University of Minnesota



O. Sara et al. c. Finlande, Communication No. 431/1990, U.N. Doc. CCPR/C/50/D/431/1990 (1994).


Comité des droits de l'homme

Cinquantième session

ANNEXE

Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables

des communications présentées en vertu du Protocole facultatif

se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils

et politiques

- Cinquantième session -

Communication No 431/1990


Présentée par : O. Sara et al. (représentés par un conseil)

Au nom de : Les auteurs

État partie : Finlande

Date de la communication : 18 décembre 1990

Le Comité des droits de l'homme, institué conformément à l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 23 mars 1994,

Écartant une décision antérieure concernant la recevabilité datée du 9 juillet 1991, en vertu du paragraphe 4 de l'article 93 de son règlement intérieur,

Adopte la décision ci-après :


Décision révisée concernant la recevabilité

1. Les auteurs de la communication, datée du 18 septembre 1990, sont MM. O. Sara, J. Näkkäläjärvi, O. Hirvasvuopio et Mme A. Aärelä, tous citoyens finlandais. Ils se disent victimes d'une violation par le Gouvernement finlandais de l'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils sont représentés par un conseil.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1 Les auteurs, qui appartiennent à l'ethnie samie, sont éleveurs de rennes. Avec les comités de gardiens de troupeaux (organismes de type coopératif chargés de réglementer l'élevage du renne en Finlande), ils représentent une part importante de l'élevage de troupeaux de rennes en Laponie finlandaise. MM. Sara et Näkkäläjärvi sont respectivement chef et chef adjoint du Comité des gardiens de troupeaux de Sallivaara tandis que M. Hirvasvuopio est chef du Comité des gardiens de troupeaux de Lappi. Pour ce qui est du nombre de bêtes, le Comité des gardiens de troupeaux de Sallivaara vient en deuxième position et celui de Lappi en troisième position.

2.2 Le Parlement finlandais a adopté, le 16 novembre 1990, le projet de loi No 42/1990 devenu la "loi sur les espaces naturels" (erämaalaki), entrée en vigueur le 1er février 1991. Cette loi est le fruit d'un délicat compromis juridique — auquel ont abouti, après de longues discussions, les Samis, les écologistes et l'administration finlandaise des forêts — quant à l'étendue des opérations de déboisement dans l'extrême nord de la Finlande, c'est-à-dire à proximité ou au nord du cercle arctique. Conformément à cette loi, l'exploitation des forêts est interdite dans certaines zones, tandis qu'elle est autorisée dans d'autres, appelées "zones de foresterie écologique" (luonnonmukainen metsänhoito). Une troisième catégorie de zones forestières reste en dehors du champ d'application de la loi.

2.3 Ainsi qu'en témoigne son article premier, cette loi a été promulguée — considération fort importante — pour assurer la protection de la culture samie et en particulier les activités économiques traditionnelles des Samis. Toutefois, son article 3 révélerait que sa véritable raison d'être est d'étendre la notion et la réalité de la propriété étatique aux vastes espaces naturels de la Laponie finlandaise. Les auteurs font observer que les Samis ont toujours combattu la notion de propriété étatique sur ces territoires. L'article 3, en particulier, implique qu'à l'avenir toutes les activités de déboisement dans les zones affectées à l'élevage du renne passeront désormais sous le contrôle de différentes autorités étatiques. L'article 7 confie à l'Office central de la foresterie (metsähallitus) la gestion et l'exploitation (hoito-ja käyttösuunnitelma) des espaces naturels. Le Ministère finlandais de l'environnement (ympäristöministeriö) approuve ou rejette les plans arrêtés par l'Office, mais il n'a pas le pouvoir de les modifier.

2.4 Les auteurs indiquent que le lieu où ils rassemblent les rennes en hiver est une zone vierge demeurée intacte à ce jour. La frontière entre les municipalités de Sodankylä et Inari divise cette zone en deux secteurs placés sous l'autorité de comités de gardiens de troupeaux distincts. Au regard de la loi sur les espaces naturels, la plus grande partie de la zone utilisée par les auteurs pour l'élevage du renne est située dans les espaces naturels d'Hammastunturi; le restant relève de l'Office central de la foresterie. Conformément aux premiers plans établis par l'Office, les opérations de déboisement ne seraient interdites que dans une petite partie de la zone d'élevage utilisée par les auteurs, tandis que la majeure partie de la zone, celle qui correspond à la zone naturelle d'Hammastunturi, serait soumise à ce que l'on appelle "la foresterie écologique", notion qu'il reste à définir avec précision. En outre, en vertu de décisions prises par le Parlement, les coupes d'arbres dans la zone naturelle d'Hammastunturi seraient subordonnées à l'approbation par le Ministère de l'environnement d'un plan de gestion et d'exploitation. Il apparaîtrait cependant que la loi autorise l'Office central de la foresterie à entreprendre des coupes à grande échelle.

