University of Minnesota



F. Birindwa ci Birhashwirwa, E. Tshisekedi wa Mulumba c. Zaïr
e, Communication No. 242/1987, U.N. Doc. CCPR/C/37/D/242/1987 (1989).



Comité des droits de l'homme
Trente-septième session

Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux
droits civils et politiques - trente-septième session

concernant les

Communications Nos 241/1987 et 242/1987




Présentées par : F. Birindwa ci Birhashwirwa, E. Tshisekedi wa Mulumba

Au nom de : Les auteurs

Etat partie intéressé : Zaïre

Date des communications : 25 et 31 août 1987 (date des lettres initiales)

Date de la décision concernant la recevabilité: 4 avril 1988

Le Comite des droits
.de 1' homme , institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 2 novembre 1989,

Avant achevé l'examen des communications Nos 241 et 242/1987, présentées au Comité par F. Birindwa ci Birhashwirwa et E. Tshisekedi wa Mulumba en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été soumises par les auteurs des communications et par 1'Etat partie intéressé,

Adopte ce qui suit :


Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif



1. Les auteurs des communications (lettres initiales datées des 25 et 31 août 1987, respectivement , et lettres ultérieures), sont Faustin Birindwa ci Birhashwirwa et Etienne Tshisekedi wa Mulumba, deux citoyens zaïrois, membres fondateurs de l'Union pour la démocratie et le progrès social (" UDPS"), groupe d'opposition au Zaïre. Ils se déclarent victimes de violations , par le Zaïre, des articles 9 (par. 1). 10 (par. 11, 12 (par. 1) et 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. M. Tshisekedi est représenté par un conseil. Les auteurs font partie des signataires de la communication No 138/1983, concernant 11 autres parlementaires zaïrois et eux-mêmes. Le Comité a adopté ses constatations sur la communication No 138/1983 à sa vingt-septième session, le 26 mars 1986.
CCPR/C/37/D/241/1987

2.1 Dans lesdites constatations, le Comité a noté que les faits faisaient ressortir des violations des articles 9 (par. l), 10 (par. l), 12 (par. l), 14 (par. l), 19 et 25 du Pacte et a conclu que 1'Etat partie était tenu de prendre des mesures efficaces pour remédier aux violations dont les auteurs avaient été victimes, de leur accorder réparation, de mener une enquête sur les circonstances dans lesquelles ils avaient subi de mauvais traitements, de prendre des mesures appropriées à ce sujet et de faire en sorte que de telles violations ne se reproduisent plus.

2.2 Les auteurs affirment qu'à la suite des constatations adoptées par le Comité le 26 mars 1986, les autorités zaïroises, loin de leur accorder réparation et de mener une enquête sur les mauvais traitements qu'ils ont subis, ont décidé de bannir une nouvelle fois certains des auteurs de la communication No 138/1983 et eux en particulier. Dans le cas de M. Birindwa et de M. Tshisekedi, cette deuxième période de bannissement aurait duré de la mi-juin 1986 à la fin juin 1987. M. Birindwa a été assigné à résidence dans son village natal, dans la province de Kivu (à proximité de la frontière avec le Rwanda), tandis que M. Tshisekedi a été gardé sous surveillance dans son village natal, dans la province du Kasaï oriental. Les familles des deux auteurs ont également fait l'objet d'une surveillance de la part des autorités zaïroises. Le bannissement de M. Tshisekedi a été levé le 27 juin 1987 et celui de M. Birindwa le ler juillet 1987, à la suite d'une amnistie présidentielle décrétée à l'occasion des élections tenues au Zaïre en
août 1987.

2.3 Pour ce qui est de l'épuisement des recours internes, les auteurs se réfèrent aux procédures engagées auprès des tribunaux zaïrois par le conseil des auteurs de la communication No 138/1983 et affirment le caractère inopérant des recours devant ces tribunaux. A ce propos, ils allèguent que les greffiers des tribunaux de Kinshasa ont reçu l'ordre exprès de ne fournir aux membres de l'opposition politique ou à leurs conseils juridiques copie d'aucune décision judiciaire les intéressant. Ils allèguent en outre que l'emploi des recours internes se heurte au fait que toute personne détenant des documents officiels du Comité des droits de l'homme est considérée au Zaïre comme étant en possession de documents "subversifs" et risque, en conséquence, d'être arrêtée.

