University of Minnesota



E. B. [nom supprimé]
c. Jamaïque, Communication No. 303/1988, U.N. Doc. CCPR/C/40/D/303/1988 (1990).



Comité des droits de l'homme
40° período de sesiones

DECISION PRISE PAR LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE
FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX
DROITS CIVILS ET POLITIQUES -QUARANTIEME SESSION

concernant la

Communication No 303/1988


Présentée por: E. B. [nom supprimé]

Au nom de: L'auteur

Etat partie intéressé: Jamaica

Date de la communication: 25 mai 1988 (date de la première lettre)

Le Comité des droits de l'homme, institué conformément à l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 26 octobre 1990,

Adopte le texte ci-après :




Décision concernant la recevabilité

1. L'auteur de la communication (première lettre datée du 25 mai 1988, suivie d'autres lettres)est E. B., citoyen jamaïquain détenu à la prison du district de Sainte-Catherine, à la Jamaïque , où il attend d'être exécuté. L'auteur affirme être innocent du meurtre dont il a été déclaré coupable et pour lequel il a été condamné à mort , et être victime d'une violation de ses droits de l'homme par le Gouvernement jamaïquain.

2.1 L'auteur déclare qu'il a été arrêté en 1979 et accusé du meurtre d'un inspecteur de police. Il affirme qu'il a été arrêté à la suite de faux renseignements donnés à la police par son ancienne amie et la soeur de celle-ci, qui auraient dit à la police qu'ils s'étaient querellés et avaient ajouté mensongèrement qu'il possédait un revolver. La police aurait fait signer une déclaration à son amie sans qu'elle lise. Les deux femmes se sont depuis rétractées dans des dépositions faites sous serment devant le Conseil jamaïquain des droits de l'homme. Elles affirment qu'elles ont tenté de rectifier l'histoire qu'elles avaient racontée à la police et de témoigner au tribunal, mais qu'elles ont été intimidées par la police, qui a menacé de les arrêter et de les poursuivre pour faux témoignage si elles revenaient sur leur déposition initiale.

2.2 L'auteur affirme qu'au cours de la séance d'identification la police avait utilisé cinq faux témoins, dont trois, y compris un membre de la police et un membre de la milice, avaient prétendu le reconnaître. Un citoyen jamaïquain qui aidait l'auteur à titre privé affirme qu'il a parlé à plusieurs personnes qui ont confirmé qu'aucun de ces individus ne se trouvait dans les parages le jour du crime. L'auteur souligne en outre qu'il n'avait pas d'avocat lors de la séance d'identification, et qu'aucun fonctionnaire du système judiciaire n'y assistait, ce qui, affirme-t-il, est contraire à la Constitution jamaïquaine.

2.3 L'auteur affirme que l'avocat désigné d'office pour le défendre a refusé de faire comparaître de6 témoin6 à décharge, bien qu'il lui ait demandé de le faire. Il ajoute que cet avocat l'a mal défendu, prétendument parce qu'ils appartenaient à de6 parti6 politique6 rivaux.

2.4 L'auteur fait observer en outre que plusieurs personnes, dont le propriétaire d'un magasin proche de l'endroit où le meurtre a été commis, L. N., a attesté qu'il n'était pas présent sur les lieux du crime. L. N. a affirmé avoir vu deux hommes se battre avec la victime, avoir entendu les coups de feu fatals et avoir récupéré l'arme du crime. Il a fait une déposition à la police pendant l'enquête préliminaire mais n'a pas participé à la séance d'identification et n'a pas été convoqué comme témoin au procès. L'arme du crime n'aurait pas été présentée comme preuve au tribunal. L. N. a fait une déclaration sous serment, datée du 24 février 1987, à ce sujet, devant le Conseil jamaïquain des droits de l'homme. Depuis, il est décédé.

