University of Minnesota



J. L. (nom supprimé) c. Australie, Communication No. 491/1992, U.N. Doc. CCPR/C/45/D/491/1992 (1992).



Comité des droits de l'homme
Quarante-cinquième session


Décision du Comité des droits de l'homme prise en vertu
du Protocole facultatif au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques
Quarante-cinquième session

concernant la

communication No 491/1992



Présentée par : J. L. (nom supprimé)

Au nom de : L'auteur

Etat partie : Australie

Date de la communication :
7 août 1991 . (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 28 juillet 1992,

Adopte la décision ci-après :

Décision sur la recevabilité de la communication


1. L'auteur de la communication est J. L., ressortissant australien résidant à Moorabbin, dans 1'Etat de Victoria, en Australie. Il allègue que l'Australie s'est rendue coupable à son encontre de violations de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur à l'égard de l'Australie le 25 décembre 1991.

Les faits selon l'auteur :

2.1 L'auteur est avocat; dans 1'Etat de Victoria, la pratique du droit est régie par la loi intitulée Legal Profession Practice Act (loi relative à l'exercice des professions juridiques)de 1958. En vertu de l'article 83 1) de cette loi, nul ne peut pratiquer le droit s'il n'est dûment qualifié et titulaire d'un certificat d'aptitude délivré par le Law Institute (Institut de droit) de Victoria. Toujours selon la loi, la délivrance de ce certificat est subordonnée au paiement d'une cotisation et d'une prime d'assurance de responsabilité civile obligatoire. En vertu de l'article 90, nul ne peut exercer sans certificat d'aptitude.

2.2 L'alinéa c) du paragraphe 2 de l'article 88 stipule que les dispositions fixant le montant de la cotisation professionnelle ne prennent effet qu'une fois approuvées par le Chief Justice, lequel peut aussi approuver les
dispositions relatives à l'assurance de responsabilité. En 1985, le Chief Justice a approuvé, sur proposition du Law Institute, un nouyeau régime d'assurance dans le cadre duquel le Comité de la responsabilité professionnelle du Law Institute était désormais habilité à fixer le montant de la prime d'assurance.

2.3 En 1986, J. L. a refusé de payer la prime - d'un montant supérieur - correspondant au nouveau régime d'assurance qu'il considérait comme invalide. Il alléguait qu'outre que cette prime constituait un impôt dont le montant devait être fixé par le Parlement, le Law Institute n'avait pas, comme il y était tenu, sollicité les recommandations de ses membres pour élaborer les nouvelles règles et qu'il n'avait pas non plus respecté les prescriptions réglementaires concernant leurs répercussions, spécifiées dans la Subordinate Legislation Act (loi sur la législation d'application) de 1962.

2.4 Le Law Institute refusa de délivrer son certificat d'aptitude à l'auteur: ce dernier n'en continua pas moins d'exercer sa profession. Le 13 mai 1986, le secrétaire de 1'Institute obtint une ordonnance interdisant à J. L. d'exercer en application de l'article 90 7) de la loi, qui dispose : "Sur requête présentée . . . par le secrétaire . . . du Law Institute, la Cour suprême peut, si elle établit qu'une personne non, qualifiée fait fonction d'avocat ou exerce la profession d'avocat . . . . rendre une ordonnance interdisant à cette personne d'agir ou d'exercer en tant que tel."


2.5 J. L. ne tint pas compte de cette ordonnance. Le 21 mai 1986, le Chief Justice le condamna à trois mois d'emprisonnement pour outrage a magistrat. L'auteur fit appel de l'ordonnance et de l'ordre de détention. Le 10 avril 1987, la Cour, siégeant en formation plénière, annula l'ordonnance au motif notamment que les membres de 1'Institute n'avaient pas recommandé les nouvelles règles en matière d'assurance et confirma néanmoins l'ordre de détention pour outrage à magistrat.

2.6 La loi fut ultérieurement amendée et le Comité de la responsabilité professionnelle habilité à fixer la prime d'assurance avec l'approbation du Conseil de 1'Institute sans que des recommandations des membres de ce dernier soient nécessaires. L'auteur continua à exercer sans le certificat requis, alléguant que la cotisation constituait une forme d'impôt dont il appartenait au Parlement de fixer le montant.


2.7 Pendant toute l'année 1988, l'auteur refusa de verser ses cotisations à l'Institute, se plaignant que ce dernier les utilisait pour financer "irrégulièrement" des activités de caractère privé au lieu de les utiliser à des fins administratives ou réglementaires. Il affirmait que même si la loi ne précisait pas à quelles fins les cotisations devraient être utilisées, il s'agissait de cotisations statutaires qui ne devaient donc être utilisées qu'à des fins statutaires. Il alléguait en outre que cette cotisation étant aussi une cotisation de membre de l'Institute, il se trouvait ainsi contraint de devenir membre d'un syndicat.

2.8 Les 11 et 15 mars 1988, un autre juge de la Cour suprême rendit une autre ordonnance à l'encontre de J. L. sur requête du Law Institute. Il estimait que la cotisation professionnelle était proportionnée aux fonctions statutaires de l'Institute et que la prime d'assurance n'était pas un "impôt", mais une contribution à la bonne administration et à la discipline de la profession. L'ordonnance du 15 mars 1988 était assortie d'un sursis à exécution jusqu'à "ce qu'il ait été statué de manière définitive sur un appel du requérant ou jusqu'à ce qu'une nouvelle ordonnance ait été rendue". Un appel formé contre l'ordonnance du 11 mars fut rejeté par la Cour en formation plénière par un arrêt du 8 décembre 1988. Le 13 octobre 1989, la Haute Cour refusa d'autoriser un appel de cet arrêt. Aucune requête tendant à voir modifier ou annuler les ordonnances ne fut présentée par le Law Institute.

