University of Minnesota



Edgar A.
Cañón Garcia c. Equateur, Communication No. 319/1988, U.N. Doc. CCPR/C/43/D/319/1988 (1991).



Comité des droits de l'homme
Quarante-troisième session

Constatations adoptées par le Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux
droits civils et politiques - quarante-troisième session

concernant la

Communication No 319/1988



Présentée par : Edgar A.
Cañón Garcia

Au nom de : L'auteur

Etat partie : Equateur

Date de la communication :
4 juillet 1988

Date de la décision concernant la recevabilité
: 18 octobre 1990

Le Comité des droits de l'homme, institué conformément à l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 5
novembre 1991,

Avant examiné la communication No 319/1988, présentée au Comité par M. Edgar A. Cañón Garcia en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été fournies par l'auteur de la communication et par 1'Etat partie,

Adopte ses constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif.

Les faits présentés par l'auteur :

1. L'auteur de la communication (lettre initiale datée du 4 juillet 1988 et lettres ultérieures) est Edgar A. Cañón Garcia, citoyen colombien condamné pour trafic de drogues et actuellement détenu au pénitentier d'Anthony (Texas/Nouveau Mexique), aux Etats-Unis d'Amérique. Il est représenté par un conseil.

2.1 L'auteur a vécu aux Etats-Unis d'Amérique pendant 13 ans, jusqu'en 1982, époque à laquelle il est retourné à Bogota (Colombie), où il a résidé jusqu'en juillet 1987. Le 22 juillet 1987, il s'est rendu avec sa femme a Guayaquil (Equateur). Le même jour, vers 17 heures, alors qu'il se trouvait avec sa femme dans le hall de l'hôtel Oro Verde, ils furent entourés par dix hommes armés, soi-disant des policiers équatoriens agissant pour le compte d'Interpol et du Bureau américain de répression du trafic de stupéfiants
(Drug Enforcement Agency -DEA), qui les contraignirent à monter dans un véhicule stationné devant l'hôtel. L'auteur ajoute qu'il a demandé à un colonel de la police équatorienne (Policia National Ecuatoriana)si celle-ci disposait d'informations quelconques à son sujet; on lui a répondu que la police se bornait à exécuter un "ordre" qui venait de 1'Ambassade des Etats-Unis. Après un trajet d'une heure environ, ils arrivèrent devant ce qui leur parutêtre une résidence privée, où M. Cañón fut séparé de sa femme.

2.2 L'auteur affirme avoir subi des sévices consistant notamment à lui injecter de l'eau salée dans les narines. Il a passé la nuit attaché par les poignets à une table et une chaise sans avoir pu boire seulement un verre d'eau. Vers huit heures le lendemain matin, il a été emmené à l'aéroport de Guayaquil, où deux personnes qui avaient participé à son "enlèvement" la veille se présentèrent comme des agents du DEA et l'informèrent qu'il serait transporté par avion aux Etats-Unis en vertu d'un mandat d'arrêt lancé contre lui en 1982.

2.3 L'auteur note a ce propos que des agents du DEA lui avaient proposé, au cours d'une opération secrète en 1982, d'effectuer une opération de trafic de drogues, ce qu'il avait refusé. Il affirme qu'il n'a jamais commis de délit lié à la drogue et que les autorités des Etats-Unis ont décidé de ne pas suivre les procédures officielles d'extradition en vertu du traité d'extradition conclu entre les Etats-Unis et l'Equateur car elles savaient qu'elles avaient peu de chance d'obtenir un ordre d'extradition de la part d'un juge équatorien.

2.4 Après s'être assuré que M. Cañón parlait et comprenait l'anglais, on lui a donné lecture des "Miranda rights" (conformément à une décision de la Cour suprême des Etats-Unis en vertu de laquelle tout suspect doit être informé de son droit de se faire assister par un avocat pendant les interrogatoires et de garder le silence, toute déclaration de sa part pouvant être utilisée contre lui devant les tribunaux) et on l'a informé qu'il était appréhendé sur ordre du Gouvernement des Etats-Unis. L'auteur a demandé à parler a un avocat ou au consul de Colombie à Guayaquil, mais en vain; on l'a embarqué immédiatement à bord d'un avion à destination des Etats-Unis.

2.5 En ce qui concerne l'obligation d'épuiser les recours internes, l'auteur indique qu'il n'a pas été en mesure de saisir un juge équatorien aux fins de déterminer si son expulsion du pays était légale. Il indique également que, dans sa situation actuelle, il ne dispose d'aucun recours efficace devant des tribunaux équatoriens; il note à cet égard qu'il n'a pas les moyens financiers nécessaires pour saisir les tribunaux équatoriens et qu'il ne bénéficie pas en Equateur de l'assistance judiciaire, qui lui permettrait d'intenter une action civile ou pénale contre les responsables des sévices qu'il dit avoir subis.


La plainte :

3. L'auteur affirme que les faits décrits ci-dessus constituent une violation des articles 2, 5 (par. 2), 7, 9 (par. l), 13 et 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il soutient en particulier que, comme il existait un traité d'extradition valide entre 1'Etat partie et les Etats-Unis au moment de son arrestation, il aurait dG bénéficier des garanties de procédure prévues dans ledit traité.


