University of Minnesota



M. Kenneth Riley et consorts
c. Canada, Communication No. 1048/2002, U.N. Doc. CCPR/C/74/D/1048/2002 (2002).


Communication no 1048/2002

 

Présentée par:

M. Kenneth Riley et consorts

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Canada

Date de la communication:

8 février 2001

Références:

Néant

Date de la présente décision:

21 mars 2002

 

 

[ANNEXE]


ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL
RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Soixante-quatorzième session

concernant la

Communication no 1048/2002**

 

Présentée par:

M. Kenneth Riley et consorts

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Canada

Date de la communication:

8 février 2001


          Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

          Réuni le 21 mars 2002,

          Adopte la décision ci‑après:

DÉCISION CONCERNANT LA RECEVABILITÉ

1.       Les auteurs de la communication, qui est datée du 8 février 2001, sont Kenneth Riley, Howard Stacey Davis et Kirsten Margrethe Mansbridge, tous trois de nationalité canadienne, qui affirment être victimes de violations des articles 2, paragraphes 1 et 3, 9, paragraphe 1, 18, 23, paragraphes 3 et 4, et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils ne sont pas représentés par un conseil.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1     En 1990, le Gouvernement canadien a révisé le règlement de la Gendarmerie royale du Canada («GRC») dont l’article 64 2) autorise désormais le commissaire à «exempter tout membre du port de tout article de l’uniforme distinctif pour des motifs ayant trait aux croyances religieuses de ce membre». Par la suite, un sikh du Khalsa a été autorisé à porter le turban au lieu du feutre traditionnel à large bord et du calot.

2.2     Riley et Davis sont tous deux retraités de la Gendarmerie royale du Canada («GRC») et sont membres d’une organisation qui a pour but de préserver la tradition au sein de la Gendarmerie royale. Les auteurs ont engagé une action devant la Cour fédérale du Canada (section de première instance) sollicitant une ordonnance qui interdise au commissaire de la GRC d’autoriser le port de symboles religieux comme éléments de l’uniforme de la GRC. Ils affirmaient en particulier que la décision du commissaire d’autoriser les sikhs du Khalsa à porter le turban au lieu du feutre était inconstitutionnelle. Le 8 juillet 1994, la Cour fédérale a rejeté la demande des auteurs, estimant qu’il n’y avait pas eu violation de la Charte canadienne des droits et libertés.

2.3     Les auteurs ont fait appel devant la section des appels de la Cour fédérale du Canada. Le 31 mai 1995, la section des appels a confirmé la décision de la section de première instance. La demande d’autorisation de recours présentée par les auteurs a été par la suite rejetée par la Cour suprême qui n’a pas expliqué les raisons de sa décision.

2.4     Les auteurs disent que, pour comprendre pourquoi ils sont personnellement touchés par l’article 64 2) du règlement de la GRC, il faut savoir que la GRC est plus qu’une force de police fédérale, que ses membres, au nombre de 20 000, sont présents à tous les niveaux du système d’application de la loi au Canada et que la GRC fait partie intégrante de la vie quotidienne. Ils affirment également que leur stratégie consistant à engager une action publique (actio popularis) devant la Cour fédérale s’inscrit dans le cadre des obligations de l’individu envers la collectivité énoncées dans le préambule du Pacte, où il est stipulé que: «l’individu a des devoirs envers autrui et envers la collectivité à laquelle il appartient et est tenu de s’efforcer de promouvoir et de respecter les droits reconnus dans le présent Pacte». Ils considèrent par conséquent qu’ils ont qualité pour agir devant le Comité des droits de l’homme.

Teneur de la plainte

3.1     Les auteurs affirment que le port de symboles de la religion des sikhs du Khalsa par des membres de la police nationale du Canada implique une reconnaissance par la GRC/l’État de l’ordre sikh du Khalsa, «les saints soldats», réservé exclusivement aux hommes, en violation de l’article 3 du Pacte.

3.2     Ils affirment également que le paragraphe 1 de l’article 9 consacre le principe d’une justice fondamentale exempte de tout indice qui pourrait susciter une crainte de partialité. Selon eux, les policiers de l’État devraient non seulement agir de manière impartiale, mais avoir une apparence qui soit un gage d’impartialité lorsqu’ils exercent leurs fonctions de responsables de l’application de la loi. Or, tout porte à croire que la manifestation visible d’une croyance religieuse par un policier susciterait une crainte de partialité chez de nombreux Canadiens.

3.3     En outre, toujours selon les auteurs, pour protéger leurs droits en vertu de l’article 18 du Pacte, l’État devrait rester laïc; or l’article 64 2) du règlement de la GRC viole les droits en question dans la mesure où il introduit un élément religieux dans l’uniforme des membres de l’institution la plus visible de l’État.

3.4     Par ailleurs, les auteurs se plaignent d’une violation des paragraphes 3 et 4 de l’article 23 puisque les personnes qui professent les convictions religieuses des sikhs du Khalsa défendent la pratique des mariages arrangés au Canada. Selon eux, l’association de la GRC avec cet ordre religieux reflète une reconnaissance par l’État de cette pratique.

3.5     Enfin, les auteurs (dont l’un au moins est catholique romain) font état d’une violation des articles 26 et 2, paragraphe 1, du Pacte dans la mesure où leurs droits à l’égalité devant la loi et à l’égale protection de la loi est violé par ce règlement qui fait participer la GRC à la promotion des intérêts religieux et politiques des sikhs du Khalsa. L’octroi de ce statut spécial aux sikhs du Khalsa entraînerait une distinction fondée sur la religion et serait contraire aux articles 2, paragraphe 1, et 26 du Pacte puisque ce statut est refusé à d’autres groupes[1].

Délibérations du Comité

4.1     Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

4.2     Le Comité a noté que les auteurs affirment être victimes de violations des articles 3, 9, paragraphe 1, 18, 23, paragraphes 3 et 4, 26 et 2, paragraphe 1, du Pacte parce que des sikhs du Khalsa membres de la GRC sont autorisés à porter des symboles religieux comme éléments de leur uniforme. Il note en particulier que les auteurs invoquent une violation des articles 26 et 2, paragraphe 1, du Pacte dans la mesure où, selon eux, ce statut spécial est réservé aux sikhs du Khalsa mais refusé à d’autres groupes religieux. Le Comité est d’avis que les auteurs n’ont pas apporté la preuve que le fait d’autoriser les agents sikhs du Khalsa à porter des symboles religieux a porté atteinte aux droits qui leur sont reconnus par le Pacte. En conséquence, ils ne peuvent être considérés comme étant des «victimes» au sens de l’article premier du Protocole facultatif.

5.       En conséquence, le Comité décide:

a)       Que la communication est irrecevable;

b)      Que la présente décision sera communiquée à l’auteur et, pour information, à l’État partie.

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]

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* Rendue publique sur décision du Comité des droits de l’homme.

** Les membres du Comité dont le nom suit ont pris part à l’examen de la communication:

M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M. Louis Henkin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, Mme Cecilia Medina Quiroga, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen et M. Patrick Vella.

[1] [Dans le jugement de la Cour fédérale, le juge d’instance a déclaré ce qui suit: «il n’y a eu aucun témoin affirmant qu’il avait revendiqué et s’était vu refuser une exemption pour des motifs religieux ou semblables. Non seulement ne m’a‑t‑on présenté aucune preuve concrète de discrimination, mais l’exposé conjoint des faits précise que la GRC envisagerait toute demande d’exemption pour des motifs religieux d’une façon semblable à celle qui a permis aux sikhs du Khalsa de porter le turban».]



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