University of Minnesota



Bernadette Faure c. Australia, Communication No. 1036/2001, U.N. Doc. CCPR/C/85/D/1036/2001 (2005).



GENERALE
CCPR/C/85/D/1036/2001
23 novembre 2005
FRANCAIS
Original: ANGLAIS

Communication No. 1036/2001 : Australia. 23/11/2005.
CCPR/C/85/D/1036/2001. (Jurisprudence)

Convention Abbreviation: CCPR
Comité des droits de l'homme
Quatre-vingt-cinquième session

17 octobre - 3 novembre 2005

ANNEXE*

Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole

facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques

- Quatre-vingt-cinquième session -

 

Communication No. 1036/2001

 

 

Présentée par: Bernadette Faure (représentée par son père, Leonard Faure)
Au nom de: L'auteur

État partie: Australie

Date de la communication: 19 juin 2001 (date de la lettre initiale)

 

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 31 octobre 2005,

Ayant achevé l'examen de la communication no 1036/2001, présentée par Bernadette Faure en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,

Adopte ce qui suit:

 

Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif

 

1. L'auteur de la communication, datée du 19 juin 2001, est Bernadette Faure, de nationalités australienne et maltaise, née le 22 avril 1980. Elle se déclare victime d'une violation par l'Australie des droits qui lui sont reconnus aux paragraphes 2 et 3 a) à c) de l'article 2 et au paragraphe 3 de l'article 8. Elle est représentée par son père, Leonard Faure, qu'elle a expressément mandaté à cet effet.

Rappel des faits

2.1 L'auteur a quitté l'école secondaire à l'âge de 16 ans, en 1996, et a depuis lors constamment perçu des allocations de chômage. Le 7 juillet 1997 est entrée en vigueur la loi de 1997 portant amendement de la législation sur la sécurité sociale (Travail contre allocation de chômage) («la loi de 1997»).

2.2 Le 3 novembre 2000, après avoir été convoquée à un programme «d'assistance intensive» et l'avoir suivi chez IPA Personnel Ltd (une agence privée de placement agréée par le Gouvernement), l'auteur n'a pas respecté les conditions énoncées dans son «contrat de préparation au travail» (premier manquement au «contrôle de la recherche d'une activité» en deux ans). En conséquence, le 13 novembre 2000, elle s'est vu imposer une période de réduction du taux de son allocation de chômage. (1)

2.3 Après l'achèvement du programme «d'assistance intensive», l'auteur a été dirigée par trois fois vers un employeur, Mission Australie, pour suivre le programme Travail contre allocation de chômage, un entretien étant prévu dans chaque cas. Elle ne s'est présentée à aucun des entretiens. Dans l'intervalle, le 12 juin 2001, la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances a également refusé d'enquêter sur une plainte déposée en son nom selon laquelle le programme Travail contre allocation de chômage équivalait à un travail forcé ou obligatoire, refus motivé par le fait que la violation alléguée découlait de l'application directe de la législation et non d'une mesure discrétionnaire prise par l'auteur de la décision et ne relevait par conséquent pas du mandat de la Commission. En outre, cette dernière a fait observer que «…réduire ou supprimer les allocations de chômage parce qu'une personne ne veut pas participer au programme Travail contre allocation de chômage ne constitue pas un travail forcé ou obligatoire, étant donné que la nature de la peine et le degré de contrainte n'atteignent pas le seuil requis pour constituer une violation du paragraphe 3 a) de l'article 8 du [Pacte]».

2.4 Le 9 juillet 2001, l'auteur a commencé à suivre le programme Travail contre allocation de chômage, et son premier emploi a pris fin le 7 octobre 2001. Après avoir commencé à occuper un second emploi le 24 octobre 2001, elle ne s'est pas présentée au travail le 30 octobre, puis de nouveau les 5 et 6 novembre. Le 22 novembre 2001, une période de réduction du taux de son allocation de chômage lui a été imposée pour son absence inexpliquée du 30 octobre (deuxième manquement en deux ans au «contrôle de la recherche d'une activité»). (2)

2.5 Le 6 décembre 2001, le versement de l'allocation de chômage a été entièrement supprimé en raison de l'absence inexpliquée les 5 et 6 novembre 2001 (troisième manquement en deux ans au «contrôle de la recherche d'une activité») et l'auteur est sortie du programme Travail contre allocation de chômage. Avant cette suppression, contact a été pris avec elle et elle a déclaré avoir été trop malade pour se présenter au travail. Elle n'a pas pu produire de certificat médical pour motiver son absence, affirmant avoir perdu l'original fourni par le médecin, et n'a pas non plus présenté de copie délivrée par ce dernier. Le paiement de l'allocation de chômage a été supprimé pendant deux mois.

2.6 Le 10 décembre 2001, le contrôleur chargé de la révision du dossier a confirmé la décision d'annuler le versement de l'allocation de chômage de l'auteur. Le 26 février 2002, les allocations de chômage ont été rétablies à la suite d'une nouvelle demande à cet effet.

Teneur de la plainte

3.1 L'auteur déclare avoir été tenue d'accomplir un travail forcé ou obligatoire en violation du paragraphe 3 a) de l'article 8 du Pacte, en particulier à cause de l'obligation de suivre le programme Travail contre allocation de chômage. Si elle refusait de suivre ce programme, elle allait perdre ses revenus à cause de la réduction ou de la suspension de ses allocations de chômage.

