University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Guinea, U.N. Doc. A/48/40, paras. 511-550 (1993).


 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME
Quarante-septième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE


Observations finales du Comité des droits de l'homme



Guinée

511. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la Guinée (CCPR/C/57/Add.2) de sa 1222e à sa 1224e séance, les 1er et 2 avril 1993 (CCPR/C/SR.1222 à 1224). (Pour la composition de la délégation voir, annexe XI.)

512. Le rapport a été présenté par le représentant de l'Etat partie qui a expliqué que la Guinée était engagée dans un processus de démocratisation. Vingt-six années de dictature dans le cadre d'un système à parti unique avaient montré que le respect des droits de l'homme était la base essentielle de la conduite pacifique des affaires politiques. Le Gouvernement estimait que la démocratie ne pouvait exister sans une opposition pacifique et, en conséquence, avait fondé sa structure constitutionnelle sur un système multipartite. La Loi fondamentale, qui avait été adoptée le 23 décembre 1990, était fondée sur le Pacte et constituait la base d'une émulation politique dans le contexte de l'égalité, de la liberté de conscience, de la liberté de réunion et de la liberté d'expression. Quarante-deux partis se disputaient le pouvoir politique et les lois Nos L/91/005 et L/91/006 du 23 décembre 1991 prévoyaient la liberté d'exprimer des points de vue divergents. On comptait environ 20 journaux appartenant, pour plusieurs d'entre eux, à des partis politiques et des plans étaient élaborés en vue de la création d'une station de télévision. D'autres normes juridiques avaient été adoptées pour créer les conditions indispensables à l'exercice des libertés politiques fondamentales.

513. Se référant à la situation économique, le représentant a précisé que, le 3 avril 1984, la Guinée s'était prononcée en faveur d'une économie de marché. Le 22 décembre 1985, avec l'aide de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, un programme de réforme financière et économique avait été lancé et un accord concernant la Facilité d'ajustement structurel renforcée (FASR) avait été négocié. Le principe de la décentralisation politique avait également été mis en pratique grâce à la création de communes urbaines et rurales dotées de conseils élus.

Cadre constitutionnel et juridique dans le cadre duquel le Pacte est appliqué, état d'urgence, non-discrimination, égalité des sexes et protection de la famille

514. En ce qui concernait ces questions, le Comité désirait obtenir des renseignements sur la mesure dans laquelle il avait été tenu compte du Pacte lors de l'élaboration de la Loi fondamentale, sur la composition, les fonctions et les activités du Conseil national de transition, sur les facteurs et les difficultés ayant une incidence sur l'application du Pacte, sur les cas où des dispositions du Pacte auraient été directement invoquées devant les tribunaux, sur la façon dont les contradictions entre la législation interne et le Pacte étaient résolues, sur les garanties et les recours efficaces dont disposaient les particuliers en cas d'état d'urgence, sur la base constitutionnelle ou légale pour garantir la conformité avec les dispositions du paragraphe 2 de l'article 4 du Pacte, sur les progrès réalisés en vue de mettre en place un cadre juridique pour les institutions nationales chargées de la protection et de la promotion des droits de l'homme, sur la nature et les activités des organisations de défense des droits de l'homme mentionnés dans le rapport, sur la participation des femmes à la vie politique, économique, sociale et culturelle du pays et sur l'influence des cultures et traditions guinéennes sur le respect des droits de l'homme énoncés dans le Pacte, en particulier dans ses articles 3 et 26.

515. En outre, un complément d'information a été demandé sur la mesure dans laquelle la Loi fondamentale avait été jusqu'alors appliquée, sur la relation entre les trois branches du Gouvernement et sur leur rôle respectif, sur les limites du pouvoir présidentiel, sur les circonstances dans lesquelles le Parlement pouvait être dissous, sur les conditions requises pour la tenue d'un référendum, sur le rôle de la Cour suprême en cas de conflit entre l'Assemblée nationale et le Président, sur les limites qui pouvaient être fixées en vertu de l'article 22 de la Loi fondamentale à l'exercice des droits et des libertés fondamentaux et sur les restrictions au régionalisme et au tribalisme prévues à l'article 4 de la Loi fondamentale.

