University of Minnesota



Csaba Párkányi c. Hongri
e, Communication No. 410/1990, U.N. Doc. CCPR/C/45/D/410/1990 (1992).



Comité des droits de l'homme
Quarante-cinquième session

Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux
droits civils et politiques -Quarante-cinquième session

concernant la

Communication No 410/1990


Présentée par : Csaba Párkányi

Au nom de : L'auteur

Etat partie : Hongrie

Date de la communication :
15 janvier 1990

Date de la décision concernant la recevabilité
: 22 mars 1991

Le Comité des droits de l'homme, institué conformément à l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 27 juillet 1992,

Avant achevé l'examen de la communication No 410/1990, présentée au Comité des droits de l'homme par M. Csaba Párkányi en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été fournies par l'auteur de la communication et par 1'Etat partie,

Adopte ses constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif.

Les faits présentés par l'auteur

1. L'auteur de la communication, datée du 15 janvier 1990, est Csaba Párkányi, citoyen hongrois, qui a son domicile dans la ville de Siofok. A l'époque où l'auteur a présenté sa communication, il purgeait une peine d'emprisonnement à la prison d'Etat de Budapest: il a été libéré depuis en vertu d'une amnistie. Il se dit victime de violations par la Hongrie des articles 9, 10 et 11 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour la Hongrie le 7 décembre 1988.

2.1 L'auteur indique qu'il est devenu directeur général de la Société coopérative de construction de la ville de Siofok, en 1980. Les affaires de la société ont été prospères plusieurs années jusqu'à la fin de 1984, où elles se sont gravement ressenties de la baisse générale de l'activité économique. A peu près à la même époque, la section locale du Parti socialiste hongrois des travailleurs a entrepris des enquêtes sur lui et la société. L'auteur affirme que ces enquêtes visaient à lui faire perdre son poste.

2.2 En août 1986, le directeur de l'un des départements de la société a été arrêté pour fraude et détournement de fonds. Le 3 septembre 1986, la police a arrêté l'auteur de la communication pour complicité de fraude et de détournement de fonds. L'auteur souligne que les activités du département faisant l'objet de l'enquête ne représentaient guère plus de 5 % du chiffre d'affaires total de la société et que, comme elles se déroulaient à environ 150 km du siège, il lui était difficile de les surveiller et d'intervenir
le cas échéant.

2.3 Le 8 février 1989, l'auteur a été reconnu coupable par le tribunal de la ville de Kaposvar et condamné à deux ans et huit mois d'emprisonnement; des biens lui appartenant, évalués à 400 000 forint, ont été confisqués. Le 13 juillet 1989, la Cour d'appel a confirmé la peine d'emprisonnement et ramené la valeur des biens confisqués à 130 000 forint; elle a condamné l'auteur aux dépens, lesquels se montaient à 60 000 forint. Son avocat a demandé l'autorisation de former un recours devant la Cour suprême, mais
sa requête a été rejetée en septembre 1989. L'auteur, qui a commencé à purger sa peine le 13 août 1989, a en vain demandé au Ministre de la justice la réouverture de son procès. Le 26 juin 1990, il a été libéré en vertu d'un décret d'amnistie.

La plainte

3.1 L'auteur se plaint d'une arrestation et d'une détention arbitraires par la police du comté de Somogy, les accusations portées contre lui n'ayant pu être étayées par des preuves suffisantes; de plus, les conditions dans lesquelles il a subi sa détention provisoire auraient été déplorables. A cet égard, il note que les détenus qui se trouvaient dans les locaux de détention provisoire de la police, y compris lui-même, étaient vêtus de haillons, et qu'il a dû attendre une semaine entière avant de rentrer en possession de ses vêtements. Les détenus n'avaient que cinq minutes pour une toilette élémentaire le matin, et ne pouvaient prendre une douche
qu'une fois par semaine: en outre, ils ne disposaient chaque jour que de cinq minutes pour une récréation qui consistait à marcher dans un espace ouvert d'une vingtaine de mètres carrés, entouré de murs contre lesquels les gardiens venaient uriner fréquemment. Ils n'avaient pas assez à manger; bien que l'auteur ait pu recevoir des vivres apportés par les siens en fin de semaine, il a perdu plus de 10 kg au cours de sa détention préventive. Il déclare que les gardiens ont cherché à l'intimider, lui faisant comprendre que s'il ne passait pas aux aveux, ils inventeraient sans cesse des chefs d'accusation différents de manière à justifier la prolongation de
sa détention. Cela, ajoute l'auteur, était pour lui une source de tension nerveuse continuelle.

