REMERCIEMENTS
Ces Principes ont été discuté et adopté par un groupe international dexperts dont les noms figurent en Appendice A. La traduction du document en francais a été executée par Véronique Lerch
ARTICLE 19 est reconnaissant envers lAgence suédoise de développement international pour son soutien financer pour la rédaction des Principes de Johannesbourg et la Commission Européenne pour son soutien financeir pour la traduction en français.
INTRODUCTION
Ces Principes ont été adoptés le 1er octobre 1995 par un groupe d'experts en droit international, sécurité nationale et droits humains réunis à Johannesbourg par ARTICLE 19, le Centre international contre la censure, en collaboration avec le Centre d'études de droit appliquées de l'Université de Witwatersrand.
Ces Principes sont basés sur le droit international et régional ainsi que sur des normes se rapportant à la protection des droits humains, la pratique évolutive des états (qui se reflète entre autres dans les jugements des jurisidictions nationales) et les principes généraux de droit reconnus par la communauté des nations.
Ces Principes reconnaissent l'applicabilité durable des Principes de Syracuse relatifs aux dispositions limitatives et dérogatoires au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l'applicabilité des Standards minimums de Paris relatifs aux normes de droits de lhomme en état d'urgence. (1)
PREAMBULE
Les participants à la rédaction de ces Principes:
Considérant, conformément aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde;
Convaincus qu'il est essentiel que les droits humains soient protégés par la loi afin que les individus ne soient pas poussés en dernier recours à la rebellion contre la tyrannie et l'oppression;
Réaffirmant leur conviction que la liberté d'expression et la liberté d'information sont essentielles dans une société démocratique pour son progrès et afin que d'autres droits humains et libertés fondamentales puissent être exercés;
Tenant compte des dispositions de la Déclaration universelle des droits de lhomme, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Convention des Nations Unies des droits de lenfant, des Principes fondamentaux de lONU relatifs à lindépendance du pouvoir judiciare, de la Charte africaine des droits de lhomme et des peuples, de la Convention américaine relative aux droits de lhomme et de la Convention européenne des droits de lhomme;
Extrêmement conscients que certaines des violations les plus graves des droits humains sont justifiées par les gouvernements comme étant nécessaires pour protéger la sécurité nationale;
Conscients quil est impératif que les personnes aient accès aux informations détenues par le gouvernment pour qu'elles soient capables de surveiller la conduite de leur gouvernement et de participer entièrement à la vie dune société démocratique;
Désireux de promouvoir une identification indiscutable du champ d'application limité des restrictions à la liberté dexpression et à la liberté dinformation qui peuvent être imposées dans lintérêt de la sécurité nationale, de manière à dissuader les gouvernments dutiliser la sécurité nationale comme un prétexte pour restreindre ces libertés de manière injustifiée;
Reconnaissant la nécessité dune protection légale de ces libertés par la promulgation de lois rédigées de manière précise et étroite et qui correspondent aux exigences d'un Etat de Droit; et
Réaffirmant le besoin dune protection judiciaire de ces libertés par des cours indépendantes;
Conviennent dadopter les Principes suivants et recommandent que les organes concernés au niveau national, régional et international prennent des mesures pour promouvoir leur large dissémination, adoption, et réalisation:
I PRINCIPES GENERAUX
Principe 1 : Liberté dopinion, dexpression et dinformation
Principe 1.1: Prévue par la loi
Principe 1.2: Protection dun intérêt légitime de sécurité nationale
Toute restriction de lexpression ou de linformation quun gouvernement cherche à justifier par des motifs de sécurité nationale doit avoir comme véritable but et comme effet démontrable de protéger un intérêt légitime de sécurité nationale.
Principe 1. 3: Nécessaire dans une société démocratique
Pour établir quune restriction de la liberté dexpression ou dinformation est nécessaire pour protéger un intérêt légitime de sécurité nationale, un gouvernement doit démontrer que:
Principe 2: Un intérêt légitime de sécurité nationale
(a) Une restriction quun gouvernement tenterait de justifier par des raisons de sécurité nationale n'est pas légitime à moins que son véritable but et son effet démontrable ne soit de protéger l'existence d'un pays ou son intégrité territoriale contre l'usage ou la menace d'usage de la force que cela vienne de l'extérieur, comme par exemple une menace militaire, ou de l'intérieur, telle l'incitation au renversement d'un gouvernment.
