University of Minnesota



José Manuel Rodríguez Alvarez c. Spain, Communication No. 1093/2002, U.N. Doc. CCPR/C/87/D/1093/2002 (2006).



GENERALE
CCPR/C/87/D/1093/2002
8 août 2006
FRANCAIS
Original: ESPAGNOL

Communication No. 1093/2002 : Spain. 08/08/2006.
CCPR/C/87/D/1093/2002. (Jurisprudence)

Convention Abbreviation: CCPR
Comité des droits de l'homme
87ème session

10 - 28 juillet 2006

 

Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif

se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques

- Quatre-vingt-septième session -

 

Communication No. 1093/2002

 

 

Présentée par: José Manuel Rodríguez Alvarez (non représenté par un conseil)
Au nom de: L'auteur

État partie: Espagne

Date de la communication: 15 juillet 1999 (date de la lettre initiale)

 

 

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 juillet 2006,

Adopte ce qui suit:

 

Décision concernant la recevabilité

 

1. L'auteur de la communication, datée du 15 juillet 1999, est José Manuel Rodríguez Alvarez, de nationalité espagnole, qui affirme être victime d'une violation par l'Espagne des articles 14, paragraphe 1, 25 c) et 26 du Pacte. Il n'est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits

2.1 L'auteur a été nommé conseiller référendaire au Tribunal suprême par décision du Conseil général de la magistrature en date du 24 juillet 1991, après avoir été reçu à un concours organisé à cet effet. Il a pris ses fonctions le 1er octobre 1991. Conformément à la loi, il était nommé pour une période de trois ans renouvelable une fois et jouissait du statut de fonctionnaire (1).

2.2 Le 31 mai 1994, l'auteur a demandé le renouvellement de son contrat pour trois ans, conformément à une proposition écrite en ce sens de son supérieur, le magistrat-chef du Service technique d'information et de documentation du Tribunal suprême. Ledit supérieur a établi le 26 juillet 1994 un certificat de travail attestant de «la compétence, l'efficacité et la conscience professionnelle remarquables de l'auteur». Le 5 octobre 1994, le Conseil général de la magistrature a décidé de renouveler le contrat de certains conseillers référendaires mais l'auteur ne figurait pas parmi ces derniers. Cette décision n'était pas motivée; elle était fondée sur une proposition du Bureau du Tribunal suprême datée du 21 juillet 1994 qui n'était pas non plus suffisamment motivée en ce qui concerne la différence de traitement et n'était précédée d'aucun rapport justifiant le non-renouvellement du contrat de certains conseillers référendaires, concrètement tous ceux qui étaient alors affectés à la Chambre du contentieux administratif. Il n'était fait aucune mention dans la décision du Conseil général de la magistrature de la preuve principale apportée par l'auteur, c'est-à-dire l'attestation de son supérieur.

2.3 L'auteur indique que le Conseil essaie de justifier le non-renouvellement de son contrat par le fait que l'organe décideur a toute latitude pour agir ainsi compte tenu du caractère temporaire de ses fonctions. Or, ces postes, bien que temporaires, ne sont pas pourvus par désignation mais par concours entre les fonctionnaires publics. Même dans l'hypothèse où l'administration aurait le pouvoir discrétionnaire de renouveler ou non le contrat, sa décision doit de toute façon être motivée, comme le prévoit la loi.

2.4 L'auteur a formé un recours contentieux administratif contre la décision du Conseil général de la magistrature, conformément à la loi no 62/1978 sur la protection juridictionnelle des droits fondamentaux, le 22 octobre 1994, devant la Chambre du contentieux administratif du Tribunal suprême. Ce recours a été déclaré irrecevable le 1er mars 1995, le Tribunal estimant qu'il n'y avait pas eu atteinte à un principe constitutionnel et que les questions soulevées devaient être résolues par la voie du contentieux administratif. L'auteur a formé un recours en révision devant la même Chambre, qui a lui aussi été rejeté, le 24 avril 1995. La Chambre a estimé que la question soulevée par l'auteur ne concernait pas des droits fondamentaux mais portait sur un problème de légalité ordinaire qu'il ne convenait pas de régler par la procédure établie dans la loi no 62/1978.