3.2 L'auteur dit n'avoir jamais eu en main copie de son acte d'inculpation alors que, lorsqu'il a été convoqué au siège du Parti la première fois, les enquêteurs chargés de son affaire disposaient de ce texte.

3.3 L'auteur prétend que sa cause n'a pas été entendue équitablement, et que la procédure judiciaire engagée contre lui était une parodie de justice. Ainsi, sa demande de faire comparaître des témoins à sa décharge a été rejetée en particulier, le conseiller juridique de son ancienne société, un témoin dont la déposition avait été demandée à la fois par l'accusation et par l'auteur, n'a jamais été entendu, bien qu'il fût au courant de la situation financière de la société. L'auteur prétend par ailleurs que, bien que certains des témoins à charge aient indirectement confirmé sa propre version des faits, le tribunal a passé leur témoignage sous silence.

3.4 Selon l'auteur, les tribunaux n'ont pas respecté les règles applicables ni les directives de la Cour suprême de Hongrie régissant l'évaluation des preuves: en l'absence d'une évaluation complète des témoignages, les tribunaux ont, selon l'auteur, violé le principe de la présomption d'innocence. La seule preuve utilisée contre lui a été le témoignage d'un ancien collègue, qui n'était pas seulement en contradiction avec celui d'autres témoins mais aussi incohérent en soi. Le tribunal a rejeté ce témoignage en tant que moyen de défense pour le collègue de l'auteur, mais l'a accepté comme preuve contre l'auteur. Enfin, celui-ci affirme que le tribunal n'a pas examiné certains documents de la société qui étaient pourtant extrêmement pertinents, comme ses propres instructions aux divers services de la société, les règles de fonctionnement de la société et les mesures qu'il avait adoptées pour rationaliser les activités de la société.

Observations de 1'Etat partie

4. L'Etat partie admet que la communication est recevable. Bien que l'arrestation de l'auteur et sa détention (du 3 septembre 1986
au 16 février 1987) aient eu lieu avant l'entrée en vigueur pour la Hongrie du Protocole facultatif (le 7 décembre 1988), la condamnation en première instance s'est produite à une date postérieure, le 8 février 1989. L'Etat partie note que, du fait qu'il n'est pas possible de séparer les événements qui se sont produits avant le 7 décembre 1988 de l'action pénale engagée contre l'auteur, la communication est recevable ratione temvoris: il ajoute qu'en l'espèce, tous les recours internes disponibles ont été épuisés.

Décision du Comité concernant la recevabilité

5.1 A sa quarante et unième session, en mars 1991, le Comité a examiné la question de la recevabilité de la communication. Il a estimé que l'auteur n'avait pas étayé l'affirmation selon laquelle l'article 11 du Pacte avait été violé. Il a estimé en outre que, dans la mesure où les allégations de l'auteur concernaient l'évaluation des faits et des preuves dans l'affaire le concernant, la communication était irrecevable en vertu de l'article 3 du Pacte. Toutefois, le Comité a estimé que l'affirmation de l'auteur selon laquelle il n'avait pas pu obtenir une copie de son acte d'inculpation pouvait soulever des questions relevant du paragraphe 1 de l'article 14, et que l'affirmation selon laquelle le tribunal avait rejeté sa demande de faire comparaître des témoins à sa décharge pouvait soulever des questions relevant du paragraphe 3 de l'article 14 du Pacte.

5.2 En conséquence, le Comité a déclaré la communication recevable dans la mesure où elle pouvait soulever des questions relevant de l'article 10 et de l'article 14 (par. 1 et 3 e)) du Pacte.

