University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Iraq, U.N. Doc. A/47/40, paras. 182-218 (1991).


 

 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations du Comité des droits de l'homme



IRAQ


182. Le Comité a repris et achevé son examen du troisième rapport périodique de l'Iraq (CCPR/C/64/Add.6) de sa 1106e à sa 1108e séance, les 30 et 31 octobre 1991 (CCPR/C/SR.1106 à 1108). (Pour la composition de la délégation, voir annexe VIII.)

183. Dans son introduction, le représentant de l'Etat partie a appelé l'attention du Comité sur un certain nombre d'éléments nouveaux importants survenus en Iraq dans le domaine des droits de l'homme depuis l'examen de la première partie du rapport. Une bonne partie de la législation à laquelle le Comité avait trouvé à redire avait été abrogée. Le décret No 416 du Conseil du commandement de la révolution avait été suspendu, le Tribunal révolutionnaire avait été supprimé et un décret d'amnistie avait été adopté en faveur des personnes reconnues coupables de délits politiques, dont 187 avaient déjà bénéficié. De plus, une loi sur les partis politiques était entrée en vigueur le 16 septembre 1991. Un code des droits de l'homme énonçant les dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ainsi que celles de la législation iraquienne était en préparation; il devait permettre d'incorporer ces normes internationales au droit interne. Enfin, le dialogue était permanent entre le Gouvernement iraquien et les Kurdes, les deux parties cherchant à mettre au point une formule mieux adaptée tendant à accorder une plus grande autonomie au Kurdistan iraquien.

184. Se référant à un certain nombre de questions restées sans réponse lors de la quarante-deuxième session du Comité, le représentant de l'Etat partie a déclaré qu'à la suite du cessez-le-feu conclu avec la République islamique d'Iran en 1988, le nombre des peines capitales prononcées en Iraq avait nettement diminué, et que le recul s'était poursuivi en 1991. Il a indiqué à ce sujet que 1 714 condamnations à mort avaient été prononcées de 1987 à 1991, dont 1 223 avaient été appliquées et 330 commuées en peines d'emprisonnement à vie tandis que 161 condamnés avaient été graciés. Il était envisagé d'abroger le décret No 840 du Conseil du commandement de la révolution, qui datait de 1986, ainsi que l'article 200 du Code pénal relatif aux peines sévères d'emprisonnement à vie.

185. Faisant remarquer que les droits économiques, sociaux et culturels d'une part et les droits civils et politiques d'autre part étaient étroitement liés, le représentant de l'Etat partie a indiqué que le blocus actuellement imposé à l'Iraq compromettait le droit du peuple iraquien, notamment des enfants, des personnes âgées et des malades, à la satisfaction de leurs besoins essentiels, en particulier en matière de santé et d'alimentation. De plus, la pénurie de médicaments et de pesticides avait entraîné une augmentation de l'incidence des maladies. Les cas de typhoïde, d'hépatite et de choléra avaient fortement augmenté et la mortalité infantile était passée de 5 à 21 p. 1000 entre août 1990 et août 1991. Le Comité devait tenir compte de ces éléments quand il analysait la situation en Iraq. Comme il était impossible pour le peuple iraquien d'exercer ses droits civils et politiques tant qu'il était privé de ses droits économiques, sociaux et culturels, il fallait lever le blocus économique afin de permettre au peuple iraquien de jouir de la totalité des droits de l'homme.

Cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte

186. A ce sujet, les membres du Comité ont demandé des renseignements sur les faits nouveaux survenus, le cas échéant, depuis la présentation du rapport, en ce qui concernait la promulgation d'une nouvelle constitution et son adoption par référendum; ils ont demandé des précisions sur le rapport entre le Conseil du commandement de la révolution, le Cabinet, le Secrétariat de la présidence et l'Assemblée nationale, ainsi que sur leur rôle en ce qui concernait l'application du Pacte, et sur les résultats auxquels avait abouti l'examen des lois et règlements du temps de guerre entrepris par les organes publics après le 1er avril 1991, en vue de les supprimer; ils ont aussi demandé qui étaient les "émeutiers" dont il était question tout au long du rapport.

