University of Minnesota



Floresmilo Bolaños c. Equateur, Communication No. 238/1987, U.N. Doc. CCPR/C/36/D/238/1987 (1989).



Comité des droits de l'homme
Trente-sixième session

Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du Paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits
civils et politiques -trente-sixième session

concernant la

Communication No 238/1987



Présentée par : Floresmilo Bolaños

Au nom de : L'auteur

Etat partie intéressé : Equateur

Date de la communication :
13 juillet 1987

Date de la décision
concernant la recevabilité
: 7 avril 1988

Le Comité des droits de l'homme institué en vertu de l'article 28 du pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 26 juillet 1989,

Ayant achevé l'examen de la communication No 238/1987, présentée au Comité par M. Floresmilo Bolaños en vertu du protocole facultatif se
rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été soumises par l'auteur de la communication et par 1'Etat partie intéressé,

Adopte ce qui suit :


Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif


1. L'auteur de la communication (lettre initiale datée du 13 juillet 1987 et lettres ultérieures datées des 2 février, 14 mars et 22 septembre 1988) est Floresmilo Bolaños, citoyen équatorien, qui affirme être victime de violations, commises par l'Equateur, des articles 3, 9 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

2.1 L'auteur de la communication déclare qu'il est
détenu depuis novembre 1982 sans avoir bénéficié de la libération sous caution, au centre de détention provisoire de Quito, dans le cadre de l'enquête menée au sujet du meurtre, le 11 septembre 1982, de M. Iván Egas, dont le corps a été trouvé dans la cage aux lions du jardin zoologique où l'auteur de la communication était employé. Celui-ci affirme être innocent de ce crime et avoir été arrêté sans preuves à son encontre. Il semblerait qu'Iván Egas ait été l'amant de la femme d'un colonel, qu'il ait été assassiné par ledit colonel et que son Corps ait été par la suite transporté par d'autres personnes dans la cage aux lions. L'auteur soutient en outre que son droit d'être jugé dans un délai raisonnable a été violé et, qu'en particulier, il a été détenu plus de cinq ans avant d'être mis en accusation en décembre 1987, alors que la législation équatorienne prévoit que la période de détention avant la mise en accusation ne doit pas dépasser 60 jours. Le retard dans la procédure serait imputable au rôle joué par des militaires qui se serviraient de l'auteur comme bouc émissaire pour couvrir le colonel. L'auteur se plaint en outre d'avoir été toujours maintenu en détention alors que les autres accusés ont été mis en liberté provisoire.

2.2 Pour ce qui est de l'épuisement des recours internes, l'auteur déclare que l'instruction n'a été achevée qu'en décembre 1987, date à laquelle le
Président de la Cour suprême de Quito l'a mis en accusation, conjointement avec six autres personnes. L'auteur a fait appel de la décision de la Cour suprême tendant à le mettre en accusation en tant que complice mais son appel a été rejeté.

3. Par sa décision en date du 19 octobre 1987, le Groupe de travail du Comité des droits de l'homme a transmis la communication à 1'Etat partie, conformément à l'article 91 du règlement intérieur du Comité, en demandant des renseignements et observations se rapportant à la question de la recevabilité de la communication.

4.1 Le Comité a pris acte des observations de 1'Etat partie, datées du 2 février 1988, selon lesquelles la Cour suprême de Quito avait entamé des poursuites contre l'auteur, et des observations de l'auteur à ce propos, datées du 14 mars 1988, selon lesquelles il était incarcéré depuis cinq ans et six mois, et les poursuites à la Haute Cour avaient été prolongées de manière excessive, en raison du rôle que des personnalités militaires auraient eu dans l'affaire.

4.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire aux termes de l'alinéa a) du paragraphe 2 de l'article 5 du protocole facultatif, que cette question n'était pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. S'agissant de l'alinéa b) du paragraphe 2 de
l'article 5 du Protocole facultatif concernant l'épuisement des recours internes, le Comité a constaté que la procédure ouverte contre M. Bolaños s'était anormalement prolongée et que 1'Etat partie n'avait pas indiqué s'il existait des recours effectifs contre une telle prolongation. Dans ces circonstances, le Comite a jugé qu'il n'était pas empêché d'examiner la communication.