2.5 Lorsqu'ils ont présenté leur communication en 1990, les auteurs affirmaient que des activités de déboisement à grande échelle, autorisées par la loi sur les espaces naturels, étaient sur le point de commencer dans les zones qu'ils utilisaient pour l'élevage du renne. Ainsi deux tronçons de routes avaient été mis en chantier dans les zones où les auteurs rassemblent leurs troupeaux, sans qu'ils aient été consultés au préalable, routes qui, selon eux, ne contribuent nullement à préserver leur mode traditionnel de vie. Ces routes n'auraient d'autre but que de faciliter les coupes dans la zone naturelle d'Hammastunturi en 1992, et, selon toute probabilité, en dehors de cette zone, dès l'été de 1991. Les tronçons de routes, d'une largeur d'environ 2 mètres, pénétraient déjà, sur une distance d'une dizaine de kilomètres, dans les zones de pacage utilisées par les auteurs. Des anneaux de fonçage en béton ont été apportés sur les chantiers, ce qui indique à l'évidence qu'il s'agit de routes qui doivent être carrossables en toute saison et qui sont destinées à être empruntées par des véhicules lourds.

2.6 Les auteurs réaffirment que la zone en question est une zone d'élevage importante pour le Comité des gardiens de troupeaux de Lappi, et qu'ils n'ont que faire d'une route dans la région. Cette zone représente pour ce comité le dernier espace naturel restant; elle constitue pour le Comité des gardiens de troupeaux de Sallivaara le tiers des meilleures zones de pacage d'hiver et est indispensable à la survie des rennes dans des conditions climatiques extrêmes. Les auteurs font observer que l'abattage des bêtes se fait dans des lieux spécialement affectés à cet effet, près des routes principales situées en dehors de la zone d'élevage. Le Comité des gardiens de troupeaux de Sallivaara dispose déjà d'un abattoir moderne et le Comité des gardiens de troupeaux de Lappi projette d'en construire un semblable.

2.7 Les auteurs ajoutent que la zone hivernale de rassemblement des troupeaux est une région montagneuse qui constitue du point de vue géographique un bassin versant typique, situé entre l'océan Arctique et la mer Baltique. Ces terres sont entourées de marécages ouverts qui recouvrent au moins les deux tiers de la superficie totale. Comme il est de règle dans les bassins versants, la pluie et la neige y tombent souvent en abondance. L'hiver y dure environ un mois de plus que dans les autres régions. Ce climat a une incidence directe sur l'environnement de la région, notamment sur les arbres (bouleaux et épicéas), dont la croissance est lente. Ces arbres, à leur tour, favorisent la pousse des deux espèces de lichen qui constituent l'alimentation des rennes pendant l'hiver. Les auteurs soutiennent que même un déboisement partiel rendrait la région inhospitalière aux troupeaux de rennes pour au moins un siècle et peut-être même irrévocablement, car la destruction des arbres entraînerait l'extension des marais, et l'équilibre nutritif du sol s'en trouverait modifié. En outre, l'exploitation forestière ne ferait que s'ajouter aux dangers que représente actuellement pour les arbres de la zone où les auteurs rassemblent leurs troupeaux la pollution industrielle en provenance du district russe de Kola. À cet égard, les méthodes de sylviculture (c'est-à-dire une mise en coupe des zones forestières respectueuse de l'environnement) préconisées par les autorités pour certaines parties des espaces naturels utilisés par les auteurs causeraient probablement des dommages irréversibles à l'élevage du renne du fait du rajeunissement de la forêt et des modifications des conditions qui favorisent la pousse des lichens.

2.8 S'agissant de l'épuisement des recours internes, les auteurs font valoir que le système juridique finlandais n'ouvre aucun recours permettant de contester la constitutionnalité ou la validité d'une loi adoptée par le Parlement. Quant à la possibilité de faire appel devant le Tribunal administratif suprême de toute décision administrative qui pourrait être prise à l'avenir en vertu de la loi sur les espaces naturels, la doctrine, en droit administratif finlandais, favorise une application très restrictive des lois, s'agissant de reconnaître des droits juridiques qui ne sont pas fondés sur la propriété. Les auteurs ne disposeraient donc d'aucun recours interne pour s'opposer à la violation de l'article 27 du Pacte.

La plainte

3.1 Les auteurs soutiennent que la promulgation de la loi sur les espaces naturels compromet l'avenir de l'élevage du renne en général et leurs moyens de subsistance en particulier, l'élevage du renne étant leur source de revenus essentielle. En outre, étant donné que cette loi autoriserait des coupes d'arbres dans les zones qu'ils utilisent pour l'élevage du renne, sa promulgation empiéterait sérieusement sur les droits qui leur sont reconnus en vertu de l'article 27 du Pacte, en particulier le droit d'avoir leur propre vie culturelle. Les auteurs se réfèrent, à cet égard, aux constatations adoptées par le Comité des droits de l'homme dans les cas 197/1985 et 167/1984a, ainsi qu'à la Convention No 169 de l'OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

3.2 Les auteurs ajoutent qu'au cours des dernières décennies, les méthodes traditionnelles d'élevage du renne ont perdu du terrain et ont été partiellement remplacées par l'élevage en enclos et les aliments artificiels, pratiques qui leur sont étrangères. Entre autres facteurs qui doivent permettre de juger des dommages irréparables auxquels les espaces naturels de la Finlande sont exposés, ils citent les progrès d'une industrie vouée à la fabrication d'engins d'exploitation et de récolte forestière et le développement d'un réseau routier toujours plus dense destiné au transport du bois. Tous ces facteurs compromettraient, pour les auteurs, la jouissance de leurs droits économiques et culturels traditionnels.

3.3 Les auteurs, craignant que l'Office central de la foresterie n'approuve la construction de nouveaux tronçons de routes ou des opérations de déboisement dans l'été de 1991, ou au plus tard au début de 1992, aux alentours de la route en construction et, donc, à l'intérieur de leurs zones d'élevage, ont demandé l'adoption de mesures provisoires, conformément à l'article 86 du règlement intérieur du Comité.