516. Il a été aussi demandé si la Guinée avait l'intention de maintenir sa réserve relative au paragraphe 1 de l'article 48 du Pacte et d'adhérer au Protocole facultatif, quelles mesures avaient été prises pour diffuser des renseignements sur le Pacte, si des organisations non gouvernementales avaient été consultées pour l'établissement du rapport, si le Pacte avait été traduit dans les différentes langues nationales, s'il existait des lois interdisant la discrimination fondée sur l'opinion politique, la langue, la couleur, l'origine nationale, la fortune ou la naissance, quels groupes de citoyens pouvaient être privés par la loi de leurs droits civils et politiques et combien de référendums législatifs et constitutionnels avaient eu lieu depuis l'adoption de la Loi fondamentale.

517. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a donné des renseignements détaillés sur certaines des dispositions de la Loi fondamentale et les a rattachées aux dispositions correspondantes du Pacte. L'article 79 de la Loi fondamentale établissait la suprématie du droit international - en particulier du Pacte - sur la législation interne et, en cas de contradiction, la législation interne devait être modifiée. Le représentant a également appelé l'attention des membres du Comité sur l'adhésion prochaine de la Guinée au Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

518. Aux termes de l'article 92 de la Loi fondamentale, le Conseil national de transition était investi de pouvoirs législatifs afin d'élaborer les textes organiques nécessaires à la mise en place des principales institutions de l'Etat guinéen, en particulier pour ce qui était de la charte des partis politiques, de la composition et des fonctions du Conseil économique et social, de la liberté de la presse et des attributs et fonctions de la Cour suprême et de la Haute Cour de justice. Le Conseil devait continuer à fonctionner jusqu'à l'élection de l'Assemblée générale, après quoi il cesserait automatiquement d'exister. Le Président de la République n'avait pas de pouvoir absolu et devait coopérer avec les pouvoirs législatif et judiciaire. Le Président était tenu de répondre aux questions écrites et orales de l'Assemblée nationale qui était autorisée, aux termes de la Loi fondamentale, à créer des commissions d'enquête. Dans les cas où le législatif et l'exécutif n'étaient pas d'accord sur une question précise, le Président de la République ou bien acceptait l'opinion de l'Assemblée générale ou bien prononçait la dissolution de cette dernière. Si la même assemblée était réélue, le Président était tenu de donner sa démission. En outre, la Cour suprême était chargée de surveiller la légalité des actes de l'exécutif.

519. Se référant aux facteurs et difficultés gênant l'application du Pacte, le représentant a expliqué que la Guinée souffrait d'une pénurie de ressources financières et était incapable d'assurer le minimum de conditions prévues à l'article 10 du Pacte, par exemple la séparation des jeunes prévenus des adultes, ou des prévenus des condamnés. Les prisons étaient dans un état de délabrement complet et certaines normes ne pouvaient être respectées. De même, l'application des dispositions du paragraphe 3 b) de l'article 14 du Pacte posait des difficultés.

520. La loi organique No L/96, concernant les états de siège et les états d'urgence, précisait que les mesures envisagées dans la loi ne pouvaient être invoquées que pendant de graves perturbations de l'ordre public, lorsque la sécurité intérieure était en danger. Toute personne faisant l'objet de ces mesures avait le droit d'adresser un recours à un organisme consultatif présidé par un juge. En outre, nul ne pouvait faire l'objet de restrictions en matière de domicile ni être frappé d'une mesure d'expulsion locale.

521. Un cadre juridique approprié était indispensable pour garantir l'existence et le fonctionnement d'organisations de défense des droits de l'homme. Cependant, du fait du retard enregistré dans l'élaboration des lois, le Président de la République avait autorisé le Ministère de l'intérieur à reconnaître les organisations dûment constituées. Le décret No 92/207 du Ministère de l'intérieur et de la défense, en date du 11 mai 1992, avait ainsi autorisé la création de l'Association guinéenne de défense des droits de l'homme, organisation indépendante et apolitique.

