University of Minnesota



A. C. (nom supprimé)
c. France, Communication No. 393/1990, U.N. Doc. CCPR/C/45/D/393/1990 (1992).



Comité des droits de l'homme
Quarante-cinquième session

Décision prise par le Comité des droits de l'homme en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits
civils et politiques - Quarante-cinquième session

concernant la

Communication No 393/1990


Présentée par : A. C. (nom supprimé)

Au nom de : L'auteur

Etat partie : France

Date de la communication : 16 mars 1990 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 21 juillet 1992,

Adopte la décision ci-après :


Décision concernant la recevabilité


1. L'auteur de la communication est A. C., citoyen français, né en 1940, résidant à Paris. I1 affirme être victime, de la part de la France,
d'une violation des droits de l'homme. Il n'invoque expressément aucune disposition du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, mais il ressort du contexte de ses lettres que les dispositions visées sont celles de l'article 14 du Pacte.

Les faits selon l'auteur :

2.1 Le 26 juin 1984, sur le quai d'une station du "Métro" à Paris, l'auteur a eu une altercation avec un agent de la Régie autonome des
transports parisiens (RATP) au sujet de la validité de son titre de transport: il affirme avoir reçu plusieurs coups, dont les
conséquences auraient été aggravées par des lésions préexistantes.

2.2 L'auteur n'a pas engagé de poursuites contre l'agent de la RATP qui l'avait interpellé et, le 18 avril 1986, le tribunal correctionnel a
condamné A. C. pour voies de fait sur la personne d'agents de la RATP dans l'exercice de leurs fonctions et lui a infligé une amende
de 1 000 francs français. L'auteur nie avoir eu recours à des violences physiques et fait observer que l'hôpital où l'agent de la RATP a
été admis avait refusé à celui-ci tout arrêt de travail ou certificat médical : il rejette le document produit ultérieurement comme étant
un faux. A la fois lui-même et le parquet ont fait appel du jugement. Le 4 novembre 1986, la Cour d'appel a rejeté le recours de
l'auteur,. considérant que le premier juge avait exactement apprécié, à la fois en fait et en droit, ce qui s'était passé le 26 juin 1984. Par
la suite, le 8 avril 1987, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l'auteur.

2.3 L'auteur déclare que la date de l'audience en cassation ne lui a pas 6th notifiée et fait observer, entre autres choses, que lorsqu'il
s'était pourvu en cassation le 10 novembre 1986, il lui avait été dit qu'il devait produire son mémoire dans les 10 jours, alors que le
texte écrit de l'arrêt de la Cour d'appel n'était pas encore disponible; l'auteur n'a requ cet arrêt que dans les premiers jours de l'année
1987.

2.4 Le 11 janvier 1989, l'auteur a formulé officiellement une plainte contre le juge du tribunal correctionnel et contre le juge de la Cour
d'appel, respectivement. En ce qui concerne le premier, il affirmait qu'il avait délibérément retenu des éléments de preuve que l'on
savait inexacts; en ce qui concerne le second, il était affirmé qu'il avait entériné les allégations injustes et arbitraires formulées contre
l'auteur en appel. Le 22 février 1989, la chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé de désigner une juridiction qui aurait été
appelée à examiner la plainte, faisant valoir que l'auteur cherchait en fait à contester le bien-fondé des motifs sur lesquels reposaient
les décisions du tribunal correctionnel et de la Cour d'appel, motifs qui n'étaient pas susceptibles de réexamen : "Attendu que la
plainte s'analyse, en l'absence de toute autre imputation, en la critique de décisions juridictionnelles . . . Qu'il est de principe que les
décisions de cette nature ne peuvent être contestées . . . Dit n'y avoir lieu de désigner une juridiction." Officiellement informé de
cette décision le 16 mai 1989, l'auteur a, par une lettre du 13 juin 1989, retiré la plainte qu'il avait formulée contre les juges.

2.5 Par la suite, l'auteur a formulé une requête en révision de sa condamnation. Le 17 mai 1991, la Commission de révision des
condamnations pénales de la Cour de cassation a rejeté la requête, déclarant qu'elle n'était fondée ni sur des éléments nouveaux ni
sur des faits dont il n'aurait pas été tenu compte au cours de la procédure pénale, au sens du paragraphe 4 de l'article 622 du Code de
procédure pénale.

2.6 Le 5 mai 1987, l'auteur a soumis son affaire à la Commission européenne des droits de l'homme. Le 11 octobre 1989, la Commission
a déclaré sa requête irrecevable au titre de l'article 26 et du paragraphe 3 de l'article 27 de la Convention européenne des droits de
l'homme, au motif que les voies de recours internes n'avaient pas été épuisées. La Commission a considéré, en particulier, que
l'auteur aurait dû produire un mémoire ampliatif complétant son pourvoi en cassation, et cela dès réception, le 10 janvier 1987 ou aux
alentours de cette date, de l'arrêt de la Cour d'appel.

La plainte :

3.1 L'auteur affirme qu'il n'a pas bénéficié d'un procès équitable devant le tribunal correctionnel, étant donné qu'il a été condamné en
fonction d'éléments de preuve entachés de fausseté. Il déclare en outre que le procès en cassation a été lui aussi inéquitable,
notamment parce qu'il n'a eu ni le temps ni la possibilité de préparer sa défense, et parce qu'il n'a pas pu assurer lui-même sa défense
devant la Cour, vu que la date de l'audience ne lui avait pas été notifiée.

