University of Minnesota



L. G. [nom supprimé]
c. Maurice, Communication No. 354/1989, U.N. Doc. CCPR/C/40/D/354/1989 (1990).



Comité des droits de l'homme
Quarantième session
DECISION PRISE PAR LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE
FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX
DROITS CIVILS ET POLITIQUES - QUARANTIEME SESSION

concernant la

Communication No 354/1989


Préresentée par : L. G. [nom supprimé]

Au nom de : L'auteur

Etat partie intéressé : Maurice

Date de la communication : 17 février 1989 (date de la première lettre)

Le Comité des droits de l'homme, institué conformément à l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 31 octobre 1990,

Adopte le texte ci-après :


Décision sur la recevabilité

1. L'auteur de la communication (première lettre datée du 17 février 1989, suivie d'autres lettres) est L. G., citoyen mauricien et ancien avocat. Il affirme avoir été victime d'une violation par le Gouvernement mauricien des articles premier, 2, 3, 14, 15 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Les faits tels qu'ils sont présentés

2.1 L'auteur a été arrêté le 16 février 1979 comme étant en possession d'une partie du produit d'un vol perpétré dans un casino dans la soirée du 21 janvier 1979. Le 29 janvier 1979, un hommee reconnaissant avoir participé au vol avait retenu les services de l'auteur et lui avait remis deux sommes d'argent, l'une, de 3 000 roupies, représentant les honoraires de l'auteur, et l'autre, de 7 000 roupies, déposée en prévision du paiement éventuel des honoraires d'un deuxième conseil. Quelques jours avant son arrestation, l'auteur a reçu la visite de la femme de son client, qui lui a demandé de restituer les 7 000 roupies, en affirmant que son mari était malade et avait besoin d'argent pour faire face à des frais médicaux; la femme était accompagnée de deux policiers en civil qui se faisaient passer pour des membres de la famille du ciient de l'auteur. Ce dernier ayant demandé à s'entretenir personnellement avec son client , une rencontre a été arrangée au domicile du client où, en la présence des agents secrets, l'auteur a remis les 7 000 roupies à son client. Peu après avoir quitté les lieux, il a été arrêté dans une rue avoisinante et accusé d'être en possession d'argent volé. 2.2 L'auteur affirme avoir été victime d'une machination de la part de la police, qui était seule chargée de l'enquête sur le vol. Il prétend que de solides éléments de preuve montrent qu'un certain nombre d'individus d'origine chinoise avaient pris directement part à l'infraction, mais que tous, à l'exception d'un seul , ont nié avoir participé au hold-up ou n'ont jamais été interrogés par la police à ce sujet. Il affirme en outre qu'au lieu d'achever rapidement son enquête, la police a préféré se livrer à des "tractations secrètes" avec les participants au hold-up d'origine chinoise.

2.3 Lors du procès, le client de l'auteur , principal témoin à charge, a déclaré qu'il avait remis à l'auteur des 7 000 roupies en dépôt.
Le 12 août 1979, par une décision prise à la majorité de deux voix contre une, le tribunal de première instance a reconnu l'auteur coupable. Celui-ci a fait appel de la décision, mais, le 5 août 1980, la Cour suprême a confirmé la décision du tribunal. L'auteur a envisagé de former recours auprès de la Section judiciaire du Conseil privé, mais il a estimé que cette procédure n'avait aucune chance d'aboutir, étant donné que le recours ne pouvait être fondé que sur les feuilles d'audience du tribunal et que les questions de droit n'étaient pas d'une importance fondamentale. En outre, il fait observer que le Conseil privé n'intervient que très rarement sur les questions de fait. Ces précisions lui ont été données par un conseiller britannique auquel il s'était adressé; en conséquence, l'auteur a renoncé à son recours auprès du Conseil privé et, le 20 décembre 1980, le Conseil privé a rayé la cause pour "cessation de recours", c'est-à-dire pour désistement de la part de l'auteur.

2.4 A la fin de l'année 1980, l'auteur a découvert de nouvelles preuves qui l'ont incité à croire que l'enquête effectuée par la police avait été "partiale, discriminatoire et délibérément incomplète", Toutefois, le 17 mars 1981, il a été cité à comparaître devant la Cour suprême siégeant toutes chambres réunies, en application de l'article 2 de l'ordonnance sur la pratique du droit (procédure disciplinaire) et a été engagé à rayer son nom de la liste des avocats en exercice. Par la suite, en 1983 et 1986, il a présenté à la Commission du droit de grâce deux recours, qui ont été rejetés. Depuis 1981, il s'est efforcé en vain d'obtenir que le Conseil de l'ordre des avocats mauriciens l'aide à se faire réinscrire sur la liste des avocats en exercice. En 1986, il a envisagé de saisir la Cour suprême d'une requête formelle, mais on lui a conseillé de s'adresser plutôt au cabinet du Procureur général, car une lettre de ce dernier aurait suffi à l'autoriser à reprendre l'exercice de sa profession. Il a écrit au Procureur général, mais n'a pas reçu de réponse.

2.5 Au début de 1989, l'auteur a écrit au Président de la Cour suprême, qui lui a recommandé de demander sa réintégration en vertu de la loi de 1984 sur la pratique du droit, ce qu'a fait l'auteur. Le 17 novembre 1989, le Président de la Cour suprême a cependant refusé de rendre une ordonnance de réintégration en raison de la condamnation de l'auteur.

