University of Minnesota



Mme M. Th. Sprenger c. Pays-Bas, Communication No. 395/1990, U.N. Doc. CCPR/C/44/D/395/1990 (1992).



Comité des droits de l'homme
Quarante-quatrième session


CONSTATATIONS DU COMITE DES DROITS DE L'HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4
DE L'ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE
INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES
QUARANTE-QUATRIEME SESSION

concernant la

Communication No 395/1990



Présentée par : Mme M. Th. Sprenger [représentée par un conseil1

Au nom de : L'auteur

Etat partie concerné : Les Pays-Bas

Date de la communication
: 8 février 1990

Date de la décision concernant le recevabilité :
22 mars 1991

Le Comité des droits de l'homme, institué en
vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Reuni le 31 mars 1992,

Ayant achevé l'examen de la communication No 395/1990, présentée au Comité par Mme M. Th. Sprenger en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Avant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été fournies par l'auteur de la communication et par 1'Etat partie intéressé,

Adopte ses constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 4.3 Protocole facultatif.

Les faits selon l'auteur

1. L'auteur de la communication est Mme M. Th: Sprenger, ressortissante néerlandaise résidant à Maastricht (Pays-Bas), qui se dit victime d'une violation par le Pays-Bas de l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.


2.1 L'auteur a perçu des allocations de chômage en vertu de la loi néerlandaise sur les allocations de chômage jusqu'au 20 août 1987; à cette date, ses droits à ces indemnités ont pris fin. Son affiliation à la. Caisse d'assurance maladie a aussitôt expiré de ce fait, cobformément à la loi relative à l'assurance maladie. L'auteur a alors demandé à être admise au bénéfice de l'assurance-groupe indemnité de chômage, régime qui lui permettrait par ailleurs de bénéficier automatiquement de l'assurance maladie obligatoire en vertu de la loi relative à l'assurance maladie.

2.2 La demande de l'auteur a été rejetée au motif qu'elle vivait en concubinage avec une personne dont les revenus étaient d'un montant Supérieur à ceux des allocations versées au titre de l'assurance-groupe indemnité de chômage. Son concubin était assuré par son employeur conformément à la loi relative à l'assurance maladie. En vertu du paragraphe 1 de l'article 4 de ladite loi, le conjoint de l'assuré social peut bénéficier aussi de l'assurance maladie si l'intéressé est âgé de moins de 65 ans et vit sous le même toit que l'assuré et si ce dernier est réputé subvenir
à ses besoins. L'auter a expliqué qu'elle vivait avec son concubin depuis octobre 1982 et que, le 8 août 1983, ils avaient officialisé leur concubinage par un contrat notarié qui prévoyait le partage des dépenses afférentes au ménage et a leurs biens et leur logement communs.

2.3 La demande faite par l'auteur pour être assurée au même titre que son concubin a été rejetée par l'organisme régional de sécurité sociale le 4 août 1987 au motif que la loi relative à l'assurance maladie ne reconnaissait la qualité de coassuré qu'en cas d'union légale. A cet égard, l'auteur souligne que c'est précisément parce qu'elle vit en concubinage qu'elle ne peut pas bénéficier des indemnités de chômage qui lui permettraient d'être assurée en vertu de la loi relative à l'assurance maladie, et que la question de la coassurance n'aurait jamais été soulevée si elle avait été admise au bénéfice dudit régime.

2.4 Le 3 février 1988, la Commission d'appel (Raad van Beroep)a infirmé la décision du 4 août 1987 au motif que l'établissement d'une distinction entre une union légale et un concubinage constituait une discrimination au sens àe 1'er: icle 26 du Pacte. L'organisme régional de sécurité sociale a, à son tour, fait appel de cette décision devant la Commission centrale d'appel, qui a statué, le 28 septembre 1988, que la décision du 4 août 1987 ne violait pas les àispositions de l'article 26 du Pacte. Dans les motifs de sa décision, la Comr. ission centrale d'appel se référait à la décision du Comité des droits de l'homme concernant la communication No 180/1984 (affaire Danning c. les Pays-Bas), selon laquelle une différence de traitement entre concubinage et union légale ne saurait être réputée constituer une discrimination au sens de l'article 26 du Pacte.

2.5 L'auteur indique que la loi relative à l'assurance maladie a été modifiée et qu'elle place, depuis le ler janvier 1988, le concubinage et l'union légale sur un pied d'égalité.

La plainte

3. L'auteur se dit victime d'une violation par 1'Etat partie de l'article 26 du Pacte parce qu'elle s'est vu refuser la qualité de coassurée au regard de la loi relative à l'assurance maladie, qui établissait une distinction entre les couples vivant en concubinage et les couples mariés alors que d'autres lois en matière de sécurité sociale plaçaient déjà le concubinage et l'union légale sur un pied d'égalité.

