University of Minnesota



J. G. c. Pays-Bas, Communication No. 306/1988, U.N. Doc. CCPR/C/39/D/306/1988 (1990).



Comité des droits de l'homme
Trente-neuvième session

Décision prise par le Comité des droits de l'homme en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux
droits civils et politiques - Trente-neuvième session

concernant la

Communication No. 306/1988


Présentée par: J. G. (représenté par un conseil)

Au nom de: L'auteur

Etat partie intéressé : Pays-Bas

Date de la communication : 2 juin 1988 (date de la première lettre)

Le Comité des droits de l'homme, créé en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 juillet 1990,

Adopte ce qui suit :


Décision concernant la recevabilité

1. L'auteur de la communication est J. G., citoyen néerlandais résidant à Rotterdam (Pays-Bas). Il dit être victime d'une violation de l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de la part du Gouvernement néerlandais. Il est représenté par un conseil.

Rappe1 des faits . :

2.1 L'auteur, né le ler janvier 1918, est physiquement handicapé. Le 6 janvier 1983, après avoir atteint l'âge de 65 ans, il a demandé l'autorisation d'occuper l'un des logements spéciaux subventionnés dits "Fokushouses", destinés à permettre aux personnes handicapées de vivre autant que possible une vie normale. Le plan d'aide financière pour le logement des personnes handicapées fixe les normes applicables pour ce qui est des logements subventionnés par 1'Etat. Les conditions requises pour pouvoir occuper de tels logements sont énoncées à l'article 57 de la loi sur l'indemnisation des handicapés (AAW) du 11 décembre 1975, qui stipule que les demandeurs doivent être des personnes handicapées ayant entre 18 et 65 ans. Les occupants des "Fokushouses" reçoivent une allocation de vie quotidienne M)L), visant à les aider à entretenir, à retrouver ou à améliorer leur aptitude au travail, à leur fournir une assistance médicale ou chirurgicale et, de façon générale, à améliorer leurs condition6 de vie.

2.2 Par une lettre datée du 7 février 1983, les Services médicaux communs (Gemeenschappelijke Medische Diensten, GMD)ont fait savoir au Ministère du logement qu'ils donneraient un avis défavorable sur la demande d'assistance ADL déposée par plusieurs personnes, dont l'auteur, qui venaient d'atteindre l'âge de 65 ans. Cette position a été confirmée par une lettre adressée le 24 février 1983 aux GMD par le Ministère de la protection sociale et de la santé. Ainsi, bien qu'il ait été admis dans un "Fokushouse", l'auteur s'est vu refuser l'assistance ADL accordée à d'autres personnes qui avaient emménagé avant d'avoir atteint l'âge de 65 ans.

2.3 A propos de l'épuisement des recours internes, l'auteur affirme que les voies de recours disponibles ont été ou seraient sans effet. Il reconnaît que l'assistance ADL étant fournie en application de l'article 57 de l'AAW, les recours doivent en principe être exercés conformément à la procédure énoncée dans l'AAW, soit en saisissant la Chambre des requêtes (Raad van Beroep),
puis la Chambre centrale des requêtes (Centrale Raad van Beroep). Il ajoute toutefois que cette procédure n'a pas été suivie dans son cas car les Services médicaux communs avaient fait savoir au Ministère du logement qu'ils donneraient un avis défavorable sur la demande d'assistance ADL. Cette position a été confirmée par une lettre du Ministère de la protection sociale et de la santé, réaffirmant qu'il ne pouvait être accordé d'assistance ADL aux personnes âgées de 65 ans ou plus admises dans des logements spéciaux. L'auteur affirme qu'étant donné que les dispositions de 1'AAW fixent une limite d'âge de 65 ans, les personnes ayant atteint cet âge et faisant une demande d'assistance en vertu de cette loi ne peuvent recevoir d'autres décisions que négatives. Selon l'auteur, le fait que la méthode suivie par 1'Etat partie pour décider d'octroyer des logements spéciaux n'a pas été modifiée depuis que des amendements ont été apportés au plan d'aide financière pour le logement des personnes handicapées est prouvé par la lettre datée du 19 février 1990 adressée au Conseil municipal de Veendam par le Secrétaire d'Etat aux affaires sociales réaffirmant la position selon laquelle les personnes âgées de plus de 65 ans n'ont pas droit à l'assistance ADL. En outre, au cours des débats parlementaires qui ont eu lieu à la fin de 1989 à la deuxième Chambre du Parlement néerlandais, le Secrétaire d'Etat aurait annoncé qu'une décision sur la question de savoir si l'assistance ADL pouvait être accordée aux personnes handicapées âgées de plus de 65 ans serait prise avant le ler janvier 1992. Ainsi, cette possibilité n'existe pas encore.

2.4 Cela étant, l'auteur a également fait une demande d'assistance au titre d'un autre plan, prévu dans la loi sur l'assistance nationale (ABW), car cette loi ne prévoit pas de limite d'âge et s'applique à titre de "dernier recours" dans les cas où les autres textes ne permettent pas d'accorder une assistance. La municipalité de Rotterdam ayant rejeté, le 15 février 1983, la demande qu'il avait déposée en vertu de l'ABW, l'auteur s'est adressé le 22 février 1983 aux autorités locales (de la ville)pour qu'elles interviennent auprès des autorités municipales. Sa demande a été rejetée le 13 septembre 1983. Le 11 octobre 1983, il a déposé une plainte auprès
du Conseil exécutif de la province du Sud (College van Gedeputeerde Staten van de Provincie Zuid-Rolland), qui a été rejetée le 20 mars 1985. Le recours qu'il a formé par la suite auprès du Conseil d'Etat (Raad van State) le 12 avril 1985 a été rejeté le 28 avril de la même année.