522. S'agissant de la situation des femmes en Guinée, le représentant a expliqué qu'elles occupaient des postes de même niveau que les hommes dans l'administration nationale. Trois des 17 membres du Gouvernement et trois des sept membres du Conseil national de transition étaient des femmes. Une femme était chef d'un parti politique et une autre procureur auprès de l'une des deux cours d'appel de la Guinée. Un effort avait été fait pour ramener l'obligation de verser une dot à un niveau symbolique, mais il s'agissait d'une question difficile car la tradition et l'autorité de la famille restaient des forces puissantes dans la société guinéenne. Des efforts étaient faits pour modifier ces forces par le biais de l'éducation et non de la législation, non seulement en ce qui concernait le système de la dot, mais aussi dans d'autres domaines, par exemple ceux de l'excision et de la polygamie.

523. Toute forme de discrimination était interdite en Guinée. Cependant, on avait assisté à l'apparition spontanée de l'ethnocentrisme du fait du processus de démocratisation et certains des nouveaux partis politiques reflétaient cette réalité.

Droit à la vie, traitement des prisonniers et autres détenus, liberté et sécurité de la personne

524. S'agissant de ces questions, les membres du Comité désiraient savoir quels délits étaient punis de la peine de mort, si l'on envisageait l'abolition de celle-ci, combien de fois et pour quels délits elle avait été imposée et exécutée depuis l'examen du rapport initial; quelles étaient les règles et dispositions réglementaires régissant l'utilisation des armes à feu par les membres de la police et des forces de sécurité; si ces règles et dispositions avaient été violées et, dans l'affirmative, quelles mesures avaient été prises pour empêcher que cela ne se reproduise; dans quelles circonstances les décès mentionnés au paragraphe 117 du rapport s'étaient produits; si des enquêtes avaient eu lieu au sujet des cas de disparition qui avaient été nombreux avant 1988, si on avait, au cours de la période à l'étude, déposé des plaintes concernant des exécutions extrajudiciaires ou des cas de torture et, dans l'affirmative, quelles mesures particulières avaient été prises pour surmonter les difficultés rencontrées dans ce domaine, pour enquêter sur ces cas, pour punir les coupables et pour empêcher que de tels actes ne se répètent; quelles étaient les dispositions prévues pour la surveillance des lieux de détention et quelles étaient les procédures de réception et d'examen des plaintes; quel était le taux de mortalité infantile en Guinée et si des progrès avaient été faits à cet égard depuis l'examen du rapport initial; avec quelle rapidité la famille d'une personne arrêtée était informée de son arrestation; combien de temps après son arrestation une personne pouvait contacter un avocat et quelles étaient les difficultés rencontrées pour respecter les limites de la période maximum légale de la garde à vue et de la détention avant jugement.

525. En outre, des précisions ont été demandées sur les mesures prises pour enquêter sur les 63 cas présumés de disparition et sur les 24 cas présumés de mauvais traitements infligés à des personnes privées de leur liberté par des gardiens de prison; sur les mesures prises pour enquêter sur les crimes commis sous la dictature, punir les coupables et indemniser les victimes; sur l'existence de prisonniers politiques en Guinée; sur les mesures prises pour fermer les éventuels centres secrets de détention échappant au contrôle des autorités publiques; sur l'application des dispositions du paragraphe 2 b) de l'article 10 du Pacte et sur la mesure dans laquelle il avait été tenu compte, lors de l'élaboration des politiques nationales dans ces domaines, des principes des Nations Unies concernant la prévention du crime et le traitement des délinquants.

526. Dans sa réponse, la délégation de l'Etat partie a déclaré que la peine de mort était imposée en cas de meurtre, de crime contre la sécurité extérieure de l'Etat, d'usage illégal de la force armée, de fomentation de la guerre civile, de pillage et d'utilisation de la torture et autres actes barbares. La Guinée était un pays dont la majorité de la population était musulmane et il n'était pas envisagé d'abolir la peine de mort. Le maintien de celle-ci constituait un moyen de dissuasion pour empêcher les délits menaçant la vie d'autrui : depuis l'examen du rapport initial, une seule sentence de mort avait été prononcée et il n'y avait pas eu d'exécution.

