University of Minnesota



W. W. [nom supprimé] c.
Jamaïque, Communication No. 254/1987, U.N. Doc. CCPR/C/40/D/254/1987 (1990).



Comité des droits de l'homme
Quarantième session
DECISION DU COMITE DES DROITS DE L'HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE
FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF
AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES -QUARANTIEME SESSION

concernant la

Communication No. 254/1987


Présentée par : W. W. [nom supprimé]

Au nom de : L'auteur

Etat partie intéressé : Jamaïque

Date de la communication : 21 septembre 1987 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 26 octobre 1990,

Adopte la décision suivante :



Décision concernant la recevabilité

1. L'auteur de la communication (lettre initiale datée du 21 septembre 1987 et lettres suivantes)est W. W., citoyen jamaïquain, actuellement détenu à la prison du district de Ste Catherine (Jamaïque), où il attend d'être exécuté. Il affirme que les droits que lui reconnaît le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont été violés par la Jamaïque en ce sens que le procès et l'instruction qui ont abouti à sa condamnation n'ont pas été équitables et impartiaux.

2.1 L'auteur déclare qu'il a été accusé de meurtre, jugé, reconnu coupable et condamné à mort par le Home Circuit Court à Kingston le 29 janvier 1987 et que son appel a été rejeté le 22 juillet 1987. Il affirme que la procédure d'identification à laquelle il a été soumis était inéquitable et tendancieuse.

3. Par une décision du 12 novembre 1987, le Comité des droits de l'homme a transmis la communication à 1'Etat partie et lui a demandé, conformément à l'article 86 du règlement intérieur, de ne pas exécuter la peine capitale prononcée contre l'auteur tant que sa communication était en cours d'examen au Comité. Il a été demandé à l'auteur de prouver le bien-fondé de son allégation selon laquelle la séance d'identification ne s'était pas déroulée dans les formes, d'expliquer ce qui, à son avis, n'avait pas été équitable
dans la conduite du procès et d'indiquer s'il avait cherché à obtenir une aide judiciaire pour demander une autorisation spéciale de former un recours devant la section judiciaire du Conseil privé.

4. Dans sa réponse, datée du 4 janvier 1988, l'auteur affirme que le juge l'a gêné dans la présentation de sa défense en lui demandant à plusieurs reprises d'être bref. Il affirme également que ses droits n'ont pas été résumés de façon appropriée par le juge du fond pour le jury. Il affirme en outre qu'il n'a pas eu suffisamment l'occasion de s'entretenir avec son avocat, ni avant le procès, ni avant l'appel. Il affirme qu'il n'a été informé du nom de l'avocat qui avait été désigné d'office par le tribunal pour s'occuper de son appel que deux jours avant l'audience. Enfin, il déclare qu'il cherche à obtenir l'assistance d'un avocat pour demander une autorisation spéciale de former un recours devant la section judiciaire du Conseil privé. Compte tenu de ces circonstances, il affirme que les droits énoncés au paragraphe 3 b)et d)de l'article 14 du Pacte, ont dans son cas été violés.

5. Par une décision du 22 mars 1988, le Groupe de travail du Comité des droits de l'homme a transmis la communication à 1'Etat partie et lui a demandé, conformément à l'article 91 du règlement intérieur, de fournir des informations et observations concernant la question de la recevabilité. Il a en outre été demandé à 1'Etat partie, en vertu de l'article 86 du règlement intérieur, de ne pas exécuter la peine capitale prononcée contre l'auteur tant que sa communication était en cours d'examen.

6. Dans les observations en date du 16 novembre 1988 qu'il a présentées conformément à l'article 91, 1'Etat partie soutient que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif au motif que son auteur n'a pas épuisé tous les recours internes parce qu'il n'a pas demandé à la section judiciaire du Conseil privé une autorisation spéciale de former un recours. L'Etat partie affirme en outre que W. W. pourrait bénéficier d'une aide judiciaire en application de l'article 3 du Poor Prisoners' Defence Act (loi sur la défense des prisonniers nécessiteux).