187. En outre, les membres ont souhaité savoir quelles mesures concrètes le Gouvernement iraquien avait prises pour atteindre les objectifs sur lesquels le Premier Ministre avait insisté : reconstruction, instauration de la démocratie et du pluripartisme, liberté d'association, liberté de la presse et primauté du droit; ils ont voulu savoir si le Pacte avait été spécifiquement pris en considération lors de l'élaboration de la nouvelle constitution et de la loi relative aux partis politiques, et s'il avait été incorporé au droit iraquien et pouvait être invoqué devant les tribunaux et quelles restrictions restaient en vigueur en vertu de l'état d'urgence. On a également demandé si les exactions commises par les forces iraquiennes au Koweït avaient fait l'objet d'une enquête, combien de partis politiques avaient été créés après l'instauration du pluripartisme en vertu de la loi No 30 de 1991, pourquoi 187 personnes seulement avaient bénéficié du décret d'amnistie du 21 juillet 1991, par rapport au chiffre de 14 000 détenus qui avaient bénéficié de précédentes décisions d'amnistie, et quelles étaient les dispositions au titre desquelles les experts des Nations Unies avaient été retenus contre leur gré. En outre, les membres ont émis des doutes quant à la conformité avec le Pacte de la concentration des pouvoirs législatif et exécutif aux mains du Conseil du commandement de la révolution.

188. S'agissant de la dégradation de la situation des Kurdes dans le nord du pays, on a demandé s'il était envisagé de lancer une opération militaire contre eux. Le Comité a également fait part de son inquiétude au sujet d'une cinquantaine de milliers de réfugiés chiites dans la région des marais du sud du pays et a demandé des précisions sur l'ampleur de la coopération du Gouvernement iraquien avec les organisations internationales dans cette région. Des renseignements ont aussi été demandés sur le nombre de détenus kurdes et chiites, sur la façon dont ils étaient traités et sur les voies de recours qui leur étaient ouvertes.

189. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a expliqué que depuis la présentation du rapport, la loi relative aux partis politiques avait été adoptée et que la nouvelle constitution proposée devait être soumise à référendum quand l'Assemblée nationale en aurait achevé l'examen. En vertu d'une règle générale consacrée par une loi, les instruments internationaux faisaient partie intégrante de la législation nationale. L'élaboration d'un code sur les droits de l'homme avait précisément pour objet de préciser la situation à l'intention des responsables de l'application de la loi et de remédier aux carences de la législation nationale dans les cas où elle risquait d'être incompatible avec les instruments internationaux. Le Pacte était désormais considéré comme faisant partie de la législation iraquienne et ses dispositions pouvaient être invoquées par des particuliers devant les tribunaux. Un certain nombre de lois avaient été abrogées, notamment le décret No 461, ce qui revenait à supprimer le Tribunal révolutionnaire. On avait entrepris de réexaminer tous les délits passibles de la peine de mort.

190. Répondant aux questions relatives à la structure constitutionnelle du pays, le représentant de l'Etat partie a expliqué que l'Assemblée nationale était saisie des projets de loi que lui soumettait le Conseil du commandement de la révolution. En cas de divergences d'opinions entre les deux organes, ceux-ci tenaient une séance commune à l'issue de laquelle une décision était prise à la majorité des deux tiers. Une structure complètement différente devait toutefois être mise en place en vertu de la nouvelle constitution. Les "émeutiers" mentionnés dans tout le rapport étaient les personnes accusées d'avoir, à l'occasion d'émeutes et de troubles de l'ordre public, commis à l'encontre de l'Etat et de particuliers des délits graves passibles de sanctions en vertu du Code pénal. Sur un total de 15 000 personnes arrêtées, 14 000 environ avaient été relâchées à la suite d'une amnistie tandis qu'après enquête, un millier de personnes environ avaient été traduites en justice. Cent quatre-vingt-sept personnes coupables de délits politiques, et qui avaient été incitées à la révolte par des éléments extérieurs, avaient été exclues du bénéfice de l'amnistie.

