University of Minnesota



D. et E., et leurs deux enfants c. Australia, Communication No. 1050/2002, U.N. Doc. CCPR/C/87/D/1050/2002 (2006).




GENERALE
CCPR/C/87/D/1050/2002
9 août 2006
FRANCAIS
Original: ANGLAIS

Communication No. 1050/2002 : Australia. 09/08/2006.
CCPR/C/87/D/1050/2002. (Jurisprudence)

Convention Abbreviation: CCPR
Comité des droits de l'homme
Quatre-vingt-septième session

10 - 28 juillet 2006

ANNEXE

Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe 4

de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international

relatif aux droits civils et politiques*

- Quatre-vingt-septième session -

 

Communication No. 1050/2002

 

Présentée par: D. et E., et leurs deux enfants (représentés par un conseil, Nicholas Poynder)
Au nom de: Les auteurs

État partie: Australie

Date de la communication: 1er février 2002 (date de la lettre initiale)

 

 

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 11 juillet 2006,

Ayant achevé l'examen de la communication no 1050/2002, présentée par D. et E., et leurs deux enfants en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par les auteurs de la communication et l'État partie,

Adopte ce qui suit:

 

Constatations adoptées au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif

 

1.1 Les auteurs de la communication sont D., née le 15 décembre 1970, E., né le 1er juillet 1968, et leurs deux enfants nés respectivement le 25 avril 1995 et le 5 mai 1999, tous de nationalité iranienne et vivant actuellement en Australie. Ils affirment être victimes de violations de l'article 7, des paragraphes 1 et 4 de l'article 9 et du paragraphe 1 de l'article 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils sont représentés par un conseil, Nicholas Poynder. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l'Australie le 25 décembre 1991.
1.2 Le 12 février 2002, le Comité, agissant par l'intermédiaire de son Rapporteur pour les nouvelles communications, a demandé à l'État partie, en application de l'article 92 de son Règlement intérieur, «de fournir d'urgence au Comité des renseignements sur la question de savoir si les auteurs risquaient réellement d'être expulsés alors que leur communication était à l'examen au Comité». Il a ajouté qu'il comptait sur l'État partie pour qu'il «n'expulse pas les auteurs avant que le Comité n'ait reçu lesdits renseignements et qu'il ait eu la possibilité de déterminer s'il doit être fait droit à la demande de mesures provisoires». Sous couvert d'une note verbale datée du 12 avril 2002, l'État partie a répondu qu'il examinait la demande de renseignements du Rapporteur sur la question de savoir s'il y avait un risque réel que les auteurs soient expulsés d'Australie pendant que leur communication était à l'examen au Comité et a annoncé qu'il ne procéderait pas à leur expulsion tant que la demande n'aura pas été examinée.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1 Les auteurs sont venus d'Iran par bateau via le Pakistan, la Malaisie et l'Indonésie en novembre 2000. Ils sont arrivés en Australie sans document de voyage et ont donc été immédiatement placés en détention conformément à l'article 189 de la loi sur les migrations de 1958 qui requiert que tous «les non-citoyens en situation irrégulière» soient détenus. Les auteurs ont été placés au centre de rétention pour immigrants de Curtin (près de Derby, en Australie occidentale), qui est situé à environ 1 800 km au sud de la grande ville australienne la plus proche, Perth.

2.2 Le 12 novembre 2000, les auteurs ont demandé l'asile. La principale requérante était D. Elle affirme qu'elle avait eu des activités illégales à Ispahan en Iran de 1992 à 2000. Elle travaillait pour un homme qui produisait des films pornographiques, s'occupant du maquillage des femmes qui jouaient dans ces films. En 1993, elle a été arrêtée parce qu'il y avait dans son salon de coiffure des femmes dont le maquillage et la tenue n'étaient pas autorisés. Elle a été interrogée et battue puis emprisonnée pendant un mois. Par la suite, elle s'est rendue dans un village situé dans les environs d'Ispahan, où elle a continué à travailler pour le même homme pendant plusieurs années. Au cours de cette période, E. a été maintes fois arrêté et interrogé au sujet de sa femme, qu'il ne pouvait voir que de temps en temps et secrètement. Un jour, en juillet 2000, un gardien de prison est venu au salon de coiffure et a reconnu D.; cette dernière a alors décidé de quitter l'Iran.

