University of Minnesota



G. et L. Lindgren et L. Holm A. et B. Hjord, E. et 1. Lundquist, L. Radko et E. Stahl c. Suèd
e, Communication No. 298/1988, U.N. Doc. CCPR/C/40/D/298/1988 (1990).



Comité des droits de l'homme
Quarantième session


A. Décision de jonction des deux communications

Le Comité des droits de l'homme, agissant par l'intermédiaire de son Groupe de travail en vertu du paragraphe 2 de l'article 87 de son règlement intérieur,

Considérant que les communications Nos 298/1988 et 299/1988 portent sur des questions très semblables affectant les auteurs,

Considérant en outre qu'il peut être approprié de traiter ces communications conjointement,

1. Décide, en application du paragraphe 2 de l'article 88 de son règlement intérieur, de traiter conjointement ces communications;

2. Décide en outre que le texte de la présente décision sera communiqué à 1'Etat partie et aux auteurs des communications.

B. Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux
droits civils et politiques - quarantième session

concernant les

Communications Nos 298/1988 et 299/1988




Présentées par : G. et L. Lindgren et L. Holm A. et B. Hjord, E. et 1. Lundquist, L. Radko et E. Stahl (représentés par un avocat)

Au nom de : Les auteurs

Etat partie intéressé : Suède

Date des communications : 25 mai 1988

Date des décisions concernant la recevabilité : 30 mars 1989

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 9 novembre 1990,


Ayant achevé l'examen des communications Nos 298/1988 et 299/1988 présentées au Comité par G. et L. Lindgren et L. Holm et A. et B. Hjord et consorts en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été fournies par les auteurs de la communication et par 1'Etat partie intéressé,

Adopte ce qui suit :

Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif
1. Les auteurs des communications (lettres initiales datées du 25 mai 1988 et correspondance ultérieure), G. et L. Lindgren et L. Holm (communication No 298/1988). et A. et B. Hjord, E. et 1. Lundquist, L. Radko et E. Stahl (communication No 299/1988), citoyens suédois résidant dans les communes de Norrkoping et Upplands-Bro (Suède), affirment être victimes d'une violation par le Gouvernement suédois de l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils sont représentés par un avocat.

2.1 Les auteurs, dont les enfants fréquentent les écoles privées Rudolf Steiner à Norrkoping et Ellen Key à Stockholm, ont demandé à la commune de Norrkoping une aide financière pour l'échat des manuels scolaires de leurs enfants et à la municipalité d'upplands-Bro, une aide financière au titre des frais de cantine et de l'achat des manuels. Leurs demandes ont été rejetées
les 20 avril 1988 et 10 février 1988, respectivement. Les auteurs n'ont pas formé de recours contre cette décision, qui est devenue exécutoire.

2.2 Les auteurs estiment que ce refus constitue une violation de l'article 26 du Pacte, du fait que le type d'aide financière qu'ils ont demandée (aide sociale scolaire) est habituellement accordée par les municipalités suédoises, que les élèves soient inscrits dans un établissement public ou une école privée. Cette aide aurait pour but de décharger les parents des frais supplémentaires que la scolarité obligatoire leur impose. Comme le Code parental prévoit que les parents doivent subvenir à l'entretien de leurs
enfants, qui sont soumis à l'obligation de fréquenter une école polyvalente, la législation suédoise considère l'aide financière comme un avantage social et un complément aux allocations familiales.

2.3 Les enfants, pour satisfaire à cette obligation, ont le choix entre une école publique et une école privée reconnue. Selon les auteurs, le principe de l'égalité et les dispositions de l'article 26 du Pacte s'appliquent également à la gratuité et aux subventions pour les livres de classe et la cantine.

2.4 Le Tribunal administratif suprême a estimé que l'aide sociale scolaire représentait un service offert à titre gracieux. Les auteurs ne sont pas de cet avis, car ils relèvent que cette aide est financée par l'impôt municipal sur le revenu, qui est acquitté par tous les résidents de la commune. Ils font en outre valoir que les subventions publiques représentent, pour les familles suédoises moyennes, la possibilité d'atteindre un niveau de vie normal. L'aide sociale scolaire constitue, de ce fait, un revenu supplémentaire non

imposable. Les parents qui bénéficient de cette aide se trouvent par conséquent dans une situation économique plus favorable que les autres. Les auteurs considèrent que ce fait aggrave le caractère discriminatoire du refus de la municipalité.

