University of Minnesota



M. Alexandre Dergachev
c. Bélarus, Communication No. 921/2000, U.N. Doc. CCPR/C/74/D/921/2000/Rev.1 (2002).


Communication n° 921/2000

Présentée par:                           M. Alexandre Dergachev

Au nom de:                               L’auteur

État partie:                                Bélarus

Date de la communication:        28 septembre 1999 (date de la lettre initiale)

Décisions antérieures:                Décision du Rapporteur spécial prise en application de l’article 91, communiquée à l’État partie le 10 avril 2000 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption

des constatations:                      2 avril 2002

Le 2 avril 2002, le Comité des droits de l’homme a adopté ses constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no 921/2000. Le texte est annexé au présent document.

[ANNEXE]


ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITRE
DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF
SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS

CIVILS ET POLITITQUES

Soixante‑quatorzième session

concernant la

Communication no 921/2000**

Présentée par:                                     M. Alexandre Dergachev

Au nom de:                                         L’auteur

État partie:                                          Bélarus

Date de la communication:                  28 septembre 1999 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 2 avril 2002,

Ayant achevé l’examen de la communication n° 921/2000, présentée au Comité des droits de l’homme par M. Alexandre Dergachev en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5
du Protocole facultatif

1.       L’auteur de la communication, en date du 28 septembre 1999, est Alexandre Dergachev, de nationalité bélarussienne. Il se déclare victime d’une violation par le Bélarus des articles 2, 14 et 19 du Pacte. Il n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1     Le 21 mars 1999, l’auteur, membre d’un parti politique de la République du Bélarus appelé Front populaire du Bélarus, avait organisé une manifestation et brandissait une pancarte où l’on pouvait lire: «Partisans du régime actuel! Vous avez réduit le peuple à la pauvreté depuis cinq ans. Arrêtez d’écouter des mensonges. Ralliez‑vous au combat mené pour vous par le Front populaire du Bélarus.».

2.2     Le 29 mars 1999, l’auteur est passé en jugement devant le tribunal de district de Smorgon. Le tribunal a estimé que ce qui était écrit sur la pancarte représentait un appel à l’insubordination contre le gouvernement actuel, ou à la destruction de l’ordre constitutionnel de la République du Bélarus, ou les deux à la fois. En conséquence de quoi, il a statué que l’affiche constituait une infraction administrative définie dans le Code des délits administratifs (art. 167, par. 2). L’auteur a donc été reconnu coupable et condamné à une amende de 5 millions de roubles bélarussiens. La confiscation de la pancarte a également été ordonnée. Des représentants des forces de police qui étaient de service pendant la manifestation avaient été cités comme témoins.

2.3     À l’audience, l’auteur a plaidé non coupable et a fait valoir que son affiche n’était que l’expression légitime d’une opinion politique dans le contexte d’élections démocratiques. L’auteur a fait appel, mais a été débouté le 21 avril 1999 par le tribunal régional de Grodnenski. Il s’est alors pourvu devant la Cour suprême de la République du Bélarus. Le 9 juin 1999, la Cour a confirmé la condamnation, mais a réduit la peine prononcée par la juridiction inférieure, la remplaçant par un avertissement. Selon l’auteur, les recours internes ont ainsi été épuisés.

Teneur de la plainte

3.1     L’auteur fait valoir que les droits garantis aux articles 19 et 2 du Pacte ont été violés parce qu’il a été condamné pour avoir exprimé une opinion politique et pour avoir diffusé une information de fait. À ce sujet, il affirme qu’il a été démontré, de façon indépendante et objective, qu’il est exact que la pauvreté gagne du terrain dans le pays et que les fonctionnaires de l’État disent des mensonges. L’auteur considère également qu’en lui appliquant la loi de la République du Bélarus relative aux élections, qui interdit à toute personne reconnue coupable d’une infraction administrative dans l’année précédant le scrutin de se porter candidat aux élections parlementaires, il a été porté atteinte à ses droits. Bien que l’auteur n’invoque pas l’article 25 du Pacte, son argumentation semble soulever également une question au regard de cet article.

3.2     L’auteur estime que le droit d’être jugé par un tribunal indépendant, garanti à l’article 14, a été violé car le Président qui était visé par les critiques figurant sur sa pancarte avait désigné les juges chargés de son affaire.

Observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

4.       Par une note verbale en date du 23 novembre 2000, l’État partie a fait savoir que le Président de la Cour suprême de la République du Bélarus avait rendu, le 31 août 2000, une décision annulant toutes les décisions précédentes concernant l’auteur de la communication et avait clos l’affaire. Par conséquent, d’après l’État partie, il n’y avait plus lieu d’examiner la communication.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.       Dans une lettre reçue en février 2001, l’auteur a répondu aux observations de l’État partie, objectant que celui‑ci n’avait pas indiqué s’il reconnaissait ou s’il ne reconnaissait pas qu’il y avait eu violation du Pacte.

Délibérations du Comité

6.1     Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2     Comme il y est tenu par le paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité s’est assuré que la même affaire n’était pas en cours d’examen au titre d’une autre procédure internationale d’enquête ou de règlement.

6.3     En ce qui concerne la règle de l’épuisement des recours internes énoncée au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité note que l’État partie n’a pas fait valoir que les recours internes n’avaient pas été épuisés au moment où la communication a été présentée.

6.4     En ce qui concerne l’allégation de violation de l’article 14 du Pacte, le Comité estime qu’affirmer simplement, comme le fait l’auteur, que le juge qui était chargé de son affaire n’était pas indépendant parce que les juges sont désignés par le Président de l’État partie n’est pas suffisant pour étayer, aux fins de la recevabilité, une allégation de violation de l’article 14. Le Comité considère en conséquence que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5     En ce qui concerne la loi relative aux élections, qui interdit à toute personne ayant été l’objet d’une condamnation dans l’année précédant le scrutin de se porter candidat aux élections parlementaires, le Comité est d’avis que ces dispositions soulèvent des questions au regard de l’article 25 du Pacte. Toutefois, étant donné que la condamnation frappant l’auteur a été annulée et que plus rien n’empêche l’intéressé de se porter candidat aux élections, et compte tenu du fait que l’auteur n’a pas prétendu avoir été empêché de se présenter aux élections en vertu de cette loi, le Comité considère que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6     Le Comité estime que le reste de la communication a été suffisamment étayé aux fins de la recevabilité.

Examen quant au fond

7.1     Le Comité des droits de l’homme a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations communiquées par les parties, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.2     Le Comité est d’avis que le moyen particulier utilisé par l’auteur pour exprimer une opinion politique – brandir la pancarte en question – relève de la liberté d’expression protégée à l’article 19 du Pacte. L’État partie n’a pas fait valoir que l’une quelconque des restrictions énoncées au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte était applicable. Le Comité considère en conséquence que la condamnation de l’auteur pour avoir exprimé son opinion représentait une violation des droits garantis à l’article 19 du Pacte et note que la condamnation n’avait pas été annulée lorsque la communication a été présentée au Comité.

8.       Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 19 du Pacte. Toutefois, conformément au paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, le Comité considère qu’en annulant les décisions prises à l’égard de l’auteur postérieurement à la présentation de la communication, l’État partie a rectifié la situation par une mesure qu’il estime suffisante au sens de l’article 2 du Pacte. L’État partie est prié de publier les constatations du Comité.

 

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]


OPINION INDIVIDUELLE DE CHRISTINE CHANET

Communication no 921/2000

          De mon point de vue, le Comité au cas d’espèce n’est pas en mesure d’apprécier la nature et l’étendue des pouvoirs de la Cour suprême du Bélarus et des conditions de saisine de ce magistrat (par. 4 du texte des constatations).

          Dès lors, la décision du juge intervenue le 31 août 2000 mettant fin à la procédure et donnant satisfaction à l’intéressé ne peut être considérée a priori comme ne faisant pas partie d’une décision incluse dans les voies de recours internes que le demandeur doit avoir épuisées avant de présenter une communication au Comité.

          Or, M. Dergachev a présenté sa communication le 28 septembre 1999.

          Il me paraît difficile de considérer, sans connaître la nature des pouvoirs exercés par le Président de la Cour suprême et sa place dans les procédures de recours internes de l’État partie, que l’intervention postérieure de ce magistrat n’est pas un recours utile au sens du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

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* Constatations rendues publiques sur décision du Comité des droits de l’homme.

** Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l’examen de la communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, Mme Christine Chanet, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Louis Henkin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, M. Rajsoomer Lallah, Mme Cecilia Medina Quiroga, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Patrick Vella et M. Maxwell Yalden.

          Le texte de l’opinion individuelle signée de Mme Christine Chanet est joint au présent document.



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