3. Par sa décision du 2 novembre 1987, le Comité des droits de l'homme a transmis les communications Nos 241/1987 et 242/1987 à 1'Etat partie, en lui demandant de lui soumettre des renseignements et des observations se rapportant à la question de la recevabilité des communications. L'Etat partie a été prié, en particulier, d'informer le Comité de toutes les mesures prises par ses autorités à l'égard des victimes visées dans la communication No 138/1983, à la suite de la communication à 1'Etat partie des constatations
y relatives du Comité.

4.1 Dans les observations datées du 28 janvier 1988, qu'il a présentées conformément à l'article 91, en ce qui concerne à la fois les
communications Nos 241/1987 et 242/1987, 1'Etat partie fournit des précisions sur les cas des auteurs. Ces précisions portent exclusivement sur la situation des intéressés après la levée, à la mi-1987, des mesures de bannissement dont ils faisaient l'objet.

4.2 L'Etat partie indique qu'en juin 1987, le président Mobutu a pris une mesure d'amnistie en faveur des membres de l'UDPS, dont certains des dirigeants ont réintégré le Mouvement populaire de la Révolution (MPR), parti national du Zaïre. De hauts responsables de l'ancienne UDPS ont été nommés à des postes importants dans la hiérarchie du MPR. D'autres se sont vu confier de hautes fonctions à la tête de certaines entreprises d'Etat.

4.3 S'agissant du sort des auteurs'des communications, 1'Etat partie déclare qu'ils ont également bénéficié de l'amnistie présidentielle. M. Tshisekedi a pu ainsi librement effectuer un long voyage en Europe et aux Etats-Unis, avant de rentrer au Zaïre à la mi-janvier 1988. Il a alors voulu organiser une réunion publique à Kinshasa le 17 janvier 1988 sans en avoir reçu l'autorisation officielle. L'Etat partie explique que sa législation prévoit que toute manifestation doit être notifiée aux autorités et répondre à certaines conditions avant d'être autorisée. Il ajoute que M. Tshisekedi a décidé de poursuivre son projet , obligeant ainsi les forces de l'ordre à intervenir. L'auteur et d'autres manifestants ont été arrêtés et détenus à la prison Makala à Kinshasa. L'Etat partie déclare que "compte tenu de quelques signes de dérangement mental que manifeste Tshisekedi, les autorités judiciaires ont décidé de le soumettre, dans l'intérêt de sa santé et d'une bonne justice, à un examen psychiatrique". Pour ce qui est de M. Birindwa, 1'Etat partie fait simplement observer qu'il est resté à l'étranger, mais qu'il n'a fait l'objet d'aucune mesure administrative ou judiciaire.

4.4 Lesdites observations de 1'Etat partie datées du 28 janvier 1988 ne fournissent aucun renseignement sur les moyens dont auraient pu disposer les auteurs à l'égard du traitement qu'ils prétendent avoir subi de la mi-juin 1986 jusqu'à la levée de leur bannissement, fin juin 1987.

5.1 Dans les cormnentaires, datés du 25 mars 1988, qu'il a présentés sur les observations de 1'Etat partie, le conseil de M. Tshisekedi affirme que ce dernier avait bien demandé une autorisation pour la manifestation qu'il a organisée le 17 janvier 1988, mais que cette autorisation lui avait été refusée. Apparemment, toutes les demandes d'autorisation en vue de tenir une manifestation sont rejetées au Zaïre, les manifestations étant interdites par la Constitution. Dans ces conditions, M. Tshisekedi a décidé de défier les autorités. Le conseil indique en outre que, quoique 'la manifestation ait été pacifique, les forces de l'ordre qui sont intervenues auraient causé la mort ' de plusieurs manifestants.

5.2 Le conseil fournit des informations supplémentaires sur la situation de M. Tshisekedi. Après avoir été arrêté le 17 janvier 1988 et conduit à la prison de Makala, l'auteur a été maintenu en détention jusqu'au 11 mars 1988, date à laquelle il a été libéré. Le 16 mars 1988, il a été cependant placé sous surveillance militaire à son domicile, à Gombe-Kinshasa. Le 18 mars 1988, des soldats auraient comencé à interpeller les visiteurs de M. Tshisekedi, et le 19 mars, de violents incidents auraient éclaté devant le domicile de l'auteur et dans son quartier. De nombreuses personnes auraient été arrêtées et plusieurs autres qui se trouvaient chez l'auteur auraient été maltraitées. Quant aux prétendus "troubles mentaux" de l'auteur, le conseil déclare que,
sous la pression de l'opinion internationale, les autorités de 1'Etat partie ont abandonné l'idée de le faire interner dans un établissement psychiatrique, tout en continuant à répandre des rumeurs selon lesquelles il serait déséquilibré.