Observations de l'État partie

4.1 Dans les observations qu'il a présentées conformément à l'article 91 du règlement intérieur, l'État partie ne soulève pas d'objections quant à la recevabilité de la communication en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif et admet que dans le cas considéré, il n'existe pas de recours interne dont les auteurs puissent se prévaloir.

4.2 Il a précisé qu'en ce qui concernait les espaces naturels d'Hammastunturi, les plans de gestion et d'exploitation en préparation au Ministère de l'environnement ne seraient pas définitivement mis au point ni prêts à être présentés pour adoption avant le printemps de 1992; aucune opération de déboisement n'était en projet dans la zone résiduelle désignée par les auteurs qui n'empiète pas sur les espaces naturels d'Hammastunturi. Au nord de ces espaces, toutefois, quelques opérations de sylviculture mineures entraînant des coupes d'arbres (pour étudier l'effet des coupes sur l'environnement), commencées en 1990, s'arrêteraient à la fin du printemps de 1991. Selon l'Office national de la foresterie, cette forêt n'empiète pas sur la zone dont il est question dans la communication. L'État partie a ajouté qu'après l'entrée en vigueur de la loi sur les espaces naturels, on procéderait durant l'été de 1991 au gravillonnage d'une route existante au sud des espaces naturels considérés.

4.3 L'État partie soutient que la communication est irrecevable selon l'article 3 du Protocole facultatif, étant incompatible avec les dispositions du Pacte. Il maintient en particulier que les plans de l'Office national de la foresterie concernant les coupes de sylviculture dans les zones résiduelles situées à l'extérieur des espaces naturels d'Hammastunturi ne sont pas liés à la promulgation de la loi sur les espaces naturels, celle-ci ne s'appliquant qu'aux zones spécifiquement désignées comme telles. L'autorité de l'Office national de la foresterie en ce qui concerne l'approbation des coupes dans des zones autres que celles désignées comme espaces naturels ne dérive pas de cette loi. En conséquence, l'État partie nie qu'il y ait un lien de cause à effet entre les mesures provisoires demandées par les auteurs et l'objet de la communication lui-même, qui n'a trait qu'à la promulgation et à l'application de la loi sur les espaces naturels.

4.4 L'État partie soutient en outre que les opérations de foresterie envisagées, qui consistent uniquement en coupes de sylviculture et en la construction de routes à l'appui, ne rendront pas irréparablement inhospitalières les zones qu'utilisent les auteurs pour l'élevage du renne. Au contraire, il s'attend que ces opérations contribuent au développement naturel des forêts. À cet égard, il précise qu'un rapport, préparé à l'intention du Ministère de l'agriculture et de la foresterie par un professeur de l'Université de Joensuu, soutient l'opinion que la production de bois d'oeuvre, l'élevage du renne, la collecte de champignons et de baies et d'autres activités économiques peuvent coexister durablement et prospérer dans l'environnement de la Laponie finlandaise. Il est dit dans ce rapport que l'utilisation d'une forêt ou de terres à un seul usage ne saurait suffire à produire le revenu nécessaire à la population et à assurer le bien-être de celle-ci; les forêts de toute la région, et en particulier du nord de la Laponie, doivent par conséquent être gérées selon des plans prévoyant de multiples usages et dans de strictes conditions en assurant la viabilité à long terme.

4.5 L'État partie soutient que les auteurs ne peuvent être considérés comme étant victimes d'une violation du Pacte et que leur communication doit par conséquent être déclarée irrecevable. Il maintient à cet égard que la raison d'être de la loi sur les espaces naturels tend exactement à l'opposé de ce qu'ils prétendent : elle a été conçue pour améliorer et renforcer la protection de la culture des Samis et leur mode de vie traditionnel fondé sur les ressources que leur offre la nature. Il soutient, deuxièmement, que les auteurs n'ont pas établi comment la préoccupation que leur inspirent les "dommages irréparables" qui résulteraient des coupes effectuées dans la zone qu'ils ont indiquée est concrètement corroborée par des violations de leurs droits; ils redoutent seulement ce qui pourrait se produire à l'avenir. Bien qu'ils puissent, légitimement, se préoccuper de l'avenir de la culture samie, le "sentiment de sécurité souhaité" ne constitue pas, en tant que tel, un droit garanti par le Pacte. Il faudra qu'ait été effectivement prise une décision exécutoire ou une mesure concrète, en vertu de la loi sur les espaces naturels, pour que quiconque puisse se plaindre d'être victime d'une violation de ses droits, au regard du Pacte.

4.6 L'État partie maintient en outre que la promulgation de la loi sur les espaces naturels doit être considérée comme un progrès plutôt que comme un recul pour ce qui est de la protection des droits reconnus à l'article 27. Si les auteurs ne s'estiment pas satisfaits de l'ampleur des terres protégées en tant qu'espaces naturels, ils omettent de prendre en considération le fait que la loi sur les espaces naturels part du principe de la coexistence entre l'élevage du renne et l'économie forestière. C'est là non seulement une vieille tradition en Laponie finlandaise, mais aussi une nécessité pratique, les taux de chômage étant exceptionnellement élevés dans cette région. La loi représente un compromis législatif, au moyen duquel on s'est efforcé d'équilibrer, d'une manière juste et démocratique, des intérêts contraires. Le Gouvernement a pleinement pris en considération les exigences de l'article 27 du Pacte, mais il ne saurait ignorer les droits économiques et sociaux du segment de la population qui tire sa subsistance de l'exploitation forestière : "le compromis est à la base de toute société démocratique, même s'il ne parvient pas à satisfaire toutes les parties concernées".