527. Bien que des centaines de milliers de personnes aient disparu sous le régime précédent, on n'avait pas cru bon d'enquêter sur les disparitions car les responsables étaient décédés et il avait été jugé peu judicieux de rouvrir de vieilles blessures. Cela aurait pu compromettre le processus de réconciliation nationale. Malgré la pénurie de ressources, le Gouvernement avait fourni une assistance modeste à ceux qui avaient le plus souffert, en particulier aux femmes et aux enfants, et avait rendu à leurs propriétaires légitimes tous les biens confisqués. Malheureusement la pratique de la torture persistait parce qu'il était difficile de changer des habitudes prises au long de 26 années, d'autant que le nouveau gouvernement avait dû maintenir en place des fonctionnaires de l'ancien régime. La situation était meilleure dans les centres urbains que dans les zones rurales et, dans l'ensemble, la torture était dorénavant l'exception et non la règle.

528. L'utilisation des armes à feu par les forces de sécurité était réglementée par la loi et il était interdit aux membres des forces de sécurité d'utiliser dans l'exercice de leurs fonctions des munitions à l'effet létal. Les pouvoirs publics avaient enquêté sur un massacre auquel se seraient livrés des membres des forces de sécurité et, à la suite de l'enquête, plusieurs membres des forces de sécurité avaient été jugés et condamnés aux termes de la loi. Le représentant de l'Etat partie a ajouté que, dans un autre cas, on avait constaté que certains des étudiants arrêtés au cours d'une manifestation qui avait eu lieu peu auparavant étaient porteurs d'armes de type militaire.

529. En réponse à d'autres questions, le représentant de l'Etat partie a précisé que, lorsqu'une personne était arrêtée, sa famille en était toujours immédiatement avisée et que les autorités administratives étaient tenues par la loi d'informer les communautés locales. L'accès à un avocat n'était requis que dans le bureau du magistrat instructeur qui informait le détenu de tous ses droits. Il était certes difficile, et cela était surtout le cas dans les zones rurales éloignées du fait du manque de communications, de respecter la période maximum légale de détention en garde à vue. On avait créé, au sein du Ministère de la justice, un service chargé de l'administration des prisons. Il était composé uniquement de magistrats chargés de veiller à ce que les dispositions juridiques pertinentes soient bien respectées dans les établissements pénitentiaires. S'agissant des conditions de vie carcérales, le représentant de l'Etat partie a expliqué que, dans certaines prisons, les détenus étaient séparés en fonction du sexe, de l'âge ou de la nature du délit commis, tandis que, dans d'autres, cela n'était pas possible. Des peines de prison n'étaient prononcées à l'encontre de jeunes délinquants âgés de 16 à 18 ans que s'ils constituaient une menace pour l'ordre public. Sinon, ils étaient placés dans des familles d'accueil ou confiés à des enseignants ou à des représentants d'organisations non gouvernementales. L'objectif des pouvoirs publics était leur réadaptation, mais, faute de ressources, cela n'était pas toujours facile. Des centres secrets de détention avaient existé sous l'ancien régime, mais depuis 1988 personne n'y avait été détenu et à l'heure actuelle, il n'y avait pas de prisonniers politiques en Guinée. Le Gouvernement envisageait de rouvrir l'un de ces centres pour en faire un musée et un monument à la mémoire de ceux qui y avaient perdu la vie. Le taux de mortalité en général et le taux de mortalité lié à la maternité avaient considérablement baissé depuis 1984. Quand au nombre de centres de santé primaire, il avait notablement augmenté.

Droit à un procès équitable

530. En ce qui concernait cette question, le Comité désirait obtenir des renseignements sur les garanties d'indépendance et d'impartialité du judiciaire, sur la composition et la juridiction de la Cour de sûreté de l'Etat, de la Haute Cour de justice et des tribunaux militaires, avoir des précisions sur les cas examinés par ces instances depuis l'examen du rapport initial et sur l'application concrète du droit à un procès public énoncé au paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte.