2.9 Le 30 novembre 1990, un juge de la Cour suprême condamna une nouvelle fois l'auteur pour outrage à magistrat; Celui-ci arguait que le sursis à l'exécution de l'ordonnance du 15 mars 1988 était toujours en vigueur, du fait qu'il n'avait pas fait appel de cette ordonnance. Le juge estima néanmoins que ce sursis avait expiré avec le refus de la Haute Cour d'autoriser l'appel. Par ordonnance du 7 décembre 1990, le juge condamna l'auteur à une amende pour n'avoir pas obtenu de certificat d'aptitude en 1989 et en 1990. Le 15 mars 1991, la Cour, en formation plénière, refusa à l'auteur l'autorisation de faire appel de cette ordonnance. Sur requête de l'Institute, le nom de l'auteur fut radié du tableau des avocats à la Cour suprême le 11 juin 1991. En outre, l'auteur fut de nouveau condamné à une amende pour outrage à magistrat étant entendu que si l'amende n'était pas payée dans les 30 jours, il serait arrêté.

2.10 L'auteur ne fit pas appel de cette ordonnance, et ne paya pas non plus l'amende. Le ler septembre 1991, il fut placé en détention. Sur requête de l'Institute, une nouvelle ordonnance fut rendue le 2 octobre 1991, ordonnant le maintien de l'auteur en détention jusqu'au 29 novembre 1991. Une requête
en habeas corpus et une demande de mise en liberté sous caution furent rejetés.

La plainte :

3.1 L'auteur se plaint de n'avoir pas été jugé par un tribunal impartial et indépendant. Il allègue que la Cour suprême de Victoria est institutionnellement liée au Law Institute par l'effet de l'article 88 c) de la loi sur l'exercice des professions juridiques (voir par. 2.2 ci-dessus): les décisions rendues par les juges seraient partiales en raison de la "relation particulière" de ces derniers avec l'Institute. L'auteur affirme en outre que les juges de la Cour suprême ont purement et simplement refusé de se prononcer sur la question de savoir si la cotisation professionnelle et la prime d'assurance étaient valides.

3.2 L'auteur affirme qu'il a été détenu illégalement, l'ayant été pour avoir refusé de payer une amende dont le montant était en fait supérieur au montant maximum prévu par la loi. Il fait valoir que la Cour n'était pas compétente pour connaître de l'action intentée à son encontre, du fait qu'il n'existait aucune règle de la Cour l'autorisant à ordonner une mise en détention pour une période indéfinie jusqu'au paiement de l'amende.

3.3 En ce qui concerne la date d'entrée en vigueur du Protocole facultatif a l'égard de l'Australie, l'auteur affirme que la violation de l'article 14 du Pacte a des effets continus, en ce qu'il demeure radié du tableau des avocats à la Cour suprême, sans perspective de réinscription.

Questions qui se posent au Comité et procédure à suivre :

4.1 Avant d'examiner les arguments contenus dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement, décider si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif du Pacte.

4.2 Le Comité a noté l'argument de l'auteur selon lequel sa détention entre le ler septembre et le 29 novembre 1991 était illégale. Il constate que cet événement s'est produit avant l'entrée en vigueur du Protocole facultatif à l'égard de l'Australie (25 décembre 1991)et qu'il n'a pas eu de conséquences qui en elles-mêmes constituent une violation de l'une quelconque des dispositions du Pacte. En conséquence, cette partie de la communication est irrecevable ratione temporis. En ce qui concerne l'argument de l'auteur selon lequel sa cause n'a pas été dûment entendue de manière équitable et impartiale, le Comité note que,
même si les débats pertinents de la Cour se sont déroulés avant le 25 décembre 1991, les effets des décisions de la Cour suprême persistent actuellement. En conséquence, la plainte en violation des droits de l'homme émise par l'auteur découlant selon lui de ces décisions
n'est pas, en principe, écartée ratione temporis.

4.3 Quant à l'argument selon lequel l'obligation de verser une cotisation et une prime d'assurance équivalait à contraindre l'auteur de contribuer aux activités du Law Institute, le Comité note que la réglementation des activités d'organisations de professions libérales et l'examen minutieux de cette réglementation par les tribunaux peuvent soulever des problèmes, en particulier au regard de l'article 14 du Pacte. Plus précisément, du fait que la détermination de droits ou d'obligations donne lieu à un procès. l'auteur est en droit de bénéficier d'un procès équitable et public. Il appartient en principe aux Etats parties de réglementer ou d'approuver les activités des organisations de professions libérales, y compris les dispositions relatives aux régimes d'assurance. En l'espèce, on ne peut pas conclure du fait que la pratique du droit soit régie par la loi de 1958 relative à l'exercice des professions juridiques (Legal Profession Practice Act) et que les dispositions fixant le montant d'une cotisation professionnelle et d'une assurance de responsabilité ne prennent effet qu'une fois approuvées par le Chief Justice que la Cour, en tant qu'institution, n'est pas un tribunal indépendant et impartial; En outre, la faculté pour la Cour, selon la loi australienne, de condamner l'auteur pour outrage à magistrat faute d'avoir tenu compte d'une ordonnance lui interdisant la pratique du droit tant qu'il n'avait pas versé la cotisation et la prime d'assurance relève du droit interne et n'est pas de la compétence du Comité.

4.4 En conséquence, la communication est irrecevable parce que incompatible avec les dispositions du Pacte, au sens de l'article 3 du Protocole facultatif.


5. Le Comité des droits de l'homme décide donc :

a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif;

b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et, pour information, à 1'Etat partie.



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