University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Senegal, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.10 (1992).


 

 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 40 DU PACTE


Observations du Comité des droits de l'homme


Sénégal

1. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Sénégal (CCPR/C/64/Add.5) à ses 1179ème, 1180ème et 1181ème séances, les 20 et 21 octobre 1992 et a adopté à la 1203ème séance (quarante-sixième session), le 5 novembre 1992, les observations suivantes :


A. Introduction

2. Le Comité remercie sincèrement l'Etat partie de son troisième rapport périodique qui a été établi conformément aux directives du Comité et montre que l'application des dispositions du Pacte a progressé. Certes, le rapport est centré davantage sur les lois et règlements administratifs que sur la mise en oeuvre effective des dispositions du Pacte et il ne contient guère de renseignements sur les difficultés et les obstacles auxquels se heurte cette mise en oeuvre mais, en répondant de façon détaillée aux questions posées par des membres du Comité, la délégation sénégalaise s'est efforcée de compléter le rapport écrit. Les informations tant écrites qu'orales fournies par l'Etat partie ont permis au Comité de procéder à une évaluation réaliste de la situation des droits de l'homme au Sénégal.


B. Aspects positifs

3. Le Comité note avec satisfaction les progrès accomplis dans la mise en oeuvre des dispositions du Pacte au Sénégal. Au nombre des innovations positives qui ont été opérées en vue de renforcer la protection des droits de l'homme depuis l'examen du deuxième rapport périodique en 1987, le Comité relève en particulier l'adoption de nouvelles dispositions législatives ou d'amendements à la législation existante, plus conformes au Pacte international relatif aux droits civils et politiques; la réorganisation de l'appareil judiciaire, notamment la création du Conseil d'Etat, de la Cour suprême et du Conseil constitutionnel, la suppression de la Cour de sûreté de l'Etat et l'institution de la charge de médiateur. Le Comité note aussi l'adoption d'un nouveau code électoral; l'application pour la première fois de certaines dispositions du Pacte par des juridictions nationales; et l'étude approfondie par le gouvernement de l'Etat partie des observations et recommandations formulées par le Comité lors de l'examen du deuxième rapport périodique.


C. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

4. Le Comité note que pendant la période considérée, l'état d'urgence a été proclamé dans la partie méridionale du Sénégal (région de Casamance) et que plusieurs des droits énoncés dans le Pacte n'ont pas été respectés. En outre, la persistance de certaines coutumes et l'existence de lois périmées font que le Sénégal ne s'acquitte pas pleinement des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.


D. Principaux sujets de préoccupation

5. Le Comité ne souscrit pas à l'opinion du Gouvernement sénégalais selon lequel les dispositions du Pacte doivent être interprétées et appliquées compte tenu de la réalité du pays. Il est au contraire persuadé qu'il faut s'employer par tous les moyens à adapter cette réalité aux normes convenues à l'échelle internationale en matière de droits de l'homme. Il estime que certaines dispositions de la législation pénale ne sont pas conformes à l'article 6 du Pacte, surtout en ce qui concerne l'application de la peine de mort à des mineurs, ni à l'article 9 du Pacte, notamment dans la mesure où des suspects peuvent être détenus au secret pendant huit jours après leur arrestation et privés de la possibilité de communiquer avec un avocat. La passivité dont le gouvernement fait preuve lorsqu'il s'agit d'enquêter sans retard sur des allégations de mauvais traitements infligés à des détenus, de tortures et d'exécutions extrajudiciaires n'est pas compatible avec les dispositions des articles 7 et 9 du Pacte. De plus grands efforts sont aussi nécessaires pour assurer la protection adéquate des droits de l'homme lorsque l'état d'urgence est proclamé, afin que l'article 4 du Pacte soit pleinement respecté. Le Comité est d'avis que l'amnistie ne devrait pas être utilisée pour assurer l'impunité des agents de l'Etat responsables de violations des droits de l'homme, que toutes ces violations, en particulier la torture, les exécutions extrajudiciaires et les mauvais traitements infligés à des détenus, devraient faire l'objet d'enquêtes et que les personnes responsables de ces violations devraient être jugées et punies. En outre, le Comité est préoccupé par le fait que les femmes font encore l'objet de discrimination dans certains domaines.


E. Suggestions et recommandations

6. Le Comité recommande que les lois relatives à l'état d'urgence, à la protection du droit à la vie et à la peine de mort, au travail forcé, au traitement des détenus et à la possibilité de communiquer avec un avocat ainsi qu'à la liberté d'expression - en particulier aux restrictions imposées à l'exercice de ce droit par les journalistes - soient rendues conformes aux articles 4, 6, 8 et 19 du Pacte respectivement. Toute proclamation de l'état d'urgence doit être signalée en temps voulu au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies. Une action doit également être entreprise en vue d'éliminer les obstacles sociaux qui empêchent d'assurer réellement l'égalité entre les hommes et les femmes. Le Comité recommande en outre d'organiser des cours de formation à l'intention des membres de la police, du personnel militaire et des agents de la sécurité ainsi que des autres personnes responsables de l'application des lois afin de les familiariser avec les normes et principes fondamentaux en matière de droits de l'homme ainsi qu'avec les lois destinées à protéger ces normes et principes.

 

 



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