3.2 L'auteur affirme en outre ne pas avoir de recours pour faire valoir ses griefs, en violation des paragraphes 2 et 3 a), b) et c) de l'article 2 du Pacte, étant donné que la plainte qu'elle a déposée devant la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances n'a pas été examinée. En particulier, elle fait valoir que la Commission était habilitée à présenter à l'Attorney-General des rapports ou des recommandations qui auraient pu être pris en considération dans la présente affaire.

Réponse de l'État partie concernant la recevabilité et le fond de la communication

4.1 Dans sa réponse du 17 juin 2002, l'État partie conteste à la fois la recevabilité et le bien-fondé de la communication. L'État partie décrit en détail le fonctionnement de son programme Travail contre allocation de chômage, qui impose à des personnes comme l'auteur l'obligation d'accomplir certains travaux d'intérêt collectif sous peine de subir une réduction de leurs indemnités de chômage. On trouve une description plus détaillée du programme dans l'annexe de la communication.

4.2 En ce qui concerne la recevabilité de la communication, l'État partie fait valoir que le principal grief formulé au titre de l'article 8 est irrecevable pour non-épuisement des recours internes, étant donné que la participation de l'auteur au programme Travail contre allocation de chômage aurait pu être contestée grâce à un important système de révision et de recours en matière de sécurité sociale mis en place par la loi. Toute décision prise concernant une prestation de sécurité sociale peut faire l'objet d'une révision administrative − ainsi, une décision concernant la participation à un programme Travail contre allocation de chômage dans le cadre d'un contrat «préparation au travail» peut faire l'objet d'une révision, de même qu'une décision de faire participer une personne à un programme Travail contre allocation de chômage dans le cadre du contrôle général de recherche d'une activité. Cette révision objective est effectuée par un fonctionnaire spécialisé, qui n'est pas responsable de la décision initiale. Après quoi, une révision de la décision peut être demandée auprès du tribunal des recours en matière de sécurité sociale et appel peut être fait devant le tribunal des recours administratifs. Il est ensuite possible de faire appel devant les tribunaux fédéraux et devant la High Court (Cour suprême) d'Australie.

4.3 Dans le cas à l'examen, l'auteur s'est bornée à solliciter une révision administrative interne le 10 décembre 2001, sans utiliser les autres recours à sa disposition. La communication a été présentée bien avant cette date, alors que l'auteur avait été informée à de nombreuses reprises des recours qui lui étaient ouverts. Elle peut par conséquent être considérée comme ayant été raisonnablement informée de ses droits en la matière, et les doutes qu'elle peut avoir concernant leur efficacité ne sauraient l'exonérer de l'obligation de les utiliser.

4.4 L'auteur n'a pas non plus demandé de réexamen judiciaire de la décision dans laquelle la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances se déclarait incompétente pour examiner sa plainte au motif que cette plainte concernait le fonctionnement direct de la législation sur la sécurité sociale, et non l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire par l'organe de décision. L'autre possibilité, selon l'État partie, était que l'auteur s'adresse directement au tribunal fédéral pour demander un réexamen judiciaire de la décision de la faire participer à un programme Travail contre allocation de chômage.

4.5 Quant au grief subsidiaire formulé au titre de l'article 2, l'État partie fait valoir qu'il est incompatible avec le Pacte et, de surcroît, inapplicable aux faits invoqués. L'État partie mentionne la jurisprudence du Comité selon laquelle l'article 2 a un caractère accessoire par rapport aux articles de fond du Pacte et fait valoir, par conséquent, qu'en l'absence de violation de l'article 8 du Pacte la communication ne peut soulever de question au titre de l'article 2 pris isolément. En outre, la communication ne formule aucun grief pouvant constituer une violation de l'article 2, pas plus qu'elle ne précise la nature de la violation alléguée.

4.6 L'État partie ajoute que cette allégation est irrecevable pour non-épuisement des recours internes sur la base des arguments exposés plus haut en la matière à propos de l'article 8. Enfin, il affirme que cette allégation n'est pas étayée aux fins de la recevabilité: il s'agit d'une simple affirmation formulée sans élément de preuve indiquant que l'auteur n'a pas eu de recours utile.

4.7 En ce qui concerne le bien-fondé de l'allégation de violation de l'article 8, l'État partie fait observer qu'en l'absence d'examen quant au fond de la question du travail forcé par le Comité, celui-ci doit s'en remettre aux approches des autres organisations internationales. (3) Si toute référence aux Conventions de l'OIT sur le travail forcé (no 29 de 1930) et sur l'abolition du travail forcé (no 105 de 1957) a été délibérément omise du Pacte en raison de difficultés soulevées par les définitions de l'OIT, on peut toutefois s'inspirer des conclusions de la Commission d'experts de l'OIT pour déterminer le travail forcé ou obligatoire «admissible» qui peut être imposé. Selon le commentaire d'un universitaire, les États doivent respecter certaines normes minimales du travail et de la protection sociale contenues dans les deux Conventions de l'OIT pour être couverts par les exceptions énoncées au paragraphe 3 de l'article 8 du Pacte. (4)

4.8 L'État partie admet que la Commission d'experts de l'OIT chargée de surveiller la législation chilienne sur les indemnités de chômage a estimé que la perte de prestations imposée à une personne qui refusait d'accomplir un travail d'intérêt général serait «équivalente à une peine au sens de la Convention». Elle fait toutefois une distinction entre les différents programmes du fait que, au Chili, le paiement des allocations de chômage était subordonné au versement des cotisations durant 52 semaines au cours des deux années précédentes, alors qu'en Australie les allocations ne sont subordonnées à aucune cotisation antérieure. En outre, les allocations de chômage au Chili sont limitées dans le temps, alors qu'elles ne le sont pas en Australie. Pour l'État partie, par conséquent, les observations de la Commission d'experts sur le Chili ne s'appliquent pas au cas à l'examen.