191. Des forces militaires étaient stationnées dans le nord, qui faisait partie intégrante du territoire iraquien, pour montrer que l'Iraq exerçait sa souveraineté sur la région. La situation dans le nord était instable et inquiétante. Il y avait eu aussi des confrontations entre les partis kurdes eux-mêmes et des heurts s'étaient produits parce que des forces étrangères avaient poursuivi des Kurdes qui s'étaient réfugiés dans la montagne. Toutefois, le Gouvernement continuait à dialoguer de façon constructive avec les Kurdes pour régulariser la situation de ces derniers en Iraq. Quand il y avait des troubles provoquant des morts dans le nord du pays, les autorités ne pouvaient se soustraire à leurs responsabilités et renoncer à assurer la sécurité sur l'ensemble du territoire. De plus, le Gouvernement devait veiller à ce que la région du nord du pays bénéficie de tous les services publics dont disposaient les autres régions.

192. Se référant à la situation dans la région de Bassorah, où vivaient 50 000 chiites, le représentant de l'Etat partie a indiqué que l'Iraq avait toujours coopéré activement avec les organisations internationales qui travaillaient dans cette région. La situation des chiites ne pouvait être considérée comme particulière étant donné que la Constitution et la législation iraquiennes garantissaient le principe de l'égalité de toutes les communautés et confessions. Le fait que des chiites vivaient dans la région de Bassorah était sans rapport avec l'intervention de l'Etat, rendue nécessaire par les troubles qui y faisaient rage.

193. Au sujet de la prétendue détention des experts de l'Agence internationale de l'énergie atomique, le représentant de l'Etat partie a indiqué que ces experts n'avaient en aucune manière fait l'objet d'une mesure d'internement administratif. Lors de leurs recherches sur les programmes nucléaires de l'Iraq, ils avaient mis la main sur un grand nombre de dossiers personnels appartenant à des scientifiques iraquiens et avaient prétendu s'en emparer. Les autorités iraquiennes n'avaient fait qu'empêcher ces experts de quitter les lieux tant qu'ils n'auraient pas rendu les dossiers en question.

Autodétermination, état d'exception et non-discrimination

194. Au sujet de ces questions, les membres du Comité ont demandé des précisions sur les propositions visant à accorder une plus grande autonomie au Kurdistan iraquien, sur l'état actuel des relations entre le Gouvernement iraquien et les Kurdes, sur les événements du 2 août 1990 dans l'optique des obligations de l'Iraq au titre du paragraphe 1 de l'article premier du Pacte et sur la situation actuelle des chiites dans le sud de l'Iraq. Ils ont aussi voulu savoir pourquoi, eu égard aux troubles et aux émeutes qui s'étaient produits, l'Iraq n'avait pas proclamé l'état d'exception et n'avait pas suivi la procédure de notification énoncée au paragraphe 3 de l'article 4 du Pacte; ils ont demandé quelle était la place accordée aux droits énoncés au paragraphe 2 de l'article 4 du Pacte et de quels garanties et recours les individus disposaient effectivement pendant l'état de guerre de facto, quelles mesures concrètes avaient été prises pour éviter une discrimination dans la distribution de produits alimentaires et de médicaments et quels étaient les mécanismes assurant une distribution équitable.

195. Notant que le droit à l'autodétermination ne s'appliquait pas seulement aux situations coloniales mais aussi à d'autres situations et que les peuples d'un territoire donné devaient pouvoir déterminer leur destin politique et économique, les membres ont aussi demandé des explications sur la position des autorités iraquiennes au sujet de l'autonomie du Kurdistan iraquien, en particulier au regard de l'alinéa b) de l'article 5 de la Constitution, qui reconnaissait les droits nationaux du peuple kurde et les droits légitimes de toutes les minorités au sein de l'Iraq.

196. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a objecté que la question de la jouissance des droits des Kurdes iraquiens relevait non pas du droit à l'autodétermination au sens du droit international mais bien des droits des personnes appartenant à des minorités, consacrés à l'article 27 du Pacte. L'article 5 de la Constitution réaffirmait la différence en mettant l'accent sur l'unité du peuple iraquien, qui était composé de deux ethnies principales et d'un certain nombre d'autres ethnies. Le but visé par la loi sur l'autonomie n'avait pas été atteint car de nombreux obstacles — parfois imputables à des facteurs extérieurs relevant des relations avec les Etats voisins — avaient concouru à la freiner. Cette loi était en cours de révision et ses dispositions seraient développées afin de renforcer la jouissance des droits des Kurdes conformément à la Constitution et au droit iraquiens. Les autorités iraquiennes avaient pleinement accepté les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU ainsi que les mesures qui en découlaient et s'étaient expressément engagées à les appliquer. A la suite de la résolution 661 (1990) du Conseil de sécurité, les autorités iraquiennes avaient mis en place un système général garantissant un approvisionnement en produits alimentaires minimum à tous les citoyens, quelle que soit la région où ils habitaient.

197. Répondant à d'autres questions, le représentant de l'Etat partie a déclaré que l'état d'urgence n'avait jamais été proclamé en Iraq, ni pendant la guerre avec la République islamique d'Iran ni pendant la guerre du Golfe, le Gouvernement considérant qu'il devait appliquer la législation ordinaire. Quelques textes législatifs à caractère provisoire avaient été promulgués, mais ils n'avaient pas eu pour effet de suspendre l'exercice des droits consacrés dans le Pacte. La Constitution et le système social iraquiens ne prévoyaient pas de discrimination, car l'Iraq était un réseau de communautés très diverses qui cimentaient l'unité nationale. Les chiites ne faisaient l'objet d'aucune discrimination, ils étaient répartis sur l'ensemble du pays, et il n'existait pas de région qui leur fût réservée.

Droit à un procès équitable

198. Au sujet de cette question, les membres du Comité ont demandé de préciser si les délais légaux dans lesquels il pouvait être fait appel des jugements et des décisions et qui étaient prévus par le Code de procédure civile, le Code pénal ou toute autre disposition avaient été remis en vigueur au 30 avril 1991 et quelles avaient été les conséquences de la suspension des droits des plaignants. Eu égard à la dissolution du Tribunal révolutionnaire et à la création de tribunaux administratifs, ils ont aussi demandé des renseignements sur l'organisation, l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire, sur les procédures de nomination et de révocation des juges, sur la portée de l'article 30 de la loi relative aux poursuites du ministère public, modifiée par la loi No 5 du 7 janvier 1987, particulièrement en ce qui concernait l'exercice du droit de faire appel de la déclaration de culpabilité et de la condamnation devant une juridiction supérieure, ainsi que sur le sens de l'indication faite dans le rapport selon laquelle il pouvait être fait appel d'une décision même après l'expiration des délais légaux. Au sujet du dernier point, les membres ont demandé s'il n'était possible de faire appel que dans les cas où l'intérêt national, les biens de l'Etat ou l'ordre public étaient en cause.

199. De plus, les membres ont demandé des renseignements supplémentaires sur l'étude mentionnée au paragraphe 48 du rapport et sur les compétences et la formation nécessaires pour être membre de la Cour de cassation. Ils ont aussi souhaité savoir pourquoi un membre du Conseil d'Etat, qui n'était donc pas juge, pouvait exercer les fonctions de président d'un tribunal, si tous les tribunaux spéciaux avaient été supprimés en même temps que le Tribunal révolutionnaire et s'il était prévu dans le projet de constitution de définir les fonctions du pouvoir judiciaire dans la Constitution elle-même plutôt que, comme actuellement, dans de simples lois.

200. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a indiqué que le décret No 48 du Conseil du commandement de la révolution, en date du 20 février 1991, avait cessé de s'appliquer le 30 avril 1991. Les délais d'appel, qui avaient été suspendus par cette décision au détriment des droits des plaignants, avaient été par la suite prolongés, de sorte que les intéressés pouvaient effectivement exercer leur droit à un recours. La dissolution du Tribunal révolutionnaire et la révision des dispositions d'exception avaient permis de rendre à la justice ordinaire ses compétences dans tous les domaines et de renforcer le rôle des tribunaux ordinaires en matière de protection des droits de l'homme. Le Tribunal des affaires administratives avait été créé afin d'examiner les plaintes des personnes qui s'estimaient lésées par des décisions administratives prises à leur encontre par les autorités.

201. Au sujet de l'organisation du pouvoir judiciaire, le représentant de l'Etat partie a expliqué que la Constitution énonçait les grands principes à respecter concernant l'indépendance du pouvoir judiciaire, les compétences des tribunaux et les droits des plaideurs, mais que toutes les questions touchant à la nomination, à la révocation, à la rémunération et aux conditions de travail des juges relevaient des lois pertinentes. L'indépendance de la justice et la neutralité des magistrats étaient garanties par la loi de 1987 sur l'organisation du pouvoir judiciaire. La seule autorité compétente pour révoquer un juge était la Commission des affaires des juges et des magistrats, constituée de magistrats inscrits au barreau. Cette commission pouvait recommander la révocation d'un juge si elle constatait que celui-ci dérogeait à l'honneur de sa profession ou était inapte à poursuivre l'exercice de ses fonctions pour des considérations d'intégrité ou de compétence. Le Gouvernement ne faisait pas de recommandation en matière de nomination des juges, qui étaient choisis parmi les avocats ou parmi les candidats retenus par le Conseil de l'Institut légal, organe entièrement indépendant placé sous la responsabilité d'un juge ou d'un procureur. La loi qui prévoyait que le Tribunal des affaires administratives avait à sa tête un membre du Conseil d'Etat était effectivement une dérogation au principe qui voulait que les membres des tribunaux soient des juges. Il y avait là un problème qui devait être étudié de façon approfondie.

202. Répondant à d'autres questions, le représentant a expliqué que le pouvoir du procureur général de faire appel d'une décision contraire aux lois et de nature à porter atteinte à l'intérêt national, aux biens de l'Etat ou à l'ordre public, avait été conféré en vertu d'un amendement apporté en 1987 à la loi relative au ministère public. Il n'existait pas en Iraq de tribunaux spéciaux et les prérogatives du Tribunal révolutionnaire avaient été transférées aux juridictions ordinaires, en fonction de leur domaine de compétence et de leur répartition géographique.

Liberté de circulation et expulsion des étrangers

203. A propos de cette question, les membres du Comité ont demandé quelles étaient les dispositions légales qui régissaient l'expulsion des étrangers, si le recours formé contre une ordonnance d'expulsion avait un effet suspensif, quelles étaient les dispositions légales qui régissaient la liberté de circulation des étrangers dans le pays, sur quelle base légale la restriction apportée à la liberté de mouvement d'un certain nombre d'étrangers après le 2 août 1990 se fondait, quelle base justifiait l'adoption des mesures appliquées en août 1990 par les autorités et s'il y avait eu en Iraq des déplacements massifs de population pendant la période considérée. En outre, des renseignements supplémentaires ont été demandés au sujet de la liberté de déplacement des citoyens iraquiens dans le pays.

204. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a indiqué que les étrangers légalement autorisés à entrer en Iraq pouvaient circuler librement dans les limites du territoire iraquien. Certaines zones, telles que les bases militaires et les laboratoires stratégiques, étaient interdites aux citoyens iraquiens comme aux étrangers. L'article 11 de la loi sur la résidence des étrangers autorisait le Directeur général des services responsables à expulser les étrangers, qui pouvaient faire appel de la décision auprès du Ministre de l'intérieur dans un délai de 15 jours après sa notification.