5. Le 7 avril 1988, le Comité des droits de l'homme a décidé que la communication était recevable.

6.1 Dans une note datée du 29 juillet 1988, l'Etat partie indique que l'affaire concernant le meurtre d'Iván Egas a été entendue par la Cour supérieure de Quito le 24 juin 1988. L'Etat partie ne présente ni explications ni déclarations concernant les violations particulières du Pacte qui auraient été commises.

6.2 Dans une lettre datée du 22 septembre 1988, l'auteur affirme à nouveau son innocence et fait observer qu'il est arbitrairement détenu depuis six ans et qu'aucun jugement n'a encore été rendu ou ne sera probablement rendu dans un proche avenir concernant son cas.

7. Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication en tenant compte
de toutes les informations écrites qui lui ont été soumises par les parties, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif. En adoptant ses constatations, le Comité souligne qu'il ne formule aucune conclusion concernant la culpabilité ou l'innocence de M. Bolaños, mais qu'il se prononce uniquement sur la question de savoir si les droits de l'auteur en vertu du Pacte ont été violés.

8.1 L'auteur de la communication affirme qu'il y a eu violation des articles 3, 9 et 14 du Pacte. En formulant ses constatations, le Comité tient compte du fait que 1'Etat partie ne lui a pas fourni certains renseignements et certains éclaircissements, notamment au sujet des raisons pour lesquelles M. Bolaños a été détenu sans avoir bénéficié de la libération sous caution, des
retards de procédure et des allégations d'inégalité de traitement de l'auteur. Il ressort implicitement du paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif que 1'Etat partie est tenu d'enquêter de bonne foi sur toute allégation de violation du Pacte formulée contre lui et ses agents et de communiquer au Comité toutes les informations pertinentes. Cela étant, lesdites allégations doivent se voir reconnaître tout le poids voulu.

8.2 Pour ce qui est des allégations de l'auteur concernant la violation de l'article 3 du Pacte, le motif pour lequel cet article a été invoqué n'apparaît pas clairement et le Comité n'est pas en mesure de formuler une conclusion à cet égard.

8.3 Pour ce qui est de l'interdiction de toute arrestation ou détention arbitraire, formulée à l'article 9 du Pacte, le Comité note que 1'Etat partie, tout en ayant indiqué que l'auteur était soupçonné d'avoir participé au meurtre d'Iván Egas, n'a pas indiqué les raisons pour lesquelles il a été considéré nécessaire de maintenir l'auteur en détention pendant cinq ans avant sa mise en accusation en décembre 1987. A cet égard, le Comité rappelle que le paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte dispose que tout individu arrêté du chef d'une infraction pénale "devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. La détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle, mais la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l'intéressé à l'audience...". Le Comité fait observer également qu'aux termes du paragraphe 5 de l'article 9 du Pacte, "Tout individu victime d'arrestation ou de deétention illégales a droit à réparation".

8.4 S'agissant des normes relatives à un procès équitable au sens du paragraphe 1 de l'Article 14 du Pacte, le Comité note que la notion de procès équitable implique nécessairement que la justice soit rendue sans retard excessif et il renvoie à cet égard aux constatations qu'il a adoptées dans une affaire précédente (Muñoz c. Pérou, communication No 203/1986, constatations adoptées le 4 novembre 1988, par. 11.2). En outre, le Comité note que, conformément au paragraphe 3 c)
de l'article 14, toute personne a le droit d'être jugée sans retard excessif et conclut, d'après les renseignements dont il dispose, que le retard avec lequel l'auteur a été informé
des accusations portées contre lui est incompatible avec les dispositions susmentionnées.

9. Le Comite des droits de l'homme, agissant conformément au paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits en cause font ressortir des violations des paragraphes 1 et 3 de l'article 9 parce que M. Floresmilo Bolaños a été privé de sa liberté contrairement aux lois Equatoriennes et n'a pas été jugé dans un délai raisonnable et du paragraphe 1 et de l'alinéa c) du
paragraphe 3 de l'article 14 du Pacte parce que sa cause n'a pas été entendue équitablement et sans retard excessif.

10. Le Comité est donc d'avis que 1'Etat partie est tenu, conformément aux dispositions de l'article 2 du Pacte, de prendre des mesures efficaces tendant à remédier aux violations dont a fait l'objet M. Floresmilo Bolaños, de le libérer en attendant le résultat des poursuites pénales entamées contre lui et de lui accorder réparation conformément au pragraphe 5 de l'article 9 du Pacte.



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