2.5 Depuis 1958, le gouvernement central a délégué aux autorités locales le pouvoir d'attribuer une aide financière. Conformément à la loi sur l'administration locale, les autorités municipales ne peuvent accorder aux résidents un traitement différent que pour des raisons objectives, cela afin d'assurer l'égalité de traitement dans l'application de la loi.

2.6 Les auteurs soutiennent qu'il y a discrimination entre leurs enfants et les élèves des. écoles publiques ou privées recevant une aide financière. Cette différence de traitement est rendue possible par le fait qu'au regard de la loi les autorités locafes ne sont pas tenues de consentir une aide financière aux écoles privées et que; partant, le système est arbitraire.

2.7 Les auteurs prétendent qu'ils ont épuisé les recours internes aux fins du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif. Compte tenu d'une décision importante adoptée en 1970 par le Tribunal administratif suprême, par laquelle ce dernier avait opposé une fin de non-recevoir à une plainte déposée par des parents qui s'étaient vu refuser l'aide sociale scolaire, les auteurs sont convaincus que tout recours serait inutile, d'autant plus que tous les recours analogues formés depuis 1970 ont été rejetés.

3. Par ses décisions du 8 juillet 1988, le Groupe de travail du Comité des droits de l'homme a transmis les communications à 1'Etat partie en application de l'article 91 du règlement intérieur provisoire, en le priant de lui adresser des renseignements et des observations se rapportant à la question de la recevabilité de la conmunication. A cet égard, il a demandé à 1'Etat
partie de lui communiquer les lois et règlements qui régissent l'octroi et l'usage de l'aide financière accordée pour les repas et le matériel pédagogique aux écoles privées ou à leurs élèves.

4.1 Dans les observations en date du 22 novembre 1988 qu'il a présentées en application de l'article 91, 1'Etat partie juge irrecevable, en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif, les communications, qu'il considère comme mal fondées. Il reconnaît toutefois que les recours internes ont été épuisés au sens de l'article 5, paragraphe 2 b), du Protocole facultatif, étant donné que la situation juridique en Suède est telle qu'il aurait été inutile de former un recours.

4.2 L'Etat partie indique que l'enseignement suédois est régi par la loi de 1985 sur les établissements scolaires (Skollagen, 1985:1100). Il existe en Suède un enseignement public uniforme qui comprend une instruction élémentaire obligatoire pour les élèves de 7 à 16 ans. La scolarité obligatoire correspond au droit de recevoir une éducation dans le cadre du système éducatif public (chap. 3, art. ler, de la loi). En principe, les enfants satisfont à l'obligation scolaire en fréquentant un établissement d'enseignement public. Il y a des exceptions à cette règle : les écoles lapones, les écoles indépendantes agréées (écoles privées)et les internats d, Etat (chap. 3, art. 2, de la loi). La loi stipule que les enfants peuvent s'acquitter de l'obligation scolaire en fréquentant une école privée agréée à cet effet par la Commission scolaire locale. La loi dispose que, pour être reconnue, l'école en question doit dispenser un enseignement de même niveau que l'instruction élémentaire obligatoire.

4.3 La loi de 1985 prévoit que l'instruction élémentaire obligatoire est gratuite (chap. 4, art. 15). En particulier, les livres, fournitures scolaires et autres matériels sont fournis gracieusement aux élèves. Il incombe à l'administration de chaque commune d'assurer une éducation qui corresponde aux normes fixées par l' Etat, ainsi que de financer l'enseignement public (chap. 4, art. 6). Les communes suédoises disposent d'une grande marge d'autonomie puisqu'elles élisent leurs propres assemblées municipales et financent leurs propres activités par la taxation de leurs résidents. Chaque commune fixe le taux de son impôt dont le produit constitue sa principale source de revenu. Les impôts locaux varient en fonction des besoins et de la situation financière des communes. Les communes reçoivent une contribution de l*Etat au titre du financement de l'instruction élémentaire obligatoire. Cette contribution est essentiellement destinée à couvrir la rémunération du personnel. Aucune subvention n'est accordée pour l'achat de manuels et pour
la fourniture de repas aux élèves, dépenses qui sont donc à la charge des communes.

