University of Minnesota



M. Brian John Lawrence Burgess c. Australia, Communication No. 1012/2001, U.N. Doc. CCPR/C/85/D/1012/2001 (2005).


 

GENERALE
CCPR/C/85/D/1012/2001
18 novembre 2005
FRANCAIS
Original: ANGLAIS

Communication No. 1012/2001 : Australia. 18/11/2005.
CCPR/C/85/D/1012/2001. (Jurisprudence)

Convention Abbreviation: CCPR
Comité des droits de l'homme
85ème session

17 octobre-3 novembre 2005

 

Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif

se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques

- Quatre-vingt-cinquième session -

 

Communication No. 1012/2001

 

 

Présentée par: M. Brian John Lawrence Burgess (représenté par Mauro Gagliardi et Fred John Ambrose de la Fédération internationale des droits de l'homme)
Au nom de: L'auteur et son épouse, Mme Jennefer Anne Burgess, et leurs enfants, Dustin, Luke et Malia Burgess

État partie: Australie

Date de la communication: 13 juillet 2001 (date de la lettre initiale)

 

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 21 octobre 2005,

Adopte ce qui suit:

 

Décision concernant la recevabilité

 

 

 

 

1.1 L'auteur de la communication est Brian John Lawrence Burgess, citoyen britannique né en Angleterre en 1952, qui a résidé en Australie de 1969 au 10 juillet 2000, date à laquelle il a été expulsé vers le Royaume-Uni. Il est représenté par Mauro Gagliardi et Fred John Ambrose de la Fédération internationale des droits de l'homme, lesquels ont présenté copie du mandat les autorisant à agir au nom de l'auteur.
1.2 Dans une lettre du 17 juillet 2001, l'auteur a présenté une demande de mesures provisoires visant à lui permettre de revenir dans l'État partie afin d'éviter qu'un préjudice irréparable ne lui soit causé à lui et à sa famille. La demande a été rejetée par le Rapporteur spécial du Comité pour les nouvelles communications le 18 juillet 2001.

1.3 Le 17 août 2001, les conseils ont également présenté la communication au nom de l'épouse de l'auteur, Jennefer Anne Burgess, de nationalité australienne, née en 1949, et de leurs enfants, Dustin, né en Australie le 29 mars 1983, ainsi que Luke et Malia, des jumeaux nés en Australie le 27 avril 1985, qui résident encore tous en Australie. Les conseils n'ont toutefois pas présenté de mandat émanant de l'auteur ou de l'épouse de celui-ci les autorisant à agir au nom de l'épouse et des enfants de l'auteur.

1.4 Les conseils déclarent que les membres de la famille sont victimes de violations par l'Australie (1) des articles 2, 3, 5, 7, 9, 10, 12, 13, 14, 16, 17, 23, 24 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le Pacte).

Exposé des faits

2.1 Le 2 septembre 1969, à l'âge de 17 ans, l'auteur a émigré en Australie dans le cadre du British Boy's Movement for Australia et a reçu un visa de résident permanent. Au début des années 70, il a épousé Jennefer Anne Burgess et ils ont eu trois enfants.

2.2 Au début du mois de juillet 1996, l'auteur a été arrêté. Le 24 octobre 1996, il a été reconnu coupable de deux chefs d'accusation pour «importation en quantité commercialisable de drogue interdite (cocaïne)», et condamné à une peine de prison de sept ans avec une durée incompressible de quatre ans, pour chacun des chefs d'accusation, les deux peines étant à purger concurremment. Pendant son séjour en prison, l'auteur a suivi un programme de travail préparatoire à sa libération.

2.3 Le 27 mars 1998, M. Burgess a reçu un avis d'intention d'annuler son visa émanant du Département de l'immigration. Le 16 mars 2000, après un entretien relatif à cet avis, le visa de M. Burgess a été annulé par le ministre en vertu de l'article 501 2) de la loi de 1958 sur l'immigration (2) (la loi), au motif qu'il avait des «antécédents judiciaires importants» au sens de l'article 501 6) a) (3) de la loi, et ne satisfaisait donc pas au critère de personnalité. Si une personne est réputée ne pas satisfaire au critère de personnalité, le ministre doit prendre sa décision compte tenu de diverses considérations telles que la protection de la société australienne, l'intérêt supérieur de l'enfant, etc. La décision du ministre était fondée sur un rapport établi par le responsable du dossier conformément à la loi sur l'immigration. Le rapport énumérait les principaux facteurs que le ministre devrait prendre en compte pour statuer sur le cas de l'auteur, et concluait que le seul facteur militant en faveur de l'annulation du visa était la gravité du délit de l'auteur. Les facteurs qui militaient contre l'annulation étaient le risque de récidive, considéré comme faible, et la situation très difficile qu'allaient connaître les enfants, l'épouse et l'auteur si le visa de M. Burgess était annulé et s'il était expulsé vers le Royaume-Uni.