4.7 Enfin, l'État partie note que le Pacte fait désormais partie intégrante du droit interne et qu'il incombe donc directement aux autorités et aux instances judiciaires finlandaises de l'appliquer. Si le Ministère de l'environnement devait approuver un plan de gestion des forêts qui compromette effectivement la survie de la culture samie et constitue donc une violation de l'article 27, les victimes d'une telle violation auraient par conséquent la possibilité de porter plainte devant le Tribunal administratif suprême.

Considérations relatives à la recevabilité de la communication

5.1 À sa quarante-deuxième session en juillet 1991, le Comité a examiné si la communication était recevable. Il a pris note du fait que l'État partie n'avait pas soulevé d'objections quant à la recevabilité de la communication en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif. Il a en outre pris note du fait que l'État partie niait que les auteurs puissent en l'occurrence se prétendre victimes d'une violation du Pacte, au sens de l'article premier du Protocole facultatif. Le Comité a réaffirmé qu'il n'était possible à une personne de présenter une plainte en violation, au sens de l'article premier, que s'il y avait eu atteinte effective à ses droits, encore qu'il y eut là une question de degré qu'il pouvait être difficile de déterminer concrètementb.

5.2 Les auteurs se prétendant victimes d'une violation au regard de l'article 27, du fait à la fois de coupes d'arbres encore à faire et de routes encore à construire dans les espaces naturels d'Hammastunturi, et de la construction de routes en cours dans la zone résiduelle située en dehors de ces espaces naturels, le Comité a fait observer que la communication concernait ces deux zones, alors que certaines des observations de l'État partie donnaient à penser que la communication n'avait trait qu'aux espaces naturels d'Hammastunturi.

5.3 Le Comité a établi une distinction dans la plainte des auteurs, lorsqu'ils se déclarent victimes d'une violation du Pacte entre, d'une part, la construction de routes et les coupes d'arbres à l'intérieur des espaces naturels d'Hammastunturi et, d'autre part, les mêmes activités en dehors de cette zone, c'est-à-dire la construction de routes et les coupes d'arbres dans la zone résiduelle au sud de celle-ci. Pour ce qui concerne la première de ces zones, les auteurs n'ont fait qu'exprimer la crainte que les plans en préparation à l'Office central de la foresterie n'aient, à l'avenir, des conséquences néfastes à l'égard des droits que leur reconnaît l'article 27. De l'avis du Comité, cela ne faisait pas des auteurs les victimes d'une violation au sens de l'article premier du Protocole facultatif, dans la mesure où il n'avait pas été effectivement porté atteinte à leurs droits par une mesure administrative prise en application de la loi sur les espaces naturels. À cet égard, par conséquent, cet aspect de la communication n'était pas recevable au titre de l'article premier du Protocole facultatif.

5.4 Pour ce qui est de la zone résiduelle, le Comité a noté qu'il pouvait y avoir une relation de cause à effet entre la poursuite de la construction de la route dans cette zone et l'entrée en vigueur de la loi sur les espaces naturels. De l'avis du Comité, les auteurs avaient suffisamment établi que la construction de cette route pouvait avoir des effets néfastes quant à la jouissance et à l'exercice des droits qui leur sont reconnus en vertu de l'article 27, pour que leur communication soit déclarée recevable.

5.5 En foi de quoi, le 9 juillet 1991, le Comité des droits de l'homme a déclaré que la communication était recevable dans la mesure où elle semblait soulever des questions relevant de l'article 27 du Pacte.

5.6 Le Comité a en outre demandé à l'État partie "d'adopter des mesures, s'il y a lieu, pour éviter des dommages irréparables aux auteurs".

Demande de révision de la décision de recevabilité présentée par l'État partie et réponse des auteurs

6.1 Dans les observations qu'il a présentées conformément au paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif, en date du 10 février 1992, l'État partie a fait observer que la reconnaissance par le Comité, dans sa décision du 9 juillet 1991, d'un lien de cause à effet entre la loi sur les espaces naturels et les mesures quelles qu'elles soient concernant des régions autres que les espaces naturels d'Hammastunturi avait modifié la communication quant au fond et introduit des éléments à propos desquels l'État partie n'avait pas donné de renseignements en rapport avec la recevabilité de la communication. L'État partie réaffirme qu'en appliquant la loi sur les espaces naturels, les autorités finlandaises doivent tenir compte de l'article 27 du Pacte "qui, dans la hiérarchie des lois, se trouve au même niveau que les lois ordinaires". Les Samis qui prétendent que l'application de la loi viole les droits qui leur sont reconnus par le Pacte peuvent introduire un recours devant le Tribunal administratif suprême au sujet du plan de gestion et d'exploitation de la zone naturelle qui a été approuvé par le Ministère de l'environnement.

6.2 En ce qui concerne les activités entreprises en dehors des espaces naturels d'Hammastunturi (dans la "zone résiduelle"), l'État partie fait observer qu'en vertu de l'article 27, les auteurs peuvent engager des poursuites contre l'État ou l'Office national de la foresterie devant les tribunaux finlandais. Une action en justice de ce genre devrait avoir pour fondement des mesures concrètes prises par l'État, comme par exemple la construction de routes, qui selon les auteurs portent atteinte aux droits que leur reconnaît l'article 27. Ils pourraient faire appel d'une décision en première instance devant la Cour d'appel puis, sous réserve que certaines conditions soient remplies, devant la Cour suprême. Le gouvernement provincial pourrait être invité à accorder des recours provisoires, faute de quoi, sa décision pouvait faire l'objet d'un recours devant la Cour d'appel et, à condition qu'un nouveau procès soit autorisé, devant la Cour suprême.