531. En outre, il a été demandé si, étant donné que l'Assemblée nationale n'avait pas encore été établie, les membres de la Haute Cour de justice avaient été provisoirement désignés par le Conseil national de transition.

532. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a expliqué que l'indépendance et l'impartialité du judiciaire étaient garanties par les articles 80 et 81 de la Loi fondamentale et par la loi No 91/011 qui établissait l'inamovibilité des juges et l'existence d'un organe spécial chargé de surveiller leur nomination et leur recrutement. La Cour de sûreté de l'Etat avait été supprimée et remplacée par la Haute Cour de justice composée de membres élus par l'Assemblée nationale et présidée par un magistrat. Du fait de la promulgation de la Loi fondamentale, les tribunaux militaires avaient eux aussi cessé d'exister. La Cour suprême constituait une voie de recours contre les actes de l'exécutif comme du législatif ainsi qu'une cour d'appel. Tous les procès étaient publics; on pouvait y assister et ils avaient lieu pendant les heures de travail légales.

Droit de circuler librement et expulsion d'étrangers, droit à la vie privée, liberté d'opinion et d'expression, liberté d'association et de réunion et droits des personnes appartenant à des minorités

533. Au sujet de ces questions, les membres du Comité désiraient savoir quelles dispositions juridiques régissaient l'expulsion des étrangers, si un recours introduit contre un arrêté d'expulsion avait un effet suspensif, quelle avait été l'issue des procès intentés dans les cas d'immixtions arbitraires dans la vie privée de personnes ou de familles ou dans leur correspondance mentionnés au paragraphe 110 du rapport, quelles lois ou dispositions réglementaires régissaient la reconnaissance de religions ou de sectes religieuses par les autorités, quelles mesures avaient été prises contre l'apparition de certaines sectes dont les vues fondamentalistes étaient susceptibles de menacer l'ordre public et la paix sociale, quelles restrictions à la liberté d'opinion et d'expression imposaient les articles 244 à 246 du Code pénal, quelles mesures avaient été adoptées pour garantir la pluralité des organes de presse, quels étaient les critères et les procédures présidant à l'enregistrement des partis politiques et des syndicats, quelles mesures avaient été adoptées pour faciliter la constitution de partis politiques et pour garantir le pluralisme politique, quelles étaient les minorités ethniques, religieuses ou linguistiques existant en Guinée, quelles mesures avaient été adoptées pour protéger les droits des personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou culturelles et quels avaient été les événements évoqués dans le rapport - qui avaient affecté les relations entre groupes ethniques.

534. En outre, un complément d'information a été demandé sur l'application du principe de l'obligation de voter et sur les peines y relatives, sur les mesures prises pour assurer la tenue d'élections législatives malgré les problèmes financiers, sur les allégations selon lesquelles des membres du Rassemblement du peuple guinéen avaient été privés du droit à la liberté de réunion et certains arrêtés et détenus, sur les restrictions éventuelles au droit de grève et sur la situation des 300 000 réfugiés vivant en Guinée.

535. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a indiqué que des recours contre les arrêtés d'expulsion étaient possibles et qu'ils avaient bien un effet suspensif. Malgré l'absence de loi régissant la reconnaissance de religions ou de sectes religieuses par les autorités, les articles 174 à 177 du Code pénal portaient sur la menace possible que les activités de ministres de sectes religieuses pouvaient faire peser sur l'ordre public. La liberté de la presse était garantie par la loi No 91/005, les seules restrictions imposées étant celles qui s'avéraient indispensables pour protéger la dignité de la personne, assurer le pluralisme d'opinion et sauvegarder l'ordre public et l'unité nationale. L'article 256 du Code pénal interdisait les publications visant à l'incitation au crime, tandis que l'article 258 interdisait la publication de documents pornographiques. Le secteur de la presse était florissant et comptait quelque 20 publications différentes.