2.4 Le 14 avril 2000, l'auteur s'est vu notifier l'annulation de son visa par le Département de l'immigration et des affaires multiculturelles. Cette notification était ainsi libellée: «le Ministre ayant statué personnellement sur votre cas, il ne vous est pas possible de faire appel de cette décision devant le Tribunal des recours administratifs. Toutefois, vous pouvez vous adresser à un avocat qui vous indiquera les autres voies de recours prévues par la loi qui pourraient vous être ouvertes».

2.5 Le 27 avril 2000, le ministre a refusé de reconsidérer sa décision du 16 mars au motif que l'article 501 2) ne conférait pas le pouvoir de revenir sur les décisions prises en vertu de cet article. Le 5 juillet, l'auteur a présenté à la Cour fédérale une demande de réexamen de la «décision» du ministre du 27 avril. La demande a été rejetée le 10 juillet au motif qu'il ne s'agissait pas d'une «décision», le ministre n'étant pas habilité à réexaminer une décision prise en vertu de l'article 501 2) de la loi.

2.6 Le 10 juillet 2000, M. Burgess a été placé en libération conditionnelle et, le même jour, expulsé vers le Royaume-Uni, après avoir vécu plus de 30 ans dans l'État partie. Le 23 août 2001, il a présenté, par l'intermédiaire de sa femme, une demande de visa pour conjoint, qui a été rejetée.

2.7 En ce qui concerne le critère de l'épuisement des recours internes, l'auteur affirme qu'il a épuisé les recours disponibles.

2.8 L'auteur déclare qu'il a présenté une requête à la Cour européenne des droits de l'homme, mais que cette requête est dirigée exclusivement contre le Royaume-Uni.

Teneur de la plainte

3.1 L'auteur affirme que son expulsion vers le Royaume-Uni l'empêche de vivre dans le pays qui a été le sien pendant toute sa vie d'adulte. En outre, il prétend que la cellule familiale a éclaté parce que son expulsion se traduit par une séparation permanente d'avec sa femme et ses enfants, qui sont restés en Australie et ne peuvent lui rendre visite pour des raisons financières.

3.2 L'auteur allègue en outre une violation des droits que lui reconnaît le Pacte parce qu'à son avis la décision du ministre a été arbitraire et a constitué un abus de son pouvoir discrétionnaire, du fait qu'elle a été prise au mépris des recommandations émanant du responsable du dossier qui a établi le rapport sur le cas de l'auteur.

3.3 L'auteur affirme que son expulsion représente une torture psychologique, à la fois pour lui, son épouse et ses enfants. Il fait valoir que, pendant qu'il purgeait sa peine, il a bénéficié de permissions de sortie d'une journée et d'un week-end, pendant lesquels il est resté exclusivement avec sa famille. Pendant ces moments-là, ses enfants ont pensé qu'il s'agissait d'un processus de retrouvailles avec la famille, mais ce n'était pas le cas. Il souligne également qu'on ne l'a pas autorisé à faire ses adieux à sa famille avant son expulsion.

3.4 L'auteur affirme être victime d'inégalité, car les arrêtés d'expulsion qui ne sont pas signés directement par le ministre peuvent faire l'objet d'un recours devant le Tribunal des recours administratifs, possibilité qui lui a été refusée, puisque la loi stipule que les arrêtés d'expulsion signés par le ministre sont «non susceptibles de recours». De plus, l'auteur affirme qu'en sa qualité de citoyen britannique arrivé en 1969 il entre dans une catégorie, définie par la High Court (Cour suprême) dans son arrêt Patterson, (4) de personnes qui ne peuvent être expulsées car elles ne peuvent être considérées comme «étrangères» au sens de la Constitution australienne et ne sont par conséquent pas visées par la loi sur l'immigration. L'auteur considère qu'il a reçu un traitement inégal par rapport à d'autres personnes arrivées avant 1973, dont l'arrêté d'expulsion a été annulé par la Cour suprême pour ce motif.

