University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Ireland, U.N. Doc. A/55/40, paras. 422-451 (2000).


 


Convention Abbreviation: CCPR
Comité des droits de l'homme
Soixante-neuvième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DU PACTE


Observations finales du Comité des droits de l'homme

Irlande


422. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de l'Irlande (CCPR/C/IRL/98/2) à ses 1846ème, 1847ème et 1848ème séances (CCPR/C/SR.1846 à 1848), les 13, 14 et 15 juillet 2000. À sa 1858ème séance, le 21 juillet 2000, il a adopté les observations finales ci-après.
1. Introduction
423. Le Comité se félicite de l'excellente qualité du rapport de l'Irlande, document complet, répondant aux observations finales formulées par le Comité à l'issue de l'examen du rapport initial de ce pays et conforme dans son ensemble aux directives du Comité concernant l'établissement des rapports des États parties. Il accueille également avec satisfaction les renseignements complémentaires, oraux et écrits, présentés par la délégation de l'État partie au cours de l'examen du rapport; ces renseignements étaient très instructifs et ont favorisé les échanges entre le Comité et la délégation. Le Comité se félicite en outre de ce que le Gouvernement ait publié et largement diffusé ce rapport et se soit montré prêt à y associer des organisations non gouvernementales.

424. Rappelant ses observations antérieures, le Comité note avec satisfaction que le terrorisme a diminué et qu'en dépit des difficultés rencontrées l'État partie a su préserver la démocratie et la légalité.


2. Aspects positifs
425. Le Comité note avec intérêt que les tribunaux recourent de plus en plus au Pacte comme moyen d'interpréter la common law et les droits garantis par la Constitution et que plusieurs réserves émises au moment de la ratification du Pacte ont été levées.

426. Le Comité se félicite de l'adoption récente de la loi portant création d'une commission des droits de l'homme.

427. Le Comité se félicite de la création en 1997 du Comité interministériel permanent pour les droits de l'homme qui est chargé d'examiner tous les aspects des obligations internationales de l'Irlande en matière de droits de l'homme, y compris l'établissement de rapports à présenter en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, ainsi que du Comité permanent conjoint du Ministère des affaires étrangères/ONG. Il se félicite en outre des travaux du Groupe de révision de la Constitution, qui procède à un nouvel examen de la Constitution de 1937 afin de proposer les modifications nécessaires pour la rendre conforme, notamment, aux normes internationales relatives aux droits de l'homme.

428. Le Comité se félicite de ce que l'état d'urgence, déclaré en 1976, ait été levé en 1995 et que la loi sur les pouvoirs d'exception de 1976 ait cessé d'être applicable.

429. Le Comité se félicite de l'adoption de la loi sur la traite d'enfants et la pornographie de 1998 et de la loi sur les infractions sexuelles de 1996, qui autorise les poursuites pour des infractions commises à l'étranger. Il note par ailleurs avec satisfaction que les châtiments corporels sont désormais interdits dans les écoles publiques et privées.

430. Le Comité note avec satisfaction l'adoption du projet de loi sur la famille (divorce) de 1996, de la loi relative à la liberté de l'information de 1997 et de la loi sur l'assistance juridictionnelle en matière civile de 1995 qui prévoit d'offrir des services juridiques, à moindres frais ou gratuitement, aux personnes dont les moyens sont modestes, dans des centres juridiques implantés dans tout le pays.

431. Le Comité se félicite des initiatives prises dans le domaine de l'enseignement des droits de l'homme, à l'intention notamment des élèves des écoles primaires et secondaires, des policiers (membres de la Garda) et des membres des professions judiciaires.


3. Principaux sujets de préoccupation et recommandations
432. Le Comité reste préoccupé par le fait que tous les droits énoncés dans le Pacte ne sont pas garantis par le droit interne de l'État partie. En raison de l'absence de recours internes qui en découle, la Commission des droits de l'homme qui doit être créée ne pourra pas intervenir devant les tribunaux pour les faire appliquer.

433. L'État partie devrait garantir tous les droits et libertés reconnus dans le Pacte et offrir un recours utile à toute personne dont les droits et libertés ont été violés, conformément à l'article 2 du Pacte.