4.4 L'octroi d'une aide de 1'Etat aux établissements privés agréés assurant l'enseignement obligatoire est régi par le décret 1983: 97. En vertu de ce décret, l'école intéressée dépose une demande, la pratique voulant que l'établissement candidat fonctionne déjà depuis trois ans environ. La subvention revêt la forme d'une allocation déterminée pour chaque élève et dépend du niveau d'étude de ce dernier. Son obtention peut être assujettie à certaines conditions. L'école doit en principe être ouverte à tous, les frais de scolarité doivent être raisonnables et le plan d'études doit être approuvé par le Conseil national de l'éducation.

4.5 Le décret 1967: 270 relatif aux écoles privées et le décret 1988: 681 relatif aux subventions accordées par 1'Etat aux internats d'Etat et à certaines écoles privées s'appliquent aux grands établissements privés d'enseignement élémentaire et supérieur. Le montant des subventions est fixé avec précision selon une méthode qui ressemble au mode de calcul utilisé pour l'aide accordée aux communes au titre de l'enseignement public. Le décret de 1967 est applicable à l'école Ellen Key de Stockholm et à l'école Rudolf Steiner de Norrkoping.

4.6 11 n'y a pas de règles particulières qui régissent l'octroi de subventions par les communes aux écoles privées ou à leurs élèves. La commune doit prendre ses décisions en la matière sur la base des règles générales de compétence. Ces décisions peuvent faire l'objet d'un recours conformément à une procédure spéciale.

4.7 L'Etat partie ajoute qu'en Suède, une allocation générale pour enfant (barndidraq)jusqu'à l'âge de 16 ans est versée à la personne qui a la garde de l'enfant; cette allocation atteint actuellement 450 couronnes suédoises par mois. Les jeunes âgés de 16 à 20 ans qui fréquentent l'école ou un établissement d'enseignement supérieur peuvent obtenir une bourse d'études. L'Etat désigne les établissements dont les élèves ont droit à cette bourse (loi de 1973, chap. 3, art. ler).

4.8 L'Etat partie estime qu'il ne peut raisonnablement découler de l'article 26 du Pacte que 1'Etat (ou une commune)est tenu de couvrir les frais afférents à la fréquentation d'une école privée, délibérément choisie par l'élève à la place de l'établissement public correspondant. Le refus d'accorder une aide ne saurait constituer un acte discriminatoire au sens de l'article 26. Il existe des écoles privées et les différences de situation juridique et/ou financière entre ces établissements et leurs élèves sont spécifiées de manière compatible avec l'article 26.

4.9 S'agissant du principe de l'égalité au niveau communal, 1'Etat partie estime que ce principe ne peut rien changer au fait que les communes ne sont pas tenues légalement d'octroyer une aide financière aux écoles privées ou à leurs élèves. Par conséquent, le refus d'une subvention ne saurait être considéré comme un acte discriminatoire.

4.10 Quant a la discrimination dont les enfants des plaignants auraient été victimes par rapport aux élèves d'autres établissements privés, 1'Etat partie précise que les décisions contestées relèvent de la compétence des communes, qui jouissent d'une grande marge d'autonomie. La législation part du principe que les autorités locales sont les mieux placées pour prendre les décisions en matière d'éducation dans leur commune,. Pour 1'Etat partie, la différence de traitement que peut entraîner cette indépendance des autorités locales est fondée sur des critères objectifs et raisonnables.

5.1 Dans leurs observations datées du 21 décembre 1988, les auteurs constatent que les "parents ne sont jamais mentionnés dans les observations du gouvernement de 1'Etat partie, alors qu'ils sont des citoyens faisant l'objet d'un traitement financier différent malgré les obligations identiques qui leur incombent en vertu du Code parental".

5.2 S'agissant des livres de classe, les auteurs soutiennent que les parents étant tenus par la loi d'envoyer leurs enfants à l'école, les dépenses qui en résultent devraient être réparties équitablement entre tous les intéressés, quel que soit le type d'établissement choisi. La gratuité des manuels vise à décharger les parents des obligations que le Code parental leur impose et à éliminer des écarts injustes entre les familles. L'aide sociale scolaire ne vise pas à subventionner l'éducation mais à alléger le budget familial. C'est donc dans ce contexte purement social qu'une discrimination s'est produite.

6.1 Avant d'examiner une communication au fond, le Comité des droits de l'homme doit, selon l'article 87 de son règlement intérieur provisoire, décider si cette communication est recevable aux termes du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2 Le Comité s'est assuré, con-me l'exige l'article 5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif, que la même question n'était pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Il a noté que 1'Etat partie ne conteste pas la recevabilité des communications selon l'article 5, paragraphe 2 b), du Protocole facultatif. Le Comité a donc conclu, en se fondant sur les renseignements qui lui ont été communiqués, que les conditions prévues à l'article 5, paragraphe 2, du Protocole facultatif concernant l'épuisement préalable des recours internes avaient été remplies.