3.5 Enfin, l'auteur affirme qu'il a été puni deux fois pour le même délit.

Observations de l'État partie sur la recevabilité et le fond de la communication et commentaires de l'auteur

4.1 Le 11 mars 2002, l'État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication. Il considère que l'intégralité de la communication est irrecevable ratione personae dans la mesure où elle est prétendument présentée au nom de Mme Burgess et des enfants Burgess alors que ceux-ci n'ont pas donné mandat pour agir en leur nom. Il fait observer que rien n'indique que Mme Burgess ou l'un quelconque des enfants du couple aient donné aux conseils mandat pour agir en leur nom. S'agissant des enfants, rien n'indique que M. ou Mme Burgess ait autorisé les représentants à agir au nom des enfants Burgess qui n'ont pas la capacité de donner eux-mêmes une telle autorisation (l'Australie note toutefois qu'étant donné leur âge les trois enfants peuvent donner leur consentement s'ils le souhaitent). Selon l'État partie, pour que la communication soit recevable à l'égard de Mme Burgess et des trois enfants, les conseils auraient dû fournir la preuve:

· Que Mme Burgess et soit M. ou Mme Burgess au nom des enfants, soit l'un quelconque des enfants personnellement, ont autorisé les conseils à agir en leur nom; ou
· Que les conseils ont avec Mme Burgess et les enfants des liens suffisamment étroits pour justifier qu'ils agissent en leur nom sans autorisation expresse et que les circonstances l'exigent.

L'État partie affirme que les conseils n'ont apporté aucune preuve à cet effet, alors qu'ils étaient pleinement conscients de cette exigence, puisqu'ils ont présenté le mandat donné par M. Burgess.
4.2 L'État partie considère en outre que la communication est irrecevable pour non-épuisement des recours internes en ce qui concerne la décision d'annuler le visa de l'auteur et son expulsion vers le Royaume-Uni. Il fait valoir que l'auteur affirme à tort que la décision du ministre d'annuler son visa et de l'expulser était «non susceptible d'appel», et que, si la décision ne pouvait pas être réexaminée par le Tribunal des recours administratifs, sa légalité aurait pu être attaquée devant la Cour fédérale ou la Cour suprême (High Court) d'Australie. Ces recours étaient disponibles, connus de l'auteur et de ses conseils et auraient constitué une voie de recours utile pour corriger tout vice éventuel entachant la décision du ministre. Mais l'auteur n'a pas formé ces recours dans les délais légaux fixés par la loi sur l'immigration.

4.3 De surcroît, l'auteur aurait pu se prévaloir des recours constitutionnels pour demander un réexamen juridictionnel de la décision du ministre par la Cour suprême (High Court) dans sa compétence originelle, pour demander l'autorisation d'engager une procédure devant la Cour suprême pour attaquer la décision d'annuler son visa et de l'expulser d'Australie, et pour former un recours en habeas corpus contre l'Australie devant la Cour suprême. Il n'a pas été démontré que ces recours n'étaient pas disponibles ou auraient été dépourvus d'effet.

4.4 L'État partie estime que, hormis l'allégation de violation du paragraphe 1 de l'article 9 à l'égard de M. Burgess, toutes les allégations formulées dans la communication sont irrecevables au titre de l'article 3 du Protocole facultatif pour incompatibilité avec les dispositions du Pacte. Plusieurs allégations sont irrecevables en vertu de l'article premier du Protocole facultatif à l'égard de certains membres de la famille du fait qu'ils ne peuvent être considérés comme victimes des violations alléguées. Enfin, l'État partie estime que l'intégralité de la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif parce qu'aucune des allégations n'est étayée.