2.3 Le 11 décembre 2000, un représentant du Ministre de l'immigration a rejeté la demande d'asile des auteurs. Le 19 février 2001, leur demande de révision de cette décision a été rejetée par le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés. Le Tribunal n'a pas estimé que la crainte de D. d'être persécutée à son retour en Iran du fait de son rôle dans la production de films pornographiques faisait d'elle une réfugiée au sens de la Convention de 1951. Tout en concédant qu'en Iran, les personnes qui créaient, reproduisaient et distribuaient des films pornographiques ou des vidéos obscènes étaient passibles de la peine de mort, le Tribunal a estimé que la persécution de ces personnes ne relèverait pas de l'un des cinq motifs énumérés dans la définition du réfugié. Il a en particulier rejeté la possibilité que D. soit persécutée du fait qu'elle avait été membre d'un «groupe social particulier» constitué par «les personnes jouant un rôle dans la production de films pornographiques».

2.4 En application de l'article 417 de la loi sur les migrations, le Ministre de l'immigration peut exercer son pouvoir discrétionnaire de remplacer une décision du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés par une décision plus favorable si «une telle mesure est commandée par l'intérêt public» (1). Le 10 juillet et le 10 août 2001, des requêtes ont été adressées au Ministre pour qu'il exerce son pouvoir discrétionnaire. Dans ces requêtes, D. affirmait qu'elle avait joué dans des films pornographiques. Les auteurs n'ont pas été interrogés à nouveau au sujet de leur requête et les conclusions du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés n'ont pas été contestées par le Ministre. Le 24 septembre 2001, le Ministre de l'immigration a décidé de ne pas exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 417.

2.5 En 2003, le Ministre a renvoyé l'affaire à la source de la première décision pour qu'elle réexamine la demande d'asile. Le 2 octobre, la demande a été de nouveau rejetée. Le 22 janvier 2004, les auteurs ont été remis en liberté. Le 17 mai 2004, leur demande de révision de la deuxième décision de refus a été rejetée par le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés. Le 13 mars 2006, les auteurs obtenaient des visas spéciaux pour des raisons humanitaires.

Teneur de la plainte

3.1 Les auteurs affirment que leur détention prolongée constitue une violation des paragraphes 1 et 4 de l'article 9 du Pacte, dans la mesure où ils ont été placés en détention à leur arrivée en application des dispositions du paragraphe 1 de l'article 189 de la loi sur les migrations. Ces dispositions ne prévoient aucun mécanisme de contestation de la détention par voie judiciaire ou administrative. Les auteurs font valoir que leurs circonstances ne sont pas fondamentalement différentes de celles de l'affaire A. c. Australie (2). Aucune justification ne leur a été donnée au sujet de leur détention. En outre, même si les dispositions en application desquelles ils ont été détenus sont différentes de celles appliquées dans l'affaire susmentionnée, l'effet produit par la législation en question dans la présente affaire est identique, dans la mesure où il n'existe aucune disposition leur permettant d'obtenir que leur détention soit examinée par un tribunal. Ils demandent à être dédommagés de leur détention en application du paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte (3).

3.2 Les auteurs affirment que la détention prolongée de leurs deux enfants mineurs, dont le plus âgé est né en 1993 et le plus jeune en 1999, constitue une violation du paragraphe 1 de l'article 24. Ils se réfèrent à l'Observation générale no 17 (trente-cinquième session) du Comité des droits de l'homme en date du 5 avril 1989, dans laquelle le Comité fait observer que le Pacte requiert «l'adoption de mesures spéciales pour protéger les enfants en plus des mesures que les États sont tenus de prendre en vertu de l'article 2 pour garantir que chacun jouisse des droits énoncés dans le Pacte». Les auteurs font valoir qu'aucune justification ne leur a été donnée à propos de la détention prolongée de leurs enfants et qu'il n'a été nullement tenu compte de la question de savoir si le fait qu'ils ont passé plus de trois ans dans un centre de rétention isolé n'était pas contraire à leur intérêt supérieur. Ils affirment que l'argument selon lequel cet intérêt commandait qu'ils soient gardés avec leurs parents n'est pas une réponse à la question.