(b) En particulier, une restriction quun gouvernement tenterait de justifier par des raisons de sécurité nationale n'est pas légitime si son véritable but et son effet démontrable est de protéger des intérêts ne concernant pas la sécurité nationale, comme par exemple de protéger un gouvernment de l'embarras ou de la découverte de ses fautes, ou pour dissimuler des informations sur le fonctionnement des institutions publiques, ou pour imposer une certaine idéologie, ou pour réprimer des troubles sociaux.
Principe 3: Etat d'urgence
Dans les cas où létat durgence est déclaré par la loi en accord avec le droit national et international et quil y a une menace pour la vie du pays, un Etat peut imposer des restrictions à la liberté d'expression et d'information conformément aux exigences de la situation et sous réserve que ces restrictions ne soient pas incompatibles avec les autres obligations de droit international du gouvernment.
Principe 4: Interdiction de la discrimination
En aucun cas, une restriction de la liberté d'expression ou d'information pour des raisons de sécurité nationale ne peut entraîner de discriminations fondées sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou tout autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la nationalité, la propriété, la naissance ou tout autre statut.
II RESTRICTIONS DE LA LIBERTE D'EXPRESSION
Principe 5: Protection des opinions
Nul ne peut être soumis à une quelconque restriction, contrainte ou sanction en raison de ses opinions et de ses convictions.
Principe 6: L'expression qui peut menacer la sécurité nationale
Sous réserve des principes 15 et 16, l'expression ne pourra pas être punie comme menaçant la sûreté nationale à moins que le gouvernment ne puisse prouver que:
Principe 7: L'expression protégée
(b) Nul ne peut être puni pour avoir critiqué ou insulté la nation, l'Etat ou ses symboles, le gouvernement, ses institutions ou ses fonctionnaires, ou une nation étrangère, un Etat étranger ou ses symboles, son gouvernment, ses institutions ou ses fonctionnaires à moins que la critique ou l'insulte ne soit destinée à inciter à la violence imminente.
Principe 8: La simple publicité d'activités qui peuvent menacer la sécurité nationale
L'expression ne peut pas être empêchée ou punie simplement parce qu'elle transmet une information provenant ou à propos d'une organisation qu'un gouvernement a déclaré menaçante pour la sécurité nationale ou pour toute autre raison ayant un lien avec la sûreté nationale.
Principe 9: L'utilisation d'une autre langue ou d'une langue minoritaire
L'expression écrite ou orale ne peut jamais être empêchée en raison de la langue utilisée et particulièrement si il s'agit de la langue d'une minorité nationale.
Principe 10: L'interférence illégale avec l'expression de tierces personnes
Les gouvernements sont obligés de prendre des mesures raisonables pour empêcher des groupes privés ou des individus de s'immiscer illégalement dans l'exercice non violent de la liberté d'expression, même lorsque cette expression critique le gouvernement et ses décisions. En particulier, les gouvernements sont obligés de condamner les actions illégales qui ont pour but de supprimer la liberté d'expression, d'enquêter et poursuivre en justice ceux qui en sont responsables.
III RESTRICTIONS DE LA LIBERTE D'INFORMATION
Principe 11: Règle générale de l'accès à l'information
Toute personne a le droit d'obtenir des informations des autorités publiques, y compris des informations concernant la sécurité nationale. Aucune restriction de ce droit ne peut être imposée pour des raisons de sécurité nationale à moins que le gouvernement ne puisse prouver que cette restriction est prévue par la loi et est nécessaire dans une société démocratique pour protéger un intérêt légitime de sécurité nationale.
Principe 12: Défintion étroite de l'exception de sécurité
Un Etat ne peut pas systématiquement refuser l'accès à toute information concernant la sécurité nationale, mais doit préciser dans la loi les catégories précises et étroites d'information qu'il est nécessaire de ne pas divulguer pour protéger un intérêt légitime de sécurité nationale.
Principe 13: Intérêt public de la divulgation
Dans toutes les lois et les décisions concernant le droit d'obtenir l'information, l'intérêt public de connaître cette information doit être une préoccupation primordiale.