2.5 Le 5 juillet 1995, l'auteur a formé un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel, arguant d'une violation du principe d'égalité, du droit d'accès, dans des conditions d'égalité, aux charges et fonctions publiques et du droit à la protection effective de la justice. Il invoquait une violation de ce dernier droit en raison des irrégularités de procédure qui avaient entaché la décision du Tribunal suprême étant donné que ce dernier avait tenu compte des conclusions de l'avocat de l'État et du ministère public bien qu'elles aient été présentées après les délais prescrits. Le recours a été déclaré irrecevable le 28 octobre 1996, le Tribunal ayant conclu à l'absence de violation de droits fondamentaux. Le Tribunal a indiqué qu'étant donné le caractère temporaire des fonctions qu'occupait l'auteur auprès du Tribunal suprême le Conseil général de la magistrature avait toute latitude pour accorder ou non le renouvellement de son contrat et que l'auteur ne disposait pas d'un droit absolu à ce renouvellement. L'auteur fait valoir que le Tribunal constitutionnel n'a tenu aucun compte de la principale preuve produite, à savoir le certificat d'évaluation de son travail établi par son supérieur. En outre, le Tribunal avait fondé sa décision sur le pouvoir discrétionnaire de l'administration de renouveler le contrat de l'auteur. Or, l'auteur insiste sur le fait que le droit espagnol exige que les décisions discrétionnaires soient motivées (2).

2.6 Le 16 mars 1997, l'auteur a adressé une requête à la Commission européenne des droits de l'homme. Par lettre en date du 24 mars 1997, le secrétariat de la Commission a communiqué à l'auteur ce qui suit:

«Conformément aux instructions générales données par la Commission, je me vois dans l'obligation de vous informer des obstacles auxquels votre requête pourrait se heurter. Ces observations n'ont pas pour objet de préjuger de la teneur d'une décision que seule la Commission est habilitée à adopter mais visent à vous faire part, à la lumière de la jurisprudence et de la pratique, des conditions de recevabilité de votre demande et des possibilités qu'elle a d'aboutir.
Conformément à la jurisprudence constante de la Commission, en principe, les litiges relatifs à l'accès à la fonction publique, aux promotions et aux licenciements n'impliquent pas la détermination de droits et obligations de caractère civil sauf dans les quelques cas où il peut en découler un dommage patrimonial évident.

C'est pourquoi la Commission se verrait probablement dans l'obligation de déclarer votre requête irrecevable. En conséquence, sauf nouvelles indications de votre part, votre requête ne sera ni enregistrée ni soumise à l'examen de la Commission.».

Teneur de la plainte
3.1 Selon l'auteur, l'occultation systématique de la preuve essentielle qu'il a invoquée entraîne une violation de son droit à être entendu publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, énoncé au paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte, et ce, d'autant plus que la décision du Conseil n'était pas du tout motivée.

3.2 L'auteur invoque également une violation des articles 25 c) et 26 du Pacte, jugeant discriminatoire le fait de renouveler le contrat de certains fonctionnaires seulement sans raison valable. C'est d'autant plus grave que l'auteur a été le seul à répondre à tous les critères de mérite et de compétence requis et à avoir une preuve écrite qu'il s'était acquitté de ses fonctions avec une compétence, une efficacité et une conscience professionnelle remarquables.

Observations de l'État partie sur la recevabilité et commentaires de l'auteur

4.1 Dans des observations datées du 2 décembre 2002, l'État partie fait observer que l'auteur disposait de deux types de recours pour contester la décision du Conseil général de la magistrature: un recours spécial, prioritaire et sommaire, régi par la loi no 62/1978 pour obtenir la protection des droits fondamentaux, et un recours ordinaire ayant pour but d'obtenir la nullité de la décision en cause pour défaut de légalité. Ces deux recours peuvent être formés en même temps. On évite ainsi le risque que soit présenté d'abord un recours spécial qui serait rejeté parce qu'il n'y aurait pas violation de droits fondamentaux mais défaut de légalité et qu'il soit ensuite trop tard pour introduire un recours ordinaire.

4.2 L'auteur a introduit uniquement le recours spécial lequel a été déclaré irrecevable, les organes compétents ayant estimé qu'il ne constituait pas le moyen approprié pour trancher le litige en question. L'État partie conclut que l'auteur n'a pas dûment épuisé les voies de recours internes et que la communication doit donc être considérée irrecevable au regard du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif. En outre, les décisions déclarant irrecevables les recours n'ont pas été arbitraires et n'ont pas constitué un déni de justice.