3.3 Le 11 avril 2006, le conseil a informé le Comité que les auteurs avaient obtenu un visa de protection temporaire et qu'il n'y avait donc pas lieu d'examiner le grief de violation de l'article 7 présenté dans la communication. Les auteurs souhaitaient néanmoins maintenir leur plainte devant le Comité concernant les articles 9 et 24 compte tenu de leur détention illégale antérieure.

Observations de l'État partie sur la recevabilité et le fond et commentaires des auteurs

4.1 Par une note verbale datée du 12 avril 2002, l'État partie a contesté la recevabilité de la communication au motif que le conseil n'avait pas reçu des auteurs le pouvoir de présenter une communication en leur nom. Dans une lettre datée du 9 mai 2002, le conseil a fait parvenir au Comité l'autorisation écrite des auteurs l'habilitant à soumettre une communication en leur nom.

4.2 Par une note verbale datée du 23 septembre 2002, l'État partie a formulé ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication. Pour ce qui est de la violation présumée du paragraphe 1 de l'article 9, il fait valoir que l'interdiction de la privation de liberté n'est pas absolue dans la mesure où les travaux préparatoires du Pacte montrent que ceux qui en ont rédigé le texte ont explicitement envisagé la détention de non-citoyens à des fins de contrôle de l'immigration en tant que dérogation à la règle générale qui veut que personne ne soit privé de sa liberté. En outre, il affirme que le mot «loi» renvoie au système juridique interne et que la détention doit non seulement être légale mais aussi raisonnable dans toutes les circonstances (4). Il rappelle que rien dans la jurisprudence du Comité ne permet de conclure que la détention de personnes pendant une période donnée peut être considérée en soi comme arbitraire. Il rappelle aussi que la détention de personnes arrivées sans visa n'est pas arbitraire en soi et que le principal critère applicable en la matière est de savoir si cette détention est raisonnable, proportionnée, appropriée et justifiable dans toutes les circonstances (5). En l'espèce, la plainte est, selon l'État partie, infondée. Il explique que la détention de personnes arrivées sans visa permet de déterminer si elles ont le droit de rester dans le pays et de procéder aux contrôles nécessaires avant de les autoriser à s'intégrer dans la société. La détention est donc opérée à des fins non pas correctionnelles mais administratives. Les auteurs ont été placés dans un centre de rétention pour immigrants conformément au paragraphe 1 de l'article 189 de la loi sur les migrations. L'État partie fait valoir que leur détention n'était pas arbitraire étant donné que leur placement en détention était à la mesure de l'objectif visé, à savoir permettre aux autorités d'examiner leur demande d'asile et au Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés et au Ministre de contrôler la décision de ces dernières. Il affirme en outre que les circonstances qui ont conduit à la détention des auteurs ont fait l'objet d'un contrôle à la fois par le Tribunal et le Ministre et que, la décision de refuser de leur octroyer un visa ayant été confirmée, les auteurs sont restés en détention en attendant leur expulsion. En conséquence, leur détention était raisonnable et nécessaire quelles qu'aient été les circonstances.