6.3 L'État partie ajoute que le fait qu'aucune action de ce type n'ait encore été portée devant les tribunaux nationaux ne signifie pas qu'il n'existe pas de recours internes mais tout simplement que des dispositions, telles que celles de l'article 27, n'avaient pas été invoquées jusqu'à récemment. Quoi qu'il en soit, les décisions prises récemment par les tribunaux supérieurs et l'ombudsman parlementaire montrent que l'impact des conventions internationales relatives aux droits de l'homme est de plus en plus important. Bien que les auteurs ne soient pas propriétaires de la zone dont il est question dans la communication, l'article 27 leur donne le droit d'agir en justice, en tant que représentants d'une minorité nationale, en dehors de toute considération de propriété. L'État partie conclut que la communication devrait être jugée irrecevable pour ce qui est des mesures qui touchent des régions autres que les espaces naturels d'Hammastunturi, compte tenu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.

6.4 Par ailleurs, l'État partie réaffirme que les travaux actuels de construction de routes dans les "zones résiduelles" ne portent pas atteinte aux droits reconnus par l'article 27. Il fait observer que les auteurs ne disent pas spécifiquement que les travaux de construction ont véritablement porté préjudice à l'élevage du renne. À cet égard, il note que

"la notion de culture au sens de l'article 27 implique un certain degré de protection des moyens traditionnels de subsistance des minorités nationales et recouvre à la fois d'une certaine manière les moyens d'existence et d'autres éléments indispensables à la culture et nécessaires à sa pérennité. La culture samie est étroitement liée à l'élevage traditionnel du renne. Aux fins de ... l'article 27 ... il convient toutefois de vérifier, outre la question susmentionnée quant aux limites à l'ingérence au sens de cet article, si la minorité subvient à ses besoins de manière traditionnelle conformément à l'esprit dudit article".

L'élevage du renne, tel qu'il est pratiqué par les Samis, a évolué au cours des temps et les liens avec les traditions s'estompent; ils utilisent de plus en plus des moyens techniques modernes, par exemple des scooters des neiges et des abattoirs modernes. Ainsi, l'élevage de nos jours est pratiqué sous la direction de comités de gardiens de troupeaux et il n'existe plus beaucoup de gardiens de troupeaux indépendants.

6.5 L'État partie nie d'autre part que les projets d'abattage dans les zones qui ne font pas partie des espaces naturels porteront atteinte aux droits des auteurs selon l'article 27 : "il n'y a pas de lien négatif entre l'entrée en vigueur de la loi sur les espaces naturels et les opérations d'abattage de l'Office national de la foresterie à l'extérieur de la zone qui constitue les espaces naturels. Au contraire, la promulgation de cette loi a un effet positif sur les méthodes d'abattage utilisées dans les zones résiduelles." L'État partie explique qu'en vertu de la loi sur l'élevage du renne, les régions situées à l'extrême nord du pays sont réservées à l'élevage du renne et ne peuvent être utilisées d'une manière qui pourrait y porter préjudice. L'Office national de la foresterie a décidé que les forêts des régions montagneuses (au-dessus de 300 mètres d'altitude) devaient être exploitées avec d'extrêmes précautions. En Haute-Laponie, une stratégie d'utilisation des terres et de l'eau est appliquée; approuvée par l'Office national de la foresterie, elle met l'accent sur les principes d'utilisation multiple et la durabilité des ressources.

6.6 Il convient de rappeler que la zone sur laquelle porte la communication s'étend approximativement sur 55 000 hectares (35 000 hectares qui correspondent à la superficie des espaces naturels d'Hammastunturi, 1 400 hectares de terrains montagneux et 19 000 hectares de réserves forestières); il n'y a que 10 000 hectares, soit 18 % de la superficie totale de la zone, qui sont exploités. L'État partie note que "la forêt est exploitée avec un soin extrême compte tenu des intérêts des éleveurs de rennes". L'abattage respectant strictement le caractère varié de l'environnement, on ne peut dire que la foresterie et l'utilisation des sols dans la zone en question portent indûment préjudice à l'élevage du renne. Par ailleurs, le fait que le nombre de rennes ait considérablement augmenté en Laponie finlandaise au cours des 20 dernières années "montre bien que l'exploitation forestière et l'élevage du renne sont tout à fait compatibles".

6.7 L'État partie fait observer que si les auteurs affirment que l'éclaircissage détruit le lichen (lichenes et usnées) dans les zones de pacage d'hiver, d'autres gardiens de troupeaux ont demandé que des coupes d'éclaircie soient faites après avoir découvert que cela changeait "la composition de la végétation de surface, avec un développement accru du lichen, et facilitait les déplacements. Le déboisement avait entre autres pour objet de favoriser la régénération de la forêt et d'améliorer sa résistance à la pollution atmosphérique". En outre, d'après l'État partie, le lichen est abondant dans les régions montagneuses où l'Office national de la foresterie ne fait pas du tout de coupes.