3.2 L'auteur affirme qu'on lui a refusé la possibilité d'obtenir ce qui, selon lui, est un élément particulièrement important du dossier, à
savoir une déposition écrite faite le 27 juin 1984 par l'agent de la RATP qui l'avait accusé de s'être livré à des voies de fait contre sa
personne. Malgré plusieurs demandes, l'auteur n'a obtenu copie de ce procès-verbal d'audition que le 8 juin 1989, c'est-à-dire après
que son pourvoi en cassation avait été rejeté et après qu'il avait soumis son affaire à la Commission européenne des droits de
l'homme.

3.3 L'auteur affirme que les faits survenus le 26 juin 1984 ainsi que le procès ont aggravé son état de santé: après de nombreux arrêts
de travail, il a perdu son emploi. Dans ces conditions, il demande au Comité de faire en sorte que 1'Etat partie lui verse, à titre de
dommages, la somme de 600 000 francs français, ainsi qu'une rente annuelle d'invalidité de 60 000 francs.

3.4 En ce qui concerne la réserve formulée par la France au sujet de la compétence du Comité des droits de l'homme pour ce qui est
d'examiner les communications qui ont déjà été examinées par une autre instance internationale d'enquête ou de règlement
paragraphe 2 a)de l'article 5 du Protocole facultatif, l'auteur déclare que sa communication soulève des questions qui n'ont pas été
examinées par la Commission européenne. Ainsi, la Commission européenne n'a pas pris en considération le pourvoi qu'il avait formé
devant la Cour de cassation au sujet du fait qu'on ne lui avait pas notifié la date de l'appel et que la Cour d'appel n'avait pas mis à sa
disposition des documents jugés essentiels pour la préparation de sa défense. Deuxièmement, il déclare que, puisque la Commission
n'était pas en possession de la déposition écrite de l'agent de la RATP, étant donné que lui-même n'en avait obtenu une copie
qu'après avoir déposé sa plainte, il ne s'agit pas (au sens du paragraphe 2 a)de l'article 5 du Protocole facultatif de "la même
question". Troisièmement, il fait observer que la Commission n'a pas pu examiner la plainte en forfaiture formulée contre les juges
-voir le paragraphe 2.4 ci-dessus -étant donné qu'il l'avait déposée seulement après s'être adressé à la Commission. En ce qui
concerne la deuxième allégation, l'auteur fait observer qu'on ne lui a pas notifié la date de l'audience et qu'en conséquence il n'a pas
pu préparer sa défense comme il se devait; il fait observer en outre que l'arrêt de la Cour de cassation du 22 février 1989 est définitif.
En conséquence, les recours internes, déclare-t-il, sont épuisés.

Informations et observations reçues de l'Etat partie :

4.1 L'Etat partie affirme que la communication est irrecevable au regard des paragraphes 2 a)et 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif.
4.2 En ce qui concerne la condamnation de l'auteur pour violences et la procédure judiciaire qui a suivi, 1'Etat partie fait observer que cette même question a été précédemment examinée par la Commission européenne des droits de l'homme, qui a déclaré la plainte irrecevable. Il rappelle la réserve formulée au sujet du paragraphe 2 a)de l'article 5 du Protocole facultatif (voir le paragraphe 3.4 ci-dessus), et affirme que cette partie de la communication doit être déclarée irrecevable en vertu de cette disposition.

4.3 Quant à la plainte de l'auteur visant les juges du tribunal correctionnel et de la Cour d'appel, 1'Etat partie soutient qu'elle est irrecevable : les recours internes n'ont pas été épuisés étant donné que l'auteur a retiré sa plainte le 13 juin 1989. En outre, 1'Etat partie fait observer que l'auteur n'a jamais consigné la somme de 3 000 francs français fixée par le doyen des juges d'instruction, ce qui aurait nécessairement entraîné l'irrecevabilité de la plainte en application de l'article 88 du Code de procédure pénale français.

Questions a trancher et procédure à suivre :

5.1 Avant d'examiner une plainte figurant dans une communication, le Comité des droits de l'homme, conformément a l'article 87 de son règlement intérieur, décide si la communication est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

5.2 L'auteur conteste le bien-fondé de l'affirmation de 1'Etat partïe selon laquelle il (l'auteur)n'a pas épuisé les recours internes disponibles en ce qui concerne la plainte formulée par lui contre les juges du tribunal correctionnel et de la Cour d'appel. Pour les raisons indiquées dans le paragraphe ci-après, le Comité n'a pas à se prononcer sur ce point.

5.3 Le Comité note que la plainte a trait 0 l'appréciation des éléments de preuve et à la partialité des juges ayant eu à connaître de l'affaire, et rappelle sa jurisprudence bien établie selon laquelle il appartient généralement aux juridictions d'appel des Etats parties au Pacte d'apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée. Il n'appartient pas en principe au Comité de formuler cette appréciation ou de mettre en cause les motifs des décisions adoptées par les tribunaux nationaux, sauf s'il peut être prouvé que l'appréciation des éléments de preuve a été manifestement arbitraire ou équivalait à un déni de justice, ou que le juge a manifestement manqué à l'obligation d'impartialité. Quoiqu'il lui ait été demandé d'examiner les questions appartenant à la dernière catégorie, le Comité considère que l'auteur s'est efforcé de motiver son allégation, mais .que les éléments dont il est saisi ne font pas apparaître que le déroulement du procès, en première instance ou en appel, ait souffert de vices aussi manifestes. En conséquence,
la communication est irrecevable comme incompatible avec les dispositions du Pacte, en application de l'article 3 du Protocole facultatif.

6. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :

a) que la communication est irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif;


b)que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie et a l'auteur de la communication.



Page Principale || Traités || Recherche || Liens