University of Minnesota



I. M.
(décédé) c. Italie, Communication No. 266/1987, U.N. Doc. CCPR/C/35/D/266/1987 (1989).



Comité des droits de l'homme
Trente-cinquième session

Décision prise par le Comité des droits de l'homme en vertu du Protcole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits
civils et politiques - trente-cinquième session

concernant la

Communication No 266/1987



Présentée Dar : A. M. [nom supprimé]

Au nom de : I. M. [frère de l'auteur, décédé]

Etat partie concerné : Italie

Date de la communication : 5 novembre 1987 (date de la première lettre)

Le Comité des droits de l'homme, créé en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 23 mars 1989,

Adopte la décision ci-après :


Décision sur la recevabilité


1. L'auteur de la communication (première lettre portant un cachet de la poste en date du 5 novembre 1987: autres lettres datées des 20 juin, 4 août, 5 et 8 septembre 1988 et 7 février 1989)est A. M., citoyen espagnol résidant à Genève (Suisse)qui écrit au nom de son frère, I. M., né le 18 août 1941 en Espagne, décédé dans une prison italienne le 26 août 1987 à la suite d'une grève de la faim. Il prétend que les droits de l'homme de son frère ont été violés par les autorités italiennes.

2.1 L'auteur déclare que son frère a été arrêté à Milan le 6 avril 1987 au motif qu'il était soupçonné de complicité dans le trafic de drogue. Le juge d'instruction, A. C., ne lui aurait rendu visite que le 3 juin 1987, c'est-à-dire près de deux mois après son arrestation. L'interrogatoire se serait révélé peu concluant et aucune charge formelle n'aurait été retenue contre I. M., qui aurait alors demandé un second interrogatoire pour établir son innocence. Cet interrogatoire ne lui ayant pas été accordé, I.M. a entamé une grève de la faim le 7 juillet 1987 pour protester contre son maintien en détention. Pendant cette période, il n'aurait été examiné qu'une fois par les médecins de la prison, au moment de son hospitalisation, examen à la suite duquel il aurait été renvoyé en prison, son état n'étant pas jugé suffisamment grave. Les médecins avaient recommandé des perfusions qui n'ont jamais été faites.

2.2 La compagne de I. M., M. R. R., a été autorisée à lui rendre visite tous les 15 jours en prison. Au cours d'une visite qu'elle a pu lui rendre le 20 août, il se serait plaint d'avoir été blessé à la tête et de ne pas bien voir. Malgré son insistance, elle ne put obtenir qu'il soit hospitalisé avant le 24 août, alors qu'il était déjà dans le coma; il est mort deux jours plus tard.

2.3 En ce qui concerne l'épuisement des recours internes, l'auteur et M. R. R. ont porté plainte auprès du Procureur de la République. Les avocats italiens chargés de l'affaire ont informé l'auteur qu'une instruction judiciaire avait été ouverte contre les médecins de la prison et de l'hôpital.

3. Suite à une décision du 15 mars 1988, le Groupe de travail du Comité des droits de l'homme a transmis la communication à 1'Etat partie, le priant, en application de l'article 91 du règlement intérieur provisoire, de communiquer des renseignements et observations se rapportant à la question de la recevabilité de la communication. L'Etat partie était en outre prié de fournir un certain nombre de précisions sur le cas de I. M. Quant à l'auteur, il était prié de préciser la nature de la plainte déposée auprès du Procureur de la République et a quel stade en était l'enquête.

4. Sous couvert d'une lettre datée du 20 juin 1988, l'auteur fournit des précisions en réponse aux questions posées par le Groupe de travail. I1 déclare que le chef d'accusation de la plainte déposée auprès du Procureur de la République est "homicide involontaire". Quant à l'enquête, l'auteur indique qu'elle suit son cours et joint des copies de sa correspondance avec les autorités italiennes et son avocat à Milan.