4.5 Sur le fond, l'État partie fait valoir que les allégations sont dénuées de fondement car les preuves fournies manquent de précision et de pertinence et ne sont pas suffisantes pour permettre d'examiner le bien-fondé des allégations de violation. Pour ce qui est d'une possible violation de l'article 7 et des allégations de «torture psychologique», l'État partie indique que l'auteur a été informé qu'il serait expulsé d'Australie à sa libération de prison, environ trois mois avant cette libération, et qu'il avait un droit de visite pendant cette période. En outre, l'auteur savait qu'à l'aéroport, avant le départ, il ne serait pas dans la zone ouverte au public. Il avait donc la possibilité de faire ses adieux à sa famille en prison bien avant sa libération. Quant à l'allégation selon laquelle l'expulsion de l'auteur constitue une «torture psychologique», l'État partie fait valoir que la manière dont il a traité la famille Burgess ne comportait aucun des éléments définissant la torture, à savoir l'élément intentionnel, l'accomplissement de certaines fins et/ou une douleur ou des souffrances aiguës, et que ce traitement a été raisonnable et conforme aux lois sur l'immigration de l'État partie. Quant au fait d'avoir expulsé l'auteur d'Australie après lui avoir permis de sortir de prison pour rendre visite à sa famille pendant une journée ou un week-end, l'État partie estime que tous les droits reconnus à l'auteur en tant que prisonnier ont été respectés; cela ne constitue pas une violation de l'article 7.

4.6 Concernant l'allégation de violation de l'article 9, l'État partie déclare que l'auteur a été traité conformément aux procédures établies par la loi (loi sur l'immigration), et que son expulsion découle directement de son statut de non-citoyen en situation irrégulière, conformément à l'article 189 de cette loi. La pratique consistant à mettre en rétention les non-ressortissants en situation irrégulière en attente d'expulsion est raisonnable, nécessaire et proportionnée aux objectifs visés, et l'auteur n'a pas fait l'objet d'une détention arbitraire. La décision du ministre n'était pas contraire à la recommandation des fonctionnaires du Département, puisque le rapport remis au ministre dont a parlé l'auteur ne contenait aucune recommandation. Enfin, l'État partie déclare que sa législation sur l'immigration n'est pas arbitraire en soi, et qu'elle n'a pas été appliquée de manière arbitraire en l'espèce.

4.7 Concernant l'article 10, l'État partie indique qu'il n'est pas affirmé dans la communication que l'auteur a été détenu. L'État partie souligne que l'auteur a été placé en rétention pendant environ une heure à l'aéroport avant d'embarquer, et qu'il a été traité avec humanité pendant cette période.

4.8 Concernant le paragraphe 1 de l'article 12, l'État partie note que l'auteur ne séjournait pas légalement en Australie au moment de son expulsion, puisqu'il était devenu un non-ressortissant en situation irrégulière à la suite de l'annulation de son visa décidée conformément à la loi. Si l'on se réfère au paragraphe 3 de l'article 12, qui énonce un certain nombre d'exceptions aux droits institués par le paragraphe 1 du même article, notamment des restrictions «prévues par la loi», la rétention de l'auteur et son expulsion entrent dans le cadre de cette disposition. Pour ce qui est du paragraphe 4 de l'article 12, l'État partie considère que les liens de l'auteur avec l'Australie n'ont pas les caractéristiques requises pour qu'il puisse affirmer qu'il s'agit de son pays aux fins de cette disposition. En particulier, sa situation ne donne pas naissance aux liens spéciaux et aux prétentions particulières décrits dans l'affaire Stewart c. Canada. (5)

4.9 Concernant l'article 13, l'État partie déclare que l'auteur ne séjournait pas légalement en Australie au moment de son expulsion vers le Royaume-Uni, que la décision de l'expulser a été prise conformément à la loi australienne et que l'auteur avait la possibilité de demander le réexamen de cette décision.

4.10 Concernant l'article 14, l'État partie relève que l'auteur n'affirme pas que son arrestation et son emprisonnement pour importation de drogues aient constitué une violation de l'un quelconque des droits garantis par le Pacte. L'État partie souligne en outre qu'une décision concernant le droit pour un étranger de demeurer sur le territoire d'un État partie ne relève pas du paragraphe 1 de l'article 14, car il s'agit d'une procédure qui ne concerne ni la détermination du bien-fondé d'une accusation en matière pénale ni la détermination des «droits et obligations de caractère civil». L'auteur a eu droit aux garanties de procédure en ce qui concerne la décision d'annuler son visa et l'État partie souligne que l'allégation selon laquelle la décision du ministre n'était pas susceptible d'appel est erronée, car l'auteur avait la possibilité de demander le réexamen de la légalité de cette décision soit devant la Cour fédérale soit devant la Cour suprême (High Court).