6.1 Avant d'examiner les affirmations contenues dans une connnunication, le Comité des droits de l'homme doit, selon l'article 87 de son règlement intérieur, décider si la communication est ou n'est pas recevable conformément au Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2 Le Comité s'est assuré, comne il est tenu de le faire en vertu de l'alinéa a) du pararagraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif, que les plaintes des auteurs n'ont pas été examinées par une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Quant à la question de l'épuisement des recours internes, le Comité a noté l'affirmation des auteurs quant au caractère inopérant des recours présentés devant les tribunaux de 1'Etat partie concernant les événements survenus avant l'amnistie présidentielle de juin 1987. Il a observé que ces allégations n'avaient pas été contestées et que 1'Etat partie n'avait fourni aucune précision quant aux recours dont les auteurs auraient pu se prévaloir. Quant aux déclarations de 1'Etat partie concernant la situation actuelle de M. Tshisekedi, le Comité a noté qu'elles touchaient à des questions de fond et devraient donc être examinées en même temps que le fond des communications.

7.1 Le Comité des droits de l'homme a donc décidé le 4 avril 1988 que les communications étaient recevables.

7.2 Le Comité a également décidé , conformément au paragraphe 2 de l'article 88 de son règlement intérieur, d'examiner en même temps les communications de MM. Birindwa et Tshisekedi.

8. Dans une communication datée du 4 mai 1988, le conseil de M. Tshisekedi indique que ce dernier a été arrêté le 8 avril 1988 et amené à la Cour de sûreté de l'Etat, où il a été interrogé jusqu'à minuit. Cette arrestation aurait été liée à l'appel lancé par ce dernier pour un boycottage des élections partielles qui devaient avoir lieu à Kinshasa le 10 avril 1988. Au cours de la nuit du 8 avril, l'intéressé a été remis au général Bolozi, commandant de la ville de Kinshasa. Il aurait été ensuite successivement transféré dans divers camps situés dans le haut Zaïre et à la frontière entre le Zaïre et le Soudan, où se produiraient de fréquents accrochages entre les forces de guérilla. Le conseil signale que M. Tshisekedi présente des problèmes de santé, qu'il n'a pas reçu de soins médicaux dans ses divers lieux de détention et que les conditions climatiques qui y règnent auraient eu des effets néfastes sur son état de santé. Par lettre du 18 août 1988, le conseil complète ces informations par des extraits de déclarations parues dans la presse internationale , et en particulier dans la presse belge, exprimant des craintes sur la situation de M. Tshisekedi.

9. Le ler septembre 1988, le représentant de 1'UDPS à Genève, M. G. Wodia Mutombo, a informé le secrétariat que M. Tshisekedi était
détenu au camp militaire de Kota Koli et que M. Birindwa avait été libéré le 27 juillet 1988 et se trouverait dans sa province natale de Kivu.

10.1 Dans une communication datée du 21 septembre 1988, 1'Etat partie informe le Comité que "les mesures administratives d'éloignement qui avaient été prises contre le citoyen Tshisekedi à la suite des événements du 17 janvier 1988 ont été levées depuis le 16 septembre 1988, sur décision du . . . Président de la République". L'Etat partie ajoute que l'auteur a été rendu à sa famille et "jouit d'une liberté totale de ses mouvements"; 1'Etat partie suggère donc qu" 'il y a lieu de considérer comme définitivement clos le dossier de ce que l'on a appelé 'l'affaire Tshisekedi". Quant à la situation des personnes qui avaient été arrêtées en même temps que
M. Tshisekedi, 1'Etat partie signale que certaines d'entre elles ont été relaxées tandis que d'autres vont bientôt l'être. Il souligne que les procédures entamées contre les personnes coupables d'autres infractions seraient conduites "en toute légalité".

10.2 Dans une autre coxmmmication datée du 2 novembre 1988, 1'Etat partie réaffirme que "la situation des citoyens Birindwa ci Birhashwirwa et Tshisekedi wa Mulumba est des plus claires, tant en ce qui concerne le lieu où ils vivent que leur liberté de mouvement". En outre, 1'Etat partie se réfère à la déclaration qu'il a faite devant la Commission des droits de l'homme le ler mars 1988 concernant les recours internes pouvant être utilisés au Zaïre.