434. Le Comité se félicite de l'existence d'un organe chargé d'enquêter sur les plaintes mettant en cause des policiers – le Bureau des plaintes contre la Garda – mais regrette que cet organe ne soit pas entièrement indépendant et que l'instruction des plaintes contre la Garda soit souvent confiée à des membres de la Garda, sans consultation préalable du Bureau. Le Comité fait ressortir que la possibilité de saisir la justice en cas d'acte illicite de la part de la police ne supprime pas la nécessité de procéder à des enquêtes indépendantes et transparentes en cas de plaintes pour abus de pouvoir.

435. Le Comité recommande que, dans le cadre de la révision en cours de la loi sur les plaintes contre la Garda de 1986, l'État partie prenne des mesures afin de faire en sorte que le Bureau des plaintes contre la Garda puisse mener des enquêtes en toute indépendance vis-à-vis de la Garda. Il conviendrait d'envisager la création d'une charge de médiateur de la police. En cas de décès dû à l'intervention de membres de la Garda, l'État partie devrait veiller à ce que les plaintes soient instruites dans le cadre d'une enquête indépendante et publique.

436. La loi portant création du tribunal pénal d'exception ne précise pas clairement quelles sont les affaires qui doivent être portées devant lui, laissant à cet égard une large liberté d'appréciation au Directeur du parquet. Le Comité est également préoccupé de voir que la loi sur les atteintes à la sûreté de l'État est toujours en vigueur, que la durée de la détention sans chef d'accusation en vertu de cette loi a été prolongée, que les personnes soupçonnées d'être sur le point de commettre une infraction peuvent être appréhendées, et que la majorité des personnes arrêtées ne sont jamais inculpées. Il s'inquiète de ce que, dans les circonstances visées par la loi, le fait de garder le silence peut être considéré comme corroborant un élément de preuve. L'application de la loi soulève des problèmes de compatibilité avec l'article 9 et l'alinéa g) du paragraphe 3 de l'article 14 du Pacte. Le Comité déplore qu'une assistance juridictionnelle ne puisse être fournie qu'après l'inculpation.

437. Il conviendrait de prendre des mesures en vue de mettre fin à la compétence du tribunal pénal d'exception et de veiller à ce que toutes les procédures pénales soient conformes aux articles 9 et 14 du Pacte.

438. Le Comité relève avec préoccupation qu'en vertu de la loi sur la justice pénale (règlement relatif au trafic de drogues) un suspect peut être maintenu en détention sans chef d'inculpation pendant sept jours, ce qui est contraire au paragraphe 1 de l'article 9. Il est préoccupé aussi de constater que l'aide juridictionnelle n'est pas offerte entre le moment de la détention et le moment de l'inculpation et qu'elle ne s'étend pas aux personnes en détention.

439. L'État partie devrait veiller à ce que tous les aspects qui touchent à la détention, y compris la durée de la détention et la possibilité de bénéficier de l'aide juridictionnelle, soient pleinement conformes à l'article 9 du Pacte.

440. Le Comité recommande que la révision de la Constitution tienne pleinement compte des obligations qui incombent à l'État partie en vertu de l'article 4 du Pacte, notamment en ce qui concerne les dérogations autorisées.

441. Tout en relevant les nombreux progrès réalisés en ce qui concerne la participation des femmes à tous les aspects de la vie politique, sociale et économique, le Comité est préoccupé par les inégalités dont elles sont toujours victimes comme en témoigne le fait qu'elles sont sous-représentées dans certaines professions et dans la vie politique, et que leurs salaires sont généralement inférieurs à ceux des hommes. Le Comité s'inquiète aussi de ce que la façon dont il est fait référence à la femme au paragraphe 2 de l'article 41 de la Constitution risque de perpétuer des attitudes traditionnelles à l'égard du rôle des femmes. Dans ce paragraphe, il est dit que "l'État reconnaît que, par la vie dans son foyer, la femme donne à l'État un soutien sans lequel le bien commun ne peut être obtenu. À cet effet, l'État tentera d'empêcher que les nécessités économiques ne forcent les mères de famille à travailler en négligeant les devoirs de leur foyer".

442. Le Comité invite instamment l'État partie à tout mettre en œuvre afin de garantir l'égalité des femmes dans tous les domaines, en particulier dans la vie publique et dans la vie politique, et dans les organes de décision, conformément aux articles 3 et 26 du Pacte. Il l'incite à s'efforcer encore de surveiller la situation en ce qui concerne les femmes en rassemblant des données par sexe dans ces domaines et en s'assurant que tous les projets de loi sont dépourvus de préjugés sexistes.