Observations de 1'Etat Partie et commentaires de l'auteur

6.1 Dans ses observations en date du 22 octobre 1991, 1'Etat partie indique qu'il a enquêté sur les allégations de l'auteur concernant les circonstances de sa détention. Il reconnaît que les vêtements de l'auteur, sitôt après sa détention, ont été remplacés par des vêtements fournis par la prison; il fait valoir que cela était nécessaire pour des raisons de sécurité : en effet, l'auteur portait un jean ayant une fermeture éclair, qui aurait pu entraîner une blessure. Il affirme que le fonctionnaire chargé de l'instruction a invité l'épouse de, l'auteur à apporter des vêtements adaptés; il fait valoir que le paquet est arrivé au bout d'une semaine, ce qui ne peut être considéré comme un délai excessif.

6.2 En ce qui concerne la plainte de l'auteur, selon laquelle les détenus n'avaient que cinq minutes par jour pour leur hygiène personnelle, 1'Etat partie concède que les détenus avaient relativement peu de temps pour leur hygiène personnelle et leur promenade. Il explique que le règlement prévoit une heure et demie pour la toilette, mais qu'il y a 12 cellules, contenant 40 personnes. En ce qui concerne la cour de promenade, sa superficie est de 35 m2, non de 20 m2, comme l'auteur l'affirme.

6.3 L'Etat partie soutient par ailleurs qu'il ressort du dossier de l'enquête que l'auteur s'est plaint de la nourriture une seule fois, et que cette plainte ne portait pas sur la quantité mais sur la qualité de la nourriture, qu'il trouvait trop grasse. L'Etat partie affirme en outre que l'auteur a été examiné par un médecin de la police, qui a conclu qu'aucun obstacle d'ordre médical n'empêchait de maintenir l'auteur en détention.

6.4 L'Etat partie souligne que des améliorations ont récemment été apportées aux règlements pénitentiaires. Il soutient toutefois que le règlement en vigueur a l'époque de la détention de l'auteur était pleinement conforme au Pacte.

6.5 Quant à l'affirmation de l'auteur selon laquelle il n'a pas reçu copie de son acte d'accusation, 1'Etat partie explique que les règlements en vigueur a l'époque de l'arrestation de l'auteur prévoyaient, dans le cas d'un délit commis par des membres du Parti, la communication de l'acte d'accusation au comité du Parti. Il souligne que cette disposition a depuis été abrogée.

6.6 L'Etat partie ajoute que l'auteur a reçu une copie de son acte d'accusation avant le début du procès. A cet égard, il fait valoir que le Code hongrois de procédure pénale est en harmonie avec les dispositions du Pacte. La loi dispose que, le premier jour du procès, le procureur demande à l'inculpé et à son conseil si une copie de l'acte d'accusation leur a été dûment transmise huit jours avant le début de la session. Si l'acte d'accusation n'a pas été communiqué en temps utile, l'accusé et son conseil ont le droit de soulever une objection et de demander l'ajournement de la session. D'après 1'Etat partie, le compte rendu sténographique du procès montre qu'aucune objection n'a été soulevée par l'auteur ou par son conseil le premier jour du procès.

6.7 En ce qui concerne l'affirmation de l'auteur selon laquelle sa demande de faire comparaître des témoins à sa décharge a été rejetée par le tribunal, 1'Etat partie concède que le compte rendu sténographique du procès montre que le tribunal n'a pas entendu un certain témoin, dont le témoignage avait été demandé par l'auteur. Toutefois, 1'Etat partie fait valoir que 28 des 42 témoins ainsi que deux experts (dont le procureur avait demandé la comparution) ont été entendus. Il soutient que si certains témoins n'ont pas été entendus, c'est parce qu'il a été impossible de les joindre aux adresses indiquées. Il fait également valoir que le tribunal de première instance et la Cour d'appel ont tous deux estimé qu'il n'était pas nécessaire d'entendre le témoin particulier dont l'auteur demandait la comparution.

6.8 Enfin, 1'Etat partie affirme que son Ministère de la justice n'a jamais reçu la demande de réouverture du dossier que l'auteur prétend avoir envoyée le 30 octobre 1989. Il fait observer, en outre, que le Ministre de la justice n'a pas qualité pour réviser un jugement définitif prononcé par un tribunal.