Les informations et les observations présentées par 1'Etat partie :

4.1 L'Etat partie n'a pas présenté d'observations avant l'adoption par le Comité de sa décision déclarant la communication recevable. Le 11 juillet 1991, il a informé le Comité de ce qui suit :

"Les faits incriminés ont eu lieu le 22 juillet 1987, soit avant l'entrée en fonctions du gouvernement actuel. En outre, le citoyen en question n'a pas introduit de requête ou de recours de quelque nature que ce soit devant les autorités nationales compétentes en la matière. Nonobstant ce qui précède, le Gouvernement équatorien, qui a pour politique fondamentale de veiller à ce que les droits de l'homme soient dûment garantis et respectés, en particulier par les autorités responsables de l'application des lois, a effectué une enquête approfondie et exhaustive sur cette affaire, d'où il ressort que la procédure d'expulsion du citoyen colombien a effectivement été entachée d'irrégularités administratives; le Gouvernement équatorien le déplore et il s'est engagé à procéder à une enquête afin de punir les responsables des faits et à faire en sorte que de telles situations ne se reproduisent pas dans le pays. D'autre part, il convient de préciser que, conformément aux dispositions juridiques précises qui figurent dans des instruments internationaux et dans la législation nationale, l'Equateur mène une lutte soutenue et constante contre le trafic de drogues, ce qui en l'occurrence a malheureusement conduit les agents chargés d'assurer l'ordre public à agir avec une extrême sévérité, au point d'outrepasser leur mandat et leurs responsabilités, De toute manière, de tels actes ne correspondent nullement à la politique ou à la pratique du gouvernement qui reste fondée au contraire sur le respect le plus strict des droits de l'homme et des libertés fondamentales des personnes, qu'il s'agisse de nationaux ou d'étrangers, sans négliger pour autant la nécessité de maintenir l'ordre public et en l'espèce, le souci du gouvernement de préserver un bien juridique d'une valeur aussi inestimable que la paix sociale et l'obligation qu'il a de combattre le trafic de stupéfiants avec tous les moyens légaux à sa disposition afin d'éviter de tomber dans des situations qu'il pourrait regretter par la suite comme c'est le cas dans plusieurs pays de la région, voisins de l'Equateur. Le Gouvernement équatorien communiquera les renseignements pertinents sur les mesures qu'il a adoptées pour punir les responsables de ces actes".

4.2 Le Comité apprécie l'esprit de franche coopération dont fait preuve 1'Etat partie.

Questions à régler et procédure à suivre :

5.1 Le 18 octobre 1990, le Comité a déclaré la communication recevable dans la mesure où elle paraissait soulever des questions au titre des articles 7, 9 et 13, examinés en conjonction avec l'article 2, du Pacte. En ce qui concerne l'obligation d'épuiser les recours internes, le Comité a constaté, sur la base des renseignements dont il disposait, qu'il n'y avait pas de recours internes que l'auteur aurait pu exercer. Le Comité a observé en outre que plusieurs des allégations de l'auteur semblaient dirigées contre les autorités des Etats-Unis et il a jugé que ces parties de la communication étaient irrecevables puisque les Etats-Unis n'avaient pas ratifié le Pacte ou le Protocole facultatif ou n'y avaient pas adhéré. En ce qui concerne la plainte formulée par l'auteur en vertu de l'article 17 du Pacte, le Comité a estimé que M. Cañón Garcia n'avait pas, aux fins de la recevabilité de sa communication, suffisamment étayé ses allégations.

5.2 Sur le fond, le Comité des droits de l'homme note que 1'Etat partie ne cherche pas à réfuter les allégations de l'auteur dans la mesure où elles ont trait aux articles 7, 9 et 13 du Pacte et qu'il admet que la procédure selon laquelle l'auteur a été soustrait à la juridiction équatorienne a été entachée d'irrégularités.

6.1 Le Comité des droits de l'homme, agissant conformément au paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est saisi révèlent des violations des articles 7, 9 et 13 du
Pacte.

6.2 Conformément aux dispositions de l'article 2 du pacte, 1'Etat partie a l'obligation de prendre des mesures de réparation pour les violations subies par M. Cañón Garcia. A cet égard, le Comité a noté que 1'Etat partie lui avait donné l'assurance qu'il enquêtait sur les plaintes de l'auteur et sur les circonstances qui avaient abouti à son expulsion de l'Equateur en vue de poursuivre les responsables des violations de ses droits.

7. Le Comité souhaiterait recevoir de 1'Etat partie, dans un délai de quatre-vingt-dix jours après que la présente décision lui ait été communiquée, toutes les informations utiles sur les résultats de l'ensemble de ses enquêtes, ainsi que sur les mesures prises pour remédier à la situation engendrée dans le cas d'espèce et contre le renouvellement de tels faits à l'avenir.



Page Principale || Traités || Recherche || Liens