University of Minnesota



R. L. A. W. [nom supprimé] c. Pays-Bas, Communication No. 372/1989, U.N. Doc. CCPR/C/40/D/372/1989 (1990).



Comité des droits de l'homme
Quarantième session


DECISION PRISE PAR LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE

FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX
DROITS CIVILS ET POLITIQUES -QUARANTIEME SESSION

concernant


la communication No 372/1989

Présentée par : R. L. A. W. [nom supprimé]


Au nom de : L'auteur

Etat partie intéressé : Pays-Bas


Date de la communication : 5 juillet 1989 (date de la lettre initiale)


Le Comite des droits
. de 1 t homme , institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 2 novembre 1990,

Adopte la décision ci-après :

Décision concernant la recevabilité

1. L'auteur de la communication (lettre initiale datée du 5 juillet 1989 et correspondance ultérieure)est R. L. A. W., né le 25 novembre 1942 à Paramaribo (Suriname) qui réside actuellement à Utrecht, Pays-Bas. L'auteur affirme être victime d'une violation, par les Pays-Bas, de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté par un conseil.

2.1 Le 28 août 1984, le Tribunal de district d'Utrecht a reconnu l'auteur coupable de viol et l'a condamné à une peine de prison de 6 mois. La Cour d'appel d'Amsterdam a confirmé la condamnation le 8 juillet 1985, portant la peine à 12 mois de prison, dont six mois avec sursis, assortie d'une période de mise à l'épreuve de deux ans. Le 10 juin 1986, la Cour suprême a rejeté le recours interjeté par l'auteur. Celui-ci affirme par conséquent qu'il a épuisé tous les recours internes. Il a déjà purgé sa peine de prison.

2.2 Lors du procès, le ministère public s'est référé à une instruction criminelle ouverte contre l'auteur en 1974, qui avait abouti à un non-lieu. L'auteur affirme que l'évocation de ces faits a influé indûment sur le déroulement du procès. Il prétend en particulier que n'ayant même pas été inculpé la fois antérieure, il n'avait jamais été en mesure de prouver au cours d'un procès qu'il était innocent des faits dont il était accusé. Il a ajouté que puisqu'il n'avait pas enfreint les conditions fixées en accord avec le ministère public, pour l'abandon de poursuites, ces accusations anciennes n'auraient pas dû être évoquées.

2.3 L'auteur prétend qu'il n'a pas eu un procès équitable, et que les autorités chargées de l'instruction ont uniquement cherché à réunir des preuves contre lui. Les faits qui auraient pu prouver son innocence n'ont pas fait l'objet d'une enquête, bien qu'il ait à plusieurs reprises demandé qu'on enquêtât à leur sujet. Il affirme par conséquent qu'il n'a pu se défendre à armes égales. D'après lui, les autorités néerlandaises auraient dû chercher à prouver son innocence.

2.4 En ce qui concerne les éléments de preuve présentés par le ministère public, se rapportant à l'instruction ouverte contre l'auteur en 1974, le conseil affirme qu'ils étaient très préjudiciables et auraient dû être considérés comme irrecevables. Contrairement à la déclaration de 1'Etat partie selon laquelle la Cour d'appel d'Amsterdam n'aurait reçu du Procureur général que des extraits du dossier de l'affaire de 1974, le conseil soutient que le dossier complet était joint en annexe.

3. La communication a été transmise à 1'Etat partie le 14 novembre 1989 conformément à l'article 91 du règlement intérieur du Comité; 1'Etat partie a été prié de fournir des renseignements et des observations se rapportant à la question de la recevabilité de la communication.

4.1 L'Etat partie note que l'auteur a présenté une plainte identique à la Commission européenne des droits de l'homme le 4 novembre 1986. Le 15 décembre 1988, la Commission a jugé que cette demande était manifestement mal fondée et l'a déclarée irrecevable.

4.2 L'Etat partie confirme que tous les recours internes ont été épuisés et que la procédure engagée devant la Commission européenne des droits de l'homme avait pris fin au moment où la communication a été présentée au Comité des droits de l'homme.