10.3 Dans la déclaration qu'il a faite devant la Commission des droits de l'honrme en application de la procédure prévue dans la résolution 1503 (XLVIII) du Conseil économique et social, 1'Etat partie signalait que la procédure de recours pour plainte devant le Département des droits et libertés du citoyen constituait un recours interne utile et que le Département statuait en dernier ressort dans les cas de prétendues violations des droits de l'homme. Or, les auteurs des communications soumises à la Commission des droits de l'homme ou au Comité des droits de l'homme n'avaient presque tous pas utilisé le recours en question. L'Etat partie ajoutait que toutes les plaintes pour prétendues violations des droits de l'homme commises après le ler janvier 1980 étaient examinées par le Département conformément à la procédure prévue par les décrets Nos 0005/CAB/CE/DLC/MAWU/87 et 0027/CAB/DLC/CE/BI/87 de ce département, en date respectivement des 2 février et 29 juin 1987.

11.1 Dans les commentaires, datés du 9 janvier 1989, qu'il a présentés sur les observations de 1'Etat partie, le conseil réaffirme que M. Tshisekedi a été victime de graves violations de ses droits individuels au titre des articles 19 (par. 21, 21, 22 et 25 du Pacte entre le 17 janvier et le 16 septembre 1988, et que sa liberté continue de faire l'objet de graves restrictions puisque les autorités de 1'Etat partie ne lui permettent pas de s'exprimer librement.

11.2 Dans ses propres coxsentaires, datés du 21 février 1989, M. Tshisekedi confirme et complète une grande partie des renseignements consignés aux paragraphes 5.1, 5.2, et 8 ci-dessus, en réaffirmant que 1'Etat partie a violé ses droits de l'homme fondamentaux au cours de la période allant du 17 janvier au 19 septembre 1988. Quant aux recours internes disponibles, il souligne que les lois et la Constitution zaïroises, telles qu'elles sont appliquées dans la pratique quotidienne , rendent impossible l'épuisement de recours internes. A cet égard, il fait observer que les institutions zaïroises ont pour seul rôle de mettre à exécution les idées, les paroles et les décisions du président Mobutu; parmi ces institutions, celles qui commettent le plus fréquemment des violations des droits de l'homme sont les services de sécurité du pays, qui agissent indépendamment les uns des autres et relèvent directement du Président. Tout citoyen qui se plaint de6 pratiques des services de sécurité est soit accusé de crime de lèse-majesté, soit considéré comme malade mental. L'auteur affirme en conséquence que le Département de6 droits et libertés du citoyen n'est qu'un instrument de 1'Etat destiné à masquer les violations quotidiennes des droits de l'homme.

11.3 Quant à ce qui s'est passé après le 17 janvier 1988, M. Tshisekedi déclare que, dans la soirée de ce jour, il devait prononcer un discours place du Pont Kasa-Vubu à Kinshasa. Au moment où il allait le faire devant la foule réunie, il a été appréhendé par des agents armés de la police politique, alors que d'autres agents s'attaquaient à la foule et réprimaient brutalement la manifestation. L'auteur a été ensuite gardé dans un endroit secret où il a été enfermé dans une cellule de haute sécurité, sans qu'on lui donne rien à manger ni à boire pendant quatre jours. Au cours de sa détention, du 17 janvier au 11 mars 1988, aucun magistrat n'est venu lui rendre visite ou l'interroger.

11.4 Une semaine après son arrestation, l'auteur a accepté de se soumettre à un examen médical à l'hôpital général. Il a également subi un électro-encéphalogramme au Centre de neuropsychopathologie de Kinshasa. Les médecins qui l'ont examiné, les docteurs Mpania et Loseke, l'ont assuré que tous les examens avaient donné des résultats satisfaisants. Toutefois, il a appris par la suite que, deux jours
après les examens, deux agents de la police politique étaient entrés dans le cabinet du docteur Mpania, l'avaient accusé d'appartenir à 1'UDPS et avaient fouillé son cabinet. Les membres de la police ont procédé de la même façon au domicile du docteur Mpania : ils se sont emparés du dossier médical de l'auteur et ont donné l'ordre de le détruire et d'établir un faux dossier certifiant que l'auteur souffrait de troubles mentaux. Le docteur Loseke a été victime d'actes analogues d'intimidation et a même été détenu clandestinement pendant plusieurs jours car il avait tenté de résister à la police.

