University of Minnesota



M. T. (nom omis) c. Espagn
e, Communication No. 310/1988, U.N. Doc. CCPR/C/41/D/310/1988 (1991).



Comité des droits de l'homme
Quarante et unième session

DECISION DU COMITE DES DROITS DE L'HOMME ADOPTEE CONFORMEMENT AUX
DISPOSITIONS DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE
INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES
QUARANTE ET UNIEME SESSION

concernant

la communication No. 310/1988


Présentée par : M. T. (nom omis)

Au nom de : L'auteur

Etat partie concerné : Espagne

Date de la communication : 17 février 1988 (date portée sur la lettre initiale)

Le Comité des droits de l'homme, créé en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques :

Réuni le 11 avril 1991,

Adopte la décision ci-après :


Décision concernant la recevabilité


1. L'auteur de la communication est un citoyen espagnol, né en 1954. Lorsque la communication a été présentée, il était détenu en Finlande, attendant son extradition vers l'Espagne. Il se déclare victime d'une violation de l'article 7 du Pacte par le Gouvernement espagnol. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l'Espagne le 25 avril 1985. L'auteur est représenté par un conseil.

Les faits tels qu'ils ont été présentés par l'auteur

2.1 L'auteur, qui a eu précédemment des activités politiques, affirme avoir vécu de 1957 à 1979 en France où, de 1974 à 1977, il a purgé une peine de prison pour des actes de sabotage
commis contre des biens espagnols, en France. En 1979, il est rentré en Espagne. 11 reconnaît avoir eu connaissance des activités de certains de ses anciens amis qui avaient créé un mouvement politique, Action directe, auquel il ne s'est cependant jamais associé.

2.2 Le 19 mars 1984, l'auteur a été arrêté par les services spéciaux de la Guardia Civil espagnole. Pendant les 10 jours qu'a duré sa détention, il aurait été torturé a plusieurs reprises par la Guardia Civil et contraint de signer un "aveu" dans lequel il reconnaissait son appartenance à un groupe terroriste. Pendant cette période, l'auteur a également fait des déclarations devant le juge d'instruction chargé de l'affaire. Certaines contradictions ayant été relevées dans cette affaire, il a été libéré.

2.3 Le 26 août 1987, il s'est rendu en Finlande, où il a demandé l'asile politique. Le 8 octobre 1987, il a été placé en garde à vue par la police de sécurité finlandaise, en application de la loi sur les étrangers. Le 16 décembre 1987, le Gouvernement espagnol a demandé, par l'intermédiaire d'INTERPOL, l'extradition de l'auteur. Le 4 mars 1988, le Tribunal administratif suprême de Finlande a décidé que la détention de l'intéresse en vertu de la loi sur les étrangers était légale et, le 10 mars, le Ministre de la justice a approuvé la demande d'extradition. L'auteur a été remis à l'Espagne le 28 mars 1988.

2.4 Le 14 octobre 1988, le Juzoado Central de Instrucción a reconnu l'auteur coupable d'un vol à main armée et l'a condamne à sept ans de prison. L'auteur a interjeté appel et reste en liberté sous caution.

Nature de la Plainte

3. L'auteur affirme que la manière dont il a été traité dans la prison de Carabanchel à Madrid, en mars 1984, constitue une violation de l'article 7 du Pacte et qu'en dépit du fait que le Protocole facultatif n'est entré en vigueur pour l'Espagne que le 25 avril 1985, le Comité devrait se juger compétent pour examiner sa plainte, étant donné que les tortures qu'il dit avoir subies en 1984 continuent d'avoir des "effets immédiats", du fait qu'il avait été extradé de Finlande sur la base de ses aveux de 1984. Il affirme aussi qu'il risque de subir de nouveau des tortures en Espagne.

Observations de 1'Etat partie

4.1 S'agissant des tortures que l'auteur dit avoir subies en 1984, 1'Etat partie prétend que la communication est irrecevable ratione temvoris. Il considère qu'on ne peut pas invoquer les effets de la violation présumée après l'entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l'Espagne. En outre, il fait valoir que sa demande d'extradition en date du 16 décembre 1987 reposait principalement sur les aveux faits par l'auteur devant le juge d'instruction chargé de la précédente affaire, et que l'auteur n'avait jamais prétendu avoir fait ces déclarations sous la contrainte.

4.2 L'Etat partie déclare en outre que l'auteur n'a pas épuise tous les recours internes disponibles : comme la torture constitue un délit en vertu de l'article 204 bis du Code civil espagnol, l'auteur aurait pu porter son affaire devant les tribunaux civils et pénaux compétents. I1 aurait également pu déposer une plainte auprès des autorités espagnoles après mars 1984, ce qui aurait donné au Gouvernement espagnol la possibilité d'ouvrir une enquête sur la violation présumée. Pour remplir la condition concernant l'épuisement des recours internes, l'auteur n'était pas tenu de prouver qu'il avait été victime de tortures, mais il aurait au moins dû porter plainte. Si la procédure judiciaire ne lui avait pas donné satisfaction, il pouvait encore introduire un recours en amoaro conformément à l'article 53 de la Constitution et à l'article 43 de la Ley Oruanica del Poder Judicial.

Examen des questions par le Comité

5.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit déterminer conformément à l'article 87 de son règlement intérieur si la communication est ou non recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

5.2 En ce qui concerne l'application du Protocole facultatif, le Comité rappelle qu'il est entré en vigueur a l'égard de l'Espagne le 25 avril 1985. Il constate que, le Protocole ne pouvant être appliqué rétroactivement, le Comité n'a pas compétence ratione temporis pour examiner les allégations concernant les actes qui se seraient produits en mars 1984, sauf si lesdits actes continuent de produire des effets après l'entrée en vigueur du Protocole facultatif et continueraient de violer le Pacte ou avaient des effets qui constituaient une violation du Pacte.

5.3 Le Comité a également conclu d'office que l'allégation de l'auteur selon laquelle l'aveu qu'il avait fait en 1984 avait été obtenu par la contrainte était de nature à donner lieu à des questions en vertu des paragraphes 1 et 3 g)du Pacte. Toutefois, la contrainte alléguée ne s'est pas poursuivie après l'entrée en vigueur du Pacte pour l'Espagne.

5.4 En conséquence, le Comité conclut qu'il n'a pas compétence ratione temworis pour examiner ces allégations.

6. Le Comité des droits de l'homme décide en conséquence :

a) Que la communication est irrecevable:

b) Que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie et a l'auteur par l'intermédiaire de son conseil.



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