University of Minnesota



Jouni Länsman, Eino Länsman et le Comité des éleveurs de Muotkatunturi c. Finland, Communication No. 1023/2001, U.N. Doc. CCPR/C/83/D/1023/2001 (2005).


 

 


Convention Abbreviation: CCPR





Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5

du Protocole facultatif




1.1 Les auteurs de la communication sont M. Jouni E. Länsman, M. Eino A. Länsman, de nationalité finlandaise, et le Comité des éleveurs de Muotkatunturi (dont les deux auteurs individuels sont membres). Ils affirment être victimes d'une violation par la Finlande de l'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils sont représentés par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l'État partie le 23 mars 1976.

1.2 Le 31 octobre 2002, le Comité, agissant par l'intermédiaire de son Président, a demandé à l'État partie, en application de l'article 86 de son règlement intérieur, «de s'abstenir de toute activité d'exploitation forestière susceptible d'avoir des incidences sur la pratique de l'élevage des rennes par M. Jouni Länsman et consorts dans la région d'Angeli, tant que le Comité n'aurait pas achevé d'examiner leur plainte».


Exposé des faits

2.1 Le 30 octobre 1996, le Comité a adopté ses constatations dans l'affaire Länsman et consorts c. Finlande («la communication précédente»). (1) Compte tenu des éléments dont il disposait, il a conclu que l'exploitation d'environ 250 hectares de forêt à Pyhäjärvi et le projet d'exploitation de 250 hectares supplémentaires à Kirkko-outa (les deux secteurs sont situés dans la région d'Angeli) ne constituaient pas une violation des droits que l'article 27 confère aux deux particuliers auteurs de la communication (avec d'autres).

2.2 Le Comité a développé son argumentation comme suit:

2.3 En 1999, les 500 hectares des deux zones visées dans la communication précédente avaient été entièrement abattus. En 1998, 110 autres hectares situés dans la zone de Paadarskaidi (non mentionnée dans la communication précédente), sur le territoire du Comité des éleveurs, avaient été abattus.

2.4 Au moment de la présentation de la communication à l'examen, une nouvelle opération d'exploitation forestière était prévue à brève échéance à Paadarskaidi, ce dont le Comité des éleveurs n'avait été averti que très peu de temps à l'avance; il n'avait pas encore, à cette date, reçu de projet écrit précisant la nature des opérations et la superficie de la zone d'abattage. Le Service national des parcs et forêts avait fait savoir qu'il lui transmettrait le descriptif du projet ultérieurement, ayant indiqué dans son projet précédent que la prochaine opération n'aurait lieu qu'un an plus tard et dans une zone différente.


Teneur de la plainte

3.1 Les auteurs affirment être victimes d'une violation de leurs droits en tant qu'éleveurs de rennes, qui relèvent de l'article 27 du Pacte, du fait des activités d'exploitation forestière passées et prévues. Ils font valoir qu'environ 1 600 hectares de forêt situés dans la zone de pâturage du Comité des éleveurs à Paadarskaidi ont été exploités depuis les années 80, ce qui a entraîné la destruction dans cette zone d'environ 40 % des ressources en lichen, dont se nourrissent les rennes.

3.2 Pour ce qui est des effets de l'exploitation forestière sur l'élevage, les auteurs soulignent que les rennes sont des animaux sensibles, qui évitent les zones exploitées ou préparées en vue de leur exploitation. Les troupeaux ont donc tendance à se disperser pour trouver d'autres pâturages, ce qui augmente le travail des éleveurs. Une fois l'exploitation terminée, les résidus forestiers empêchent les rennes de paître et la neige tassée les gêne pour creuser. Le lichen disparaît complètement des zones exploitées, et ce pendant des siècles.

3.3 D'après les auteurs, en 1997, à la suite de chutes de neige particulièrement fortes, les éleveurs ont dû pour la première fois donner du fourrage aux rennes, nourriture coûteuse et nécessitant une main-d'œuvre importante. L'exploitation croissante des forêts à lichen rend de plus en plus nécessaire l'utilisation du fourrage et menace la viabilité économique de la renniculture, qui repose sur la capacité des animaux à se nourrir eux-mêmes.

3.4 Les auteurs rappellent que le nombre de bêtes que le Comité est autorisé à élever est fixé par le Ministère de l'agriculture et des forêts, qui est statutairement chargé de veiller à ce que le nombre de rennes présents en hiver sur les terres du Comité des éleveurs ne dépasse pas la capacité limite de ses pâturages d'hiver. Depuis l'adoption par le Comité de ses constatations concernant la communication précédente, le Ministère a réduit par deux fois le nombre de têtes autorisé, de 8 000 à 7 500 en 1998, et de 7 500 à 6 800 en 2000. Deux fois en l'espace de deux ans, il a donc statué que la capacité des pâturages d'hiver de Muotkatunturi était si faible qu'il fallait réduire de 15 % le nombre maximum de rennes pouvant y paître. Or, d'après les auteurs, c'est l'exploitation forestière qui est la principale cause du déclin des pâturages d'hiver, et plus particulièrement de ceux qui portent les lichens bruns (Bryoria) dont se nourrissent les rennes.