4.9 Citant la jurisprudence relativement rare se rapportant aux dispositions analogues de l'article 4 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'État partie mentionne l'affaire Van der Mussele c. Belgique. (5) La Cour européenne a estimé qu'un avocat stagiaire, qui choisissait volontairement d'embrasser la carrière, ne pouvait être considéré comme ayant été contraint à un travail forcé parce qu'il lui avait été demandé d'accomplir bénévolement une certaine quantité de travail pendant son stage d'avocat afin de pouvoir être admis au barreau. De l'avis de la Cour, ce service n'imposait pas une charge excessive ou disproportionnée aux avantages qui s'attachaient à l'exercice futur de la profession au point d'être considéré comme n'ayant pas été accepté de plein gré au préalable. Étant donné que les exceptions à l'article 4 étaient fondées sur les idées maîtresses d'intérêt général, de solidarité sociale et de normalité, le service requis n'était pas disproportionné ni déraisonnable.

4.10 Dans l'affaire X. c. Pays-Bas,(6) la Commission européenne des droits de l'homme a conclu que la suspension pendant 26 semaines de l'allocation de chômage d'un ouvrier du bâtiment qui avait refusé d'accepter une offre de travail en alléguant une surqualification n'équivalait pas à un travail forcé ou obligatoire. La Commission a estimé que nul n'était contraint, sous menace de peine, à accepter une offre de travail émanant des autorités publiques compétentes. En fait, l'acceptation de cette offre était simplement une condition à remplir pour percevoir des allocations de chômage, le refus étant sanctionné seulement par la perte temporaire desdites allocations.

4.11 L'État partie observe que, dans le Pacte, l'exception concernant «tout travail ou tout service formant partie des obligations civiques et normales» n'est pas définie de façon spécifique, mais devrait être interprétée à la lumière des normes minimales énoncées dans la Convention no 29 de l'OIT. Au paragraphe 2 e) de son article 2, cette Convention exclut:

«… les menus travaux de village, c'est-à-dire les travaux exécutés dans l'intérêt direct de la collectivité par les membres de celle-ci, travaux qui, de ce fait, peuvent être considérés comme des obligations civiques normales incombant aux membres de la collectivité, à condition que la population elle-même ou ses représentants directs aient le droit de se prononcer sur le bien-fondé de ces travaux.».
4.12 Il est également pertinent de signaler que l'article 11 définit un âge minimum de 18 ans et exige des examens médicaux préalables pour les personnes appelées à accomplir un travail obligatoire, et que l'article 12 stipule que la période maximale de travail ne doit pas dépasser 60 jours par an. L'article 13 dispose que l'horaire de travail doit correspondre à celui du travail volontaire, et l'article 14 fixe une rémunération financière qui ne doit pas être inférieure à celle pratiquée pour des travaux similaires dans la même circonscription. L'article 15 stipule que la législation en matière d'indemnisation et d'incapacité des travailleurs s'applique aux deux formes de travaux. L'État partie fait valoir que le programme Travail contre allocation de chômage satisfait aux normes minimales de la Convention. Il est tout à fait normal, comme le reconnaissent les instruments de l'OIT mentionnés plus haut, de soumettre le versement de prestations de sécurité sociale à des conditions raisonnables. En participant au programme Travail contre allocation de chômage, les chômeurs de longue durée améliorent leurs compétences, leur employabilité et donc leur autonomie future. Les allocations de chômage en Australie ne dépendent pas des cotisations antérieures, pas plus qu'elles ne sont limitées dans le temps. Nul n'est contraint de les accepter, mais, si une personne décide de les accepter, il est raisonnable de lui demander de participer à un programme Travail contre allocation de chômage.
4.13 L'État partie fait valoir que la présente communication soulève des questions touchant le travail obligatoire et non le travail forcé, vu l'absence de toute contrainte physique ou morale. Si l'on applique le critère élaboré par la Cour européenne dans l'affaire Van der Mussele, la participation de l'auteur au programme Travail contre allocation de chômage n'atteint même pas le seuil du travail obligatoire, on n'y trouve ni l'intensité nécessaire de la sanction ni le caractère forcé. L'État partie souligne qu'il a examiné avec soin la compatibilité du programme avec ses obligations internationales, comme en témoignent les déclarations faites au cours de l'examen du projet de loi en deuxième lecture par le Parlement:

