University of Minnesota



A. W. (nom supprimé)
c. Jamaïque, Communication No. 290/1988, U.N. Doc. CCPR/C/37/D/290/1988 (1989).



Comité des droits de l'homme

Trente-septième session

DECISION PRISE PAR LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE
FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF
AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES -TRENTE-SEPTIEME SESSION

concernant la

Communication No 290/1988


Présentee par : A. W. (nom supprimé)

Au nom de : L'auteur

Etat partie intéressé : Jamaïque

Date de la communication : 16 février 1988 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l'homme, créé en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Réuni le 8 novembre 1989,

Adopte la décision ci-après :


Décision concernant la recevabilité

1. L'auteur de la communication (lettre initiale datée du 16 février 1988 et communications ultérieures) est A. W., citoyen jamaïquain, . qui attend d'être exécuté à la prison du district de Ste Catherine (Jamaïque). Il affirme être victime d'une violation, par la Jamaïque, de ses droits individuels. Il est représenté par un conseil.

2.1 L'auteur, qui affirme être innocent, a été arrêté le 14 juin 1983 et accusé, ainsi qu'un dénommé G. S., d'avoir assassiné, le 13 juin 1983, un certain R. H. Il a été jugé par la Circuit Court de Westmoreland (Jamaïque), reconnu coupable et condamné à mort le 7 juin 1984. La Cour d'appel de la Jamaïque a rejeté son appel le 7 avril 1986.

2.2 L'auteur déclare que, le 13 juin 1983, il travaillait dans son champ de cannes à sucre lorsque M. H. s'est approché et s'est jeté sur lui avec un couteau; au cours de la bagarre qui a suivi, l'assaillant a été blessé à la tête. Par la suite, l'auteur a arrêté une voiture de police qui passait dans les parages et a rapporté l'incident au policier. Le policier aurait dit à l'auteur et à son coaccusé de placer le blessé à l'arrière de la voiture de police et l'aurait conduit à l'hôpital. Plus tard, le même jour, le même policier est revenu au domicile de l'auteur l'informer que M. H. était décédé et l'arrêter. L'auteur a été accusé de meurtre le lendemain.

2.3 Le procès se serait déroulé de manière inéquitable. L'avocat de l'auteur aurait soumis les deux témoins à charge à un contre-interrogatoire, mais le juge aurait constamment interrompu la défense , récusé plusieurs questions pertinentes et même suggéré des réponses aux témoins. Aucun témoin à décharge n'aurait été entendu.

3. Par décision du 8 juillet 1988, le Groupe de travail du Comité des droits de l'homme a transmis la communication à 1'Etat partie en lui demandant, en vertu de l'article 91 du règlement intérieur, de soumettre des renseignements et observations se rapportant à la question de la recevabilité de la communication. Il l'a aussi prié , conformément à l'article 86 du règlement intérieur du Comité, de ne pas appliquer la peine de mort contre l'auteur tant que sa communication était en cours d'examen devant le Comité. L'auteur a été prié de fournir des précisions concernant son cas.

4. Dans sa réponse, datée du 10 octobre 1988, l'auteur fait valoir que les déclarations des deux témoins à charge se contredisent. Ainsi, l'un a prétendu que l'arme meurtrière utilisée par l'auteur était une machette, alors que l'autre a parlé d'une barre de fer et d'une pierre. Cependant, un bâton et une pierre, et non une barre de fer, ont été produits au tribunal comme pièces à conviction mais ils n'ont pas fait l'objet d'une expertise médico-légale. Par ailleurs, la police n'a pas retrouvé le couteau qui aurait été utilisé par M. H. et n'a apparemment pas fourni d'explications à ce sujet comme le juge du fond le lui avait demandé. L'auteur soutient notamment que
sa cause n'a pas été entendue équitablement car le juge de première instance n'a pas donné d'indications au jury sur la question de la légitime défense.

5. Dans les observations qu'il a présentées en application de l'article 91, datées du 2 décembre 1988, 1'Etat partie souligne que la communication est irrecevable selon les dispositions du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif parce que l'auteur a toujours la faculté, en vertu de l'article 110 de la Constitution jamaïquaine, de demander l'autorisation spéciale de former recours devant la section judiciaire du Conseil privé.

6. Dans une lettre ultérieure, datée du 5 mai 1989, le conseil de l'auteur indique que la demande spéciale de recours de son client a été examinée et rejetée par la section judiciaire du Conseil privé le 4 mai 1989.

7. Dans une autre lettre, datée du 12 juillet 1989, 1'Etat partie soutient que, bien que la demande de recours de l'auteur ait été rejetée par la section judiciaire du Conseil privé, la communication demeure irrecevable parce que l'auteur n'a pas épuisé tous les recours internes qui sont à sa disposition en vertu de la Constitution jamaïquaine. Cela étant, 1'Etat partie fait valoir que la disposition du Pacte invoquée par l'auteur (article 14)correspond au droit garanti par l'article 20 de la Constitution jamaïquaine, à savoir le droit à une procédure régulière. Conformément à l'article 25 de la Constitution, quiconque affirme que l'un quelconque de ses droits garantis par cet article a été, est, ou va être enfreint , peut former recours devant la Cour (constitutionnelle) suprême, sans préjudice de toute autre action que la loi peut l'autoriser à engager en l'espèce. L'Etat partie réaffirme donc que la communication est irrecevable.

8.1 Avant d'examiner toute plainte formulée dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, décider si la communication est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2 Le Comité a examiné les documents soumis par le conseil de l'auteur, y compris la demande d'autorisation spéciale de l'auteur de former recours devant la section judiciaire du conseil privé. Il ressort de ces renseignements que l'auteur prétend que le tribunal a agi avec partialité; il conteste notamment le bien-fondé des instructions données par le juge au jury, à la lumière des éléments de preuve fournis au jury et qu'il appartenait à celui-ci d'accepter ou de rejeter. L'article 14 du Pacte garantit le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, mais c'est aux cours d'appels des Etats parties au Pacte qu'il appartient d'apprécier les faits et les preuves dans une affaire particulière. L'examen par le Comité d'instructions expresses données au jury par le juge dans une instance de jugement par un jury ou d'allégations généralisées de partialité ne relève pas des dispositions de l'article 14. Dans ces circonstances, le Comité conclut que la communication est irrecevable car elle est incompatible avec les dispositions du Pacte, conformément à l'article 3 du Protocole facultatif.

9. Le Comité des droits de l'homme décide en conséquence :

a) Que la communication est irrecevable;

b) Que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie, à l'auteur de la communication et à son conseil.



Page Principale || Traités || Recherche || Liens