Principe 14: Le droit à un contrôle indépendant du refus de donner l'information
L'Etat est obligé d'adopter les mesures appropriées pour mettre en vigueur le droit d'obtenir l'information. Ces mesures doivent exiger que les autorités, si elles refusent de satisfaire une demande dinformation, précisent par écrit le plus tôt raisonablement possible les raisons du refus; et ces mesures doivent prévoir un droit de contrôle des raisons et de la validité du refus par une autorité indépendante, y compris une sorte de recours judiciaire de la légalité du refus. Lautorité de contrôle doit avoir le droit dexaminer linformation non divulguée. (4)
Principe 15: Règle générale de la divulgation d'information secrète
Nul ne peut être condamné pour des raisons de sécurité nationale pour la divulgation dinformation si (1) la divulgation ne porte pas atteinte ou nest pas susceptible de porter atteinte à un intérêt de sécurité nationale, ou si (2) lintérêt public de connaître cette information est plus important que les dommages liés à sa divulgation.
Principe 16: Information obtenue grâce à des services publics
Nul ne peut subir des préjudices pour des raisons de sécurité nationale pour avoir divulgué des informations qu'il ou elle a appris en travaillant au service du gouvernement si l'intérêt public de connaître cette information est plus important que le dommage causé par la divulgation.
Principe 17: L'information dans le domaine publique
Une fois que linformation a été rendue disponible de manière générale par quelques moyens que ce soient, légaux ou illégaux, toute tentative darrêter dautres publications sera annulée par linvocation du droit du public de savoir.
Principe 18: Protection des sources des journalistes
La protection de la sécurité nationale ne peut pas être utilisée pour obliger un journaliste à révéler une source confidentielle.
Principe 19: Accès à des zones limitées
Toute limitation de la libre circulation de linformation ne peut être de nature à contrecarrer les objectifs des droits humains et du droit humanitaire. En particulier, les gouvernements ne peuvent pas empêcher les journalistes ou les représentants dorganisations intergouvernementales et non-gouvernementales ayant pour mandat de veiller au respect des normes des droits humains et du droit humanitaire dentrer dans des territoires où il y a suffisamment de raisons de croire quil y a ou quil y a eu des violations des droits humains et du droit humanitaire. Les gouvernments ne peuvent pas exclure des journalistes et des représentants de ces organisations des zones qui subissent des violences ou des conflits armés à moins que leur présence ne mette clairement en danger la sécurité dautres personnes.
IV LETAT DE DROIT ET AUTRES CONSIDERATIONS
Principe 20: Les protections générales dans lEtat de droit
Toute personne accusée dun crime lié à la sécurité (5) ayant un rapport avec l'expression ou l'information a le droit de bénéficier des protections de la loi qui font partie du droit international. Ceci inclut mais n'est pas limité aux droits suivants:
Principe 21: Les recours
Tous les recours, y compris les recours spéciaux comme l'habeas corpus ou lamparo, doivent être à la disposition des personnes accusées de crimes liés à la sécurité, y compris en état d'urgence qui menace la vie du pays comme cela a été défini dans le Principe 3.
Principe 22: Le droit à un procés par un tribunal indépendant
(a) Si l'accusé le désire, des poursuites judiciaires criminelles concernant des crimes relatifs à la sécurité peuvent avoir lieu devant un jury quand cette institution existe ou par des juges véritablement indépendants. Le procès des personnes accusées de crimes relatifs à la sécurité par des juges qui ne sont pas innamovibles constitue a prima facie une violation du droit d'être jugé par un tribunal indépendant.
Principe 23: Censure préalable
Lexpression ne peut être soumise à une censure préalable dans lintérêt de protéger la sécurité nationale, à lexception des périodes détat durgence qui menace la vie dun pays dans les conditions du principe 3.
Principe 24: Sanctions disproportionnées
Une personne, un média ou une organisation politique ou toute autre organisation ne peut pas être soumis pour un crime relatif à la sécurité à des sanctions, des restrictions ou des pénalités disproportionnés par rapport à la gravité du crime commis.
Principe 25: La relation de ces Principes à dautres normes
Rien dans ces Principes ne peut être interprété comme portant atteinte aux libertés et les droits humains reconnus dans le droit ou les normes internationaux, régionaux ou nationaux.