6.8 L'État partie note que les gardiens de troupeaux samis sont propriétaires ou copropriétaires de forêts. La propriété est régie par différentes lois dont la plus récente, la loi sur les élevages de rennes, s'applique aussi aux gardiens de troupeaux samis. Selon l'État partie, les auteurs sont propriétaires d'élevages de rennes. Les coupes d'éclaircie et l'exploitation des forêts privées relèvent de la loi sur les forêts privées. Selon l'Association des comités de gardiens de troupeaux, les revenus que ceux-ci tirent de l'abattage des arbres leur sont indispensables; en outre, les emplois forestiers sont indispensables aux travailleurs forestiers et aux gardiens de troupeaux samis qui, non seulement élèvent des rennes, mais travaillent aussi dans la forêt. Compte tenu de ce qui précède, l'État partie réaffirme que les projets d'exploitation dans la zone sur laquelle portent les plaintes ne risquent pas de porter préjudice à l'élevage du renne, au sens de l'article 27 du Pacte.

7.1 Dans leurs observations, datées du 25 mars 1992, sur la réponse de l'État partie, les auteurs soutiennent que le fait que l'État partie fasse référence à l'existence de recours internes eu égard à la place du Pacte dans le système juridique finlandais représente une nouveauté dans l'argumentation du Gouvernement. Ceci s'oppose d'une façon frappante à la position adoptée par l'État partie dans toutes les affaires précédentes soumises en vertu du Protocole facultatif, et même à celle qu'il avait prise au stade de la recevabilité. S'il est vrai que les conventions internationales relatives aux droits de l'homme ont nettement une importance accrue dans les tribunaux finlandais, les autorités administratives ne peuvent, selon les auteurs, affirmer que les éleveurs de rennes samis seraient légalement en mesure de s'opposer à un plan relatif à l'entretien et à l'utilisation de l'espace naturel ou à un projet de construction de routes dans les forêts domaniales. Non seulement il n'y a pas de jurisprudence dans ce sens, mais les tribunaux finlandais ont toujours été très réticents à reconnaître un droit d'intervention à d'autres particuliers que les propriétaires fonciers; les auteurs citent plusieurs jugements à l'appui de leur affirmationc.

7.2 En ce qui concerne la prétendue possibilité d'invocation directe de l'article 27 du Pacte, les auteurs affirment que si cette possibilité n'est théoriquement pas exclue, il n'existe pas de précédent juridique d'une telle application de l'article 27. L'État partie présente donc à tort une simple possibilité comme s'il s'agissait d'une interprétation juridique. Les auteurs réaffirment qu'il n'existe pas de recours interne pour s'opposer à la construction de routes et à d'autres mesures concrètes dans la "zone résiduelle", qui est entièrement constituée de terres domaniales. Indiquer simplement, comme le fait le Gouvernement, que le Pacte fait partie du droit interne ne prouve en rien que les tribunaux finlandais adoptent dans la pratique ne serait-ce que des formes élémentaires de la conception présentée maintenant, pour la première fois, par l'État partie à un organe conventionnel de l'ONU s'occupant des droits de l'homme.

7.3 Les auteurs contestent l'évaluation faite par l'État partie des effets de la construction des routes dans la zone désignée dans leur communication sur l'exercice de leurs droits en vertu de l'article 27 du Pacte. Premièrement, ils s'élèvent contre l'interprétation donnée par l'État partie de la portée de la disposition, objectant que, si l'applicabilité de l'article 17 dépendait seulement de la mesure dans laquelle "la minorité subvient à ses besoins de manière traditionnelle", cette interprétation ôterait à l'article 27 une bonne partie de son sens. Les auteurs font valoir que, peu à peu, à la suite de politiques gouvernementales, un grand nombre d'autochtones dans le monde ont perdu la possibilité d'avoir leur propre culture et de se livrer à des activités économiques selon leurs traditions. Loin de diminuer les obligations des États parties en vertu de l'article 27, une telle tendance rend d'autant leur observation plus impérative.

7.4 Si les Samis finlandais n'ont pas pu préserver toutes les méthodes traditionnelles de l'élevage du renne, ils n'en continuent pas moins à pratiquer, en commun avec les autres membres de leur groupe, une forme particulière d'élevage, qui est fonction des exigences du milieu naturel. L'utilisation de scooters des neiges n'a pas fait disparaître cette forme nomade d'élevage du renne. Contrairement à la Suède et à la Norvège, la Finlande autorise des non-Samis à pratiquer l'élevage du renne; ainsi dans le sud du pays, des comités de gardiens de troupeaux élèvent les rennes en recourant largement aux enclos et à l'alimentation au fourrage.

7.5 Pour ce qui est des conséquences de la construction de routes dans leur zone d'élevage, les auteurs réaffirment que les projets entraînent une violation de l'article 27 pour les raisons suivantes :

a) Le bruit et les passages d'engins dus aux travaux dérangent les rennes;

b) Les deux routes créent de grandes saignées dans la forêt, ce qui a sur le site immédiat tous les effets négatifs de l'abattage;

c) Les routes vont modifier les parcours des rennes car elles morcellent les espaces et il est beaucoup plus difficile de garder le troupeau groupé;

d) Toute route construite dans un espace naturel amène des touristes et des véhicules d'autres types qui dérangent les animaux;

e) Étant donné que le gouvernement n'a pas donné de justifications raisonnables à la construction des routes, le projet porte atteinte aux droits des auteurs en vertu de l'article 27 du Pacte, car il constitue un préalable à l'exploitation forestière dans leur zone d'élevage.