11.5 L'auteur dit qu'il a été libéré le 11 mars 1988 mais que, cinq jours plus tard, des militaires armés ont pénétré chez lui et ont dispersé brutalement la foule qui s'était rassemblée pour le fêter. Le colonel qui commandait les militaires a informé l'auteur qu'il avait été placé sous surveillance judiciaire et qu'il n'était, en conséquence, pas autorisé à recevoir de visiteurs. Le 11 avril 1988, la surveillance judiciaire a été transformée en bannissement intérieur, sans qu'aucune explication soit donnée. En conséquence, l'auteur a été emmené à 2 000 kilomètres de là, dans un camp situé à proximité de la frontière soudanaise, dans le nord du pays. Deux mois plus tard, il a été transféré en un autre lieu , près du village présidentiel de Gbadolite, où il a été détenu jusqu'au 19 septembre 1988. L'auteur indique que, pendant cette dernière période, il a été soumis à de terribles épreuves physiques et morales et a dû vivre dans des conditions sanitaires déplorables, son lieu de bannissement étant situé dans la forêt équatoriale. Ce n'est
qu'après 13 jours de grève de la faim que sa libération a été ordonnée par le président Mobutu.

12.1 Le Comité des droits de l'homme, ayant examiné les présentes communications à la lumière de toutes les informations qui lui ont été fournies conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif, décide de fonder ses constatations sur les faits ci-après, qui ne sont pas contestés ou qui n'ont pas été déniés par 1'Etat partie.

12.2 Les auteurs des communications sont deux dirigeants de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti politique qui s'oppose au gouvernement du président Mobutu. De la mi-juin 1986 à la fin juin 1987, ils ont été soumis à des mesures administratives de bannissement intérieur à la suite des constatations adoptées par le Comité des droits de l'homme le 26 mars 1986 au sujet de la communication No 138/1983. Leur bannissement a été levé le 27 juin et le ler juillet 1987, respectivement, par suite
d'une amnistie présidentielle, et ils ont décidé de voyager à l'étranger. A son retour au Zaïre, à la mi-janvier 1988, M. Tshisekedi a essayé d'organiser une manifestation qui s'est heurtée à la désapprobation des autorités de 1'Etat. Le 17 janvier 1988, il a été arrêté et soumis à des traitements inhumains : on l'a laissé sans manger ni boire pendant plusieurs jours et on l'a enfermé dans une cellule de haute sécurité. Du 17 janvier au 11 mars 1988, il a été maintenu en détention dans une prison de Kinshasa, sans être informé ni des raisons de son arrestation ni des charges retenues contre lui, sans être non plus présenté devant un juge, tandis que les autorités de 1'Etat partie ordonnaient qu'il soit soumis à un examen psychiatrique et le faisaient systématiquement passer pour un malade mental, dans la presse. Du 16 mars au début d'avril 1988, M. Tshisekedi a été placé sous surveillance militaire à son domicile, à Gombe-Kinshasa, et du 11 avril au 16 septembre 1988, il a fait par intermittence l'objet de nouvelles mesures administratives de bannissement, et notamment d'internement dans divers camps militaires. Pendant son internement, il a vécu dans des conditions d'hygiène inacceptables.

12.3 Le Comité a pris note des observations de 1'Etat partie datées du 2 novembre 1988, selon lesquelles les communications devaient être déclarées irrecevables, ainsi que des informations que 1'Etat partie a données dans la déclaration qu'il a faite le ler mars 1988 devant la Commission des droits de l'homme et dans laquelle il se réfère à une procédure de recours devant le Département zaïrois des droits et libertés du citoyen. L'Etat partie n'a cependant pas précisé comment les auteurs pouvaient utilement utiliser ce recours en l'occurrence. Le Comité réaffirme qu'il incombe à 1'Etat partie de fournir des détails sur les recours qui peuvent, selon lui, être utilisés par les auteurs, ainsi que des éléments permettant d'établir qu'il existerait des perspectives raisonnables qu'une suite favorable soit donnée à ces recours. Eu égard à ce qui précède, le Comité conclut qu'il n'y a aucune raison pour qu'il revienne sur sa décision du 4 avril 1988 concernant la recevabilité.