205. S'agissant des restrictions apportées à la liberté de mouvement des étrangers en Iraq après le 2 août 1990, le représentant a expliqué qu'il s'agissait de mesures extraordinaires appliquées dans des circonstances exceptionnelles. Les étrangers visés n'avaient pas été assignés à résidence dans des endroits particulièrement inconfortables. Les autorités avaient donc suivi le principe qui voulait qu'à une situation exceptionnelle correspondent des mesures exceptionnelles. En tout état de cause, aucun ressortissant d'un pays tiers résidant en Iraq n'avait souffert de ces mesures et toutes les personnes intéressées avaient pu quitter peu à peu l'Iraq, de sorte que quand la guerre avait éclaté plus aucun étranger n'était retenu en Iraq.

Liberté de religion et d'expression, interdiction de toute propagande en faveur de la guerre et de toute incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse

206. A propos de cette question, les membres du Comité ont souhaité des renseignements sur les procédures d'enregistrement ou autres procédures relatives à la reconnaissance de confessions religieuses et sur des difficultés éventuellement rencontrées à cet égard, sur la récente loi concernant la presse et sur les contrôles auxquels la presse et les médias étaient soumis en vertu de la loi, censure éventuelle comprise. Ils ont voulu savoir en outre comment le droit de rechercher des informations était garanti en Iraq, si la télévision et les moyens audio-visuels étaient privatisés ou contrôlés par l'Etat, quelle était la portée de la censure et si le Gouvernement iraquien envisageait d'en revoir l'application, si la diffusion d'informations n'entrant pas dans le cadre du "patrimoine islamique" pouvait être restreinte et, d'une façon générale, si l'Iraq envisageait de prendre des mesures en faveur d'une plus grande liberté d'expression à l'avenir. De plus, des explications ont été demandées sur les circonstances de la condamnation et de l'exécution d'un journaliste, eu égard à l'article 19 du Pacte.

207. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a indiqué qu'il existait en Iraq 17 communautés religieuses officiellement reconnues auxquelles les autorités accordaient leur soutien sans aucune discrimination. Conformément à sa Constitution, l'Iraq garantissait le respect de toutes les religions et autorisait chacun à pratiquer la religion de son choix. En même temps, l'islam était la religion d'Etat officielle.

208. Le projet de loi sur la presse serait soumis prochainement à l'Assemblée nationale afin d'être promulgué. Bien qu'il existât un service officiel de contrôle des médias, aucune censure n'existait plus aujourd'hui et les restrictions qui avaient été apportées aux activités des correspondants étrangers en raison de la situation exceptionnelle créée par la guerre avaient été levées. Il avait été très difficile de garantir une totale liberté d'expression, bien qu'elle fût prévue dans la Constitution iraquienne, pendant la guerre entre l'Iraq et la République islamique d'Iran et, en tout état de cause, cette liberté ne pouvait s'exercer que dans le cadre de règles régissant la morale publique et l'ordre public. Toutefois, le pays s'efforçait de mettre en place des structures constitutionnelles modernes et, à cette fin, la législation autorisant l'instauration du pluripartisme avait été promulguée et donnait à tous les partis politiques le droit de publier leurs propres périodiques ou organes de presse.

209. Etant donné le niveau de développement de l'Iraq, il n'existait pas de stations de télévision ou de radio privées dans le pays, mais celles-ci n'étaient pas interdites par la loi. L'Iraq s'employait à revivifier sa culture islamique arabe et à enseigner les préceptes de cette civilisation par la radio et par la télévision. Le journaliste qui avait été condamné à mort et exécuté n'était pas venu en Iraq pour faire connaître son opinion, mais pour obtenir des informations secrètes dans des régions du pays dont l'accès était interdit aux journalistes parce qu'il s'y trouvait des installations militaires. Il avait été convaincu d'espionnage.