4.11 Pour ce qui est de l'allégation de violation de l'article 17, l'État partie affirme qu'exiger d'un membre d'une famille qu'il quitte l'Australie tout en permettant aux autres de rester ne constitue pas nécessairement une «immixtion» dans la vie de famille de la personne expulsée ou de ceux qui restent. Selon lui, l'article 17 vise à protéger la vie privée des individus et les relations personnelles au sein d'une famille. L'expulsion de l'auteur ne visait pas à porter atteinte aux relations entre les membres de la famille. Le fait que ceux-ci ne puissent rester ensemble en Australie en ce moment précis ne constitue pas automatiquement une immixtion, et il appartient aux autres membres de la famille de décider s'ils veulent continuer à vivre en Australie ou se rendre ailleurs pour rejoindre l'auteur. L'État partie fait valoir que, si le Comité conclut que l'expulsion de l'auteur constitue une immixtion, cette dernière ne serait ni «illégale» ni «arbitraire». L'expulsion s'est effectuée conformément à la loi australienne. L'État partie renvoie à ses observations sur l'article 9 et donne des explications détaillées à l'appui de son affirmation selon laquelle la famille Burgess n'a pas fait l'objet d'immixtions arbitraires, mais d'un traitement qui est raisonnable, nécessaire, approprié, prévisible et proportionné aux buts recherchés, compte tenu des circonstances.

4.12 L'État partie fait valoir que le paragraphe 1 de l'article 23 n'empêche pas la détention et l'expulsion d'un étranger en situation irrégulière conformément à la législation interne australienne. Les obligations contractées par l'Australie concernant la protection de la famille ne lui enlèvent pas la possibilité d'expulser un étranger en situation irrégulière seulement parce que cette personne a fondé une famille comportant des ressortissants australiens. L'article 23 doit être lu à la lumière du droit reconnu à l'État partie, en droit international, de contrôler l'entrée, le séjour et l'expulsion des étrangers. L'État partie ajoute que l'expulsion de l'auteur est due à la gravité de son comportement délictueux en Australie, et que l'État partie quant à lui a pris des mesures raisonnables pour assurer l'intégrité de son programme d'immigration et protéger la société australienne des effets des drogues interdites. La situation actuelle est due au comportement de l'auteur lui-même, et non au manquement par les autorités australiennes à l'obligation de protéger la cellule familiale.

4.13 Pour ce qui est de l'article 26, l'État partie prend pour hypothèse que l'allégation de violation de cet article porte sur la garantie d'égalité devant la loi qui aurait été violée par la décision d'annuler le visa de l'auteur. L'État partie renvoie à ses observations sur l'article 9 et fait valoir que la décision d'annuler le visa de l'auteur n'était pas arbitraire, mais raisonnable et nécessaire, appropriée, prévisible et proportionnée aux buts recherchés, comme en attestent les facteurs suivants:

· La manière dont l'auteur a été traité était conforme aux procédures établies par le droit interne;
· L'auteur ne satisfaisant pas, à l'évidence, au critère de personnalité prescrit à l'article 501 de la loi sur l'immigration, en raison de ses antécédents judiciaires, cela signifiait qu'il était raisonnable et prévisible que son visa soit annulé malgré le fait qu'il ait fondé une famille en Australie;

· La décision était fondée sur un examen attentif de tous les éléments pertinents, notamment les antécédents judiciaires de l'auteur, son comportement depuis son arrivée en Australie, la nécessité de protéger la société australienne des drogues interdites, les attentes de la société australienne, l'effet dissuasif d'une décision d'annuler le visa de l'auteur sur d'autres non-ressortissants susceptibles de tomber dans la délinquance, les intérêts de Mme Burgess et des enfants Burgess ainsi que les obligations internationales de l'Australie.

4.14 Pour ce qui est des violations des articles 2, 3, 5, 14 (par. 2 à 7), 16, 23 (par. 2 à 4) et 24, l'État partie présente des arguments détaillés pour réfuter ces allégations jugées soit irrecevables soit dénuées de fondement.
5. Le 8 juin 2004, les conseils ont informé le Comité qu'ils n'avaient aucun commentaire à faire sur les observations de l'État partie.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 93 de son règlement intérieur, décider si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même question n'était pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