7.6 En ce qui concerne l'évaluation faite par l'État partie des opérations d'exploitation dans les zones désignées dans la communication, les auteurs font observer que bien que la région désignée dans la communication soit peu étendue par rapport à l'ensemble du pays sami, l'exploitation forestière relancerait un processus qui a duré des siècles et qui a conduit à la désintégration progressive du mode de vie traditionnel sami. Ils notent à cet égard que la zone en question demeure l'une des zones sauvages les plus productives utilisées pour l'élevage du renne en Laponie finlandaise.

7.7 Toujours dans le contexte des opérations d'exploitation forestière prévues, les auteurs présentent les rapports de deux experts d'où il ressort que a) dans certaines conditions, le renne est fortement tributaire des lichens qui poussent sur les arbres; b) les lichens qui poussent à terre constituent l'aliment essentiel du renne pendant l'hiver; c) les forêts anciennes sont supérieures aux jeunes forêts en tant qu'aires d'élevage et d) l'exploitation forestière nuit aux méthodes naturelles d'élevage du renne.

7.8 Les auteurs insistent sur le fait que la zone désignée dans leur communication est restée inexploitée pendant des siècles et que ce n'est qu'à la suite de l'entrée en vigueur de la loi sur les espaces naturels que l'Office national de la foresterie a commencé à concevoir ses projets d'exploitation de la zone. Ils affirment en outre que s'il est vrai, comme le prétend l'État partie, que les régions montagneuses (au-dessus de 300 mètres d'altitude) ne sont pas du tout exploitées dans la pratique par l'Office national de la foresterie, la zone désignée dans la communication doit alors rester inexploitée. Or les deux routes construites dans cette zone passent en partie au-dessus de 300 mètres, ce qui prouve que ces régions sont bien prévues dans les projets d'exploitation de l'Office national de la foresterie. Ils rappellent à cet égard que l'ensemble de la zone désignée dans leur communication est situé au-dessus de 300 mètres d'altitude ou très près de cette limite; par conséquent, ils rejettent l'argument de l'État partie qui prétend que 1 400 hectares seulement de la zone sont des terrains montagneux. De plus, bien qu'ils n'aient pas accès aux plans internes d'exploitation de la zone établis par l'Office national de la foresterie, les auteurs affirment que l'exploitation de 18 % de la superficie totale de leur zone d'élevage porterait incontestablement atteinte à une partie importante des forêts.

7.9 En ce qui concerne l'argument avancé par l'État partie selon lequel l'exploitation forestière intensive et l'élevage intensif du renne sont compatibles, les auteurs font observer que cela ne vaut que pour les formes modernes d'élevage du renne, recourant au nourrissage artificiel. Or les méthodes utilisées par les auteurs sont traditionnelles et les forêts anciennes présentes dans la zone désignée dans la communication sont à cette fin essentielles. L'hiver 1991-1992 a montré comment des hivers relativement doux peuvent mettre en péril les méthodes d'élevage traditionnelles. À la suite de l'alternance de périodes où la température était supérieure à 0 C et de périodes où elle était inférieure à 0 C, la neige a été recouverte en de nombreux endroits de la Laponie finlandaise d'une couche dure de glace empêchant les rennes de se nourrir des lichens du sol. Dans certaines régions dépourvues d'arbres anciens, qui sont ceux dont les branches sont couvertes de lichens, les rennes sont morts de faim. Dans ces conditions, la zone d'élevage désignée dans la communication est extrêmement précieuse pour le auteurs.

7.10 Plusieurs communications présentées par les auteurs entre septembre 1992 et février 1994 apportent un complément d'information. La communication du 30 septembre 1992 indique que l'Office central de la foresterie n'a toujours pas définitivement arrêté ses plans d'exploitation de la zone naturelle d'Hammastunturi. Les auteurs ont ensuite fait savoir, dans une lettre datée du 15 février 1993, que l'État partie, lequel affirme que les auteurs auraient qualité pour agir devant les tribunaux en invoquant l'article 27 du Pacte. La décision de la Cour suprême, qui annule une décision de la Cour d'appel reconnaissant un droit à réparation à un citoyen finlandais en faveur duquel le Comité des droits de l'homme s'était prononcéd, dispose que les juridictions compétentes pour statuer sur la question de la réparation sont les tribunaux administratifs et non pas les juridictions ordinaires.

7.11 Les auteurs indiquent que le projet de gestion et d'exploitation de l'espace naturel d'Hammastunturi leur a été communiqué le 10 février 1993 et que les autorités devaient en principe consulter plusieurs d'entre eux avant que le Ministère de l'environnement n'approuve définitivement le plan. Celui-ci prévoit qu'il n'y aura pas de coupes de bois dans les parties de la zone naturelle située dans le périmètre visé dans la communication et dans le aires de pacage des troupeaux de la coopérative de Sallivaara. Mais il n'en vas pas de même des aires des troupes de Lappi : le projet prévoit des coupes de bois sur une étendue de 10 kilomètres carrés (appelée Peuravaarat) située à la pointe sud de la zone naturelle de Hammastunturi et à l'intérieur du périmètre visé dans la première communication.

7.12 Les auteurs indiquent dans des communications du 19 octobre 1993 et du 19 février 1994 que les négociations sur la zone naturelle et l'élaboration d'un plan de gestion et d'exploitation ne sont toujours pas terminées et que l'Office central de la foresterie n'a pas encore présenté sa recommandation finale au Ministère de l'environnement; on pense même qu'il faudra attendre 1996 pour que le plan soit définitivement au point.