Teneur de la plainte :

3. L'auteur affirme que le refus de lui accorder l'assistance ADL constitue une discrimination fondée sur l'âge. Il fait observer que les personnes qui occupent ce type de logements spéciaux avant d'avoir atteint 65 ans et dont les dépenses sont remboursées au titre de l'AAW, continuent de bénéficier de l'assistance ADL après l'âge de 65 ans. Les personnes qui sont admises dans
un logement de ce genre après l'âge de 65 ans, comme lui-même, (ou les personnes qui se trouvent en tête de la liste d'attente après l'âge de 65 ans) n'ont pas droit, en raison de leur âge, au remboursement au titre de 1'AAW. L'auteur estime que cette différence entre personnes handicapées, fondée sur l'âge, est déraisonnable et ne repose pas sur des critères objectifs et constitue donc une discrimination au sens de l'article 26 du Pacte.

4.1 L'Etat partie affirme que la communication doit être déclarée irrecevable car l'auteur n'a pas soumis à une juridiction compétente ses plaintes concernant l'application de 1'AAW. Il rappelle que toute personne s'estimant injustement privée d'une assistance au titre de 1'AAW peut porter plainte devant l'organisme compétent en matière d'assurance de l'emploi, après quoi elle peut saisir en appel le tribunal ayant compétence pour juger des questions de sécurité sociale et peut à cette occasion invoquer directement l'article 26 du Pacte. La juridiction de première instance est la Chambre des requêtes, dont les décisions sont susceptibles d'appel devant la Chambre centrale des requêtes. De l'avis de 1'Etat partie, le fait que l'auteur se soit adressé aux autorités municipales et au Conseil d'Etat en invoquant 1'ABW ne change rien à l'affaire car la plainte soumise par l'auteur au Comité est sans rapport avec 1'ABW.

4.2 L'Etat partie expose ensuite la procédure qui devrait être suivie par les organes compétents en application de 1'AAW et affirme que celle-ci offrirait effectivement un recours utile au sens du Protocole facultatif. Ainsi, la Chambre des requêtes ne serait pas liée par l'avis négatif rendu par le Ministère de la protection sociale, de la santé et des affaires culturelles dans sa lettre du 24 février 1983, ni par la recommandation faite par les Services médicaux communs dans leur lettre du 7 février 1983. Toute décision de la Chambre des requêtes devrait être déterminée par les dispositions pertinentes de la réglementation nationale et du droit international; la Chambre n'aurait pas à tenir compte d'une recommandation qu'elle estimerait contraire à ces dispositions. A cet égard, 1'Etat partie rappelle que la lettre du 24 février 1983 n'a pas de valeur juridique puisqu'elle n'émane pas d'un organe compétent dans le cadre de 1'AAW ou du plan-d'aide financière pour le logement des personnes handicapées.

Examen de la plainte et décision du Comité:

5.1 Aux termes de l'article 87 de son règlement intérieur, le Comité des droits de l'homme, avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, doit décider si celle-ci est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

5.2 Conformément aux dispositions du paragraphe 2 a)de l'article 5 du Protocole facultatif, le Comité s'est assuré que la question n'était pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

5.3 Aux termes du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif, le Comité n'examinera aucune communication d'un particulier qui n'a pas épuisé tous les recours internes disponibles. Il s'agit là d'une règle générale qui n'est toutefois pas appliquée si les procédures de recours excèdent des délais raisonnables ou si l'auteur d'une communication démontre de façon convaincante que les recours internes ne sont pas efficaces , c'est-à-dire qu'ils n'ont aucune chance d'aboutir.

5.4 D'après les renseignements dont dispose le Comité, rien n'empêche l'auteur d'essayer d'utiliser tous les recours internes, y compris les recours prévus au titre de l'AAW, soit de saisir les autorités et les juridictions compétentes. Bien que la réglementation applicable soit fondée sur des critères objectifs régissant l'octroi d'une assistance au titre de l'ADL, 1'Etat partie a indiqué que les juridictions compétentes non seulement ne seraient pas liées par des recommandations négatives de la part des autorités administratives pour ce qui est de l'octroi d'une assistance ADL à l'auteur, mais qu'elles pouvaient également décider de ne pas appliquer la réglementation en vigueur si elles estimaient que celle-ci était contraire aux dispositions du droit international en la matière. Le paragraphe 2 b) de l'article 5 a notamment pour objet d'engager les victimes éventuelles de violations des dispositions du Pacte à s'efforcer dans un premier temps d'obtenir satisfaction auprès des autorités compétentes de 1'Etat partie, tout en permettant aux Etats parties d'examiner , sur la base d'une plainte donnée, la mise en oeuvre, sur leur territoire et par leurs instances, des dispositions du Pacte et, si nécessaire, de remédier aux violations éventuelles, avant que le Comité ne soit saisi de la question. Compte tenu de ce qui précède et eu égard au paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif, le Comité estime que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes disponibles.

6. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :

a) Que la communication n'est pas recevable en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif;

b) Que la présente décision sera communiquée à l'Etat partie, à l'auteur de la communication et à son Conseil.



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