réglementation des médias devra prévoir des garde-fous vis-à-vis de la censure politique, de tout avantage gouvernemental indu, et de toute inégalité d’accès au cours de la période de campagne. Un accès équitable aux médias ne suppose pas seulement l’égalité du temps et de l’espace impartis, mais également de prêter attention aux horaires de diffusion et aux emplacements réservés aux messages imprimés. Les HRO tenteront également d’établir s’il existe un accord élargi quant au système réglementaire des médias.

 

42. Les HRO affectés à l’observation des élections devront procéder au monitoring des médias à la fois au niveau local et au niveau national. Le monitoring des émissions politiques, des émissions d’éducation civique, et de l’allocation de temps de parole aux divers partis politiques permet d’évaluer l’accès des participants au processus politique.

 

2. Le monitoring du vote

 

43. Le jour du vote, les HRO chercheront à couvrir le plus grand nombre de bureaux possible. Ils prendront le plus grand soin d’observer les principes suivants.

 

44. Toute élection libre et régulière doit être guidée par des dispositions détaillées concernant la forme des bulletins, la conception des urnes et des isoloirs, et la façon de voter. Ces dispositions devraient mettre le processus à l’abri des pratiques frauduleuses tout en respectant le secret du vote.

 

45. Les bulletins devront être présentés clairement et contenir des informations identiques dans toutes les langues locales. Pour éviter la fraude et donner des chances égales à tous les participants, en revanche, les noms des candidats et des partis prendront sur le bulletin des positions tournantes. En outre, le bulletin de vote tiendra compte des divers niveaux d’alphabétisation dans le pays. Des dispositions seront prises concernant les procurations et l’abstention, afin de favoriser la participation la plus large possible, sans pour autant compromettre la sécurité du vote. Les électeurs ayant des besoins particuliers (comme les handicapés, les personnes âgées, les étudiants, les conscrits, les travailleurs, les personnels expatriés et les prisonniers ayant conservé leurs droits civiques) devront faire l’objet d’arrangements, sans pour autant compromettre la sécurité du vote.

 

46. Le matériel électoral sera disponible en quantités suffisantes sur chaque lieu de vote. Le personnel électoral disposera de directives précises pour l’admission et l’identification des électeurs qualifiés. Les questions à poser aux électeurs seront statutairement limitées. Enfin, les HRO seront attentifs à tout signe d’intimidation des électeurs ou de traitement discriminatoire des électeurs.

 

47. Les HRO ne se mêleront pas du processus de scrutin, à moins que leur assistance ne soit requise par les autorités. Savoir si le HRO doit ou non donner suite à de telles demandes d’assistance dépendra des circonstances du moment. En prenant une décision à ce propos, les HRO aura à l’esprit son statut d’“observateur”, et fera en sorte qu’aucune action entreprise ne puisse en quoi que ce soit être perçu comme partisane, ou mal interprétée de quelque autre façon. Les problèmes sérieux devront être rapportés aux autorités électorales centrales.

 

3. Le monitoring du décompte

 

48. Il est particulièrement important que les HRO soient présents à la clôture du scrutin et lors du dépouillement des bulletins. Le décompte sera ouvert par les parties concernées à l’observation officielle, y compris par des observateurs nationaux et internationaux. Tous les bulletins, délivrés, non délivrés ou endommagés, doivent pouvoir se retrouver systématiquement. Les processus de comptage des voix, de vérification, de compte-rendu des résultats, et de conservation des documents officiels, doivent être sûrs et réguliers. En cas de doute sur les résultats, des procédures de recomptage doivent être prévues. Dans l’idéal, des procédures de vérification alternatives et indépendantes seront en place, telles qu’une tabulation parallèle des suffrages.

 

49. Les HRO devront déterminer si les personnes qui se voient refuser le droit de voter ont accès à une réparation substantielle. La loi doit garantir le droit de contester les résultats des élections, et le droit des parties lésées à obtenir réparation. Le processus d’appel devra préciser l’étendue de l’examen réalisable, les procédures de sa mise en route, et les pouvoirs de l’organe judiciaire indépendant chargé d’un tel examen.

 

4. Le monitoring des résultats et du suivi

 

50. Immédiatement après les élections, les médias demandent habituellement à l’ONU et autres observateurs internationaux de se prononcer quant au caractère libre et régulier de ces élections. Il est impossible d’émettre aussi rapidement un jugement définitif, puisque les plaintes n’auront pas encore été enregistrées et que l’on ne disposera pas encore des informations provenant de la campagne. Cependant, pour tirer profit de l’attention des médias, il sera généralement nécessaire que le siège de l’ONU ou le Représentant spécial du Secrétaire général fasse une déclaration provisoire et qualifiée sur la base des informations disponibles à ce moment.

 

51. Ce n’est qu’après que les plaintes aient été reçues des partis politiques d’opposition, des électeurs et d’autres, que les HRO pourront se faire une idée complète des événements. Après que les HRO auront enquêté sur les plaintes pour déterminer si elles sont fondées, et déterminé si leurs causes ont pu affecter les résultats, la direction de la mission de droits de l’homme ayant effectué le monitoring des élections sera en mesure d’estimer si celles si ont été libres et régulières ou non. Cependant,, toute annonce d’une telle évaluation est généralement émise par le siège de l’ONU, le Représentant spécial du Secrétaire général, ou, après consultation et autorisation, par la direction de la mission. En aucune circonstance le HRO ou l’observateur électoral ne devra prendre sur lui de s’adresser aux médias pour évaluer ou juger de toute autre manière les élections ou leurs résultats.

 

 

 

___________________

1. Les éléments de cette partie se fondent essentiellement sur Haut commissariat aux droits de l'homme, Droits de l'homme et élections - Guide des élections : aspects juridiques, techniques et relatifs aux droits de l'homme, Série de formation professionnelle n° 2, UN Doc. HR/P/PT/2 (1994).

2. Voir note &&. Voir également Larry Gerber, Guidelines for International Election Observing (1984); Guy D. Goodwin-Gill, Free and Fair Elections : International Law and Practice (1994); OSCE/ODIHR Election Observation Handbook (1996); Hege Araldsen et Oyvind W. Thiis, "Election Observation", Manual on Human Rights Monitoring (Norwegian Institute of Human Rights 1997).

3. Déclaration universelle des droits de l'homme, article 21(1).

4. Droits de l'homme et élections, Centre pour les droits de l'homme, Chapitre III, pp. 6-8.

5. id., p. 7.

6. id., p. 7.

7. id., p. 8.

8. id., p. 8.

9. Guy S. Goodwin-Gill, Free and Fair Elections : International Law and Practice 62 (1994).

10. Cette partie se fonde essentiellement sur Centre pour les droits de l'homme, Droits de l'homme et élections, UN Doc. HR/P/PT/2 (1994).

 


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