2.5 L'auteur déclare qu'il a pu s'assurer l'assistance pro bono d'un cabinet d'avocats de Londres pour présenter une demande d'autorisation spéciale de former un recours devant la Section judiciaire du Conseil privé. Il déclare que les tribunaux jamaïquains, cependant, n'ont fourni à ses représentants que les notes sur les dépositions et la transcription d'un jugement verbal rejetant son appel. Il craint qu'en l'absence d'un jugement motivé de la cour d'appel, sa demande d'autorisation spéciale de former recours soit automatiquement rejetée. Le 29 août 1990, l'avocat de l'auteur a confirmé qu'il n'avait pas obtenu le jugement écrit de la cour d'appel; il a ajouté toutefois que le conseil principal avait déjà préparé un projet de demande d'autorisation spéciale de former recours , et qu'il s'efforçait de faire examiner l'affaire par la Section judiciaire.

3. Par une décision du 8 juillet 1988, le Groupe de travail du Comité des droits de l'homme a transmis la conununication à 1'Etat partie et lui a demandé, conformément à l'article 91 du règlement intérieur, de soumettre de6 renseignements et observations 6e rapportant à la question de la recevabilité de la communication et de fournir au Comité le texte écrit des jugements rendus en l'espèce. Le Groupe de travail a en outre demandé à 1'Etat partie, conformément à l'article 86 du règlement intérieur, de ne pas exécuter la peine capitale à l'encontre de l'auteur tant que sa communication serait en cours d'examen par le Comité.

4. Dans les observations datées du 8 décembre 1988 qu'il a présentées conformément à l'article 91, 1'Etat partie soutient que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif, concernant l'épuisement des recours internes, parce que l'auteur de la communication peut encore demander à la Section judiciaire du Conseil privé une autorisation spéciale de former recours, en application de l'article 110 de la Constitution jamaïquaine. L'Etat partie n'a pas fait parvenir à l'auteur ou au Comité de copies des jugement6 rendu6 dans l'affaire.

5.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, décider si celle-ci est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

5.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du ,paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même question n'a pas été soumise à une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

5.3 En ce qui concerne la règle de l'épuisement des recours internes, le Comité a noté que 1'Etat partie soutient que la communication est irrecevable, l'auteur n'ayant pas adressé à la Section judiciaire du Conseil privé une demande d'autorisation spéciale de recours. Il constate que l'auteur s'est assuré, à cette fin, les services pro bono d'un cabinet d'avocats londonien après avoir soumis son cas au Comité des droits de l'homme et que se6 représentants s'efforcent de déposer une demande d'autorisation spéciale de former un recours en son nom. Bien que gravement préoccupé par l'absence apparente d'un jugement motivé de la cour d'appel dans cette affaire, le Comité ne considère pas qu'une demande d'autorisation spéciale de former un recours devant la Section judiciaire du Conseil privé serait à priori inutile de telle sorte que l'auteur ne serait pas tenu d'épuiser ce recours avant d'adresser une communication au Comité. Il conclut donc que le6 conditions prévues au paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif ne sont pas remplies.

5.4. En ce qui concerne le fonctionnement pratique du système d'assistance judiciaire à la Jamaïque, le Comité souligne que le paragraphe 3 d) de l'article 14 du Pacte exige que les Etats parties assurent l'assistance juridique voulue aux personnes accusées d'infraction pénale à tous les stades de leur procès et des recout6 , y compris les tecour à la Section judiciaire du Conseil privé. Compte tenu des dispositions du paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte, il est impératif que si cette assistance juridique est assurée,
elle soit suffisante pour permettre que le procès se déroule équitablement.

6. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :

a) Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif;

b) De demander à 1'Etat partie de mettre tous les documents relatifs aux décisions judiciaires pertinentes du tribunal à la disposition de l'auteur et de son avocat sans autre retard, afin de permettre un recours utile auprès de la Section judiciaire du Conseil privé;

c) Qu'étant donné que le Comité peut , conformément au paragraphe 2 de l'article 92 de son règlement intérieur, reconsidérer cette décision s'il est saisi par l'auteur ou en son nom d'une demande écrite contenant des renseignements d'où il ressortirait que les motifs d'irrecevabilité ont cessé d'exister, 1'Etat partie sera prié , conformément à l'article 86 du règlement intérieur du Comité, de ne pas exécuter la peine capitale à l'encontre de l'auteur, tant que ce dernier n'aura pas eu raisonnablement le temps d'épuiser les recours internes utiles qui lui sont ouverts et de demander au Comité de reconsidérer la présente décision;

d) Que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie, à l'auteur de la communication et à son conseil.



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