Décision du Comité concernant la recevabilité

4.1 A sa quarante et unième session, le Comité a examiné la question de la recevabilité de la communication. Il a noté que 1'Etat partie n'avait soulevé aucune objection concernant la recevahilité de la communication et s'est assuré que la même question n'était pas soumise à une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

4.2 Le 22 mars 1991, le Comité a déclaré la communication recevable à raison de l'article 26 du Pacte.

Explications de 1'Etat partie et observations de l'auteur sur ces explications


5.1 Dans sa communication datée du 15 novembre 1991, 1'Etat partie soutient que la distinction entre conjoints et concubins établie par la loi relative à l'assurance maladie ne constitue pas une discrimination au sens de l'article 26 du Pacte. A cet égard, il renvoie aux constatations du Comité concernant la communication No 180/1984.

5.2 L'Etat partie soutient que, même si l'auteur et son concubin ont contracté certaines obligations réciproques par contrat notarié, il n'en existe pas moins des différences considérables entre leur statut et celui à'un corple marié. L'Etat partie fait valoir que le Code civil impose aux couples mnriés des obligations que l'auteur et son concubin n'ont pas contractées; il cite notamment l'obligation de verser une pension alimentaire a l'ex-conjoint. T Y 'Etat partie fait valoir que rien n'empêchait l'auteur de contracter un mariage en bonne et due forme, qui lui aurait donné droit à tous les avantages correspondants.

5.3 L'Etat partie déclare qu'il n'a jamais prétendu abolir globalement la distinction entre conjoints et concubins, et qu'il n'a introduit l'égalité de traitement que dans des cas particuliers et à certaines conditions. Il déclare en outre que l'opportunité d'introduire l'égalité de traitement entre conjoints et concubins dans la législation en matière de sécurité sociale a fait l'objet d'un examen au cas par cas; c'est pourquoi certaines lois ont été révisées dans ce sens avant d'autres.

6.1 Dans sa réponse à la communication de 1'Etat partie, l'auteur fait valoir que les différences entre couples mariés et couples non mariés doivent être considérées dans le contexte du droit de la famille; elles n'ont pas d'effet sur les conditions socio-économiques, qui sont identiques pour les premiers et pour les seconds.

6.2 L'auteur fait valoir en outre que les tribunaux ont déjà statué que le statut juridique des concubins qui se sont imposé certaines obligations réciproques par contrat notarié équivalait à celui des couples mariés. A cet égard, elle renvoie à la décision, en date du 23 novembre 1986, de la Commission centrale d'appel. relative aux émoluments des personnels militaires mariés. Elle fait valoir en outre qu'au ler janvier 1987, l'égalité de traitement était acceptée dans presque toutes-les lois des Pays-Bas en matière de sécurité sociale, à l'exception de la loi relative à l'assurance maladie et de la loi générale sur les veufs et les orphelins.

Examen au fond

7.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par les parties, conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.

7.2 Il observe que le Pacte n'impose pas aux Etats d'adopter une législation en matière de sécurité sociale, mais que s'ils le font, leur législation doit être conforme à l'article 26 du Pacte. L'égalité devatn la loi signifie que toute distinction dans la jouissance des avantages sociaux doit être fondée sur des critères raisonnables et objectifs 21.

7.3 En l'espèce, 1'Etat partie soutient qu'il existe entre les couples mariés et non mariés des différences objectives justifiant un traitement différent. A cet égard, il renvoie aux constatations du Comité concernant l'affaire Danning c. les Pavs-Bas, à propos de laquelle le Comité avait conclu qu'une différence àe traitement entre couples mariés et non mariés ne constituait pas une discrimination au sens de l'article 26 du Pacte.

7.4 Le Comité rappelle que sa jurisprudence n'admet de-traitement distinctif que fonàé sur des critères raisonnables et objectifs. Une évolution sociale se produit dans les Etats parties, et le Comité a, dans le présent contexte, pris note de la récente législation qui reflète cette évolution, notamment les amerdements apportés à la loi néerlandaise sur l'assurance maladie. Le Comité a noté aussi l'explication donnée par 1'Etat partie, aux termes de laquelle il n'y a pas eu aux Pays-Bas de suppression générale de la distinction entre personnes mariées et concubins, et les raisons données pour maintenir cette distinction. Le Comité constate donc que celle-ci se fonde sur des critères raisonnables et objectifs. Le Comité rappelle ses constatations au titre de la communication No 180/1984 et les applique à la présente affaire.

7.5 Enfin, le Comité observe que lorsque l'assemblée législative Etat d'un décide de modifier une loi, cela n'implique pas nécessairement que cette loi ait été incompatible avec le Pacte; les Etats parties sont libres de modifier des lois compatibles avec le Pacte et d'accorder des droits et avantages sociaux qui vont au-delà des obligations que le Pacte leur impose.

8. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international sur les droits civils et politiques, est d'avis que les faits dont il est saisi ne violent aucun article du Pacte international sur les droits civils et politiques.



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