5.1 Dans la communication qu'il a faite le 4 août 1988 en application de l'article 91 du règlement intérieur provisoire, 1'Etat partie fournit les précisions demandées par le Groupe de travail et s'oppose à la recevabilité de la communication. Récapitulant les faits, il explique que la victime présumée "a été assujettie le 6 avril 1987 par le Groupe opérationnel antidrogue de la brigade des finances à restriction de sa liberté personnelle à double titre : arrestation pour les délits visés aux articles 495 et 473 du Code pénal, mise en prévention de police judiciaire ('fermo')en tant que gravement soupçonné d'avoir commis les délits visés aux articles 71 et 75 de la loi du 22 décembre 1975, No 685 (trafic de quantités non indifférentes de substances stupéfiantes et association de malfaiteurs finalisée audit trafic). Les procès-verbaux d'arrestation et de mise en prévention furent formellement rédigés sous le nom de R. F. J. v. D., ressortant des papiers d'identité exhibés par le sujet; par ailleurs, la brigade des finances releva . immédiatement que le même individu avait été identifié en une occasion précédente comme I. M. et en une autre encore comme J. L.".


5.2 L'Etat partie ajoute que I. M. a été dûment informé des faits criminels "qui lui étaient attribués lors du premier interrogatoire effectué par le substitut procureur du parquet de Milan, 1. B., le 11 avril 1987 à 9 h 20. A l'issue de l'interrogatoire, fut notifié à I. M. le mandat d'arrêt No 634187 D émis le 10 avril 1987 par le magistrat susvisé, qui contenait les chefs d'accusation et la motivation de la mesure. Les imputations furent nouvellement notifiées au susdit par le mandat dyarxêt No -508187 F émis le 26 mai 1987 par le juge d'instruction, A. C.". I. M. fut interrogé à deux autres reprises par le juge d'instruction, A-C., les 3 et 8 juin 1987.

5.3 La demande d'entretien avec le juge d'instruction, introduite par I. M. en même temps qu'il entamait une grève de la faim, fut rejetée par le juge le 21 août 1987. Le magistrat fit relever que l'inculpé avait déjà été entendu à trois reprises et. pendant de npmbreuses heures sur les faits qui avaient entraîné son inculpation, qu'était en courI la suspension des délais de procès pour vacations et qu'en tous les cas l'imputé aurait pu adresser au juge, selon l'article 35 de la réglementation pénitentiaire, les instances ou exposés qu'il aurait jugé utiles pour sa défense. La compagne de I. M., M. R. R., avait été régulièrement autorisée à s'entretenir avec l'inculpé aussi bien par le substitut procureur que, par la suite, par le juge d'instruction, ainsi qu'il ressort de l'exposé que cette dernière adressa le 28 août 1987 au Procureur de la République. Ladite autorisation, selon 1'Etat partie, ne fut nullement révoquée en août: en fait, c'est I. M. qui refusa de la voir le 17 août 1987 en raison de son état de santé.

5.4 L'Etat partie considère que les faits décrits précédemment "ne sauraient être attribués à la responsabilité du magistrat enquêteur, qui s'est toujours montré disponible, dans le cadre de sa compétence et conformément aux exigences de l'instruction, aux instances des membres de la famille du détenu".

5.5 L'Etat partie ajoute qu'immédiatement après le décès de I. M., le juge d'instruction adressa un exposé contenant un historique détaillé des faits au parquet de la République, qui ouvrit un procès pénal contre les responsables présumés du décès de la victime, procès qui est actuellement pendant en phase d'instruction et qui se déroule régulièrement.

5.6 L'Etat partie rappelle que la plainte principale de l'auteur porte sur le fait que la nouvelle demande d'entretien avec le juge d'instruction introduite par la victime avait été rejetée, et précise que le juge n'est aucunement tenu de répondre favorablement à pareille requête et que l'article 190 du Code de procédure pénale, qui définit exhaustivement les cas où des requêtes de ce genre peuvent être faites, et les modalités à suivre, ne prévoit aucun recours. A l'exception du premier interrogatoire de l'arrêté (art. 245 et 365 du Code pénal) visant à lui permettre de contester l'accusation et de consentir la défense, le juge n'a aucune obligation d'entendre l'accusé à plusieurs reprises. Au contraire, au sens de l'article 299 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction "a l'obligation d'exécuter promptement tous les actes -et uniquement ces actes -qui paraissent nécessaires pour le canstat de lavérité, selon les éléments recueillis et compte tenu du déroulement de l'instruction". Les autorités jouissent donc d'un pouvoir discrétionnaire pour déterminer s'il est nécessaire de procéder a un nouvel interrogatoire du prévenu.