4.3 Pour ce qui est de la violation présumée du paragraphe 4 de l'article 9, l'État partie fait valoir que rien dans le texte du Pacte n'indique que le mot «légal» signifie «légal en droit international» ou «non arbitraire». Il fait en outre valoir qu'il n'y a dans les observations générales du Comité ou les travaux préparatoires du Pacte aucun élément permettant de conclure que le critère de légalité figurant au paragraphe 4 de l'article 9 ne se limite pas au droit interne. Il note que chaque fois que le concept de «légalité» est utilisé dans d'autres dispositions du Pacte, par exemple au paragraphe 1 de l'article 9, au paragraphe 2 de l'article 17, au paragraphe 3 de l'article 18 et au paragraphe 2 de l'article 22, il renvoie clairement à la législation interne. Pour ce qui est du cas d'espèce, l'État partie affirme que la plainte n'a pas été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité. Il rappelle qu'en vertu du droit interne les auteurs auraient pu contester la légalité de leur détention devant la Haute Cour ou la Cour fédérale soit par un recours en habeas corpus, soit en invoquant la compétence originelle de la Haute Cour au titre de l'article 75 de la Constitution pour obtenir un recours utile. Qui plus est, au moment de la décision par laquelle la demande de visa de protection de D. a été rejetée, l'article 476 de la loi sur les migrations habilitait cette dernière à demander que cette décision soit examinée par la Cour fédérale. Tout examen du statut des auteurs en tant que non-citoyens en situation irrégulière aurait permis en effet de vérifier la légalité de leur détention et aurait pu donc entraîner leur libération. Pour l'État partie, la communication ne dit rien sur les raisons pour lesquelles les auteurs n'ont pas procédé de cette manière et n'explique pas en quoi une telle démarche ne constitue pas un recours efficace pour contester la légalité de leur détention. L'État partie affirme que la plainte est irrecevable en vertu de l'article 2 et du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif, dans la mesure où les auteurs n'ont pas épuisé les recours internes. Il rappelle que, selon la jurisprudence du Comité, si un recours en habeas corpus est disponible, une personne qui ne s'en prévaudrait pas ne pourrait être considérée comme ayant été privée de la possibilité de faire examiner sans délai la légalité de sa détention par les tribunaux (6). En l'espèce, les auteurs n'ont pas expliqué pourquoi ils n'ont pas déposé un recours en habeas corpus ou ne se sont pas prévalus des recours qui leur sont ouverts en vertu de l'article 75 de la Constitution.

4.4 Au cas où la plainte au titre du paragraphe 4 de l'article 9 serait considérée recevable, l'État partie fait valoir qu'elle n'est pas fondée dans la mesure où les auteurs auraient pu contester la légalité de leur détention devant la Haute Cour ou la Cour fédérale par un recours en habeas corpus ou en se prévalant d'un autre moyen de recours utile. Il fait observer que, nonobstant le caractère obligatoire de la détention des auteurs, la Cour pouvait contrôler cette détention et ordonner leur libération si celle-ci était jugée illégale. Il réaffirme que tout examen du statut des auteurs en tant que non-citoyens en situation irrégulière aurait également permis de se prononcer sur la légalité de leur détention. Il rappelle qu'il aurait été possible de demander un contrôle judiciaire de la décision du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés à la Cour fédérale et que D. ne l'a pas demandé parce qu'il n'y avait pas d'erreur de droit identifiable. L'État partie affirme que, dans la mesure où il y avait la possibilité de faire examiner la décision par les tribunaux, l'obligation découlant du paragraphe 4 de l'article 9 a été respectée dans le cas des auteurs.

4.5 Pour ce qui est de la violation présumée du paragraphe 1 de l'article 24, l'État partie fait valoir, en se référant à l'Observation générale no 17[35] du 5 avril 1989, que les États parties ont un large pouvoir discrétionnaire quant à la manière précise dont ils doivent s'acquitter de leur obligation de protection à l'égard des enfants. Il rappelle que l'article 189 de la loi sur les migrations requiert la détention obligatoire de tous les non-citoyens en situation irrégulière, y compris les enfants. En l'espèce, la plainte des auteurs est infondée dans la mesure où l'État partie s'est acquitté de son obligation de fournir aux deux enfants «les mesures de protection que requiert» leur statut de mineur. Il explique que les normes de détention aux fins du contrôle de l'immigration applicables aux enfants exigent que des programmes sociaux et éducatifs adaptés à leur âge et à leurs aptitudes soient disponibles dans les centres de rétention. D. avait fait savoir aux autorités qu'elle souhaitait que l'un de ses enfants soit inscrit à l'école locale et elle a donc été encouragée à aider l'enfant à remplir les critères minimaux d'admission fixés par l'école. Les enfants bénéficient dans les centres de rétention de tout un éventail de moyens récréatifs: télévision, vidéo et jeux vidéo, installations sportives et aires de jeu, jouets, etc. En outre, des excursions sont organisées pour eux à l'extérieur des centres, notamment des visites aux sites touristiques locaux. Il rappelle en outre que lorsqu'un enfant est admis dans un centre de rétention aux fins du contrôle de l'immigration avec un parent, une puéricultrice interroge le parent qui accompagne l'enfant et l'enfant lui-même pour déterminer les besoins de ce dernier. Ce processus d'orientation peut aussi comprendre des entretiens avec un conseiller ou un psychologue. Les enfants bénéficient des soins médicaux et autres soins de santé nécessaires, notamment des soins psychiatriques et des soins de médecine spécialisée au besoin. Par exemple, le 4 avril 2002, la direction du centre a répondu aux préoccupations de D., qui pensait que l'un de ses enfants souffrait de troubles de la parole, en l'envoyant chez un orthophoniste qui lui a consacré plusieurs séances. La direction du centre a également répondu à la recommandation de l'orthophoniste tendant à ce que l'enfant bénéficie de séances avec un conseiller ou un psychologue.