443. Le Comité est préoccupé de voir que les exceptions prévues dans la loi sur l'égalité dans le domaine de l'emploi, qui autorise les instances religieuses qui dirigent des hôpitaux et des écoles à exercer dans certaines circonstances une discrimination fondée sur la religion à l'égard des personnes qu'elles recrutent et qui ne sont pas appelées à exercer des fonctions en rapport avec la religion, peuvent donner lieu à une discrimination contraire à l'article 26 du Pacte.

444. Le Comité est inquiet de voir que les conditions dans lesquelles les femmes peuvent avorter légalement se limitent au cas où la vie de la mère est en danger et ne prévoient pas, par exemple, les cas de grossesse faisant suite à un viol.

445. L'État partie devrait faire en sorte que les femmes ne soient pas obligées de mener des grossesses à terme lorsque c'est incompatible avec les obligations découlant du Pacte (art. 7 et Observation générale No 28).

446. Le Comité prend note des nombreuses améliorations apportées aux conditions carcérales, mais il recommande de poursuivre ces efforts afin que toutes les prisons et tous les centres de détention répondent aux normes minimales requises pour garantir le respect de la dignité des détenus et éviter le surpeuplement, conformément à l'article 10. L'autorité des prisons indépendante, envisagée dans un projet de loi, devrait avoir compétence pour examiner les plaintes d'abus de pouvoir émanant des prisonniers et être dotée des ressources nécessaires à cette fin.

447. En ce qui concerne les projets de modification de la législation concernant les demandeurs d'asile, l'État partie devrait s'assurer que les cas dans lesquels la détention est autorisée et le droit de contester devant les tribunaux la décision de mise en détention sont pleinement conformes aux dispositions de l'article 9 du Pacte. Il devrait également faire en sorte que les prescriptions relatives au lieu de résidence des réfugiés ne portent pas atteinte au droit à la liberté de mouvement garanti par l'article 12.

448. En ce qui concerne les gens du voyage, le Comité reste préoccupé par le faible niveau de vie des membres de cette communauté, leur faible participation à la vie politique et sociale du pays et le taux élevé de mortalité maternelle et infantile.

449. L'État partie est instamment invité à poursuivre ses efforts en vue de prendre des mesures positives visant à mettre fin à la discrimination et à garantir aux gens du voyage l'égalité des droits, et de faire en sorte en particulier qu'ils aient un meilleur accès aux services de santé, d'enseignement et de protection sociale, y compris au logement, et qu'ils participent davantage à la vie politique et à la vie publique. L'État devrait mettre en place résolument des programmes destinés à changer les mentalités et à favoriser une meilleure compréhension entre les gens du voyage et la population sédentaire (art. 26 et 27).

450. Le Comité recommande que les mesures complémentaires ci-après soient prises pour garantir la pleine application du Pacte :

a) lever les dernières réserves concernant le Pacte;

b) modifier les dispositions de la Constitution exigeant des juges qu'ils fassent une déclaration contenant une référence religieuse (art. 18);

c) prévoir le réexamen rapide, c'est-à-dire dans un délai de quelques jours, des placements en internement pour troubles mentaux (art. 9);

d) abroger ou modifier les éléments discriminatoires de la législation qui prévoit que l'étranger qui épouse une Irlandaise doit se faire enregistrer, ce qui n'est pas le cas pour l'étrangère qui épouse un Irlandais (art. 3 et 26);

e) garantir aux personnes handicapées sans discrimination le plein exercice des droits énoncés dans le Pacte, conformément à l'article 26; et

f) améliorer les voies de recours ouvertes aux victimes de la violence familiale.


4. Diffusion d'informations concernant le Pacte (art. 2)


451. Le Comité demande que le troisième rapport périodique soit soumis avant le 31 juillet 2005. Ce rapport devrait être établi conformément aux directives révisées adoptées par le Comité et faire une place particulière aux questions soulevées dans les présentes observations finales. Le Comité demande que les observations finales et le prochain rapport périodique fassent l'objet d'une large diffusion sur le territoire de l'État partie.

 



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