5.1 Dans ses commentaires du 7 mars 2003, l'auteur affirme que sa plainte portait sans aucun doute possible sur une violation de droits fondamentaux, comme l'accès à une fonction publique dans des conditions d'égalité. Pourtant, le Tribunal suprême et le Tribunal constitutionnel n'ont pas examiné l'affaire sous cet angle se bornant à indiquer qu'il s'agissait d'un simple problème de légalité ordinaire qu'il fallait examiner dans le cadre d'un recours également ordinaire. Cela ne signifie pas que la plainte ne porte pas sur un droit fondamental ni que ces tribunaux n'aient pas en outre violé le droit à une procédure régulière étant donné que lors de l'examen du recours ils n'ont pas abordé les questions soulevées.

5.2 L'auteur fait observer que contrairement à ce qu'a dit l'État partie il a également épuisé les voies de recours ordinaires étant donné qu'il a formé trois recours contentieux administratifs, en date respectivement du 10 décembre 1994, du 11 février 1995 et du 4 mars 1995, qui ont été joints et sur lesquels le Tribunal suprême a statué le 27 octobre 1999. Sa décision a été communiquée à l'auteur le 29 novembre 1999, c'est-à-dire plusieurs mois après qu'il eut présenté sa communication au Comité et cinq ans après la décision du Conseil général de la magistrature. Ce retard était totalement injustifié étant donné qu'il s'agissait d'une seule audience devant le Tribunal suprême lui-même. Ces recours n'ont pas non plus abouti. Dans son arrêt, le Tribunal suprême indiquait que le Conseil général de la magistrature disposait du pouvoir discrétionnaire de renouveler ou non le contrat de l'auteur et que le terme «renouvelable» figurant au paragraphe 5 de l'article 23 de la loi sur la délimitation des circonscriptions judiciaires et le personnel judiciaire impliquait précisément qu'il s'agissait d'une possibilité, que ce renouvellement n'était pas obligatoire mais pouvait être accordé ou pas en fonction des critères discrétionnaires d'opportunité, de commodité ou d'utilité. En ce qui concerne l'absence de motivation de la décision alléguée par l'auteur, le Tribunal suprême indique que cette allégation est dénuée de fondement compte tenu de l'existence d'un rapport dans lequel il était indiqué que l'auteur et d'autres conseillers référendaires avaient eu des difficultés à s'intégrer et que l'on pouvait considérer ce rapport comme faisant partie des éléments motivant la décision qui faisait l'objet du recours.

5.3 L'auteur soutient que la procédure d'examen des recours a été entachée d'une série d'irrégularités qui ont porté atteinte à son droit d'être entendu publiquement et avec toutes les garanties requises par un tribunal compétent, indépendant et impartial. Il affirme que le 16 juillet 1996, la Chambre du contentieux administratif a décidé de joindre les recours et a désigné un juge rapporteur. Le 29 janvier 1997, plus de deux ans après l'introduction des recours et alors qu'elle n'avait encore fait l'objet d'aucun examen, l'affaire a été confiée à la septième section de la même Chambre. Un nouveau juge rapporteur n'a été désigné que le 7 avril 1997.

5.4 La phase de soumission de la preuve a commencé le 16 juin 1997. L'auteur a fait valoir, entre autres, que l'on avait affecté à la Chambre du contentieux administratif après leur sélection cinq conseillers référendaires, dont l'épouse d'un magistrat qui coordonnait le travail des conseillers référendaires affectés à cette chambre. Cette magistrate a fait preuve, ainsi que son époux, d'une hostilité manifeste envers les autres conseillers, or elle a été la seule des cinq nouveaux conseillers à avoir son contrat renouvelé. L'auteur donne des indications détaillées sur un incident tendant à démontrer que cette hostilité était bien réelle et produit des copies du procès-verbal des dépositions de témoins qui confirment l'existence de cette inimitié.

5.5 Le 6 septembre 1999, un nouveau juge rapporteur a été nommé à la suite du départ à la retraite de son prédécesseur. L'auteur indique également que, durant la procédure de recours, le coordonnateur des conseillers référendaires précité avait été promu au poste de magistrat du Tribunal suprême et affecté, durant la phase finale de soumission de la preuve, à la section de la Chambre du contentieux administratif qui devait statuer sur le recours. L'auteur a déposé une demande de récusation devant cette chambre et une plainte auprès du Conseil général de la magistrature et du Bureau du Tribunal suprême. Le Bureau l'a informé que cette demande ne pouvait être prise en compte étant donné que le vote sur le recours avait déjà eu lieu et que le magistrat en question s'était abstenu à cette occasion. Le Conseil général de la magistrature a rejeté la plainte faisant valoir, entre autres, que le magistrat en question n'avait pas participé à la procédure d'examen du recours contentieux administratif.