6.3 En ce qui concerne la question de la qualité pour agir, le Comité note l'affirmation de l'État partie selon laquelle la communication devrait être déclarée irrecevable ratione personae à l'égard de Mme Burgess et des trois enfants. Il ressort de la lecture du dossier qu'après avoir reçu la lettre initiale, le 19 juillet 2001, le secrétariat a demandé aux conseils, dans les termes suivants, «de fournir […] une autorisation écrite émanant de M. Burgess lui-même ou des membres de sa famille si vous souhaitez qu'ils soient considérés comme auteurs». Le 26 juillet, les conseils ont présenté au Comité un mandat les autorisant à agir uniquement au nom de M. Burgess. (6) Le Comité note que les représentants des auteurs ont présenté un mandat pour agir au nom de M. Burgess seulement, mais qu'en août 2001 ils ont inclus dans la communication Mme Burgess et les trois enfants, sans autorisation. Il constate également que les conseils n'ont pas souhaité formuler de commentaires concernant l'observation de l'État partie selon laquelle ils n'étaient pas habilités à représenter Mme Burgess et les enfants. Rien dans le dossier dont dispose le Comité en ce qui concerne les plaintes formulées au nom de Mme Burgess et des enfants ne montre que Mme Burgess ait donné mandat à un conseil pour la représenter, ni que M. ou Mme Burgess ou leurs enfants aient autorisé un conseil à représenter les enfants. Le Comité considère que les conseils n'avaient pas qualité pour représenter devant le Comité Mme Burgess et Dustin, Luke et Malia Burgess et déclare par conséquent que la partie de la communication contenant les allégations de violation des droits de ces derniers est irrecevable en vertu de l'article premier du Protocole facultatif.

6.4 Pour ce qui est de l'observation de l'État partie selon laquelle l'auteur n'a pas épuisé les recours internes, parce qu'il n'a pas fait appel de la décision du ministre d'annuler son visa devant la Cour fédérale ou la Cour suprême (High Court) d'Australie dans les délais prescrits par la loi sur les migrations, et en l'absence de commentaire de la part de l'auteur sur l'existence et l'utilité de ces recours en l'espèce, le Comité considère que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes mentionnés par l'État partie et que, par conséquent, la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.

7. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide:

a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 1er et du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif;

b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et à l'État partie.

 

___________________________

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]

* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la communication: M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M. Alfredo Castillero Hoyos, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Edwin Johnson, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Michael O'Flaherty, Mme Elisabeth Palm, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Hipólito Solari-Yrigoyen, Mme Ruth Wedgwood et M. Roman Wieruszewski.

Conformément à l'article 90 du Règlement intérieur du Comité, M. Ivan Shearer n'a pas participé à l'adoption de la présente décision.

Notes

1. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour l'État partie le 13 novembre 1980 et le 25 décembre 1991, respectivement.

2. L'article 501 2) de la loi dispose que «Le Ministre peut annuler un visa déjà délivré à une personne si:

a) Le Ministre a des raisons de soupçonner que cette personne ne satisfait pas au critère de personnalité; et si

b) La personne ne convainc pas le Ministre qu'elle peut satisfaire au critère de personnalité.».

3. Aux termes de l'article 501 6) a), «une personne ne satisfait pas au critère de personnalité (entres autres) si:

a) Elle a des antécédents judiciaires importants (selon la définition du paragraphe 7)».

Selon le paragraphe 7, «une personne a des antécédents judiciaires importants (entre autres) si:

c) Elle a été condamnée à une peine de prison de 12 mois ou davantage; ou si

d) Elle a été condamnée à deux peines de prison ou davantage (en une ou plusieurs fois) et que le total des peines prononcées est égal ou supérieur à deux ans».

4. Le Conseil se réfère à l'arrêt de la High Court (Cour suprême) d'Australie rendu le 6 septembre 2001 (Re: Patterson (défendeur); ex parte Taylor (demandeur) S165/2000).

5. L'État partie se réfère à la communication no 538/1993, Charles Stewart c. Canada, constatations adoptées le 1er novembre 1996.

6. Le mandat, daté du 1er février 2001, est libellé comme suit: «Par la présente, je soussigné, Brian John Lawrence Burgess, […] désigne Mauro Gagliardi et Fred John Ambrose, de la Fédération internationale des droits de l'homme, et les autorise à me représenter et à faire valoir en mon nom toutes prétentions et allégations de violations des droits qui me sont garantis en vertu des divers pactes des Nations Unies et des articles […] concernant les mesures prises à mon encontre par le Gouvernement australien […].».

 

 



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