4.6 Pour ce qui est de l'argument des auteurs selon lequel l'article 24 devrait être appliqué de la même manière aux obligations figurant dans la Convention relative aux droits de l'enfant et que la détention des enfants n'est pas dans leur intérêt supérieur, l'État partie rappelle que les obligations relevant de la Convention relative aux droits de l'enfant ne peuvent être invoquées dans une communication adressée au Comité. Il fait valoir que, d'une manière générale, la détention des enfants est conforme à l'article 24. Ne pas placer en détention des non-citoyens en situation irrégulière qui voyagent avec des enfants irait à l'encontre des objectifs légitimes du système australien de contrôle de l'immigration. Même si les enfants détenus dans ce contexte peuvent être placés dans la société sur la base d'un visa temporaire, il n'est généralement pas dans l'intérêt supérieur de l'enfant de le séparer de ses parents ou de sa famille.

Commentaires de l'auteur

5. Dans une lettre datée du 12 janvier 2004, les auteurs ont fait observer qu'ils ne souhaitaient pas faire de commentaires sur les observations de l'État partie.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1 Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 93 de son Règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même question n'est pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

6.3 En ce qui concerne les griefs des auteurs de violation de l'article 9, le Comité note que la plus haute juridiction de l'État partie a déclaré que les dispositions relatives à la détention obligatoire étaient constitutionnelles. En conséquence, le Comité constate, comme il l'avait déjà fait auparavant, que, dans la mesure où la législation de l'État partie prévoit la détention obligatoire des immigrants en situation irrégulière, un recours en habeas corpus ne servirait qu'à vérifier si les intéressés ont effectivement ce statut (qui n'est d'ailleurs pas contesté) et non à déterminer si leur détention est justifiée. Par conséquent, le recours évoqué par l'État partie n'apparaît pas utile aux fins du Protocole facultatif. Le Comité n'est donc pas empêché par le paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif d'examiner cet aspect de la communication (7).

6.4 Concernant la plainte formulée au titre de l'article 24, le Comité note l'argument présenté par l'État partie selon lequel l'intérêt supérieur des enfants commandait de les laisser avec leurs parents. Le Comité considère − à la lumière de l'explication donnée par l'État partie quant aux efforts déployés pour offrir aux enfants des programmes éducatifs, récréatifs et autres appropriés, y compris en dehors du centre de rétention − que, en l'espèce, l'allégation des auteurs selon laquelle leurs droits consacrés par l'article 24 ont été violés n'a pas été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité.