«Le Gouvernement connaît ses obligations internationales. Il a pris l'avis du Ministère de la justice (Attorney-General's Department), selon lequel une mesure prévoyant un travail contre une indemnité de chômage ne devrait pas être contraire aux obligations internationales de l'Australie, à condition que le travail proposé dans ce cadre soit "adapté" et "raisonnable" eu égard à la personne concernée. Le fait que le versement de l'indemnité de chômage ne soit pas fondé sur une cotisation obligatoire préalable, conjugué aux effets bénéfiques du programme Travail contre allocation de chômage pour les participants, signifie que cette initiative doit être considérée comme raisonnable pour ce qui est de la contribution à la collectivité requise des participants.».
4.14 Analysant les deux éléments en cause, à savoir la peine et l'absence de choix, l'État partie souligne que la non-participation au programme, sans excuse raisonnable, n'entraîne au départ qu'une réduction du taux de l'allocation de chômage versée, et qu'un deuxième manquement − toujours sans excuse raisonnable − entraîne une suspension des paiements pendant deux mois seulement. Il n'existe pas de droit absolu à la sécurité sociale, et les normes de l'OIT sur les allocations de chômage prévoient la possibilité de les retirer lorsqu'un individu refuse une offre d'emploi adaptée et raisonnable. (7) À cet égard, le fait de ne pas suivre le programme Travail contre allocation de chômage ne comporte aucun élément de peine qui rende le programme assimilable au travail forcé.
4.15 S'agissant de l'absence de choix, l'État partie fait valoir que les modalités du programme répondent aux critères du caractère raisonnable et de la proportionnalité. Les chômeurs ne sont pas tenus d'accepter les indemnités mais, s'ils le font, ils auront peut-être une condition préalable à remplir, à savoir participer au programme Travail contre allocation de chômage. Le chômage de longue durée chez les jeunes est un problème sérieux en Australie, et le programme Travail contre allocation de chômage fait partie d'une série de réponses novatrices à ce problème. Le programme est fondé sur l'idée d'une réciprocité des obligations entre le chômeur et la collectivité qui le soutient. Les projets en question apportent des avantages tangibles réels aux collectivités sous forme de services collectifs, d'infrastructures, de soins et d'assistance. Le programme est spécialement conçu pour améliorer les compétences, l'employabilité, l'estime de soi et l'expérience des jeunes chômeurs. Pour la tranche d'âge des 18-20 ans, 12 heures de travail par semaine seulement sont exigées, tandis que les personnes âgées de plus de 20 ans doivent travailler 15 heures par semaine, selon des horaires correspondant à ceux pratiqués en général sur le marché du travail.

4.16 En outre, les participants ne peuvent travailler dans le cadre de ce programme que six mois d'affilée et six mois par an. Les conditions à remplir en matière de recherche d'emploi pour les participants au programme sont ramenées à deux contacts avec des employeurs par quinzaine. Des mécanismes d'équilibre, doublés de procédures d'examen, permettent de faire en sorte que le travail spécifique demandé soit adapté et raisonnable, le participant ayant la possibilité de soulever ces questions. L'État contracte une assurance en responsabilité et une assurance accidents pour les participants. Enfin, un supplément leur est versé chaque quinzaine pour couvrir les frais occasionnés. Compte tenu de ces éléments, la charge que le programme Travail contre allocation de chômage impose aux jeunes chômeurs comme condition pour percevoir les indemnités en question n'est pas déraisonnable, ni disproportionnée si on la met en balance avec les effets bénéfiques qui en résultent pour eux et la collectivité.

4.17 L'auteur avait perçu des indemnités de chômage pendant quatre ans avant d'être dirigée vers le programme, à l'âge de 21 ans. Elle avait auparavant participé à plusieurs activités destinées à améliorer son employabilité, notamment un programme d'assistance intensive d'une année. Ses indemnités de chômage ont été supprimées car elle n'a pas apporté la preuve de la maladie alléguée et n'a donc pas pu produire une excuse raisonnable de son absence. Cette décision a été confirmée lors de sa révision, à l'occasion de laquelle l'auteur a également affirmé n'être pas en mesure d'accomplir le travail de fabrication de béton qui faisait partie du projet. Mais le Coordonnateur du travail d'utilité collective a fait savoir que cette fabrication représentait une part minime du travail, que d'autres jeunes femmes y participaient et que personne n'a été obligé de faire un travail dépassant ses capacités physiques. De l'avis de l'État partie, ces procédures montrent de quelle manière les mécanismes d'équilibre permettent de faire en sorte que les participants au programme Travail contre allocation de chômage se voient assigner des tâches raisonnables et convenables.

4.18 En conclusion, l'État partie invite le Comité à constater que l'auteur n'était pas tenue d'accomplir un travail obligatoire au sens de l'article 8 du Pacte, ou que, si tel était le cas, ce travail se justifiait par l'exception concernant les «obligations civiques normales» énoncée au paragraphe 3 c) iv) de l'article 8, d'où l'absence de violation du Pacte.

4.19 En ce qui concerne le bien-fondé des allégations de violation de l'article 2, l'État partie fait valoir que la plainte principale présentée au titre de l'article 8 étant soit irrecevable soit dénuée de fondement, l'allégation d'une violation de l'article 2 doit également être considérée comme sans fondement. En tout état de cause, l'auteur n'a pas fourni d'éléments suffisants pour permettre un examen convenable de son allégation. En admettant que l'on puisse dire que la communication contenait quelques éléments pour étayer la plainte, l'État partie affirme, à la lumière de ses observations concernant la recevabilité au titre de l'article 2, qu'il protège pleinement les droits énoncés par le Pacte par le biais de la common law et de la législation fédérale, de celle des États et des Territoires. Dans le cas à l'examen, de nombreux mécanismes de recours et de révision étaient disponibles, mais n'ont pas été utilisés. Le non-épuisement des recours internes conduit également à conclure à l'absence de violation.

4.20 Quant à l'allégation spécifique selon laquelle la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances n'a pas fait de rapport ni présenté de recommandations à l'Attorney-General, l'État partie fait observer que cela est dû au fait que la Commission a rejeté la plainte de l'auteur et ne peut donc servir de fondement à une allégation de violation au titre de l'article 2.