5.6 L'auteur fait observer que l'abstention est régie par les articles 221 et suivants de la loi organique du pouvoir judiciaire qui dispose que le fait doit être porté à la connaissance des parties, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce puisque la seule information qui leur a été donnée l'a été a posteriori une fois la décision rendue et lorsque le magistrat en question avait fait l'objet d'une demande de récusation.

5.7 Selon l'auteur, il n'est pas fait mention dans l'arrêt du 27 octobre 1999 rejetant son recours contentieux administratif des preuves qu'il avait produites mais un rapport du magistrat-chef du Service technique, celui-là même qui avait établi un certificat attestant de la qualité de ses services, y est cité. Dans ce rapport, daté du 15 septembre 1994, après avoir salué les compétences professionnelles de tous les conseillers référendaires dont le contrat n'était pas renouvelé, le magistrat-chef en question dit ce qui suit: «Néanmoins, ils ont tous eu des difficultés à s'intégrer au sein de ce service dont la fonction essentielle est d'aider les différentes chambres du Tribunal suprême à préparer et établir des projets de décision et ces difficultés d'adaptation ont pu influer, sans que la qualité de leur travail en pâtisse, sur leur productivité et leur rendement.». Ce rapport a été établi bien après le 21 juillet 1994, date à laquelle le Bureau du Tribunal suprême a proposé de ne pas renouveler leur contrat. Pour l'auteur, il est évident que l'on essaie ainsi de justifier a posteriori une décision non motivée. Il souligne en outre la contradiction qui existe entre ce rapport et le certificat établi par le même magistrat-chef dans lequel celui-ci faisait l'éloge de ses services.

Observations supplémentaires de l'État partie sur la recevabilité et commentaires de l'auteur

6.1 Le 31 mai 2005, l'État partie a indiqué que l'auteur avait soumis sa communication au Comité avant d'avoir épuisé les recours internes puisque les recours contentieux administratifs étaient encore pendants. En outre, l'auteur n'avait pas formé de recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel contre la décision de rejet de ces recours et n'avait donc pas rempli la condition établie au paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.

6.2 L'État partie fait observer en outre que la communication est irrecevable au regard du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif du fait que l'auteur a soumis la même affaire à la Commission européenne des droits de l'homme, laquelle lui a expliqué clairement pour quelles raisons il ne pouvait obtenir gain de cause. De plus, l'État partie réaffirme que la communication est irrecevable au regard de l'article 2 du Protocole.

7.1 Le 12 août 2005, l'auteur a indiqué à propos de la première observation de l'État partie que lorsqu'il avait présenté sa communication au Comité il avait déjà formé les recours contentieux administratifs (1994 et 1995) mais que le Tribunal suprême avait mis près de cinq ans à statuer à leur sujet. En outre, l'arrêt du 27 octobre 1999 par lequel celui-ci les avait rejetés avait bien fait l'objet d'un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel, recours qui avait été déclaré irrecevable le 3 mai 2000.

7.2 En ce qui concerne les observations de l'État partie relatives au paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, l'auteur fait valoir que sa requête n'a été ni enregistrée ni examinée par la Commission européenne des droits de l'homme car au vu de la lettre que lui avait adressée le secrétariat de la Commission, le 24 mars 1997, il avait décidé de ne pas la maintenir. Le motif d'irrecevabilité avancé par l'État partie n'est par conséquent pas applicable.

Observations de l'État partie sur le fond et commentaires de l'auteur

8.1 Dans sa note verbale du 31 mai 2005, l'État partie affirme qu'il n'y a eu aucune violation du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte. L'auteur a fait l'objet de plusieurs décisions fondées et parfaitement cohérentes de sorte que la prétendue violation de cette disposition ne semble reposer que sur les affirmations très partiales et intéressées de celui-ci.