3.5 En dépit de la récente réduction des troupeaux, le Service national des parcs et forêts poursuit ses opérations d'exploitation forestière, détruisant les pâturages du Comité des éleveurs et entraînant une dégradation accrue des conditions d'élevage. Les auteurs font valoir que les faits exposés ci-dessus constituent une violation de l'article 27, dans la mesure où les activités d'exploitation se poursuivent et où leurs conséquences sont plus graves qu'initialement prévu. À mesure que les forêts sont exploitées, la taille des troupeaux de rennes diminue parce que les pâturages encore disponibles ne sont pas assez étendus pour nourrir le même nombre de bêtes.

3.6 Les auteurs affirment qu'ils ont épuisé tous les recours internes en ce qui concerne l'exploitation forestière dans les zones de Kirkko-outa et Pyhäjärvi. Pour ce qui est des autres zones, ils s'en remettent aux constatations du Comité concernant la communication précédente, pour avancer qu'ils n'ont pas à saisir à nouveau les tribunaux nationaux. Ils font valoir que les critères énoncés par le Comité sont réunis puisque l'État partie lui-même a reconnu que les conséquences de l'exploitation forestière ont été plus graves que prévu, tout en poursuivant ses opérations d'exploitation et en continuant d'en prévoir de nouvelles.


Observations de l'État partie concernant la recevabilité

4.1 Dans ses observations du 31 décembre 2001, l'État partie n'a répondu que sur la recevabilité de la communication. Le 8 février 2002, le Comité, agissant par l'intermédiaire de son Président, a décidé d'examiner séparément la recevabilité et le fond.

4.2 L'État partie a informé le Comité qu'il «[s'abstiendrait] de toute activité d'exploitation forestière dans la région d'Angeli (comme il est indiqué au paragraphe 10.1 (2) des constatations adoptées par le Comité le 30 octobre 1996 concernant la communication no 671/1995) susceptible d'avoir des incidences sur la pratique de l'élevage des rennes par les auteurs individuels tant que le Comité [n'aurait] pas achevé d'examiner la communication».

4.3 En ce qui concerne la région de Paadarskaidi, qui se trouve à une trentaine de kilomètres de la région d'Angeli, l'État partie relève que le Service national des parcs et forêts a procédé à des coupes préparatoires sur une superficie totale de 200 à 300 hectares entre 1998 et 2000. Il estime que la communication est irrecevable pour trois raisons: l'un des requérants n'a pas qualité pour adresser une plainte, les recours internes n'ont pas été épuisés, et les auteurs n'ont pas suffisamment étayé leurs allégations aux fins de la recevabilité.

4.4 S'il accepte le statut des auteurs individuels, l'État partie considère en revanche que le Comité des éleveurs n'a pas qualité pour soumettre une communication car il n'entre pas dans le champ d'application de l'article 27 du Pacte et ne peut pas être défini comme un «particulier» au sens de l'article 2 du Protocole facultatif. En vertu de la loi sur l'élevage du renne, chaque comité d'éleveurs se compose de tous les éleveurs d'une région donnée, qui ne sont pas personnellement responsables de l'exécution du mandat du comité auquel ils appartiennent; toute plainte au nom du Comité des éleveurs constitue donc une actio popularis.

4.5 L'État partie fait observer que des recours internes sont encore ouverts, comme le montrent les décisions du tribunal de district, de la cour d'appel et de la Cour suprême concernant les faits de la communication précédente et dont la validité n'est pas contestée. Les auteurs n'ont engagé aucune procédure pour faire cesser les opérations d'abattage prévues ou menées dans les régions d'Angeli et de Paadarskaidi après l'adoption des constatations du Comité relatives à cette communication.

4.6 L'État partie relève que, dans ses constatations concernant la communication no 671/1995, le Comité a simplement indiqué que, si les effets des opérations d'abattage étaient plus graves que prévu ou si de nouveaux plans d'abattage étaient approuvés, il y aurait lieu de poser la question de savoir si cela constituerait une violation des droits consacrés à l'article 27. Le Comité ne sous-entendait nullement qu'il serait possible de passer outre à la condition d'épuiser les recours internes pour toute plainte ultérieure. Cet aspect est particulièrement pertinent dans un cas où il n'est pas possible de se prononcer sur une violation éventuelle de l'article 27 sans que tous les éléments de preuve n'aient été évalués de façon approfondie par les tribunaux internes d'abord puis, dans un deuxième temps, par le Comité. Rien ne prouve que les effets des opérations d'exploitation forestière passées ont été plus graves que cela n'était prévu à l'époque. Les décisions du Ministère de réduire le nombre de rennes autorisé ne suffisent pas à étayer un grief concernant les effets de certaines opérations d'exploitation. Ces réductions ne sont pas davantage une raison pour ne pas saisir les juridictions internes compétentes, qui examineraient en détail les griefs des auteurs.

4.7 Les auteurs n'ont donc ni épuisé les voies de recours interne disponibles ni montré qu'il y avait des circonstances exceptionnelles pouvant les en dispenser. Enfin, l'État partie fait valoir que la communication n'est pas suffisamment fondée et ne contient pas les éléments de preuve nécessaires pour constituer une plainte, et non une simple allégation. En conséquence, la plainte n'a pas été étayée.


Commentaires des auteurs

5.1 Le 15 mars 2002, les auteurs ont fait parvenir leurs commentaires, qui portaient uniquement sur les arguments de l'État partie concernant la recevabilité de la communication.

