University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, United Republic of Tanzania, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.12 (1992).


 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations du Comité des droits de l'homme

REPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE


1. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la Tanzanie (CCPR/C/42/Add.12) à ses 1188ème, 1189ème et 1190ème séances, tenues les 20 et 21 octobre 1992, et a adopté* les observations suivantes :

A. Introduction

2. Le Comité félicite l'Etat partie pour son excellent rapport qui non seulement fait mention des lois et règlements pertinents, mais donne des renseignements détaillés sur les mesures prises effectivement ainsi que sur les facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte. Le Comité note avec satisfaction que les lacunes existant sur le plan législatif sont évaluées en toute sincérité compte tenu des observations générales adoptées à ce sujet par le Comité. Le Comité regrette toutefois que le rapport ait été présenté environ cinq années après l'expiration du délai fixé et espère que, grâce à l'expérience ainsi acquise, de tels retards ne se reproduiront pas.

3. Le Comité fait observer que les réponses de la délégation aux nombreuses questions posées par les membres du Comité ont grandement facilité l'examen du rapport et favorisé l'instauration d'un dialogue constructif.

B. Aspects positifs

4. Le Comité accueille favorablement les mesures prises par l'Etat partie et les progrès appréciables réalisés dernièrement sur la voie de la démocratisation, la Tanzanie devrait pouvoir ainsi être dotée d'un cadre juridique plus efficace pour assurer l'application effective du Pacte. Le Comité note aussi avec satisfaction qu'une charte des droits a été incluse dans la Constitution, que le multipartisme est désormais reconnu et que des élections législatives (à l'Assemblée nationale) et présidentielles auxquelles participeront plusieurs formations sont prévues pour la première fois, et enfin que le pouvoir judiciaire devrait jouer un rôle plus important dans la protection des droits de l'homme.

C. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

5. Le Comité note que les politiques d'ajustement culturel ont pu avoir un effet préjudiciable sur certains aspects de la démocratisation dans la mesure où elles tendent à restreindre les ressources disponibles pour l'application des réformes. Cependant, le Comité souligne que cela ne dispense pas l'Etat partie d'appliquer pleinement et effectivement le Pacte.

D. Principaux sujets de préoccupation

6. Le Comité se félicite de l'ample mouvement de réformes politiques et juridiques qui est en cours, mais il constate que la transition vers une démocratie véritable est loin d'être achevée. Il convient de combler un certain nombre de lacunes en ce qui concerne la législation en vigueur et les garanties énoncées dans le Pacte. Le Comité insiste sur la nécessité de veiller avant tout, en revoyant la législation nationale existante et en formulant de nouvelles lois et de nouveaux règlements administratifs, à ce que ces textes soient compatibles avec les dispositions du Pacte.

7. Le Comité s'inquiète de ce que la place faite au Pacte dans la législation nationale n'apparaît pas clairement, notamment dans les cas où il pourrait y avoir conflit entre le Pacte et la Constitution. A cet égard, l'article 32 de la Constitution concernant l'état d'urgence ne permet manifestement pas de remplir les obligations internationales qui incombent à l'Etat partie en vertu de l'article 4 du Pacte, aux termes duquel il ne peut être dérogé à certains droits fondamentaux, en particulier le droit à la vie.

Le Comité estime que les motifs permettant de déclarer l'état d'urgence sont trop étendus et que les pouvoirs extraordinaires du Président en cas d'urgence sont trop vastes. En outre, d'autres dispositions de la Constitution sont incompatibles avec le Pacte, notamment l'article 30 1) qui prévoit toute une série de limitations aux droits et libertés et l'article 25 qui autorise le travail forcé.

8. Le Comité juge également préoccupants l'absence de statistiques sur l'application de la peine de mort, les pouvoirs extraordinaires accordés au Président concernant la détention provisoire, l'importance des retards dans les procédures pénales, la limitation du droit de réunion pacifique que constitue l'obligation d'obtenir une autorisation préalable des autorités locales, l'insuffisante diffusion du Pacte, qui peut empêcher le public d'être informé de la protection assurée par cet instrument, la persistance de l'inégalité en ce qui concerne la condition de la femme, et le maintien des châtiments corporels que le Comité considère comme faisant partie des traitements inhumains et dégradants.

9. En outre, le Comité craint que certains aspects du droit coutumier toujours appliqués par de nombreuses juridictions inférieures ne soient pas conformes aux dispositions du Pacte.

E. Suggestions et recommandations

10. Le Comité recommande à l'Etat partie de se doter d'une base juridique claire permettant de donner pleinement effet aux dispositions du Pacte. Il suggère, en outre, de promulguer une loi prévoyant l'annulation du droit coutumier dans les cas où il est incompatible avec les dispositions du Pacte.

11. Le Comité recommande que les dispositions de la Constitution et des textes législatifs nationaux non conformes au Pacte soient modifiées. Il suggère, en particulier, de procéder à un profond remaniement complet des dispositions portant sur l'état d'urgence pour les rendre entièrement compatibles avec les divers aspects de l'article 4 du Pacte. Le Comité affirme que la pratique responsable de la liberté d'expression joue un rôle essentiel dans la transition vers la démocratie et recommande à l'Etat partie de veiller à ce que l'exercice de ce droit ne soit en rien entravé. Des mesures devraient être prises aussi pour garantir la liberté de réunion sans l'obligation d'obtenir une autorisation préalable ou sans autres restrictions susceptibles de compromettre la liberté en question, alors que l'ordre public n'est pas nécessairement menacé. Une surveillance active et soutenue est nécessaire pour assurer le respect effectif des garanties démocratiques qui ont récemment été incorporées dans la législation. A cet effet, le Comité estime qu'un pouvoir judiciaire efficace et indépendant est indispensable et recommande que des mesures allant dans ce sens soient prises en vue de le renforcer.

12. Le Comité estime qu'il faudrait s'employer activement à faire connaître largement les dispositions du Pacte au public et en particulier aux membres du pouvoir judiciaire et des professions juridiques et autres qui sont le plus directement concernés par l'application de cet instrument. Les deux pactes devraient être traduits dans la langue nationale, le swahili, et inclus dans les programmes d'enseignement à tous les niveaux. Enfin, le Comité se félicite de ce que des progrès aient été réalisés en vue d'assurer l'égalité deschances pour les femmes mais il note que la situation justifie encore des améliorations, en ce qui concerne notamment les droits en matière de propriété et de succession et les questions ayant trait à l'autorité parentale.


* A la 1203ème séance (quarante-sixième session), le 5 novembre 1992.



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