Examen au fond

7.1 Conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.

7.2 Pour ce qui est de l'allégation de détention arbitraire en violation du paragraphe 1 de l'article 9, le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle, pour ne pas être qualifiée d'arbitraire, la détention ne doit pas se prolonger au-delà de la période pour laquelle l'État partie est en mesure d'apporter une justification valable. Il note que les auteurs ont été détenus à des fins de contrôle de l'immigration pendant trois ans et deux mois. Quel que soit le motif qui a pu justifier le placement en détention − vérification de l'identité, etc. −, l'État partie n'a pas démontré, de l'avis du Comité, qu'une détention pendant une aussi longue période était justifiée. Il n'a pas non plus démontré qu'il n'existait pas d'autres moyens moins contraignants d'obtenir le même résultat, c'est-à-dire le respect de sa politique d'immigration, en imposant par exemple aux intéressés l'obligation de se présenter régulièrement aux autorités, le dépôt d'une caution ou d'autres conditions qui auraient tenu compte des circonstances particulières de la famille. En conséquence, le maintien en détention des auteurs, notamment de deux enfants à des fins de contrôle de l'immigration, pendant la période susmentionnée, sans véritable justification, était arbitraire et constituait une violation du paragraphe 1 de l'article 9 du Pacte (8).

7.3 Compte tenu de la constatation d'une violation du paragraphe 1 de l'article 9, le Comité considère qu'il n'y a pas lieu d'examiner d'autres arguments relatifs à une violation du paragraphe 4 de l'article 9.

8. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d'avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation, par l'Australie, du paragraphe 1 de l'article 9 du Pacte.

9. Conformément au paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, l'État partie est tenu d'assurer aux auteurs un recours utile, notamment en leur accordant une indemnisation appropriée. L'État partie est également tenu de prendre des mesures pour éviter que des violations similaires ne se reproduisent.

10. Étant donné qu'en adhérant au Protocole facultatif l'État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l'article 2 du Pacte, il s'est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L'État partie est en outre invité à rendre publiques les présentes constatations.

 

_______________________________

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]

* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, Mme Christine Chanet, M. Edwin Johnson, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Michael O'Flaherty, Mme Elisabeth Palm, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Hipólito Solari-Yrigoyen et M. Roman Wieruszewski.

Conformément à l'article 90 du Règlement intérieur du Comité, M. Ivan Shearer n'a pas participé à l'adoption de la présente décision.

Notes

1. Les auteurs ont joint le texte d'une directive ministérielle servant à déterminer les cas uniques ou exceptionnels où il peut être dans l'intérêt de la société de remplacer une décision par une autre plus favorable, laquelle stipule que des considérations d'«intérêt public» peuvent entrer en ligne de compte dans certains cas, notamment quand il y a de sérieux motifs de croire qu'un risque important pèse sur la sécurité personnelle d'un individu, sur l'exercice de ses droits fondamentaux ou sur sa dignité en cas de renvoi dans son pays d'origine, quand il y a des circonstances qui permettent d'invoquer les obligations contractées par l'État partie en vertu du Pacte, de la Convention relative aux droits de l'enfant ou de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou encore si l'application de la législation entraîne des conséquences non voulues mais particulièrement injustes ou déraisonnables.

2. Communication no 560/1993, A. c. Australie, constatations adoptées le 3 avril 1997, par. 9.2 à 9.5.

3. Ibid., par. 11.

4. Communication no 305/1988, Alphen c. Pays-Bas, constatations adoptées le 23 juillet 1990, par. 5.8.

5. Communication no 560/1993, A. c. Australie, constatations adoptées le 3 avril 1997, par. 9.2 et 9.3.

6. Communication no 373/1989, Stephens c. Jamaïque, constatations adoptées le 18 octobre 1995, par. 9.7.

7. Voir communication no 900/1999, C. c. Australie, constatations adoptées le 28 octobre 2002, par. 7.4, communication no 1014/2001, Baban et Baban c. Australie, constatations adoptées le 6 août 2003, par. 6.6, et communication no 1069/2002, Bakhtiyari et consorts c. Australie, constatations adoptées le 29 octobre 2003, par. 8.2.

8. Voir communication no 560/1993, A. c. Australie, constatations adoptées le 3 avril 1997, par. 9.4, communication no 900/1999, C. c. Australie, constatations adoptées le 28 octobre 2002, par. 8.2, communication no 1014/2001, Baban et Baban c. Australie, constatations adoptées le 6 août 2003, par. 7.2, et communication no 1069/2002, Bakhtiyari et consorts c. Australie, constatations adoptées le 29 octobre 2003, par. 9.3.

 

 



Page Principale || Traités || Recherche || Liens