University of Minnesota



M. S. (nom supprimé) c. Pays-Bas, Communication No. 396/1990, U.N. Doc. CCPR/C/45/D/396/1990 (1992).



Comité des droits de l'homme
Quarante-cinquième session
Décision prise par le Comité des droits de l'homme en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits
civils et politiques - Quarante-cinquième session

concernant la

Communication No 396/1990



Présentée Dar : M. S. (nom supprimé) [représenté par un conseil]

Au nom de : L'auteur

Etat partie : Pays-Bas

Date de la communication : 15 février 1990 (date de la première lettre)

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 22 juillet 1992,

Adopte la décision ci-après :


Décision concernant la recevabilité

1. L'auteur de la communication (datée du 15 février 1990)est M. S., citoyen néerlandais résidant à Utrecht (Pays-Bas). Il affirme être victime d'une violation par les Pays-Bas de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté par un avocat.

Les faits selon l'auteur

2.1 L'auteur indique que, le 27 mars 1985, le tribunal de première instance (Politierechter)d'Utrecht l'a condamné pour voies de fait perpétrées le 30 janvier 1985 sur la personne du père de son ex-amie. Le 16 octobre, la Cour d'appel a rejeté son recours et, le 3 février 1987, la Cour suprême (Hocre/Raad) a confirmé la décision de la Cour d'appel.

2.2 L'auteur fait valoir qu'il a agi en état de légitime défense, ayant été attaqué par les parents et le frère de son ex-amie, mais que ses agresseurs n'ont pas été poursuivis, bien qu'il ait porté plainte contre eux auprès de la police d'Utrecht. D'après lui, l'enquête à son sujet a été partiale; des éléments de preuve et des faits ont été "manipulés" et déformés par la police. La déposition de témoins à sa décharge aurait établi que les accusations portées contre lui étaient fabriquées. S'il n'a pas demandé la comparution de témoins, c'est qu'il estimait ne pas avoir à prouver lui-même que l'enquête de police avait été partiale, car cette exigence aurait violé son droit aux garanties d'une procédure régulière.

La plainte

3. L'auteur prétend qu'il n'a pas bénéficié d'un procès équitable, parce que la Cour s'est contentée des preuves et témoignages, selon lui tendancieux, recueillis par la police. Il soutient que le Procureur aurait dü ordonner un complément d'enquête pour faire pièce à l'enquête partiale menée par la police. Il soutient en outre que la non-poursuite de ses agresseurs par le Procureur viole le principe de l'égalité des moyens de défense.

Observations de 1'Etat partie et commentaires de l'auteur à leur sujet

4.1 Par une communication du 27 novembre 1991, 1'Etat partie déclare que la communication est irrecevable pour cause de non-épuisement des recours internes. L'auteur aurait pu porter plainte devant la Cour d'appel en vertu de l'article 12 du Code de procédure pénale (Wetboek van Strafvordering), qui dispose ce qui suit :

" 1. Si aucune poursuite n'est intentée a l'occasion d'un délit, ou si les poursuites sont suspendues, la personne intéressée peut porter plainte devant la Cour d'appel de la circonscription judiciaire dans laquelle les poursuites auraient dû être intentées. La Cour peut enjoindre au Procureur de dresser un rapport et elle peut ordonner l'ouverture ou la poursuite d'une action.

2. La Cour d'appel peut refuser de donner cet ordre pour des motifs d'intérêt public.

3. (...)"

4.2 L'Etat partie fait valoir que d'une manière générale le Procureur peut décider de ne pas poursuivre quelqu'un "pour des motifs d'intérêt public" (art. 167, par. 2 du Code de procédure pénale). Il souligne qu'en l'occurrence le Procureur n'a discerné aucune raison d'inculper qui que ce soit d'autre que l'auteur. L'Etat partie constate que le Pacte ne prévoit pas le droit de faire engager des poursuites contre un tiers et il renvoie à ce sujet à la décision de recevabilité du Comité relative à la communication No 213 1986. Il affirme donc que cette partie de la communication est irrecevable car incompatible avec les dispositions du Pacte.

4.3 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur selon laquelle l'enquête de police aurait été partiale à son encontre, et que l'on n'aurait recueilli que des preuves et témoignages à sa charge, 1'Etat Partie indique que le tribunal ne peut prononcer une condamnation qu'en se fondant sur des éléments de preuve juridique convaincants présentés à l'audience (art. 338 du Code de procédure pénale). Ces éléments de preuve comprennent notamment les constatations faites par les magistrats eux-mêmes au cours de l'audience et les déclarations faites par l'accusé, les témoins et les experts. L'Etat partie soutient que l'auteur avait la possibilité pendant le procès de présenter toute information utile touchant son affaire. Il fait valoir que les accusations de l'auteur ne sont pas étayées
et il renvoie sur ce point à la décision de la Commission européenne des droits de l'homme du 2 mai 1989 concernant la même affaire, où il est dit que l'examen des plaintes de l'auteur "ne fait apparaître aucun signe de violation des droits et libertés énoncés dans la Convention,
en particulier à l'article 6.


5.1 Dans ses commentaires, l'auteur fait valoir que, s'il avait porté plainte en vertu de l'article 12 du Code de procédure pénale, il n'en aurait pas pour autant obtenu l'égalité souhaitée : il en serait résulté uniquement des poursuites contre les personnes qui l'avaient attaqué, mais cela n'aurait pas débouché sur son acquittement.

5.2 L'auteur soutient aussi que le tribunal aurait dû l'acquitter à cause de la partialité de l'enquête de police. Etant donné qu'il a fait appel du jugement du tribunal devant la Cour d'appel et la Cour suprême, l'auteur dit avoir épuisé tous les recours internes disponibles.

Questions dont le Comité est saisi et procédures devant le Comité

6.1 Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, décider si la communication est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2 En ce qui concerne l'argument de l'auteur selon lequel ses droits ont été violés du fait que le Procureur n'a pas poursuivi ceux qu'il appelle ses agresseurs, le Comité fait observer que le Pacte ne prévoit pas le droit de faire engager une action pénale contre un tiers. Par conséquent, cette partie de la communication est irrecevable car elle est incompatible avec les dispositions du Pacte, conformément à l'article 3 du Protocole facultatif.

6.3 En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le procès qui a été intenté à l'auteur n'était pas équitable, le Comité rappelle sa position qui n'a jamais varié, à savoir qu'en principe ce n'est pas au Comité, mais aux tribunaux des Etats parties au Pacte, qu'il incombe d'évaluer les faits et les preuves dans une affaire, à moins qu'il n'apparaisse que les décisions du tribunal étaient arbitraires et équivalaient à un déni de justice. Dans ces conditions, le Comité conclut que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif.

7. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :

a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif:

b) Que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie, a l'auteur de la communication et à son avocat.



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