536. L'enregistrement des partis politiques était régi par la loi No 91/002, qui n'imposait aucune limite, ni ne dressait aucun obstacle à l'établissement de partis politiques. Un recours contre le refus opposé par les autorités administratives d'enregistrer un parti pouvait être adressé à la Cour suprême. Il y avait 42 partis en Guinée. Les élections législatives, qui auraient dû avoir lieu au début de 1991, avaient été retardées du fait d'un désaccord sur le financement de l'impression des bulletins de vote. Elles auraient lieu dès que la question serait définitivement réglée. Selon la Loi fondamentale, tous les citoyens avaient le devoir de participer aux élections, les seules restrictions étant celles relatives à l'âge et celles résultant d'une condamnation pour un délit entraînant la perte des droits civiques. En ce qui concernait l'arrestation de 22 membres du Rassemblement du peuple guinéen, il avait été indiqué aux dirigeants de ce groupement politique qu'il leur fallait attendre la promulgation de la Loi fondamentale pour organiser leur réunion publique. Le RPG était ouvertement passé outre aux instructions des autorités et avait donc violé l'ordre public en se réunissant. Ses membres avaient été arrêtés et jugés conformément à la loi, qui prévoyait le droit à la défense. Le droit de grève était reconnu dans la Loi fondamentale comme dans le Code du travail et trois grands syndicats étaient actifs dans l'ensemble du pays.

537. Il existait certes de nombreux groupes ethniques en Guinée, mais la fréquence des mariages mixtes avait fait de ce pays un creuset où aucune minorité ne craignait pour sa survie. C'est pourquoi il n'était pas nécessaire de prévoir des mesures de protection et l'article 8 de la Loi fondamentale était jugé suffisant à cette fin. Il y avait eu quelques problèmes dans le passé et les crimes de l'ancien régime avaient été attribués au groupe malinké parce que l'ancien Président en était issu. Pour des raisons analogues on avait tendance à imputer au groupe susu les défauts réels ou présumés des autorités en place. Cependant, la rivalité ethnique faisait place à un sentiment national.

538. Le représentant a ajouté que la situation au Libéria avait eu de grandes répercussions et que la Guinée avait accueilli 485 000 réfugiés en 1992. Comme les réfugiés appartenaient en général au même groupe ethnique que leurs hôtes, aucun problème culturel n'avait surgi mais la situation dans les domaines de l'hygiène, de la nutrition, de la santé et de l'environnement devenait de plus en plus grave.

Observations finales de certains membres du Comité

539. Les membres du Comité ont remercié le représentant de l'Etat partie de la coopération dont il avait fait preuve lorsqu'il avait présenté le deuxième rapport périodique de la Guinée et du dialogue fructueux qu'il avait engagé avec eux. Ils ont accueilli avec satisfaction les mesures positives en faveur de la démocratie prises par la Guinée où les droits de l'homme constitueraient un élément fondamental de la politique des pouvoirs publics. Ils se sont aussi félicités de l'adoption de la Loi fondamentale, de l'abolition de la Cour de sûreté de l'Etat et de l'adhésion, dans un proche avenir, de la Guinée au Protocole facultatif. Ils ont cependant fait observer que les autorités devaient encore s'attaquer à l'héritage du passé.

540. Parallèlement, il a été noté que certaines préoccupations des membres du Comité n'avaient pas été pleinement dissipées. Des craintes profondes ont été exprimées au sujet du fait qu'il existait encore des cas de torture et de mauvais traitements. On s'est aussi inquiété de la discrimination persistante à l'égard des femmes dans certains domaines, des conditions de détention des personnes privées de leur liberté, de la durée excessivement longue de la détention préventive, de l'absence de surveillance des lieux de détention, du manque de respect des règles et dispositions réglementaires régissant l'utilisation des armes à feu par les membres des forces de sécurité et on s'est préoccupé de l'application de l'article 27 du Pacte. Les membres du Comité ont souligné combien il était important de veiller à ce que le Pacte fasse l'objet d'une large publicité afin que la population en général et les fonctionnaires chargés de l'application des lois soient suffisamment au courant des droits reconnus dans cet instrument.

541. Le représentant de l'Etat partie s'est félicité de la coopération du Comité, lequel aidait la Guinée à atteindre l'objectif qu'elle s'était fixé dans le domaine des droits de l'homme, et il a annoncé qu'elle ferait appel au Centre pour les droits de l'homme pour organiser un séminaire destiné à mieux faire connaître les dispositions du Pacte et à appuyer les initiatives du Gouvernement dans ce domaine.