5.2 Pour ce qui est de l'épuisement des recours internes pour les autres régions (dont il n'a pas été question dans la communication précédente), les auteurs affirment que la remarque de l'État partie concernant la disponibilité des recours est sans rapport avec la réalité. Aucune action en justice visant à empêcher l'exécution de plans d'exploitation forestière n'a abouti en partie parce que tout périmètre d'exploitation «n'est toujours qu'une partie en apparence restreinte de la superficie totale des terres utilisées par les Samis pour la renniculture». Rien n'indique qu'une requête visant à assurer une protection effective des éleveurs samis aboutirait et, du reste, l'arrêt prononcé par la Cour suprême en la matière s'y opposerait.

5.3 Pour les auteurs, le Service national des parcs et forêts n'a pas fourni toutes les informations concernant ses activités d'exploitation forestière qui ont eu une incidence sur la vie des Samis de la région d'Angeli. S'agissant de la question de savoir s'ils ont étayé leurs plaintes les auteurs affirment qu'ils ont démontré que les mesures de réduction de la taille des troupeaux prises après les décisions du Ministère étaient une conséquence directe de l'impact des abattages d'arbres sur les pâturages. Ils ont à cet égard exposé de manière détaillée les plans de l'État partie tendant à poursuivre les activités d'exploitation forestière en dépit des constatations adoptées ultérieurement par le Comité. Les auteurs estiment que, ce faisant, ils ont suffisamment étayé leurs plaintes.

5.4 Enfin, les auteurs indiquent qu'il existe des plans prévoyant la réalisation, par le Service national des parcs et forêts, de nouvelles opérations d'exploitation forestière dans une zone qui a fait déjà l'objet d'une procédure judiciaire et qui est connue sous le nom de zone de Kippalrova.


Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1 À sa soixante-dix-septième session, le Comité a examiné la recevabilité de la communication. Pour ce qui est de l'objection selon laquelle le Comité des éleveurs de Muotkatunturi n'a pas qualité pour soumettre une plainte en vertu du Protocole facultatif, le Comité a renvoyé à sa jurisprudence constante, rappelant que les personnes morales n'étaient pas des «particuliers» habilités à présenter une plainte. (3) Rien n'indiquait non plus que des membres du Comité des éleveurs l'aient autorisé à soumettre une plainte en leur nom, ni que Jouni ou Eino Länsman soient autorisés à agir au nom du Comité des éleveurs et de ses membres. En conséquence, s'il était indéniable que Jouni et Eino Länsman étaient habilités à présenter une plainte en leur nom propre, le Comité a estimé que la communication était irrecevable en vertu de l'article premier du Protocole facultatif pour ce qui concerne le Comité des éleveurs de Muotkatunturi et ses membres autres que Jouni et Eino Länsman.

6.2 En ce qui concerne l'épuisement des recours internes, le Comité a noté qu'après l'arrêt de la Cour suprême en date du 22 juin 1995, il ne restait aucune voie de recours interne disponible pour contester la décision d'entreprendre des activités d'exploitation forestière dans les zones de Pyhäjärvi et Kirkko-outa (visées dans la communication précédente). En conséquence, il a considéré recevable l'argument des auteurs selon lequel l'exploitation de ces zones avait eu des conséquences pour l'exercice de l'article 27 plus graves que ne l'avaient prévu les tribunaux finlandais lors des procédures correspondantes et le Comité lui-même dans ses constatations concernant la communication no 671/1995.

6.3 De même, le Comité a noté que la zone de Kippalrova, où il était prévu d'entreprendre de nouvelles opérations d'exploitation forestière, faisait également partie de la zone couverte par l'arrêt de la Cour suprême du 22 juin 1995. Il ne semble donc plus exister de recours pour faire réexaminer cette décision. En conséquence, le Comité a estimé que la partie de la communication relative à la proposition d'exploiter cette zone était recevable.

6.4 Pour ce qui est de l'exploitation, en 1998, de la zone de Paadarskaidi (à laquelle ne s'applique pas l'arrêt de la Cour suprême), le Comité a noté que les juridictions internes auxquelles l'État renvoie avaient toutes eu à se prononcer sur les conséquences pour l'exercice de l'article 27 des projets d'exploitation avant que ceux-ci ne soient mis à exécution. Dans ces conditions, la décision sur les effets prévus de l'exploitation forestière est nécessairement d'ordre spéculatif, seuls les événements ultérieurs permettant de déterminer dans quelle mesure les prévisions étaient justes. Le Comité a constaté que certaines des autres affaires citées par le conseil étaient également des contestations de projets d'exploitation forestière. Il a considéré que l'État partie n'avait pas montré quelles étaient les voies de recours internes qui étaient encore ouvertes aux auteurs pour demander à être indemnisés ou tenter d'obtenir réparation sous une autre forme pour les violations de l'article 27 découlant des opérations forestières passées. En conséquence, il a estimé que le grief relatif aux conséquences pour l'exercice de l'article 27 des activités forestières déjà menées dans la zone de Paadarskaidi était recevable.