Commentaires de l'auteur sur la réponse de l'État partie

5.1 Dans une lettre du 1er septembre 2002, l'auteur a contesté la réponse de l'État partie; elle a rejeté l'applicabilité à son cas du raisonnement de la Cour européenne dans l'affaire Van der Mussele, au motif qu'elle n'était pas dans une relation apprentie-enseignant, ni en situation de stagiaire en train de faire un travail obligatoire à titre de formation professionnelle. En tout état de cause, ce précédent est inapplicable à son cas car elle ne s'est jamais vu offrir, et n'a donc pu refuser, un emploi convenable, comme l'exigent les instruments de l'OIT. Elle a au contraire été inscrite d'office au programme Travail contre allocation de chômage, et ses allocations de chômage ont par la suite été suspendues, aucun emploi convenable ne lui ayant été offert. Elle souligne qu'elle a été inscrite d'office au programme Travail contre allocation de chômage afin de faire un travail d'intérêt collectif. Elle rejette le raisonnement de la Commission européenne dans l'affaire X, selon lequel la suspension du paiement des indemnités de chômage ne peut être considérée comme équivalant à une situation où des paiements sont ultérieurement suspendus sans qu'un emploi convenable ait été proposé.

5.2 L'auteur fait valoir que la menace, réelle ou ressentie, d'une suspension totale des indemnités de chômage en cas de non-participation au programme Travail contre allocation de chômage doit être considérée comme faisant peser une pression morale très forte, et affirme que «la perspective de ne plus pouvoir subsister ne saurait être interprétée autrement».

5.3 L'auteur rejette l'affirmation selon laquelle les recours internes n'ont pas été épuisés, faisant valoir que la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances et certains courriers administratifs du programme Travail contre allocation de chômage n'indiquaient pas expressément qu'elle avait le droit de demander la révision de la décision. En tout état de cause, la menace d'annulation des indemnités de chômage formulée dans lesdits courriers donnait l'impression qu'il n'existait aucun droit de révision. L'auteur cite la décision du Comité dans l'affaire Landry c. Canada (8) à l'appui de sa position selon laquelle, en pareilles circonstances, l'État ne peut plus invoquer le non-épuisement des recours internes.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2 Sur la question de l'épuisement des recours internes, le Comité observe que nul ne conteste que le cas de l'auteur entre bien dans le champ d'application de la législation attaquée, la violation alléguée découlant de l'application directe de la loi à son cas. Comme le Comité l'a fait observer dans un contexte similaire, il serait futile de penser qu'un auteur engagerait des poursuites judiciaires à seule fin de confirmer le fait incontesté que la législation en question, en l'occurrence la loi de 1997, et l'obligation de participer au programme Travail contre allocation de chômage imposé conformément à cette loi s'appliquent effectivement à son cas, alors que ce qui est attaqué devant le Comité est l'application concrète de cette loi, dont le contenu ne peut l'être devant les juridictions nationales. (9) Comme l'État partie n'a pas montré de quelle manière le contenu du régime Travail contre allocation de chômage institué dans la loi de 1997 applicable à l'auteur peut être attaqué devant les tribunaux nationaux, le Comité considère que le paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif ne l'empêche pas d'examiner l'affaire.

6.3 Quant à l'argument selon lequel les allégations formulées au titre des articles 2 et 8 sont exclues ratione materiae du champ d'application du Pacte et ne sont pas suffisamment étayées, le Comité considère que l'auteur a avancé des arguments d'un poids suffisant pour étayer, aux fins de la recevabilité, les allégations qu'elle formule au titre de ces articles du Pacte.

Examen au fond

7.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication à la lumière de toutes les informations soumises par les parties, conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.

7.2 Pour ce qui est tout d'abord de l'allégation de violation de l'article 2 du Pacte, le Comité rappelle qu'aux termes de cet article, les États parties s'engagent à garantir un recours utile en cas de violation des droits reconnus dans le Pacte. Dans la décision qu'il a rendue dans l'affaire Kazantzis c. Chypre, (10) le Comité a déclaré: «Le paragraphe 3 de l'article 2 prévoit que les États parties, outre qu'ils doivent protéger efficacement les droits découlant du Pacte, doivent veiller à ce que toute personne dispose de recours accessibles, utiles et assortis de garanties effectives pour faire valoir ses droits. … Cette disposition semble littéralement exiger qu'une violation de l'une des garanties du Pacte soit formellement établie car cela constitue une condition préalable à l'obtention de recours tels que la réparation ou la réhabilitation. Toutefois, le paragraphe 3 b) de l'article 2 oblige l'État partie à faire en sorte qu'une autorité judiciaire, administrative ou législative compétente se prononce sur le droit à un tel recours, garantie qui serait caduque si elle n'était pas disponible avant que l'existence d'une violation n'ait été établie. Certes, il ne peut être raisonnablement exigé d'un État partie en application du paragraphe 3 b) de l'article 2 de la Convention de faire en sorte que de telles procédures soient disponibles même pour les plaintes les moins fondées, mais le paragraphe 3 b) de l'article 2 assure une protection aux victimes présumées si leurs plaintes sont suffisamment bien fondées pour être défendables en vertu du Pacte.». (Les notes de bas de page internes ont été supprimées.)

7.3 En appliquant ce raisonnement à l'allégation selon laquelle l'État partie n'a pas fourni un recours utile pour la violation de l'article 8 du Pacte, le Comité observe, en ce qui concerne les considérations présentées plus haut sur la recevabilité dans le contexte de l'épuisement des recours internes que, dans le régime juridique de l'État partie, il était et il demeure impossible à une personne telle que l'auteur de contester les éléments de fond du programme Travail contre allocations de chômage, c'est-à-dire l'obligation imposée par la loi à des personnes comme elle, qui réunissent les conditions préalables pour participer au programme, d'accomplir un travail en échange de la perception d'allocations de chômage. Le Comité rappelle que les recours proposés par l'État partie portent sur la question de savoir si une personne répond ou non aux conditions requises pour participer au programme, mais il n'existe aucun recours permettant à ceux qui sont soumis à ce programme par la loi d'en contester la teneur.