APPENDICE A
Les experts suivants ont participé à la consultation qui a conduit à la rédaction des Principes et ont rédigé ces Principes à titre personnel. Les organisations et les affiliations ne son mentionnées que pour permettre lidentification des participants.
Laurel Angus, Directeur exécutif, Centre détudes de droit appliquées, Université de Witwatesrand, Afrique du Sud
Laurence W Beer, Professeur de libertés publiques, Faculté de droit, Université Lafayette, Etats-Unis dAmérique
Geoffrey Bindman, Avocat, Bindman and Partners, Londres, Royaume-Uni
Dana Briskman, Directeur du département juridique, Association pour les libertés publiques, Israël
Richard Carver, Consultant auprès du programme Afrique de ARTICLE 19, Londres, Royaume-Uni
Yong-Whan Cho, Cabinet d'avocats de Duksu, Séoul, Corée du Sud
Sandra Coliver, Directrice du département juridique, ARTICLE 19, Washington DC, Etats-Unis dAmérique
Peter Danowsky, Danowsky & Partners, Stockholm, Suède
Emmanuel Derieux, Professeur de droit des médias, Université de Paris II, et co-éditeur, Légipresse, Paris, France
Frances DSouza, Directeur exécutif, ARTICLE 19, Londres, Royaume-Uni
Elisabeth Evatt AC, Membre du Comité des Nations Unies pour les droits de lhomme et consultant juridique, Sydney, Australie
Felipe Gonzalez, Professeur de droit, Université Diego Portales, Santiago, Chili, et juriste pour l'Amérique Latine, International Human Rights Law Group, Washington DC
Paul Hoffman (président de la conférence), Avocat spécialisé en droit des médias, Los Angeles, Etats-Unis dAmerique
Gitobu Imanyara, Avocat à la Haute Cour du Kenya, et éditeur en chef, Nairobi Law Monthly, Kenya
Lene Johannessen, Projet sur les médias, Centre détudes de droit appliquées, Université de Witwatersrand, Johannesbourg, Afrique du Sud
Raymond Louw, Président, Institut de la liberté dexpression, Johannesbourg, Afrique du Sud
Laurence Lustgarten, Professeur de droit, Université de Southampton, Royaume-Uni
Paul Mahoney, Greffier adjoint, Cour européenne des droits de lhomme, Conseil de lEurope (6)
Gilbert Marcus, Avocat à la Cour Suprême dAfrique du Sud, Johannesbourg, Afrique du Sud
Kate Martin, Directeur exécutif, Centre d'études sur la sécurité nationale, Washington DC, Etats-Unis d'Amérique
Juan E Mendez, Avocat, Human Rights Watch, New-York, USA
Brasnilav Milinkovic, Editeur, Review of International Affairs, Belgrade, République Fédérale de Yougoslavie
Etienne Mureinik, Professeur de droit, Université de Witwatersrand, Johannesbourg, Afrique du Sud
Ann Naughton, Directrice des publications, ARTICLE 19, Londres, Royaume-Uni
Mamadou NDao, Avocat des droits humains et consultant, Institut Panos, Dakar, Sénégal
Andrew Nicol, avocat (QC), Doughty Street Chambers, Londres, Royaume-Uni
David Petrasek, Conseiller en politiques légales, Amnesty International, Londres, Royaume-Uni
Laura Pollecut, Directeur exécutif, Avocats pour les droits de l'homme, Prétoria, Afrique du Sud
John Sangwa, Simeza, Sangwa & Associates, Lusaka, et membre de la faculté de droit, Université de Zambie
Sergei Sirotkin, Commission des droits de lhomme, Moscou, Russie
Malcom Smart, Directeur exécutif adjoint, ARTICLE 19, Londres, Royaume-Uni
Tanya Smith, Centre des Nations Unies pour les droits de lhomme, Genève, Suisse
Soli Sorabjee, Avocat, Cour suprême de lInde, New Dehli, Inde
K S Venkateswaran, Avocat, Barreau indien, et membre de la faculté de droit, Université dUlster, Irlande du Nord
Kerim Yildiz, Directeur exécutif, Projet jurde des droits de lhomme, Londres, Royaume-Uni
Kyu Ho Youm, Professeur, Ecole de journalisme et des télécommunications, Université de lEtat dArizona, Etats-Unis dAmérique
ENDNOTES