542. En concluant l'examen du deuxième rapport périodique de la Guinée, le Président a remercié la délégation guinéenne de s'être livrée à un dialogue constructif avec les membres du Comité.

Observations du Comité

543. A sa 1229e séance (quarante-septième session), tenue le 6 avril 1993, le Comité a adopté les observations suivantes.

Introduction

544. Le Comité remercie le Gouvernement de l'Etat partie pour son rapport franc et détaillé. Le rapport est cependant centré davantage sur la législation que sur la mise en oeuvre effective des dispositions du Pacte et ne contient que peu d'informations sur les facteurs et les difficultés entravant l'application du Pacte. En répondant aux questions posées par les membres du Comité, la délégation de la Guinée s'est efforcée de compléter le rapport écrit, ce qui a permis au Comité de mieux appréhender la situation des droits de l'homme en Guinée.

Aspects positifs

545. Depuis l'examen du rapport initial, il convient de relever que la Guinée s'est dotée d'une loi fondamentale ayant valeur constitutionnelle, comprenant un titre relatif aux droits et aux libertés fondamentales et adoptée par référendum le 23 décembre 1990. Les tribunaux militaires et la Cour de la Sûreté de l'Etat ont été supprimés. La délégation a annoncé l'adhésion prochaine de son pays au Protocole facultatif.

Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

546. Selon le représentant de la Guinée, l'héritage de l'ancien régime qui a fait plusieurs milliers de victimes de torture et des disparitions massives a laissé des traces et de mauvaises habitudes dans l'administration. La résignation des victimes empêche la dénonciation des cas de violations (détentions irrégulières et mauvais traitements). La force des traditions et coutumes constituent des obstacles à la mise en oeuvre des droits du Pacte concernant plus particulièrement les moeurs et la famille.

Principaux sujets de préoccupation

547. Le Comité s'est montré préoccupé par le caractère général des dispositions de l'article 22 de la loi fondamentale qui permettent à la loi d'apporter des limites aux droits et libertés des personnes pour des raisons liées à l'ordre public. Il craint que l'application de ces dispositions ne conduise la Guinée à adopter des lois instaurant des restrictions aux droits et libertés au-delà de celles qui sont autorisées par le Pacte. Le Comité s'est inquiété de l'institution dans la loi fondamentale de la Haute Cour de Justice qui ne lui paraît pas répondre aux exigences de l'article 14 du Pacte. Plusieurs cas de mauvais traitements et de tortures ont été signalés et sont restés impunis. Des arrestations et des détentions de personnes pour des motifs d'ordre politique sont intervenues dans la période couverte par le rapport. Des manifestations pacifiques ont connu une issue sanglante en raison de l'usage excessif des armes à feu par les forces de l'ordre. Le Comité est également préoccupé au sujet de la mise en oeuvre de l'article 27 du Pacte.

Suggestions et recommandations

548. Le Comité a recommandé au Gouvernement de la République de la Guinée, dans cette période de grande mutation législative, de prendre en compte les dispositions du Pacte pour les introduire dans sa législation interne. Il lui suggère en particulier de se doter d'une réglementation détaillée sur les armes à feu lui permettant de respecter l'article 6 du Pacte ainsi que des règles applicables à la garde à vue et à la détention conformes à l'article 9 du Pacte. Des enquêtes devraient être systématiquement ordonnées lorsqu'une violation est signalée. Une sanction appropriée devrait être infligée aux coupables lorsqu'ils sont identifiés. Des mesures devraient également être prises pour pleinement mettre en oeuvre les garanties prévues à l'article 27 du Pacte.

549. Le Comité a insisté sur la nécessité de développer des programmes d'éducation en matière de droits de l'homme et des programmes spécifiques destinés à la formation des responsables de l'application des lois avec l'aide, le cas échéant, du Centre pour les droits de l'homme.

550. Le Gouvernement a été invité à favoriser le développement des organisations spécialisées dans la défense et la promotion des droits de l'homme.



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