7.4 Comme l'a montré le Comité dans ses considérations sur le fond de la question soulevée au titre de l'article 8 (voir infra), cette question pose indéniablement un problème, à savoir, pour reprendre les termes de la décision du Comité dans l'affaire Kazantzis, celui des plaintes «suffisamment bien fondées pour être défendables en vertu du Pacte». Il s'ensuit, par conséquent, que l'absence de recours disponible pour vérifier la validité d'une plainte défendable en vertu de l'article 8 du Pacte comme celle qui est à l'examen constitue une violation du paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, lu conjointement avec l'article 8.

7.5 Concernant la principale allégation formulée au titre du paragraphe 3 de l'article 8 du Pacte, le Comité observe que le Pacte ne donne pas d'autre précision sur la signification des termes «travail forcé ou obligatoire». Même si les définitions figurant dans les instruments pertinents de l'OIT peuvent aider à préciser le sens des termes en question, il incombe en dernière analyse au Comité de définir en quoi consistent les pratiques prohibées. De l'avis du Comité, l'expression «travail forcé ou obligatoire» désigne toute une gamme de pratiques allant du travail imposé à une personne au moyen d'une sanction pénale, en particulier dans des conditions ayant un caractère de coercition, d'exploitation ou particulièrement inacceptables à des formes plus légères de travail lorsque le refus d'exécuter le travail demandé expose la personne concernée à une sanction comparable. Le Comité note en outre qu'aux termes du paragraphe 3 c) iv) de l'article 8 du Pacte, n'est pas considéré comme «travail forcé ou obligatoire» tout travail ou tout service formant partie des obligations civiles normales. À son avis, pour que ce type de travail soit assimilé à une obligation civile normale, il faut, au minimum, que l'obligation ne constitue pas une mesure exceptionnelle; elle ne doit pas avoir de but ou d'effet punitif et elle doit être prévue par la loi afin de répondre à un objectif légitime au regard du Pacte. Compte tenu de ces considérations, le Comité estime que les faits dont il est saisi, notamment l'absence de caractère dégradant ou déshumanisant du travail spécifique exécuté, n'indiquent pas que le travail en question entre dans le cadre des interdictions énoncées à l'article 8. Il s'ensuit qu'il n'y a pas violation de l'article 8 pris séparément.

8. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, lu conjointement avec l'article 8.

9. Bien que, conformément au paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie soit tenu de fournir à l'auteur un recours utile, le Comité estime qu'en l'espèce ses constatations sur le bien-fondé des plaintes constituent une réparation suffisante pour la violation constatée. L'État partie est tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l'avenir.

10. Étant donné qu'en adhérant au Protocole facultatif l'État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l'article 2 du Pacte, il s'est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations.

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[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]

* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la communication:
M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M. Alfredo Castillero Hoyos, M. Edwin Johnson, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Michael O'Flaherty, Mme Elisabeth Palm, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Hipólito Solari-Yrigoyen, Mme Ruth Wedgwood et M. Roman Wieruszewski.

Conformément à l'article 90 du Règlement intérieur du Comité, M. Ivan Shearer n'a pas participé à l'adoption de la présente décision.

Le texte d'une opinion individuelle signée de Mme Ruth Wedgwood est joint au présent document.

 

APPENDICE
Opinion individuelle de Mme Ruth Wedgwood, membre du Comité

Dans un monde où sévissent toujours des problèmes de castes, des systèmes coutumiers de servage ou de travail sous contrat, le travail forcé dans des zones isolées dans des conditions qui s'apparentent souvent à l'esclavage, et le scandale du trafic sexuel de personnes, c'est faire peu de cas du Pacte international relatif aux droits civils et politiques que de supposer qu'une obligation raisonnable de travail et de formation comme condition pour pouvoir bénéficier de prestations nationales de chômage dans un système moderne de protection sociale pourrait constituer un «travail forcé ou obligatoire» au sens de l'article 8 3) a).
L'Australie possède un programme d'allocations de chômage qui aide les demandeurs d'un premier emploi pendant six mois, dès lors qu'ils sont disposés à accepter un travail rémunéré. Après six mois, le maintien des prestations peut être subordonné à la volonté réelle de l'intéressé d'améliorer ses compétences professionnelles et de restituer quelque chose à la société, dans le cadre du programme «Travail contre allocation de chômage». Dans ce programme, le travail exigé est limité à 12 heures par semaine pour les personnes de moins de 21 ans et à 15 heures pour les personnes de 21 ans ou plus.

L'auteur de la communication, Mme Bernadette Faure, a touché une allocation de chômage dès sa sortie de l'enseignement secondaire, en 1996. En novembre 2000, après avoir suivi un programme «d'assistance intensive» dans une agence de placement agréée par le Gouvernement, elle n'a pas respecté les conditions énoncées dans son «contrat de préparation au travail» et son allocation publique a été réduite. Par la suite, elle ne s'est pas présentée à trois rendez-vous fixés pour un entretien avec un employeur appelé «Mission Australie», dans le cadre du programme Travail contre allocation de chômage. Finalement, en juillet 2001, elle a participé avec succès audit programme et elle a occupé un emploi jusqu'au 7 octobre 2001. Elle a pris un autre emploi le 24 octobre 2001, mais ne s'est pas présentée au travail le 30 octobre, ni les 5 et 6 novembre 2001, invoquant des raisons de santé mais sans présenter un certificat médical à l'appui de ses dires. L'absence non justifiée du 30 octobre a entraîné une réduction de 24 % du taux de son allocation de chômage et la deuxième absence a entraîné la suppression de cette prestation. L'allocation a été rétablie le 26 février 2002.