6.3. Quant à l'affirmation de 1'Etat partie selon laquelle l'argumentation mal fondée des auteurs devrait être considérée comme suffisante pour déclarer les communications irrecevables conformément à l'article 3 du Protocole facultatif, le Comité a rappelé que l'article 3 dispose que les communications sont déclarées irrecevables a) si elles sont anonymes, b) si elles constituent un abus du droit de présenter de telles communications, ou c) si elles sont incompatibles avec les dispositions du Pacte. Il a relevé que les auteurs ont fait un effort raisonnable pour motiver leurs allégations afin que leur communication soit recevable et qu'ils ont invoqué une disposition précise du Pacte. Le Comité a donc décidé qu'il se prononcerait sur le fond de l'affaire.

7. Le 30 mars 1989 le Comité a donc décidé que les communications étaient recevables.

8.1 Dans les observations datées du 8 octobre 1989 qu'il a présentées conformément au paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif, 1'Etat partie indique qu'il n'approuve pas l'emploi par l'avocat de l'expression "aide sociale scolaire", qui peut donner l'idée erronée que l'aide financière en question est une forme d'assistance sociale spécifique et claire. L'Etat partie rappelle qu'en Suède il existe un système d'enseignement public uniforme, conçu pour répondre aux besoins de toute la population du pays, et qu'en principe le devoir légal de fréquenter l'école doit être accompli dans le cadre de ce système. La législation pertinente à cet égard vise à assurer une éducation égale aux enfants de tout le pays; elle reflète également la volonté politique d'assurer à tous les enfants la possibilité de fréquenter l'enseignement public. En conséquence, effectuer sa scolarité obligatoire dans des écoles autres que celles prévues par l'enseignement public doit être considéré comme une exception à la règle générale. Dans ce contexte 1'Etat partie souligne qu'il existe relativement peu d'écoles privées qui remplissent les conditions voulues pour se substituer à l'enseignement public obligatoire. Il souligne en outre que l'enseignement public n'a pas ignoré le fait qu'il y a en Suède des gens dont les valeurs sont différentes en matière d'éducation. A cet égard, 1'Etat partie cite une déclaration, dans le contexte du Plan d'enseignement de 1980 pour l'école de base obligatoire, concernant ses "buts et directives"; il y est notamment souligné que "... les écoles doivent être ouvertes à la présentation de valeurs et d'opinions différentes et souligner l'importance de l'intérêt individuel". De plus, cette déclaration souligne que le même objectif est envisagé dans la loi scolaire de 1985 où, à l'article 2 du chapitre 3, il est stipulé qu'une école peut, à la demande d'un parent ou tuteur d'un enfant astreint à la scolarité obligatoire, dispenser cet enfant d'activités autrement obligatoires du programme éducatif de cette école.
Ce ne sont là que quelques exemples qui montrent que l'enseignement public en Suède est conçu pour répondre aux besoins de toute la population, et que de ce fait il n'est pas nécessaire d'établir un enseignement parallèle.

8.2 L'Etat partie fait aussi valoir que l'enseignement public obligatoire demeure ouvert à tous les enfants astreints à la scolarité obligatoire, et que les parents qui choisissent de leur faire accomplir cette scolarité dans d'autres écoles conservent le droit de demander que leurs enfants soient intégrés plus tard à l'enseignement public. Cela découle de l'objectif du législateur selon lequel la scolarité obligatoire doit en principe être accomplie dans le cadre de l'enseignement public. En conséquence, 1'Etat partie fait observer qu'on ne peut raisonnablement attendre d'une municipalité qu'elle organise l'enseignement public ouvert à tous les enfants et contribue en même temps au paiement des frais afférents à la fréquentation de certaines écoles privées. L'Etat partie reconnaît cependant que certaines communes peuvent avoir accepté de contribuer au financement des activités de certaines écoles privées. De telles contributions sont accordées pour couvrir le coût des manuels, des repas et des soins médicaux à l'école; elles peuvent prendre la forme d'allocations, ou de
la possibilité pour les élèves d'une école Privée d'obtenir des repas ou de se rendre dans des dispensaires scolaires. L'appui des municipalités aux écoles privées, cependant, varie d'une commune à l'autre, et il peut aussi varier d'une école à l'autre dans la même commune. Cela dépend de l'intérêt que l'école présente aux yeux du conseil municipal, mais aussi, de manière plus importante, de la grande liberté dont une municipalité jouit en décidant par elle-même de soutenir ou non une école
privée, et
si oui dans quelle mesure. Dans ce contexte, 1'Etat partie ajoute que, selon un certain nombre de décisions prises par le Tribunal administratif suprême de Suède, .il n'est pas en principe de la compétence d'une municipalité d'octroyer des contributions pour des activités qui ne présentent pas un intérêt général précis pour ses administrés. L'Etat partie réaffirme donc qu'il n'y a eu aucune violation du Pacte en rapport avec une quelconque allégation des auteurs.