6.5 En ce qui concerne les nouvelles opérations forestières prévues dans la zone de Paadarskaidi, le Comité a pris note de l'argument des auteurs selon lequel aucune action intentée devant les tribunaux finlandais en vue d'empêcher de telles activités n'avait jamais abouti. Tout en reconnaissant qu'il fallait se demander si des voies de recours étaient disponibles et utiles dans la pratique, le Comité a jugé que les renseignements dont il disposait concernant le nombre de procédures engagées, les arguments avancés et l'issue de ces procédures n'étaient pas suffisants pour lui permettre de conclure à l'inefficacité des recours cités par l'État partie et exercés auparavant par les auteurs. En conséquence, cette partie de la communication a été considérée irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.

6.6 Tenant compte de l'affirmation des auteurs selon laquelle ils ont été victimes d'une réduction non négligeable du nombre de rennes qu'ils sont autorisés à élever dans leurs zones de pâturage, le Comité a estimé que les parties de la communication qui n'avaient pas été jugées irrecevables pour incapacité de soumettre une communication ou le non-épuisement des recours internes avaient été étayées aux fins de la recevabilité.

6.7 Le 1er avril 2003, le Comité a déclaré la communication recevable en ce qui concerne les effets cumulés de l'exploitation forestière des zones de Pyhäjärvi, Kirkko-outa et Paadarskaidi, ainsi que des projets d'exploitation dans la zone de Kippalrova, sur l'exercice par Jouni et Eino Länsman des droits énoncés à l'article 27 du Pacte.


Observations de l'État partie sur le fond

7.1 Le 1er octobre 2003, l'État partie a présenté ses observations sur le fond et demandé au Comité de revoir sa décision concernant la recevabilité car les recours internes n'avaient pas été épuisés. Il rappelle que des questions complexes comme celle des effets présumés des activités d'exploitation forestière dans la présente affaire doivent et peuvent faire l'objet d'un examen approfondi, fondé, par exemple, sur des expertises et des témoignages, des inspections sur les lieux et des informations précises sur les circonstances locales. Il est peu probable que toutes les informations nécessaires puissent être obtenues ailleurs que devant les tribunaux nationaux. La présente affaire ne fait apparaître aucune circonstance particulière qui aurait pu exonérer les auteurs de l'obligation d'épuiser les recours internes disponibles. Ces derniers pouvaient intenter au civil une action en dommages-intérêts contre l'État devant un tribunal de district du premier degré et, si nécessaire, se pourvoir en appel devant la cour d'appel et, sous réserve d'obtenir l'autorisation de faire recours, devant la Cour suprême.

7.2 Sur le fond, l'État partie reconnaît que la communauté sami est une communauté ethnique au sens de l'article 27 et que les auteurs, en tant que membres de cette communauté, ont droit à une protection au titre de cette disposition. Se référant à la jurisprudence du Comité concernant l'article 27 du Pacte, (4) il reconnaît que le concept de culture au sens de l'article 27 englobe la renniculture en tant qu'élément essentiel de la culture sami.

7.3 L'État partie admet qu'au sens de l'article 27 le terme «culture» présuppose la protection des moyens de subsistance traditionnels des minorités locales, dans la mesure où ils sont essentiels à cette culture et indispensables à sa survie. Cela dit, on ne peut pour autant considérer toute mesure − ou les conséquences de cette mesure − qui modifie d'une certaine manière les conditions antérieures comme une atteinte prohibée au droit des minorités de jouir de leur propre culture. L'État partie se réfère à l'Observation générale du Comité relative à l'article 27, adoptée en avril 1994, dans laquelle il est reconnu que la protection des droits visée à l'article 27 a pour but d'assurer «la survie et le développement permanent de l'identité culturelle, religieuse et sociale des minorités concernées» (par. 9). Il invoque les motifs à la base des constatations du Comité dans l'affaire I. Länsman et consorts c. Finlande, (5) dans lesquelles le Comité a estimé qu'il était compréhensible que les États parties puissent souhaiter encourager le développement économique et favoriser l'activité économique et que des mesures ayant un certain effet limité sur le mode de vie de personnes appartenant à une minorité ne constituent pas nécessairement une violation de l'article 27.

7.4 L'État partie note que la zone visée dans la communication est propriété publique et relève du Service national des parcs et forêts qui a le pouvoir discrétionnaire d'exploiter des forêts et de construire des routes − compte dûment tenu des dispositions pertinentes de la législation nationale et des instruments internationaux. Selon l'État partie, la diligence voulue a été exercée dans toutes les opérations d'exploitation forestière exécutées dans des forêts du domaine public situés dans le nord de la Finlande. Ces dernières années, les abattages effectués visaient uniquement à éclaircir les forêts afin qu'elles croissent dans de bonnes conditions.

7.5 L'État partie souligne que le territoire où opèrent les membres du Comité des éleveurs de Muotkatunturi est vaste. Il est d'environ 248 000 ha, dont 16 100 ha de forêts (représentant environ 6 % des terres administrées par le Comité) sont utilisés aux fins des activités d'exploitation forestière menées sur des terres appartenant à l'État. En réalité les abattages ont été peu nombreux dans la région, la superficie des terres se prêtant à l'exploitation forestière représentant environ 1,2 % des terres administrées par le Comité. Les opérations accomplies sur ce territoire entre 1983 et 2001 ont porté sur 152 ha par an, alors que celles qui sont prévues pour la période allant de 2003 à 2012 porteraient sur 115 ha par an. Par rapport à la superficie totale des zones boisées, les activités passées et celles qui sont prévues sont de plus faible ampleur que celles qui ont été exécutées dans les forêts privées de la région. Alors que les éleveurs de rennes demandent que le Service national des parcs et forêts mette fin aux activités d'exploitation forestière dans les zones administrées par le Comité, ils n'ont pas réduit leurs propres activités d'exploitation forestière.