4.3 L'Etat partie met toutefois en doute la recevabilité de cette communication au titre de l'article 2 du Protocole facultatif, affirmant que la plainte de l'auteur ne peut être acceptée parce qu'il n'a pas suffisamment prouvé le bien-fondé de ses accusations. Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle le ministère public n'aurait pas permis que le procès se déroule de façon équitable, 1'Etat partie déclare que ni le dossier de cette affaire, ni aucune autre source ne permettent de dire que le ministère public a voulu amener le tribunal à tenir compte du dossier de l'affaire précédente dans sa décision concernant la peine à appliquer. Rien ne prouve non plus que le tribunal en ait tenu compte. Le Tribunal de district, pas plus que la Cour d'appel, ne disposait des pièces de l'ancienne affaire. Mais le résumé d'un extrait du registre général de documentation judiciaire a été ajouté au dossier au Tribuna1 de district, comme c'est l'habitude dans les affaires pénales.

4.4 L'Etat partie fait observer que la loi sur la documentation judiciaire et les certificats de bonne conduite et le décret qui la complète comportent des dispositions régissant à la fois la nature des informations qui doivent être portées dans les registres de documentation pénale et dans les registres généraux de documentation judiciaire et les modalités de la tenue de ces registres dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

4.5 Le service de documentation judiciaire inscrit les renseignements portés sur l'acte de condamnation sur les registres de documentation pénale. Il inscrit également dans les registres les rapports de police officiels concernant des personnes physiques et morales soupçonnées d'avoir commis une infraction, qui ont été examinés par le ministère public.

4.6 L'Etat partie explique que le but de ces registres est notamment de fournir aux autorités judiciaires , en particulier au ministère public, des informations aussi complètes que possible sur les antécédents judiciaires du suspect. Les autorités judiciaires reçoivent les renseignements portés dans ces registres sous la forme d'un extrait qui est versé au dossier de l'affaire. L'Etat partie note qu'il est arrivé dans le passé que la Cour suprême des Pays-Bas annule des jugements dans des cas où les tribunaux inférieurs avaient pris en considération des documents officiels qui figuraient dans les extraits des registres et qui concernaient des enquêtes judiciaires antérieures qui n'avaient pas abouti à une condamnation.

4.7 L'Etat partie indique que la Cour suprême a débouté l'auteur pour les motifs suivants : a) conformément au paragraphe 1 de l'article 11 de la Loi sur la documentation judiciaire, le Service de documentation judiciaire communique à la juridiction pénale des renseignements qu'il est d'usage de divulguer au procès; b) la Cour d'appel a considéré que le ministère public avait communiqué ces documents dans le but de fournir des éclaircissements que la Cour pourrait utiliser comme elle le jugerait bon; c) la Cour n'a pas attaché à la communication des documents d'autre conséquence que celle mentionnée à l'alinéa b). Par conséquent, la communication des documents ne porte pas atteinte au droit à un procès équitable et ne constitue pas non plus une violation des droits de la défense.

4.8 Pour ce qui est de la prétendue violation du principe selon lequel l'accusé doit pouvoir se défendre à armes égales, 1'Etat partie affirme que la preuve que l'accusé est bien coupable des faits dont il est accusé ne peut être acceptée par le tribunal que si les preuves légales qui lui sont présentées au cours du procès sont de nature à emporter sa conviction. Ne sont reconnues comme preuves légales que l'appréciation par le tribunal des faits qui ressortent des débats, les déclarations faites par l'accusé, les témoins et les experts, et les pièces écrites, spécifiées par la loi. Le tribunal examine la question de la culpabilité de l'accusé sur la base de l'acte d'accusation, de l'instruction définitive et des faits prouvés. S'il acquiert la certitude qu'une infraction passible de sanction a été commise, il examine alors la peine à appliquer.

4.9 Après son arrestation, l'auteur a été placé en garde à vue, puis en détention provisoire sur ordre du tribunal de district. Le 16 mars 1984, ce même tribunal, à la demande du ministère public, a demandé l'ouverture d'une information, au cours de laquelle le juge d'instruction a entendu plusieurs témoins, en présence du conseil de l'auteur. L'auteur a également été longuement interrogé. L'auteur et son conseil ont pu fournir tous les renseignements qu'ils jugeaient pertinents. Le juge d'instruction a clos l'information le 15 mai 1984.