7.13 Les auteurs évoquent un différend, portant lui aussi sur les coupes de bois, dans une autre aire de pacage des troupeaux de rennes des éleveurs samis, lesquels ont introduit une instance contre l'État finlandais, qui prévoyait des coupes de bois et des travaux de construction routière dans le district d'Angeli et soutenait qu'en l'espèce l'article 27 du Pacte ne devrait pas pouvoir être invoqué en droit interne. Le Tribunal de première instance d'Inari a décidé le 20 août 1993 que l'affaire était recevable mais a débouté les demandeurs, qui ont été condamnés aux dépens mais auxquels la Cour d'appel de Rovaniemi a annoncé le 15 février 1994 qu'il y aurait une procédure orale le 22 mars suivant. Le Conseil des plaignants fait valoir que cette décision de la Cour d'appel autorisant une procédure orale, "si elle ne peut pas être invoquée comme une preuve que les tribunaux finlandais peuvent dans les faits s'appuyer sur l'article 27 du Pacte, n'exclut pas, néanmoins cette possibilité".

7.14 Compte tenu des éléments indiqués ci-dessus, les auteurs concluent que leur affaire reste en suspens au regard du droit interne.

Délibérations après la décision de recevabilité

8.1 Le Comité a noté que, dans ses observations soumises après la décision de recevabilité, l'État partie signalait que des recours locaux étaient disponibles aux auteurs en ce qui concernait la construction de routes dans la zone résiduelle, dès lors que l'on pouvait invoquer les dispositions du Pacte comme appartenant au droit interne et que l'on pouvait tirer moyen de son article 27 devant les tribunaux finlandais. Il saisit cette occasion pour développer ses conclusions relatives à la recevabilité.

8.2 Dans leur communication du 25 mars 1992, les auteurs admettent que certains tribunaux finlandais ont examiné des plaintes fondées sur l'article 27 du Pacte. Il ressort des communications dont le Comité est saisi qu'il est rare que l'article 27 ait été invoqué devant les tribunaux locaux et que les tribunaux se soient fondés sur cette disposition pour rendre leurs décisions. Toutefois, il y a lieu de noter, comme le reconnaît le conseil des auteurs, que les autorités judiciaires finlandaises prennent de plus en plus en considération, au plan interne, les normes internationales relatives aux droits de l'homme, notamment des droits consacrés dans le Pacte. Tel est le cas en particulier du Tribunal administratif suprême, mais aussi de plus en plus de la Cour suprême et des juridictions inférieures.

8.3 Dans ces conditions, le Comité ne pense pas qu'un jugement rendu récemment par le Tribunal administratif suprême, qui ne fait pas référence à l'article 27, doive être considéré en l'espèce comme un précédent négatif. À la lumière de la situation évoquée au paragraphe 8.2 ci-dessus, les doutes que nourrissent les auteurs sur la volonté des tribunaux de connaître de plaintes fondées sur l'article 27 du Pacte ne justifient pas qu'ils aient négligé les voies de recours interne, disponibles et utiles, selon les protestations convaincantes de l'État partie. Le Comité relève par ailleurs que, selon le Conseil, la décision rendue par la Cour d'appel de Kovaniemi dans une affaire comparable, sans confirmer l'applicabilité de l'article 27 devant les tribunaux internes, en ménage la possibilité à tout le moins. Aussi le Comité est-il d'avis qu'une action devant une instance administrative contestant la construction de routes dans la zone résiduelle ne serait pas a priori futile et qu'il n'a pas été satisfait aux exigences du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.

8.4 Le Comité prend note de l'observation du Conseil selon laquelle la mise au point du plan d'exploitation et d'entretien de l'Office centrale de la foresterie sera vraisemblablement différée jusqu'en 1996 et croit pouvoir en conclure que l'État partie n'entreprendra aucune nouvelle activité dans les espaces naturels d'Hammastunturi et la zone résiduelle en attendant que les auteurs se prévalent d'autres recours internes.

9. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :

a) D'annuler la décision du 9 juillet 1991;

b) De déclarer la communication irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif;

c) De communiquer la présente décision à l'État partie, aux auteurs et à leur conseil.

[Texte adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français.]


Notes

a Documents officiels de l'Assemblée générale, quarante-troisième session, Supplément No 40 (A/43/40), annexe VII.G, communication No 197/1985 (Kitok c. Suède), constatations adoptées le 25 juillet 1988, par. 9.8; et ibid., quarante-cinquième session, Supplément No 40 (A/45/40), annexe IX.A, communication No 167/1984 (Ominayak c. Canada), constatations adoptées le 26 mars 1990, par. 32.2.

b Ibid., trente-sixième session, Supplément No 40 (A/36/40), annexe XIII, communication No 35/1978 (Aumeeruddy-Cziffra c. Maurice), constatations adoptées le 9 avril 1981, par. 5; et ibid., trente-septième session, Supplément No 40 (A/37/40), annexe XIV, communication No 61/1979 (Hertzberg c. Finlande), constations adoptées le 2 avril 1982, par. 9.3.

c Voir par exemple le jugement du 16 avril 1992 du Tribunal administratif suprême dans l'affaire Angeli.

d Documents officiels de l'Assemblée générale, quarante-quatrième session, Supplément No 40 (A/44/40), annexe X.J, communication No 265/1987 (Antii Vuloanne c. Finlande), constatations adoptées le 7 avril 1989.



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