7.6 L'État partie dément que de nouvelles activités d'exploitation forestière soient prévues dans la région d'Angeli (Pyhäjärvi et Kirkko-outa) ou que de telles opérations aient déjà été effectuées ou soient prévues dans la région de Kippalrova. Il note qu'en ce qui concerne la partie recevable de la plainte portant sur la région de Paadarskaidi, le Service national des parcs et forêts ne s'est livré qu'à des abattages préparatoires sur une superficie d'environ 110 ha en 1998.

7.7 Les activités forestières menées dans la région de Pyhäjärvi en 1996 (170 ha) et en 1999 (abattages de régénération sur 60 ha) ainsi que les activités qui ont eu lieu à Kirkko-outa en 1998 (abattages de régénération sur 70 ha et éclaircies sur 200 ha) ont déjà été prises en compte par le Comité des droits de l'homme dans ses constatations du 22 novembre 1996. Le Comité avait alors examiné les activités d'exploitation forestière qui avaient déjà été menées à la date de la décision ainsi que celles qui étaient prévues dans la région d'Angeli. Selon cette décision, il n'y avait eu aucune violation de l'article 27 du Pacte. L'État partie note à cet égard que les abattages de régénération (300 ha) dans la région d'Angeli et les activités d'éclaircies (200 ha) ne représentent respectivement que 0,8 % et 0,5 % de la forêt administrée par le Comité des éleveurs de Muotkatunturi.

7.8 Pour ce qui est de l'impact de l'exploitation des forêts sur la renniculture, l'État partie note qu'il n'a pas été démontré que les effets des précédentes activités ont été plus importants que prévu. Il n'a pas non plus été prouvé que les activités d'exploitation forestière causeraient des dommages durables en empêchant les auteurs de continuer d'élever des rennes à la même échelle qu'à l'heure actuelle. Selon lui, les effets des activités forestières ne doivent pas être examinés dans le court terme ou pour différentes zones d'exploitation prises individuellement mais dans une perspective plus globale. Selon un communiqué du Finnish Game and Fisheries Research Institute (Institut finlandais de recherche sur la chasse et la pêche) en date du 31 janvier 2002, les activités visées dans la communication n'ont aucun effet négatif additionnel notable à long terme sur l'élevage du renne si le nombre de rennes reste approximativement le même. Vu l'état des zones de pâturage d'hiver, le nombre actuel de rennes est élevé.

7.9 L'État partie note qu'en raison de conditions naturelles difficiles dans la région administrée par le Comité des éleveurs de rennes, des dispositions visant à préserver la nature et l'environnement figurent, entre autres, à l'article 21 de la loi sur la renniculture qui dispose que le Ministère de l'agriculture et des forêts détermine le nombre maximum de rennes que le Comité des éleveurs peut garder ainsi que le nombre de rennes que peut posséder chaque membre du Comité. Pour déterminer le nombre maximum de rennes, le Ministère se fonde sur le paragraphe 2 de l'article 21 de la loi selon lequel le nombre de rennes dans les terres administrées par le Comité ne doit pas excéder la capacité des pâturages d'hiver.

7.10 Même après la réduction du nombre maximum de rennes par le Ministère de l'agriculture et des forêts en 1998/99 et 2000/01, ce nombre reste trois fois supérieur à celui qui était autorisé dans les années 70. En 1973, il ne dépassait pas 1 051 et le maximum était de 10 398 en 1990. L'État partie fait valoir que cette forte augmentation du nombre de rennes faisant partie de troupeaux dans les années 80 et 90 a nui aux pâturages d'hiver. Le grand nombre de rennes détenus par les éleveurs membres du Comité et les effets néfastes qui en résultent sur les terres utilisées pour l'élevage augmentent les besoins en nourriture d'appoint, portant ainsi préjudice à l'activité. L'État partie ajoute que, si l'on fait abstraction du nombre de rennes par troupeau, les difficultés des éleveurs et la détérioration des terres utilisées pour l'élevage s'expliquent davantage par d'autres formes d'utilisation de la forêt que par la foresterie. Pour l'État partie, la décision du Ministère concernant le nombre autorisé de rennes ne saurait à elle seule être considérée comme la preuve des effets de certaines activités d'exploitation forestière et représente plutôt la conséquence du nombre excessif de rennes constituant les troupeaux.

7.11 L'État partie affirme qu'il y a eu des contacts réguliers entre les autorités et le Comité des éleveurs sous la forme d'échanges de lettres, de négociations, et même des visites sur les lieux. Pour lui, que les terres appartiennent à l'État ou à un citoyen, les éventuelles restrictions découlant du droit des Samis, d'autres Finlandais ou de ressortissants d'autres États de l'espace économique européen de se livrer à la renniculture ne sauraient priver entièrement les propriétaires des terres de leurs propres droits. Il est également noté que les comités samis d'éleveurs de rennes ont souvent une composition mixte comprenant à la fois des Samis et d'autres Finlandais. Les dispositions applicables de la Constitution finlandaise reposent sur le principe selon lequel les deux groupes de la population sont, dans l'exercice de leur activité professionnelle, égaux devant la loi, et aucun des deux groupes ne peut être favorisé par rapport à l'autre, pas même dans le domaine de la renniculture.