Mme Faure affirme que l'Australie lui a imposé un type de «travail forcé ou obligatoire» interdit par le Pacte, en exigeant qu'elle participe à un programme de travail et de formation pour pouvoir bénéficier d'une prestation publique de chômage. L'État partie fait valoir que le programme en question contribue à l'acquisition de compétences professionnelles et qu'il constitue une forme de «réciprocité des obligations» qui respecte les intérêts de la collectivité comme ceux du demandeur d'emploi. Mme Faure utilise à propos de l'obligation de travail des termes que l'on aurait pu croire réservés à des pratiques effroyables d'un autre âge telles que le travail forcé imposé par les puissances coloniales pour construire des canaux et des routes, plutôt qu'aux obligations mutuelles qui sont celles d'une société démocratique moderne.

Dans son ouvrage consacré au Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques, CCPR Commentary (2e édition 2005), le Professeur Manfred Nowak conclut à la page 202 que «La simple expiration des prestations de chômage lorsqu'une personne refuse d'accepter un travail ne correspondant pas à ses qualifications ne constitue pas une violation [de l'article 8]; dans la présente affaire, ni le degré de contrainte ni celui de la sanction n'atteignent le niveau équivalant à un travail forcé ou obligatoire». Les propos éminemment sensés du Professeur Nowak sont tout à fait conformes aux objectifs de l'article 8. Sur la base des faits incontestés de la présente affaire, je rejetterais, comme irrecevable parce qu'infondée, la plainte présentée par l'auteur pour «travail forcé ou obligatoire».

Par ailleurs, l'auteur n'a pas épuisé tous les recours administratifs et judiciaires possibles. Dans sa plainte, elle conteste le programme Travail contre allocation de chômage au motif que, entre autres choses, les tâches qui lui étaient demandées n'étaient pas «convenables» (par exemple, elle avait dû apprendre à manier «du béton» dans un projet d'intérêt collectif) et n'étaient pas assimilables à une «formation professionnelle». On se reportera aux constatations du Comité, paragraphes 4.17 et 5.1 supra. Par conséquent, d'après l'auteur, les emplois qu'elle a occupés ne peuvent pas être qualifiés de stages ou de formations professionnelles qui auraient pu échapper à la définition infamante du «travail forcé».

Or l'auteur n'a pas contesté le caractère «convenable» de ses emplois dans le cadre des recours administratifs et judiciaires ouverts en Australie aux bénéficiaires du programme Travail contre allocation de chômage. Apparemment, tout bénéficiaire est habilité à refuser un emploi donné, ou à en contester l'utilisation en tant que «contrôle général de recherche d'une activité» aux fins de maintien des prestations. Voir id., paragraphes 4.2 à 44 supra. Les recours prévus sont le réexamen par un fonctionnaire spécialisé, et la saisine du tribunal des recours en matière de sécurité sociale, du tribunal des recours administratifs, des tribunaux fédéraux et de la Cour suprême.

En outre, après la cessation des prestations consécutive à ses absences non justifiées, l'auteur n'a pas jugé utile de faire appel de la décision au-delà du réexamen en première instance, bien qu'elle eût été «informée à de nombreuses reprises des recours qui lui étaient ouverts». Voir id., paragraphe 4.3.

Assurément, l'auteur a demandé l'intervention rapide de la Commission australienne des droits de l'homme et de l'égalité des chances, après avoir omis par trois fois de se présenter à un entretien auprès de Mission Australie, et avoir subi une réduction de 18 % de son allocation. Voir id., paragraphes 2.2 et 2.3. Dans une décision rendue le 12 juin 1991, la Commission australienne des droits de l'homme a conclu que sa compétence était limitée à l'examen de décisions discrétionnaires des agents de l'État, et non à l'examen d'un mandat statutaire. En outre, les membres de la Commission ont fait observer, sur le fond, que «réduire ou supprimer les allocations de chômage parce qu'une personne ne veut pas participer au programme Travail contre allocation de chômage ne constitue pas un travail forcé ou obligatoire, étant donné que la nature de la peine et le degré de contrainte n'atteignent pas le seuil requis pour constituer une violation du paragraphe 3 a) de l'article 8 du Pacte.». Or l'auteur n'a nullement demandé la révision judiciaire de la décision de la Commission. (*)

Vu ce qui précède, il est difficile de conclure que l'auteur a épuisé tous les recours internes qui lui étaient ouverts. Par ailleurs, l'auteur n'a pas établi que l'État partie ne lui avait pas fourni un recours utile, ainsi qu'il est prévu à l'article 2, contre une violation «défendable» des droits prévus par le Pacte.

(Signé) Ruth Wedgwood

(*) Dans l'affaire Baban et consorts c. Australie, communication no 1014/2001, constatations adoptées le 6 août 2003, Mme Wedgwood a exprimé l'avis que le Comité ne doit pas «préjuger de ce que les tribunaux d'un État partie peuvent décider dans une affaire particulière. L'interprétation par un tribunal de l'intention du législateur peut être fondée sur les normes du Pacte et sur la déduction légitime selon laquelle le Parlement souhaitait que l'on respecte les obligations conventionnelles de l'État partie.». Voir aussi Young c. Australie, affaire no 941/2000, constatations adoptées le 6 août 2003 (opinion individuelle de R. Wedgwood).