9.1 Dans leurs observations datées du 22 décembre 1989, les auteurs signalent que dans ses observations 1'Etat partie met l'accent sur 1'éducation" et 1" 'enseignement public" pour détourner l'attention de leur argument selon lequel l'assistance considérée (l'aide scolaire publique)n'est pas liée à l'éducation mais vise à alléger les obligations des parents en vertu de la loi sur le Code parental, dans un contexte purement social. Ils réaffirment que la substance de l'affaire examinée demeure la différenciation entre parents pour ce qui est des prestations sociales accordées pour atténuer leurs obligations en vertu du Code parental, et ils soulignent que 1'Etat partie, lorsqu'il fait état des contributions versées par des municipalités aux écoles privées pour couvrir leurs dépenses ou soutenir leurs activités, montre clairement qu'il n'est pas disposé à admettre que ces prestations sociales -repas et manuels gratuits- sont octroyées à des individus.

9.2 Pour ce qui est de la forme d'assistance considérée, les auteurs soutiennent que, contrairement à l'assertion de 1'Etat partie, elle est aisément définissable. Ils se réfèrent aux décrets annuels du gouvernement en matière de compensation intercommunale, qui déterminent le montant versé par élève pour les repas et les livres gratuits dans les écoles publiques suédoises. Les décrets portant sur les années scolaires 1987/1988 et 198811989 tiennent compte de statistiques du coût des repas, des manuels et d'autres éléments, compilés par l'Association suédoise des autorités locales. Quant à la valeur de l'aide sociale scolaire, les auteurs affirment qu'indépendamment de ses diverses formes, celle octroyée aux élèves de l'enseignement privé peut aisément être convertie en des montants fixes. En fait, depuis 1946, la plupart des communes suédoises (et non "certaines", comme le prétend 1'Etat partie) administrent cette forme d'assistance sociale aux parents sur une base d'égalité.

9.3 Répondant à l'argument de 1'Etat partie que "selon un certain nombre de décisions du Tribunal administratif suprême, il n'est pas en principe de la compétence d'une municipalité d'octroyer des contributions pour des activités qui ne revêtent pas un intérêt général précis pour ses administrés", les auteurs soulignent que les activités en question ne sont pas spécifiées par 1'Etat partie. A cet égard, ils ajoutent que depuis le début du siècle il a été jugé d'intérêt général que les communes suédoises fournissent à tous les enfants de
leur territoire des repas et des manuels de base.

9.4 En ce qui concernennent les dépenses publiques pour les repas et les manuels scolaires, les auteurs réfutent la déclaration de 1'Etat partie selon laquelle on ne saurait attendre d'une commune qu'elle organise l'enseignement public et en même temps verse des contributions pour couvrir les dépenses d'écoles privées. Cette déclaration, soulignent-ils, contredit manifestement la déclaration que le Ministre de l'éducation suédois a faite en janvier 1988 au nom du gouvernement : "A mon avis il est raisonnable qu'une administration locale verse des contributions à des-écoles privées pour des élèves inscrits comme résidant dans la commune; ces contributions doivent être en principe l'équivalent des économies réalisées par la commune en ne payant pas, par exemple, les repas et les manuels scolaires." (Proposition 1987/88: 100)


9.5 Enfin, les auteurs affirment que la présentation de public l'enseignement 1'Etat partie vise à créer l'impression qu'un enseignement privé est inutile en Suède. Ils contestent donc l'affirmation de 1'Etat partie selon laquelle
l '... l'enseignement public est conçu pour répondre aux besoins de toute la population du pays, et de ce fait il n'est pas nécessaire d'établir un enseignement parallèle . ..". estimant qu'elle est largement contredite par le fait que les parents de plus de 5 000 élèves ont jugé nécessaire'en 1989, de choisir des écoles privées. Dans ce contexte ils ajoutent que beaucoup d'autres parents voudraient envoyer leurs enfants dans ces écoles s'ils en avaient les moyens et si les autorités pas ne refusaient l'assistance en question.