Commentaires des auteurs

8.1 Dans leurs commentaires du 5 décembre 2003, les auteurs contestent l'affirmation de l'État partie selon laquelle ils peuvent intenter au civil une action en dommages-intérêts. Aux termes de l'article premier du chapitre 5 de la loi finlandaise de 1974 sur la responsabilité en cas de dommage et préjudice, «les dommages-intérêts constituent le moyen d'indemnisation du préjudice causé aux personnes et aux biens. Lorsque le préjudice ou le dommage a été causé par un acte puni par la loi ou dans l'exercice de l'autorité publique, ou dans d'autres cas, lorsqu'il y a des raisons impérieuses de procéder ainsi, les dommages-intérêts tiennent lieu également d'indemnisation pour une perte matérielle autre qu'un préjudice causé à une personne ou à des biens.». Le Service national des parcs et forêts, qui a causé le dommage, n'exerce pas d'autorité publique et les activités d'exploitation forestière ne constituent pas une infraction pénale. En conséquence, il ne peut y avoir de réparation en vertu de cette loi pour préjudice financier que s'il y a des «raisons impérieuses» justifiant l'octroi d'une indemnisation. L'application du concept de «raisons impérieuses» dans le cadre de la jurisprudence finlandaise a suscité des problèmes d'interprétation et «il n'est pas du tout évident que la disposition puisse être appliquée au préjudice subi par les auteurs». Quoi qu'il en soit, une action en justice à cet effet serait laborieuse et aurait un coût prohibitif. Le procès pourrait durer plusieurs années.

8.2 Les auteurs contestent l'affirmation de l'État partie selon laquelle il n'a pas l'intention de procéder à des abattages dans la région de Kippalrova et fournissent une carte qui prouve le contraire. En octobre 2003, le Service national des parcs et forêts a annoncé qu'il préparait un autre plan d'abattage à Paadarskaidi.

8.3 Pour ce qui est des activités d'exploitation forestière entreprises dans l'ensemble du territoire, les auteurs affirment que la zone qui relève du Comité des éleveurs n'est pas une forêt homogène mais comprend différents types de pâturages. Bien que le Service national des parcs et forêts ne se livre à des activités forestières que dans une partie de la région administrée par le Comité, 35 % des pâturages forestiers se trouvant dans la zone de pâturage d'hiver et 48 % de ceux qui sont situés dans la zone de pâturage d'été font l'objet d'opérations d'exploitation forestière exécutées par les pouvoirs publics ou des propriétaires privés. Selon l'actuelle démarcation des terres destinées à l'exploitation forestière et les déclarations faites par le Service national des parcs et forêts, la zone en question sera tôt ou tard touchée par le processus d'abattage. Ce processus comprend un vaste éventail de mesures, dont même les moins envahissantes portent atteinte à l'élevage du renne. Neuf pour cent de l'ensemble des terres sur lesquelles opèrent les membres du Comité appartiennent à des particuliers qui ne sont pas soumis aux mêmes obligations que l'État en ce qui concerne l'élevage du renne.

8.4 Le Service national des parcs et forêts a invité le Comité des éleveurs à effectuer deux visites sur le terrain à Kippalvaara et Kippalrova en septembre 2001 et à Savonvaara-Pontikkamäki en janvier 2002, au cours desquelles les éleveurs se sont déclarés opposés aux propositions d'abattage faites par les pouvoirs publics. Les opérations ont néanmoins commencé dans la région de Savonvaara-Pontikkamäki (qui n'est pas couverte par la présente communication) au début du printemps de 2002. En octobre 2003, le Service national des parcs et forêts a annoncé d'ailleurs que les opérations d'abattage allaient avoir lieu dans cette région dans un avenir proche.

8.5 Pour ce qui est de la participation du Comité des éleveurs, il y a lieu de signaler que même si le Service national des parcs et forêts a organisé une audition à laquelle les membres du Comité et d'autres groupes intéressés pouvaient participer, il ne s'agissait en réalité que d'une simple opération de collecte d'opinions. Selon les auteurs, le Service national des parcs et forêts fixe les principes, les stratégies et les objectifs concernant les opérations d'exploitation forestière exclusivement en fonction de ses propres besoins; comme ses décisions ne sont pas sujettes à appel, aucune participation n'est en réalité assurée.

8.6 Pour ce qui est des effets des opérations d'exploitation, les auteurs se réfèrent à plusieurs enquêtes et études ainsi qu'à des rapports de comités établis dans le contexte de l'affaire Länsman qui témoignent selon eux des dommages considérables causés par les activités d'exploitation forestière. Un inventaire des ressources en lichen Alectoria effectué entre 1999 et 2000 sur le territoire où opèrent les membres du Comité des éleveurs de Laponie a confirmé qu'il restait très peu de lichen Alectoria dans les forêts exploitées et que les activités d'exploitation avaient causé des dommages considérables à l'élevage du renne. D'autres rapports − y compris différentes études suédoises publiées entre 1998 et 2000 − font état de résultats similaires. En outre, en essayant de déterminer le nombre maximum de rennes autorisé par troupeau, le Ministère finlandais de l'agriculture et des forêts a reconnu l'importance des pâturages d'hiver − lichen Alectoria et Deschampsia − pour les rennes et qu'en raison de l'exploitation forestière les ressources en lichen Alectoria avaient diminué.