5.7 Enfin, 1'Etat partie souligne que le requérant conserve la faculté de se constituer partie civile, au sens de l'article 91 du Code. de procédure pénale dans le procès pénal intenté contre les responsables de la mort de son frère.

6.1 Commentant la réponse de 1'Etat partie, l'auteur, dans une lettre datée du 28 septembre 1988, ne nie pas que la compagne de son frère, H. R. R., a été autorisée par le magistrat à rendre visite au détenu, mais soutient que les difficultés que M. R. R. a rencontrées pour le voir à la prison ou a l'hôpital ne sont imputables qu'aux autorités pénitentiaires. C'est ainsi qu'il affirme qu'à plusieurs reprises, entre le 17 et le 20 août 1987, M. R. R. a été refoulée à la porte de la prison sous des prétextes fallacieux, et qu'elle n'a pu voir I. M. que le 20 août 1987 à midi. La victime ne pouvait déjà plus, à ce moment-là, se déplacer qu'en chaise roulante et souffrait visiblement de troubles de la coordination.

6.2 Malgré ses demandes réitérées, M. R. R. n'a pas pu s'entretenir avec le directeur de la prison ni avec le sous-directeur. L'intervention du Consul d'Espagne à Milan est restée elle aussi sans résultat concret. Le 24 août 1987, M. R. R. a de nouveau demandé à voir son compagnon. Dans le parloir de la prison, un détenu lui a dit que I. M. était toujours dans la prison, mais que ses jours semblaient en danger. Ensuite, un gardien lui a appris que I. M. avait été hospitalisé. A l'hôpital, on lui a déclaré que l'autorisation de visite fournie par le magistrat n'était pas valable et qu'il lui fallait l'autorisation du directeur de la prison. Le sous-directeur 1ui montra à la hâte un papier tendant~à prouver que I. M. ne voulait plus la rencontrer, mais après des démarches
énergiques, elle a pu le voir le 25 août 1987. I. M. ne l'a pas reconnue parce qu'il était dans le coma et le médecin de garde lui a dit qu'on l'avait hospitalisé beaucoup trop tard. L'auteur affirme qu'en prétendant que I. M. était "en bon état de santé physique", le sous-directeur de la prison a fait non seulement preuve de négligence mais d'incompétence. Il soutient de même que les médecins de la prison comme ceux de l'hôpital se sont rendus coupables de négligence en ce qu'ils se sont montrés, ou ont paru, incapables d'administrer à I. M. le traitement qui s'imposait.

7.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur provisoire, décider si la communication est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a)de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même question n'est pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

7.3 En ce qui concerne l'épuisement des recours internes, le Comité constate qu'il appartiendrait à l'auteur, conformément à l'article 91 du Code de procédure pénale, d'intenter une action civile contre les responsables présumés de la mort de son frère. Le Comité a pris acte en outre de la déclaration non contestée de 1'Etat partie aux termes de laquelle il avait ouvert un procès pénal contre les responsables présumés du décès de I. M. le 26 août 1987 et l'enquête se déroulait régulièrement. Le Comité conclut que les recours internes n'ont pas été épuisés et que les conditions énoncées à l'alinéa b)du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif ne sont pas remplies.

7.4 Quant à la plainte de l'auteur suivant laquelle la victime présumée s'était vu refuser l'occasion d'un nouvel entretien avec le juge d'instruction, le Comité estime qu'elle ne soulève aucune question dans le cadre du Pacte.

8. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :

a) Que la communication est irrecevable;

b) Que la présente décision sera communiquée aux auteurs et à 1'Etat partie.



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