Droit de réunion et d'association et droit de participer à la direction des affaires publiques

210. Au sujet de ces questions, les membres du Comité ont voulu savoir si la législation établie récemment concernant la liberté des partis politiques était entrée en vigueur, si la loi en vertu de laquelle adhérer frauduleusement au Parti baas ou en abandonner les rangs était une infraction avait été abrogée, quelles conséquences juridiques et pratiques résultaient de l'appartenance à des fédérations professionnelles, syndicats, associations et clubs, quels étaient les critères et les procédures d'enregistrement des associations et des syndicats, comment l'accès équitable des membres d'une minorité à la fonction publique était garanti et quelles conséquences étaient attendues de l'adoption d'une nouvelle constitution et d'une nouvelle législation sur la liberté des partis politiques.

211. De plus, on a demandé comment les membres de l'Assemblée nationale avaient été élus, s'il était prévu d'organiser de nouvelles élections à la suite de la promulgation de la nouvelle constitution et comment la loi No 30 de 1991 fonctionnerait eu égard à la place privilégiée faite au Parti baas au titre de l'article 38 de la Constitution. Des précisions ont également été demandées sur l'objet des modifications apportées à la loi relative à l'Assemblée nationale, désormais habilitée à contester la validité de l'élection de ses membres et à les exclure.

212. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a expliqué que la loi No 30/1991 relative aux partis politiques avait été promulguée et était actuellement en vigueur. Elle garantissait l'égalité de tous les partis, qui avaient toute latitude pour s'établir et pour publier leurs journaux et documents et conduiraient à une augmentation du nombre des partis politiques et, par conséquent, à une plus grande participation des citoyens iraquiens à la vie du pays. Une fois promulguée, la nouvelle constitution serait certainement conforme aux principes de cette loi et représenterait un cadre approprié pour encourager le pluripartisme et, par conséquent, la diversification des idées et des opinions. Bien que l'on ne sache pas encore quelle place serait faite, dans la nouvelle constitution, au parti au pouvoir, il serait inconcevable que la Constitution fasse une distinction entre les divers mouvements politiques. Si l'affiliation aux fédérations professionnelles, aux syndicats, aux associations et aux clubs était précédemment obligatoire pour des raisons techniques et professionnelles, elle avait été rendue facultative pour respecter la liberté complète de l'individu. L'égalité des citoyens et l'égalité des chances étaient garanties à l'article 19 de la Constitution et l'accès à la fonction publique ne pouvait en aucun cas être fonction de l'appartenance à une religion, ni de l'adhésion à une croyance ou à un groupe quelconque. Tous les citoyens iraquiens avaient le droit de contester la validité de l'élection d'un membre quelconque de l'Assemblée nationale.

Observations finales de certains membres

213. Les membres du Comité ont remercié le représentant de l'Etat partie d'avoir coopéré avec le Comité à l'examen du troisième rapport périodique et d'avoir engagé un dialogue ouvert avec le Comité. Bien que le rapport eût été soumis avec un léger retard, l'Etat partie s'était employé, dans des conditions difficiles, à tenir les délais. L'information avait été mise à jour comme le Comité l'avait demandé et l'Etat partie s'était efforcé de fournir des réponses aux questions du Comité. De plus, une évolution assez encourageante dans la mise en oeuvre du Pacte avait été constatée, comme en témoignaient par exemple l'élaboration d'un code des droits de l'homme, la suppression du Tribunal révolutionnaire, l'autorisation de constituer des partis politiques, le projet de nouvelle constitution et l'adoption de décrets d'amnistie. L'Iraq tentait donc d'harmoniser son droit interne avec le Pacte et prenait quelques mesures permettant d'instaurer le pluripartisme et la démocratie.