8.2 En ce qui concerne l'allégation de violation des articles 25 c) et 26 du Pacte, l'État partie se réfère à la décision du Tribunal constitutionnel rejetant le recours en amparo introduit par l'auteur. Selon le Tribunal, la relation contractuelle de travail de l'auteur avait un caractère temporaire et était susceptible de s'éteindre avec le temps et l'auteur n'avait aucun droit subjectif à se voir accorder un renouvellement de son contrat. L'organe décideur avait toute latitude pour accorder ou non ce renouvellement.

8.3 L'État partie ajoute que, dans son arrêt du 27 octobre 1999, le Tribunal suprême fait mention également du pouvoir discrétionnaire de l'organe décideur, lequel n'avait pas un caractère unipersonnel mais collégial. Selon certains rapports figurant au dossier, les conseillers référendaires dont le contrat n'avait pas été renouvelé avaient eu des difficultés à s'intégrer, ce qui avait pu influer sur leur productivité et leur rendement. On pouvait considérer que ces rapports faisaient partie des éléments motivant la décision attaquée. On peut également faire valoir que, compte tenu de sa composition, le Bureau du Tribunal suprême est le mieux à même d'apprécier si les conseillers possèdent les aptitudes et remplissent les conditions requises pour s'acquitter de leurs fonctions. Il faut savoir également que les magistrats ont formulé des observations orales pour parvenir à cette décision même si elles n'ont pas été expressément consignées. Dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, il peut arriver que l'on accorde un renouvellement de contrat à certains des conseillers référendaires exerçant des fonctions temporaires et qu'on le refuse à d'autres sans pour autant porter ainsi atteinte au principe de l'égalité. Ce principe n'oblige pas à accorder un traitement égal dans les cas de situations inégales.

8.4 L'objectivité de la décision de ne pas renouveler le contrat de l'auteur est assurée par le fait que l'appréciation des faits incombe à un organe collégial dont les membres connaissent directement les personnes en cause, par les autres garanties légales établies en matière de sélection et de cessation de fonctions et par le dossier des conseillers référendaires concernés dans lequel figurait le rapport du chef du Service technique d'information et de documentation.

8.5 L'auteur ne fournit aucun élément qui donne à penser qu'il y ait eu discrimination infondée pour des motifs notamment de race, de sexe, de religion, ou d'origine sociale.

9.1 Dans sa réponse du 12 août 2005, l'auteur indique que la décision du Tribunal constitutionnel en date du 28 octobre 1996 rejetant le premier recours en amparo était pratiquement identique à celle qui avait été rendue précédemment au sujet du recours en amparo formé par un autre des conseillers référendaires dont le contrat n'avait pas été renouvelé. Or, le Tribunal n'a pas tenu compte de la spécificité de son cas, en ce sens qu'il était le seul conseiller référendaire ayant une attestation de services rendus extrêmement élogieuse.

9.2 L'auteur indique également qu'un magistrat du Tribunal constitutionnel, qui avait auparavant été membre du Conseil général de la magistrature, était intervenu dans la procédure de recours en amparo concernant l'autre conseiller référendaire et s'était déclaré opposé, dans une opinion dissidente, au renouvellement de son contrat. Le conseiller en question avait récusé ce magistrat, lequel compte tenu de son implication précédente dans l'affaire avait l'obligation absolue de s'abstenir dès le début. Le Tribunal avait réagi par un simple avis dans lequel il affirmait qu'une erreur informatique s'était produite au moment de la rédaction de la décision du Tribunal et que ledit magistrat s'était en réalité abstenu et n'avait pas participé aux débats. L'auteur critique le procédé utilisé par le Tribunal constitutionnel pour régler la question de la récusation et soutient que cette abstention n'a pas été conforme aux dispositions de la loi organique du pouvoir judiciaire. Selon lui, cet incident met en évidence le manque d'impartialité dont a fait preuve le Tribunal constitutionnel dans sa propre affaire.

9.3 L'auteur affirme également qu'un magistrat du Tribunal suprême, qui avait été affecté à la chambre chargée de statuer sur ses recours contentieux administratifs, avait participé à la décision du Tribunal constitutionnel du 3 mai 2000. Pourtant, ce magistrat ne s'était pas abstenu de participer à la décision sur le recours en amparo.

9.4 L'auteur réitère les arguments qu'il a déjà présentés concernant l'absence de motivation de la décision relative au non-renouvellement de son contrat et au manque d'impartialité dont ont fait preuve le Tribunal suprême et le Tribunal constitutionnel, ce qui constituerait une violation du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte.