7. Dans ses commentaires en date du 14 décembre 1988, l'auteur a indiqué que lorsqu'il a adressé sa première communication au Comité, il ignorait qu'il pouvait bénéficier d'une aide judiciaire pour déposer une demande d'autorisation spéciale de recours et a demandé au Comité de différer l'examen de la communication en attendant le résultat de sa demande. Ultérieurement, l'auteur a obtenu d'être représenté pro bono par un cabinet d'avocats londonien aux fins de la présentation de sa demande à la section judiciaire du Conseil privé. Ses représentants ont indiqué qu'ils allaient déposer cette demande et que celle-ci devrait être examinée avant la fin de 1990. SOU6 couvert d'une note datée du 10 octobre 1990, un avocat transmet copie d'un avis juridique, formulé par le principal avocat dans cette affaire, selon lequel une demande d'autorisation spéciale de former un recours est fondée.

8.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, décider si celle-ci est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
8.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a)de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même questio n n'a pas été soumise à une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.


8.3 En ce qui concerne la règle de l 'épuisement des recours internes, l e Comité a noté que 1'Etat partie soutient que la communication est irrecevable, l'auteur n 'ayant pas adressé à la section judiciaire du Conseil privé une demande d 'autorisation spéciale de recours. Il constate que l 'auteur s'est assuré, à cette fin , après avoir soumis son cas au Comité des droits de l 'homme, les services pro bono d 'un cabinet d 'avocats londonien et que ses représentants tâchent d 'obtenir du Conseil privé une autorisation spéciale de recours en son nom. Bien que préoccupé par le fait que les documents pertinents du tribunal ne sont apparemment pas disponibles dans cette affaire, le Comité ne considère pas qu 'une demande d 'autorisation spéciale de recours devant la section judiciaire du Conseil privé serait à priori sans effet et donc que l 'auteur ne serait pas tenu d 'épuiser ce recours avant d 'adresser une communication au Comité. Il estime donc que les conditions prévues au paragraphe 2 b)de l 'article 5 du Protocole facultatif n 'ont pas été remplies.


8.4 S 'agissant du fonctionnement pratique du système d 'aide judiciaire à la Jamaïque, le Comité souligne qu 'aux termes du paragraphe 3 d) de l 'article 14 du Pacte, les Etats parties sont tenus d 'assurer une aide judiciaire appropriée aux personnes accusées d 'une infraction pénale à tous les stades de leur procès et en appel, y compris les recours devant la section judiciaire du Conseil privé. Eu égard au paragraphe 2 de l 'article 6 du Pacte, il est indispensable que cette aide judiciaire, lorsqu 'elle est fournie aux
intéressés, soit suffisante pour garantir une conduite équitable du procès.


9. En conséquence, le Comité des droits de l 'homme décide :

a) Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l 'article 5 du Protocole facultatif;

b) De demander à 1'Etat partie de mettre les textes des décisions judiciaires pertinentes à la disposition de l 'auteur et de son conseil sans autre retard, afin de permettre un recours utile devant la section judiciaire du Conseil privé;


c) Qu'étant donné qu 'il peut, conformément au paragraphe 2 de l 'article 92 de son règlement intérieur, reconsidérer cette décision
s'il est saisi par l 'auteur ou en son nom d 'une demande écrite contenant des renseignements d 'où il ressortirait que les motifs d'irrecevabilité ont cessé d'exister, 1'Etat partie sera prié, conformément à l 'article 86 du règlement intérieur du Comité, de ne pas exécuter la peine capitale prononcée contre l'auteur tant que ce dernier n 'aura pas eu raisonnablement le temps, après avoir épuisé les recours internes utiles qui lui sont ouverts, de demander au Comité de reconsidérer la présente décision;

d) Que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie, à l 'auteur de la communication et à son conseil.



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