12.4 En formulant ses constatations, le Comité note que 1'Etat partie, tout en fournissant des informations sur la situation des auteurs, après l'amnistie présidentielle de juin 1987, et leur situation entre le 17 janvier et septembre 1988, n'a pas abordé les allégations des auteurs quant au fond, notamment en ce qui concerne leur affirmation selon laquelle ils auraient été soumis à des mesures de bannissement administratif à la suite de l'adoption par le Comité, le 26 mars 1986, de constatations touchant la communication No 138/1983. Il découle implicitement du paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif que les Etats parties sont tenus d'enquêter de bonne foi sur toutes les allégations de violation du Pacte portées contre eux et leurs représentants , et de communiquer au Comité toutes les informations qu'ils détiennent. Dans les communications à l'examen, les informations fournies par 1'Etat partie ne touchent qu'à certains aspects des allégations formulées par M. Tshisekedi et M. Birindwa. Le Comité réaffirme en cette occasion que si des informations partielles et incomplètes des Etats parties peuvent aider à l'examen des communications, elles ne répondent cependant pas aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif. Il convient donc en l'occurrence de tenir dûment compte des allégations des auteurs.

12.5 Les auteurs ont prétendu qu'ils avaient été soumis à des mesures de représailles de la part des autorités zaïroises directement à la suite de leur communication précédente (No 138/1983) au Comité des droits de l'homme (par. 2.2 ci-dessus)et que toute personne détenant des documents officiels du Comité des droits de l'homme est considérée comme étant en possession de documents "subversifs" et risque d'être arrêtée (par. 2.3 ci-dessus). Le Comité note que 1'Etat partie n'a fait aucune observation au sujet de ces graves allégations. Le Comité souligne à cet égard qu'il serait inadmissible et incompatible avec les dispositions du Pacte et du Protocole facultatif que des Etats parties à ces instruments fassent grief à quiconque soumettrait une cormmunication au Comité en vertu du Protocole facultatif. De fait, de telles allégations, si leur bien-fondé était établi, révéleraient de graves violations des obligations incombant à tout Etat partie en vertu du Pacte et du Protocole facultatif.

Période de la mi-iuin 1986 à juin 1987

12.6 Le paragraphe 1 de l'article 12 du Pacte stipule que "quiconque se trouve légalement sur le territoire d'un Etat a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence". Tant M. Birindwa que M. Tshisekedi ont été bannis pendant plus d'un an dans leurs villages natals et privés ainsi de leur liberté de circuler dans le territoire de 1'Etat partie, contrairement aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 12. Quant aux autres allégations formulées par les auteurs au sujet de la période allant de la mi-juin 1986
à juin 1987, le Comité ne peut, faute d'éléments d'information suffisants, en tirer des conclusions spécifiques.

Periode allant de janvier à septembre 1988

12.7 Pour ce qui est de la situation des auteurs durant la période allant du 17 janvier à septembre 1988, le Comité estime nécessaire de faire une distinction entre la situation de M. Tshisekedi et celle de M.
Birindwa. S'agissant de M. Tshisekedi, il note qu'il a été maintenu en détention pendant près de deux mois après la dispersion de la manifestation du 17 janvier 1988. L'Etat partie n'a pas contesté son affirmation selon laquelle il n'aurait pas, pendant cette période, été traduit devant un magistrat, contrairement au paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte. M. Tshisekedi a en outre fait l'objet, de manière intermittente, de mesures administratives de bannissement intérieur du 11 avril au 16 septembre 1988, à la suite de l'appel qu'il a lancé pour un boycottage des élections partielles qui devaient se tenir à Kinshasa le 10 avril 1988. Il a en outre fait l'objet d'atteintes illégitimes à son honneur et à sa réputation dans la mesure où les autorités ont tenté de le déclarer atteint de troubles mentaux, bien que les rapports médicaux aient écarté un tel diagnostic.

12.8 Quant à M. Birindwa, le Comité note qu'il n'a fourni aucun renseignement sur sa situation à son retour au Zaïre. Le Comité n'est donc pas en mesure de parvenir à une conclusion en ce qui le concerne pour la période allant du 17 janvier à septembre 1988.

13. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dénoncés dans les communications révèlent des violations du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce qui concerne :

a) s'agissant de Faustin Birindwa ci Birhashwirwa :


b) s'agissant d'Etienne Tshisekedi wa Mulumba :

14. Le Comité estime en conséquence que 1'Etat partie est tenu, conformément aux dispositions de l'article 2 du Pacte, de prendre des mesures efficaces pour remédier aux violations dont les auteurs ont été victimes, en s'assurant en particulier qu'ils peuvent utilement contester ces violations devant les tribunaux, d'accorder une réparation appropriée à M. Tshisekedi et à M. Birindwa et de faire en sorte que de telles violations ne se reproduisent plus. Le Comité saisit l'occasion pour indiquer qu'il souhaiterait, à la suite de ses constatations, recevoir des informations sur les mesures pertinentes que 1'Etat a pu prendre.



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