7.1 Dans ses commentaires sur les observations de 1'Etat partie, l'auteur déclare qu'il n'a rien à ajouter aux plaintes qu'il a formulées précédemment concernant ses conditions de détention. Il réaffirme avoir perdu 10,5 kg en cinq mois et demi de détention.

7.2 Il lui paraît, en outre, incroyable que 1'Etat n'ait pu trouver les adresses de 12 témoins. Il soutient que 1'Etat n'a jamais essayé de
les convoquer. A ses yeux, pour qu'une cause soit équitablement entendue, il faut que tous les témoins dont la comparution a été demandée soient cités; le fait que le tribunal n'ait pas jugé nécessaire de convoquer le témoin qu'il avait indiqué constitue, selon l'auteur, une violation de la présomption d'innocence. L'auteur soutient enfin que le procès-verbal confirmerait ses dires, mais qu'il n'a pas les moyens de le faire traduire.

Examen de la communication quant au fond

8.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par les parties, conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.

8.2 Le Comité se félicite de l'enquête détaillée entreprise par 1'Etat partie comme suite à la plainte de l'auteur selon laquelle les conditions de sa détention constituaient une violation des droits garantis à l'article 10 du Pacte. Il note que 1'Etat partie n'a pas contesté la compétence du Comité pour ce qui est de l'examen de cette plainte, même si celle-ci porte sur des faits qui se sont produits avant l'entrée en vigueur du Protocole facultatif pour la Hongrie, bien qu'après l'entrée en vigueur du Pacte. Dans ces conditions précises, le Comité estime qu'il n'est pas empêché d'examiner l'allégation de l'auteur.

8.3 Pour ce qui est de la plainte quant au fond, le Comité estime que, compte tenu des renseignements donnés par 1'Etat partie, rien ne permet de conclure que la nourriture était insuffisante et que l'auteur était contraint de porter des haillons. Il note toutefois que 1'Etat partie ne conteste pas l'affirmation de l'auteur selon laquelle il ne lui était alloué que cinq minutes par jour pour son hygiène personnelle et cinq minutes pour des exercices en plein air. 11 considère qu'une telle restriction du temps accordé pour l'hygiène et l'exercice physique est contraire aux dispositions de l'article 10 du Pacte.

8.4 En ce qui concerne la plainte de l'auteur selon laquelle il n'a pu obtenir de copie de l'acte d'accusation que le premier jour de l'ouverture du procès, le Comité note que 1'Etat partie conteste cette allégation. En l'absence d'autres commentaires de l'auteur, il estime que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître de violations du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte.

8.5 Enfin, pour ce qui est de la plainte de l'auteur selon laquelle le tribunal n'aurait pas cité à comparaître un certain témoin qui était important pour sa défense, le Comité note que 1'Etat partie a fait valoir que le tribunal avait décidé qu'il n'était pas nécessaire d'entendre ce témoin. L'auteur de la communication n'a pas apporté de preuves permettant de conclure que la décision du tribunal, confirmée par la Cour d'appel, ait été de nature à compromettre l'application du principe de l'égalité des armes entre l'accusation et la défense, et que les circonstances dans lesquelles les témoins à décharge ont été entendus aient été différentes de celles dans lesquelles les témoins à charge ont été interrogés. En conséquence, le Comité ne peut pas conclure en l'espèce qu'il y a eu violation du paragraphe 3 e) de l'article 14.

9. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d'avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte.

10. Le Comité estime que 1'Etat partie devrait accorder a M. Párkányi une réparation appropriée. En outre, tout en se félicitant des améliorations apportées de façon générale aux conditions de détention en vertu d'amendements récents de la loi, il fait observer que des dispositions devraient aussi être prises pour prévoir, conformément à la loi, un temps suffisant pour l'hygiène personnelle et l'exercice physique.

11. Le Comité souhaiterait recevoir, dans un délai de 90 jours, des informations sur toutes mesures pertinentes que 1'Etat partie aurait prises en rapport avec ses constatations.



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