9.5 En ce qui concerne la violation des articles 25 c) et 26 du Pacte, l'auteur insiste sur le fait que la décision discrétionnaire de ne pas renouveler son contrat devait être motivée, conformément à l'article 54 de la loi sur le régime juridique des administrations publiques et la procédure administrative ordinaire.

Délibérations du Comité

10.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

10.2 Le Comité prend note de l'argument de l'État partie selon lequel la communication doit être considérée irrecevable au regard du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif étant donné que l'auteur, avant de s'adresser au Comité, avait soumis une requête à la Commission européenne des droits de l'homme. Néanmoins, après avoir examiné les renseignements fournis par l'auteur, il aboutit à la conclusion que cette requête n'a jamais été enregistrée par la Commission ni examinée de quelque façon que ce soit par cette dernière. En conséquence, le Comité considère que la même affaire n'a pas été soumise à l'examen d'une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

10.3 Le Comité prend note également des arguments de l'État partie relatifs au non-épuisement des recours internes. Toutefois, au vu des renseignements fournis par l'auteur, le Comité constate que les recours qui, d'après l'État partie, n'ont pas été épuisés ont été en réalité introduits et que des décisions judiciaires ont été prises à leur sujet. Le Comité conclut par conséquent que l'auteur a rempli les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.

10.4 Le Comité doit déterminer si la décision du Conseil général de la magistrature de ne pas maintenir l'auteur à son poste de conseiller référendaire au Tribunal suprême constitue une violation des articles 25 c) et 26 du Pacte. Le Comité considère que le droit d'accéder, dans des conditions générales d'égalité, à des fonctions publiques est intimement lié à l'interdiction de la discrimination pour les motifs énumérés au paragraphe 1 de l'article 2 du Pacte. Dans le cas d'espèce, l'auteur n'a pas démontré, aux fins de la recevabilité, que les raisons pour lesquelles il a été décidé de ne pas renouveler son contrat de travail étaient liées aux motifs énoncés au paragraphe 1 de l'article 2. L'auteur n'a pas non plus avancé d'arguments qui permettent de démontrer un droit présumé au renouvellement de son contrat de travail ni l'existence de lois nationales qui prévoiraient l'obligation de renouveler le contrat de travail, dont l'application se serait traduite par une violation de l'article 26 du Pacte. En conséquence, le Comité considère que cette partie de la communication est irrecevable pour défaut de fondement en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.

10.5 En ce qui concerne la violation du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte invoquée par l'auteur, le Comité constate qu'elle est liée à ses tentatives pour contester la décision du Conseil général de la magistrature de ne pas lui accorder le renouvellement de son contrat de travail qu'il espérait. Le Comité observe que les différentes décisions prises par les tribunaux sont cohérentes en ce sens qu'elles ont toutes rejeté une prétention qui n'était pas fondée sur le droit supposé de l'auteur à un renouvellement de son contrat de travail mais uniquement sur une expectative et que celui-ci dépendait par conséquent du pouvoir discrétionnaire des autorités. Dans ces conditions, le Comité estime que les allégations de l'auteur ne sont pas suffisamment étayées, aux fins de la recevabilité, et considère que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.

11. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide:

a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif;

b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur de la communication et à l'État partie.

__________________________

[Adopté en anglais, en espagnol (version originale) et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]

* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Edwin Johnson, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, Mme Elisabeth Palm, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Ivan Shearer et M. Hipólito Solari-Yrigoyen,

Notes

1. L'auteur a joint à sa communication copie de la loi no 38/1988 sur la délimitation des circonscriptions judiciaires et le personnel judiciaire qui dispose au paragraphe 5 de son article 23 ce qui suit à propos du Service technique d'information et de documentation du Tribunal suprême: «Les conseillers référendaires au Tribunal suprême sont nommés pour une période de trois ans renouvelable une fois par le Conseil général de la magistrature.».
2. L'auteur cite à cet égard l'article 54, par. 1 f), de la loi sur le régime juridique et les procédures administratives ordinaires selon lequel doivent être motivées, par des arguments succincts de fait et de droit, les décisions administratives «rendues dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire ainsi que celles qui doivent l'être en vertu d'une disposition législative ou réglementaire expresse».

 

 



Page Principale || Traités || Recherche || Liens