214. Tout en se félicitant de ces mesures, les membres ont regretté qu'un grand nombre de leurs questions n'aient pas reçu de réponses satisfaisantes et ont estimé que ni la législation ni la pratique iraquiennes ne respectaient suffisamment le Pacte. Ils se sont déclarés gravement préoccupés en particulier de la situation des Kurdes dans le nord de l'Iraq et de celle des chiites dans le sud. L'interprétation de l'article premier du Pacte donnée par le Gouvernement à cet égard n'était pas convaincante. De plus, des violations massives des droits de l'homme avaient été commises à la suite de l'invasion du Koweït. Ils se sont déclarés aussi profondément et sérieusement préoccupés de la législation relative à la peine capitale, des disparitions de personnes, des exécutions sommaires, de la pratique de la torture et des arrestations arbitraires, du manque d'indépendance des tribunaux, des limites à l'exercice de la liberté d'expression, d'association et de réunion, de l'absence de séparation des pouvoirs, de la position du Parti baas en droit et en fait et de la concentration excessive du pouvoir dans les mains du Conseil du commandement de la révolution.

215. S'agissant de la structure constitutionnelle du pays, les membres ont noté avec regret que la rédaction de la nouvelle constitution s'était ralentie. Ils ont fait observer en outre que la loi relative aux partis politiques resterait lettre morte tant que la Constitution en vigueur n'était pas modifiée et que le pluripartisme n'était pas instauré. Les membres ont aussi noté que la Constitution actuelle contenait un certain nombre de dispositions qui pouvaient donner lieu à des violations des droits de l'homme, se référant à cet égard en particulier aux articles 38 et 40 de la Constitution qui différaient notablement des dispositions du Pacte. Le maintien de telles dispositions pouvait entraîner des violations des droits ou des restrictions à ceux-ci.

216. Tout en admettant que la population souffrait grandement de la guerre et des sanctions internationales imposées à l'Iraq à la suite de la guerre, les membres du Comité ont souligné que cette guerre avait été déclenchée par l'attaque du Koweït par l'Iraq. Affirmer que la guerre était à l'origine des difficultés rencontrées pour appliquer les droits civils et politiques en Iraq ne diminuait en rien la responsabilité du Gouvernement en ce qui concernait la situation des droits de l'homme. De plus, s'il était évident qu'il y avait un lien entre les droits civils et politiques d'une part et les droits économiques, sociaux et culturels d'autre part, toutes les lacunes dans la protection des droits énoncés dans le Pacte ne pouvaient être attribuées à la situation économique du pays. Les incompatibilités entre les dispositions du Pacte et la législation et la pratique iraquiennes au cours de la période à l'étude avaient été l'une des causes de la guerre.

217. Le représentant de l'Etat partie a déclaré que le dialogue avec le Comité avait été très fructueux et que la délégation iraquienne tenait à remercier le Comité de l'esprit de compréhension et de la patience dont il avait fait preuve. L'Iraq se sentait ainsi encouragé à continuer d'édifier une société constitutionnelle et démocratique. Le représentant a également remercié le Comité d'avoir manifesté de la sympathie pour le peuple iraquien et les souffrances que celui-ci endurait à cause des sanctions économiques et de l'embargo commercial qui faisaient inévitablement obstacle à l'exercice des droits de l'homme en Iraq.

218. En déclarant achevé l'examen du troisième rapport périodique de l'Iraq, le Président a lui aussi remercié la délégation iraquienne d'avoir fait des efforts sincères pour répondre aux nombreuses questions qui lui avaient été posées à l'occasion d'un long échange de vues qui s'était déroulé sur deux sessions. Les préoccupations du Comité étaient très sérieuses car elles portaient sur une situation où les droits de l'homme n'étaient pas respectés. Certes, l'Iraq connaissait une situation très difficile, découlant de la guerre et de la situation économique actuelle, mais ces circonstances tragiques ne dispensaient pas le Gouvernement de respecter ses obligations en vertu du Pacte. Le Président a donc exprimé le voeu que les préoccupations formulées par les membres du Comité seraient transmises au Gouvernement et contribueraient à améliorer l'observation des droits de l'homme en Iraq.

 



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