8.7 Il est affirmé qu'étant donné que les rennes quittent les zones exploitées, la pression se fait plus forte sur le reste des pâturages. En d'autres termes, les effets de l'exploitation forestière vont au-delà des zones où celle-ci a lieu. Les auteurs font valoir qu'ils s'exercent sur le long terme et pratiquement de façon permanente et que les mesures utilisées causent de nouveaux dommages, aggravent les dégâts existants et étendent la superficie des terres affectées. Depuis le commencement des activités d'exploitation forestière, l'accès des rennes aux pâturages d'hiver dans les régions de Pyhäjärvi et de Kirkko-outa est davantage conditionné par d'autres paramètres, y compris ceux résultant de phénomènes naturels tels qu'un épais manteau neigeux, des printemps plus tardifs et une augmentation du nombre de prédateurs, en particulier des loups.

8.8 Pour ce qui est de l'argument de l'État partie selon lequel, d'après le Finnish Game and Fisheries Research Institute, «les abattages dont il est question dans la communication n'ont pas d'autres effets néfastes additionnels notables sur l'élevage du renne à long terme si le nombre de rennes reste approximativement stable», les auteurs font observer que l'État partie a oublié de mentionner la fin de l'avis qui se lit comme suit: «… et la détérioration des pâturages est compensée par l'utilisation de fourrages. Si, d'autre part, le but est de se livrer à un élevage faisant uniquement appel à des pâturages naturels, les activités d'exploitation forestière − même celles qui sont dites relativement bénignes − auront sur l'élevage du renne une incidence d'autant plus grande qu'il est déjà en difficulté pour d'autres raisons.». Les auteurs se réfèrent au point de vue du Comité des éleveurs des régions de Laponie et de Kemin-Sompio, qui ont déclaré par le passé que l'alimentation artificielle suscitait des inégalités et des conflits au sein du Comité et qu'elle était considérée comme une menace pour les traditions et la culture ancestrales samis en matière de renniculture. Ces dernières années, en raison du manque de pâturages d'hiver, les auteurs ont dû utiliser des fourrages artificiels qui doivent être financés sur d'autres sources de revenu que l'élevage du renne, ce qui porte atteinte à la rentabilité de ce moyen de subsistance.

8.9 Les auteurs reconnaissent qu'au cours des deux dernières années les pâturages naturels ont été abondants, ce qui a permis de réduire sensiblement les dépenses d'alimentation d'appoint et d'enregistrer un taux de survie des rennes qui a dépassé les espérances. En dépit de ces conditions, la rentabilité de l'élevage du renne ne s'est pas améliorée car les sociétés qui achètent la viande de renne ont réduit les prix de 30 % ainsi que le volume de leurs achats. En outre, l'État impose une amende si, par suite de mévente, le Comité des éleveurs dépasse le nombre maximum autorisé de rennes par troupeau.


Examen de la recevabilité

9.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication en tenant compte de tous les renseignements que lui ont fournis les parties, comme le prévoit le paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.

9.2 Pour ce qui est de la demande de l'État tendant à ce que la recevabilité soit réexaminée au motif que les auteurs n'ont pas intenté d'action en dommages-intérêts au civil et n'ont donc pas épuisé les recours internes, le Comité estime que, dans la présente affaire, où il est question des effets d'activités d'exploitation forestière menées dans le passé, l'État partie n'a pas montré qu'une action en dommages-intérêts constituait un recours utile permettant de traiter tous les aspects de la responsabilité qui incombe à l'État partie, en vertu de l'article 27 du Pacte, de protéger le droit des minorités de jouir de leur propre culture, et de faire valoir qu'il a été porté atteinte ou qu'il est actuellement porté atteinte à cette culture. Pour cette raison il n'a pas l'intention de réexaminer sa décision concernant la recevabilité.

9.3 Pour ce qui est de l'affirmation selon laquelle les effets néfastes des projets d'exploitation forestière dans la région de Kippalrova porteraient atteinte aux droits garantis par l'article 27, le Comité reconnaît que l'État partie s'est engagé dans ses observations quant au fond à ne se livrer à aucune activité d'exploitation forestière dans cette région; il considère donc qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les activités d'exploitation forestière que pourrait entreprendre l'État dans cette région à l'avenir.

9.4 Le Comité procède donc à l'examen quant au fond des allégations se rapportant aux effets des activités d'exploitation forestière passées dans les régions de Pyhäjärvi, de Kirkko-outa et de Paadarskaidi.