 

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]

 

Annexe
Description par l'État partie du programme Travail contre allocation de chômage

 

Le programme Travail contre allocation de chômage a été introduit par la législation de 1997. Selon la loi, il a pour objet de «renforcer le principe de la réciprocité des obligations en matière de [prestations de chômage] en considérant qu'il est juste et raisonnable que des personnes percevant de telles prestations participent à des programmes de travail agréés en échange du versement de ces allocations et d'énoncer les moyens par lesquels ces personnes peuvent être mises en mesure, ou en demeure, d'accomplir ce type de travail».
4.3 L'État partie souligne qu'un programme Travail contre allocation de chômage ne peut comporter l'obligation de travailler plus de 24 heures (pour les personnes âgées de moins de 21 ans) ou 30 heures (pour les personnes âgées de plus de 21 ans) par quinzaine, et qu'une personne est désignée pour suivre un programme pendant au maximum six mois par an. Pour avoir droit à une allocation de chômage, il faut en règle générale:

a) Être chômeur;

b) Subir avec succès le «contrôle de recherche d'une activité» ou en être dispensé si, par exemple, on suit des études à plein temps, on réside dans une région éloignée, on a donné naissance à un enfant, et ainsi de suite. Pour satisfaire au «contrôle de la recherche d'une activité», une personne doit rechercher activement un travail rémunéré approprié et être disposée à l'accepter et suivre les programmes et la formation qui peuvent lui être assignés, comme par exemple le programme Travail contre allocation de chômage;

c) Être disposé à signer et respecter un contrat de «préparation au travail», qui peut comporter la participation à un programme Travail contre allocation de chômage;

d) Satisfaire à certaines autres conditions d'âge, de résidence et autres conditions analogues.

4.4 Après avoir perçu une allocation de chômage pendant six mois, la personne au chômage doit, si elle est assujettie au «contrôle de la recherche d'une activité», commencer à suivre un programme ou une activité de son choix, dont fait partie le programme Travail contre indemnité de chômage, dont le but est d'améliorer ses perspectives d'emploi. Si la personne ne choisit ni programme ni activité, elle se voit affecter pendant six mois à un emploi au titre du Travail contre allocation de chômage, dans le cadre de la pratique administrative, si:

a) Elle perçoit une prestation de chômage à taux plein;

b) Elle a les compétences et l'expérience nécessaires pour accomplir les tâches requises;

c) Les tâches attachées à l'emploi en question sont médicalement appropriées et ne posent aucun problème touchant l'hygiène et la sécurité du travail; et

d) Certaines autres conditions sont réunies.

4.5 Dès que commence l'emploi au titre du Travail contre allocation de chômage, l'indemnité de chômage est majorée de 21 dollars australiens par semaine pour tenir compte des frais supplémentaires qu'entraîne la participation au programme. Des coordonnateurs du travail d'utilité collective aident les personnes embauchées et présentent, dans le cadre de normes strictes, des rapports de participation afin de veiller au respect des conditions attachées à la participation au programme.

4.6 Si l'intéressé ne commence ou n'achève pas le programme Travail contre allocation de chômage, notamment lorsqu'il fait partie d'un contrat de préparation au travail, ou s'il ne respecte pas les conditions du programme Travail contre allocation de chômage, sans excuse raisonnable, il y a manquement au «contrôle de la recherche d'une activité», qui s'accompagne de pénalités financières sous forme de réduction du versement des indemnités de chômage. Au troisième manquement observé dans une période de deux ans, le paiement des allocations de chômage est interrompu pendant deux mois.

Notes

1. L'État partie explique que, pour un premier manquement au contrôle de la recherche d'activité en deux ans, les versements sont réduits de 18 % du taux de base maximum d'une personne pendant 26 semaines.
2. L'État partie explique que, pour un deuxième manquement en deux ans au contrôle de la recherche d'une activité, la réduction appliquée est de 24 % du taux de base maximum pendant 26 semaines.

3. L'État partie mentionne deux occasions seulement où cette question a été abordée: Timmerman c. Pays-Bas, communication no 871/1999, décision adoptée le 29 octobre 1999, et Wolf c. Panama, communication no 289/1988, constatations adoptées le 26 mars 1992. [Note au Comité: Dans le premier cas, le Comité a déclaré irrecevable une plainte selon laquelle le fait d'occuper un certain poste professionnel alors que l'on conteste l'échelle de rémunération équivalait à du travail forcé, alors que, dans le second, le Comité a jugé non étayée une allégation selon laquelle un détenu en attente de jugement avait été contraint d'accomplir un travail forcé alors qu'il était en détention provisoire.]

4. Manfred Nowak, U.N. Covenant on Civil and Political Rights: CCPR Commentary,

N.P. Engel, Kehl am Rhein, 1993, p. 157.

5. Série A, 70 (1983).

6. No 7602/76, 7 DR 161 (1976).

7. Convention no 44 de l'OIT de 1934 assurant aux chômeurs involontaires des indemnités ou des allocations et Convention no 168 de l'OIT de 1988 concernant la promotion de l'emploi et la protection contre le chômage.

8. Communication no 112/1981, décision adoptée le 8 avril 1986.

9. Voir le rejet par le Comité du même argument concernant les dispositions relatives à la détention obligatoire dans la loi sur les migrations dans l'affaire A. c. Australie, communication no 560/1993, constatations adoptées le 4 mars 1997, l'affaire C. c. Australie, communication no 900/1999, constatations adoptées le 28 octobre 2002, l'affaire Baban et consorts c. Australie, communication no 1014/2001, constatations adoptées le 6 août 2003, et l'affaire Bakhtiyari c. Australie, communication no 1069/2002, constatations adoptées le 29 octobre 2003.

10. Affaire no 972/2001, décision adoptée le 7 août 2003, par. 6.6.

 

 

 



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