4.10 Le 19 juin et le 14 août 1984, l'affaire est passée en jugement et les témoins ont été interrogés à la demande de l'auteur. Le compte rendu officiel du procès révèle que le tribunal a tenu compte de l'extrait du registre général de documentation judiciaire, des documents relatifs à la garde à vue et à la détention provisoire, des documents établis par le juge d'instruction au cours de l'information et des rapports officiels établis par la police municipale d'Utrecht le 15 mars 1984. Le tribunal a jugé l'auteur coupable et
l'a condamné à six mois de prison.

4.11 Le 11 avril 1985, la Cour d'appel d'Amsterdam a à nouveau entendu les témoins de la défense. Les débats ont été interrompus à la demande du conseil de l'auteur afin d'interroger la victime. L'audience a repris le 23 mai et le 24 juin 1985, dates auxquelles des experts et la victime ont fait des dépositions. Sur la base des interrogatoires menés pendant l'audience et des rapports officiels du juge d'instruction, la peine de l'auteur a été portée à 12 mois de prison, dont six avec sursis, avec période de mise à l'épreuve de
deux ans.

4.12 Le 10 juin 1986, la Cour suprême a déclaré que le tribunal qui se prononce sur les faits est autorisé, dans les limites définies par la loi, à choisir parmi les preuves disponibles celles qu'il juge suffisamment dignes de foi, et à écarter celles qu'il n'estime pas avoir valeur probante. La Cour suprême a rejeté le recours.

4.13 L'Etat partie affirme que la procédure pénale menée contre l'auteur de la communication n'a nullement violé le principe selon lequel l'accusé doit 'pouvoir se défendre à armes égales. En effet, tant le tribunal de première instance que le tribunal de deuxième instance, ont donné à l'auteur comme au ministère public la possibilité de fournir tous les renseignements qui pouvaient être utiles aux débats. Les deux tribunaux ont rendu leur jugement sur la base de preuves légales.

5. En réponse aux observations présentées par 1'Etat partie conformément à l'article 91, l'auteur déclare que, quoi qu'en dise 1'Etat partie, le ministère public a bel et bien présenté le dossier complet de l'affaire de 1974 à la Cour d'appel et que les résumés ont été soumis tant au tribunal de première instance qu'au tribunal de deuxième instance.

6.1 Avant d'examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, décider si la communication est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2 Le paragraphe 2 a)de l'article 5 du Protocole facultatif stipule que le Comité n'examinera aucune communication si la même question est déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de _ règlement. Le Comité s'est assuré que cette affaire n'était pas examinée ailleurs. L'examen de la même question en 1986-88 par la Commission européenne
des droits de l'homme n'affecte pas la compétence du Comité.

6.3 En ce qui concerne le paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif, 1'Etat partie a confirmé que l'auteur avait épuisé les recours internes.

6.4 Le Comité a pris note des observations de 1'Etat partie et des textes des décisions de la cour d'appel et de la Cour suprême . L'auteur n'a ni réfuté l'argument de 1'Etat partie selon lequel sa condamnation. était fondée sur diverses sortes de preuves, y compris la déposition de témoins, ni présenté d'autres arguments pour appuyer son affirmation selon laquelle la condamnation était viciée par l'utilisation d'éléments de preuve irrecevables ou illégaux et qu'elle était donc injuste. Le Comité, par conséquent, estime que cet aspect de la communication est irrecevable, la plainte formulée ne relevant pas de l'article 2 du Protocole facultatif.

6.5 Quant au principe selon lequel l'accusé doit pouvoir se défendre à armes égales, une lecture attentive de la communication de l'auteur ne révèle aucun élément de preuve suffisant qui montre, aux fins de la recevabilité, que 1'Etat partie n'a pas procédé à une enquête sur des faits qui auraient pu prouver son innocence. De plus, les comptes rendus du procès et de l'appel montrent que l'auteur a eu amplement l'occasion de procéder au contre-interrogatoire des témoins. Sur ce point, la plainte n'est pas étayée au sens de l'article 2 du Protocole facultatif. Quant à l'évaluation de6 faits et des témoignages par le tribunal, le Comité a toujours considéré qu'elle relevait des cours d'appel des Etats parties. Il n'appartient pas en principe, au Comité de réexaminer les faits et les preuves appréciés par des tribunaux nationaux, à moins qu'il y ait eu un déni de justice flagrant.

7. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :

a) Que la communication est irrecevable au titre de l'article 2 du Protocole facultatif.

b) Que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie, à l'auteur et à son conseil.



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