Examen quant au fond

10.1 Pour ce qui est des allégations concernant les effets des activités d'exploitation dans ces régions, qui font partie des terres où opèrent les membres du Comité des éleveurs de Muotkatunturi, le Comité note qu'il n'a pas été contesté que les auteurs sont membres d'une minorité au sens de l'article 27 du Pacte et ont à ce titre le droit de jouir de leur propre culture. Il n'est pas non plus contesté que l'élevage du renne est un élément essentiel de leur culture et que des activités économiques peuvent relever de l'article 27 du Pacte si elles constituent un élément essentiel de la culture d'une minorité ethnique. (6) L'article 27 exige qu'aucun membre d'une minorité ne soit privé du droit de jouir de sa culture. Des mesures qui ont pour effet de le priver de ce droit sont incompatibles avec les obligations énoncées à l'article 27. Toutefois, comme l'a noté le Comité dans ses constatations concernant la communication no 511/1992 (Länsman et consorts c. Finlande), des mesures qui n'ont que des effets restreints sur le mode de vie et les moyens de subsistance d'une personne appartenant à une minorité ne constituent pas nécessairement un déni du droit reconnu à l'article 27.

10.2 Le Comité rappelle que dans la précédente affaire (communication no 511/1992), qui portait sur les régions de Pyhäjärvi et Kirkko-outa, il n'a pas relevé de violation de l'article 27, mais a déclaré que si des activités d'exploitation forestière de plus vaste envergure que celles-ci qui sont déjà envisagées étaient approuvées, ou s'il pouvait être démontré que les effets des activités d'exploitation forestière déjà envisagées étaient plus graves que prévu, il y aurait lieu d'examiner la question de savoir s'il y a une violation de l'article 27. À propos des effets des activités d'exploitation forestière, voire de toute autre activité de l'État partie sur la culture d'une minorité, le Comité note que l'empiètement sur le droit d'une minorité de jouir de sa propre culture, tel qu'il est énoncé à l'article 27, peut résulter de l'effet conjugué de plusieurs actes ou mesures entrepris par l'État partie sur une certaine période et dans plusieurs secteurs du territoire occupé par la minorité. Le Comité doit donc examiner les effets globaux de telles mesures sur la capacité de la minorité concernée de continuer à jouir de sa culture. En l'espèce et compte tenu des éléments qui ont été portés à son attention, il ne doit pas examiner les effets de ces mesures à un moment donné − immédiatement avant ou après l'adoption des mesures − mais leurs effets passés, présents et futurs sur la capacité des auteurs de jouir de leur culture en association avec d'autres membres de leur groupe.

10.3 Les auteurs et l'État partie ne sont pas d'accord sur les effets des activités d'exploitation forestière dans les zones en question. Ils expriment des avis divergents sur tous les faits intervenus depuis qu'il a été procédé à l'exploitation de forêts dans ces zones, y compris sur les raisons à la base de la décision du ministre tendant à réduire le nombre de rennes par troupeau: alors que les auteurs attribuent la réduction aux activités d'exploitation forestière, l'État partie fait état d'une augmentation générale du nombre de rennes qui met en péril l'élevage du renne pris globalement. Tout en notant que les auteurs se sont référés à un rapport du Finish Game and Fisheries Research Institute, selon lequel «les activités d'exploitation forestière − même celles qui sont dites relativement bénignes − auront sur l'élevage du renne une incidence d'autant plus grande» que cet élevage fait uniquement appel à des pâturages naturels (supra, 8.8), le Comité tient compte aussi du fait que non seulement ce rapport mais aussi de nombreux autres documents dont il a été saisi mentionnent d'autres facteurs selon lesquels l'élevage du renne reste une activité peu rentable. Il prend également en considération le fait qu'en dépit des difficultés le nombre total de rennes reste relativement élevé. Pour ces raisons, le Comité conclut qu'il n'a pas été démontré que les effets des activités d'exploitation forestière menées dans les régions de Pyhäjärvi, Kirkko-outa et Paadarskaidi sont d'une gravité telle qu'elles constituent un déni du droit des auteurs de jouir de leur propre culture en association avec d'autres membres de leur groupe, conformément à l'article 27 du Pacte.

11. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d'avis que les faits dont il est saisi ne font apparaître aucune violation de l'article 27 du Pacte.

___________________________

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]

** Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la communication: M. Abdelfattah Amor, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, Mme Christine Chanet, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Edwin Johnson, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Michael O'Flaherty, Mme Elisabeth Palm, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari-Yrigoyen, Mme Ruth Wedgwood et M. Roman Wieruszewski.


Notes

1. Communication no 671/1995.

2. Le paragraphe 10.1 contient ce qui suit: «La question sur laquelle [le Comité] doit se prononcer est de savoir si les activités d'exploitation forestière dans une zone couvrant approximativement 3 000 hectares du territoire du Comité des éleveurs de Muotkatunturi (dont les auteurs font partie) − celles qui ont déjà été menées et celles qui sont prévues − violent les droits que l'article 27 du Pacte confère aux auteurs.».

3. Voir par exemple Hartikainen c. Finlande (communication no 40/1978), décision adoptée le 9 avril 1981, JT c. Canada (communication no 104/1981), décision adoptée le 6 avril 1983, et Ominavak et consorts c. Canada, op. cit.

4. Constatations concernant les communications nos 167/1984 (B. Ominayak et membres de la bande du lac Lubicon c. Canada), 197/1985 (Kitok c. Suède) et 511/1992 (I. Länsman c. Finlande).

5. Supra.

6. Constatations concernant la communication no 197/1985 (Kitok c. Suède), adoptées le 27 juillet 1988, par. 9.2; constatations concernant la communication no 511/1992 (I. Länsman et consorts c. Finlande), adoptées le 26 octobre 1994, par. 9.2.

 



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