La plainte

3.1 L'auteur soutient qu'il n'y avait aucune raison de lui interdire pour un temps illimité l'exercice de sa profession. Il affirme en particulier que la législation mauricienne ne prévoit pas la possibilité d'un nouveau procès en cas de présentation de nouvelles preuves matérielles dont l'accusé n'avait pas connaissance avant le procès. Toutes les enquêtes en matière pénale étant menées par les autorités de police qui assument l'entière responsabilité de l'affaire, les autorités judiciaires ne peuvent que demander des informations supplémentaires concernant l'enquête, mais n'ont aucun contrôle sur celle-ci. Lorsque l'enquête est achevée, les résultats en sont communiqués aux services juridiques de la Couronne. L'auteur affirme qu'il existe
en l'occurrence une lacune institutionnelle de nature à créer des situations risquant de mettre gravement en danger la bonne administration de la justice. Il indique que la fonction de juge d'instruction n'existe pas à Maurice. Pour les raisons susmentionnées, l'auteur estime qu'il n'a pas eu droit à un jugement équitable et est ainsi victime d'un déni de justice.

3.2 A propos de l'épuisement des recours internes, l'auteur affirme qu'il a renoncé à son recours auprès de la Section judiciaire du Conseil privé tant en raison du coût prohibitif de cette procédure que du fait qu'à son avis ce n'aurait pas été un recours utile, le Conseil privé ne connaissant pas de recours fondés sur des faits. Il affirme que, dès lors que le Président de la Cour suprême avait décidé de rejeter sa demande de réintégration, seules la promulgation d'une nouvelle loi permettant de rouvrir un procès en cas de présentation de nouvelles preuves matérielles une fois l'affaire jugée, Ou la promulgation d'une nouvelle loi donnant au Conseil de l'ordre des avocats mauriciens des pouvoirs disciplinaires comparables à ceux dont dispose le Conseil de l'ordre britannique, auraient pu lui fournir un recours utile. En conclusion, l'auteur estime qu'il a épuisé les recours judiciaires disponibles et que la prolongation de l'exercice des moyens de recours n'est pas imputable à lui seul.

Observations de 1'Etat partie

4.1 L'Etat partie soutient que la communication doit être déclarée irrecevable en application de l'article 2 et de l'article 5, paragraphe 2 b), du Protocole facultatif. Il fait valoir qu'elle est irrecevable au motif que les recours internes n'ont pas été épuisés. En effet, l'auteur a bien usé de plusieurs recours non judiciaires, mais il n'a pas suivi la voie prévue par la loi mauricienne. Il aurait fallu tout d'abord que l'auteur s'adresse au Greffier de la Cour suprême pour obtenir que son nom soit inscrit de nouveau sur la liste des avocats en exercice et, en cas de décision négative, qu'il demande que la décision du Greffier soit examinée en justice. L'Etat partie soutient que la communication est également irrecevable du fait que l'auteur n'a pas demandé à la Section judiciaire du Conseil privé l'autorisation spéciale de former un recours devant elle.

4.2 L'Etat partie affirme en outre que la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif, puisqu'elle ne fait pas état d'une plainte au titre de cet article. Il note également que l'auteur prétend être victime d'une violation de l'article 14, au motif qu'il a découvert des Preuves nouvelles qui n'étaient pas connues de lui pendant le procès, mais que la communication n'indique pas avec précision en quoi consisteraient ces preuves. L'Etat partie soutient que toutes les preuves dont il est question dans la communication étaient disponibles pendant le procès, et que l'allégation d'une "machination de la part de la police" n'est rien d'autre qu'une conclusion personnelle tirée des éléments de preuve connus à l'époque. De plus, 1'Etat partie fait observer que les tribunaux mauriciens ont eu raison de décider de s'en tenir au%preuves présentées par le client de l'auteur et par d'autres témoins, après les avoir dûment éclairés sur les questions de droit en cause , et que l'examen de la communication par le Comité des droits de l'homme reviendrait à faire de cet organe une cour d'appel chargée d'établir la matérialité des faits.

Questions dont le Comité est saisi

5.1 Avant d'examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, décider si la communication est ou non recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
5.2 S'agissant de l'argument de l'auteur selon lequel la législation mauricienne ne permet pas de rouvrir le procès si de nouvelle preuves matérielles apparaissent après le jugement, le Comité note que l'auteur n'a pas démontré l'existence de ces nouvelles preuves matérielles. En conséquence, l'auteur ne peut pas se prévaloir du Pacte au sens des dispositions de l'article 2 du Protocole facultatif.


5.3 Quant à l'argument de l'auteur selon lequel sa réinscription sur la liste des avocats lui aurait été injustement refusée, décision contre laquelle il serait sans recours, le Comité note que l'auteur n'a pas demandé l'annulation en justice de la décision prise le 17 novembre 1989 par le Président de la Cour suprême. Tant qu'il ne se prévaut pas de cette possibilité, il ne peut invoquer l'article 14 du Pacte. Dans ces conditions, la demande de l'auteur est incompatible avec les dispositions du Pacte au sens de l'article 3 du Protocole facultatif.

6. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :

a) Que la communication est irrecevable;


b) Que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie et à l'auteur.



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