10.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné les communications quant au fond à la lumière de tous les renseignements communiqués par les parties, conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.

10.2 La question principale soumise au Comité est de savoir si les auteurs des communications sont victimes d'une violation de l'article 26 du Pacte parce qu'en tant que parents d'enfants qui fréquentent une école privée, les subventions allouées par la commune de Norrkoping pour les manuels scolaires de leurs enfants fréquentant l'école Rudolf Steiner à Norrkoping et par la commune d'upplands-Bro au titre des frais de cantine et des manuels scolaires de leurs enfants fréquentant l'école Ellen
Key à Stockholm leur ont été refusées, alors que les parents d'enfants qui fréquentent l'école publique et les parents d'enfants qui fréquentent des écoles privées dans d'autres communes reçoivent une assistance financière pour les manuels et les repas scolaires de ces enfants. Pour décider si 1'Etat partie a violé ou non l'article 26 en n'accordant pas ces prestations aux auteurs, le Comité fonde ses constatations sur les observations suivantes.

10.3 Le système éducatif de 1'Etat partie comporte un enseignement public complet et admet un enseignement privé comme autre option. A cet égard, le Comité note que 1'Etat partie et ses municipalités mettent à la disposition de tous les enfants soumis à la scolarité obligatoire un enseignement public et diverses prestations annexes, telles que le transport gratuit par autobus et des manuels et des repas scolaires gratuits. Cn ne peut pas considérer que 1'Etat partie est dans l'obligation d'assurer les mêmes prestations aux écoles privées; en fait, le traitement préférentiel accordé à l'enseignement public est raisonnable et se fonde sur des critères objectifs. Les parents suédois sont libres de tirer parti de l'enseignement public ou de choisir une école privée pour leurs enfants. La décision prise par les auteurs de ces communications de choisir l'enseignement privé ne leur a pas été imposée par 1'Etat partie ou par les communes concernées; elle découle d'un libre choix, reconnu et respecté par 1'Etat partie et par les communes. En revanche, cette libre décision entraîne certaines conséquences, notamment le paiement de frais de scolarité et de transport et du coût de manuels et de repas scolaires. Le Comité estime qu'un Etat partie n'exerce aucune discrimination contre des parents qui choisissent librement de ne pas se prévaloir de prestations offertes à tous. L'Etat partie n'a pas violé l'article 26 en n'assurant pas aux parents d'enfants qui fréquentent des écoles privées les mêmes prestations qu'aux parents d'enfants de l'enseignement public.

10.4 Les auteurs prétendent également qu'il y a discrimination de la part de 1'Etat partie parce que différentes écoles privées reçoivent des prestations différentes des municipalités. Le Comité note que les auteurs se plaignent de décisions prises, non pas par les autorités suédoises, mais plutôt par des autorités locales. L'Etat partie a mentionné à ce propos qu'il existe en Suède un système décentralisé, selon lequel les décisions de cette nature sont prises au niveau local. A cet égard, le Comité rappelle sa jurisprudence antérieure selon laquelle la responabilité de 1'Etat partie est engagée par les décisions de ses municipalités, et aucun Etat partie n'est dégagé de ses obligations en vertu du Pacte lorsqu'il délègue certaines de ses fonctions à des organes autonomes ou à des municipalités. L'Etat partie a informé le Comité que les communes décident de l'utilité d'écoles privées dans leur système scolaire particulier. L'octroi de subventions découle de ces décisions. C'est ainsi que le système scolaire suédois est conçu conformément à la Loi scolaire de 1985. Lorsqu'une commune décide à ce sujet, sa décision doit se fonder sur des critères raisonnables et objectifs, et doit être prise dans un but qui est légitime au regard du Pacte. Dans les affaires considérées le Comité ne peut pas conclure, sur la base des renseignements dont il dispose, que le refus d'une subvention pour les manuels et les repas scolaires des élèves de l'école Ellen Key à Stockholm et de l'école Rudolf Steiner à Norrkoping a été incompatible avec l'article 26 du Pacte.

11. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits qui lui ont été exposés ne revèlent aucune violation d'une disposition quelconque du Pacte.



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