University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, El Salvador, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.34 (1994).


 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
Cinquantième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DU PACTE
Observations du Comité des droits de l'homme


El Salvador

1. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique d'El Salvador (CCPR/C/51/Add.8) à ses 1310ème, 1311ème, 1312ème et 1313ème séances, tenues les 4 et 5 avril (CCPR/C/SR.1310-1313) et a adopté à sa 1318ème séance (cinquantième session), tenue le 8 avril 1994 les observations ci-après :


A. Introduction

2. Le Comité se félicite de l'occasion qui lui est donnée de renouer le dialogue avec l'Etat partie, celui-ci ayant tardé pendant plus de dix ans à présenter son rapport. Le deuxième rapport contenait des renseignements relatifs aux mesures d'ordre constitutionnel et législatif prises pour mettre le Pacte en oeuvre, qui ont été complétées par le document de base. Le Comité regrette que le deuxième rapport périodique ne rende pas compte avec précision et franchise de la situation réelle des droits de l'homme en El Salvador au cours de la période qui fait l'objet du rapport, période où les conflits armés et les violations massives des droits de l'homme ont fait place à un processus de paix supervisé par l'ONUSAL. En particulier, le rapport ne fournit guère de renseignements pertinents sur des questions aussi importantes que la protection du droit à la vie visé à l'article 6 du Pacte, l'interdiction de la torture, visée à l'article 7, le droit à la liberté et à la sécurité de la personne visé à l'article 9 et le droit de bénéficier d'une procédure régulière conformément à la loi visé à l'article 14. Le Comité regrette, en particulier, l'absence de tout renseignement concernant aussi bien le rapport de la Commission de la vérité et la mise en oeuvre de ses recommandations que la loi d'amnistie et son incidence sur les obligations de l'Etat partie au titre du Pacte.

3. Le Comité sait gré à la délégation des renseignements utiles qu'elle a fournis en réponse à la liste de questions, ainsi qu'aux questions et observations des membres du Comité. Néanmoins, le Comité regrette que de nombreuses questions posées à la délégation au cours du débat soient restées sans réponse.


B. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

4. Le Comité note qu'El Salvador sort à peine d'une guerre longue et dévastatrice, qui a entraîné des violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme, qu'il se rétablit lentement et a amorcé la transition vers la paix.


C. Aspects positifs

5. Le Comité note avec satisfaction que la situation des droits de l'homme s'est améliorée en El Salvador et que des progrès ont été réalisés sur la voie de la consolidation de la paix et de l'établissement d'un Etat de droit. A cet égard, le Comité prend note de la signature de l'accord de paix en 1992 et de la création, en application dudit accord, de la Commission de la vérité et de la Commission spéciale chargée d'enquêter sur les violations passées des droits de l'homme, de recommander des mesures à l'encontre de leurs auteurs, et d'éviter que de tels événements se reproduisent. Il se félicite en particulier de la création d'un poste de procureur chargé d'assurer la protection des droits de l'homme et du Service d'information concernant les personnes détenues, ainsi que de la primauté reconnue aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme sur la législation interne. Il salue également la réforme législative qui a été entreprise dans certains domaines, notamment en ce qui concerne le code de la famille et la création de tribunaux de la famille, ainsi que les restrictions apportées à la compétence des tribunaux militaires.


D. Principaux sujets de préoccupation

6. Le Comité s'inquiète de ce que, plus de deux ans après la signature de l'accord de paix, la légalité n'ait pas toujours été rétablie effectivement. Le Comité est préoccupé par le fait que les droits de l'homme sont toujours violés en El Salvador et qu'en particulier le droit à la vie fasse l'objet de violations graves et systématiques commises par des groupes paramilitaires. A cet égard, il note avec inquiétude la persistance, après la signature de l'accord de paix, des exécutions sommaires et arbitraires inspirées par des mobiles politiques, des menaces de mort et des cas de torture. Il s'inquiète aussi de ce que nombre de recommandations formulées par la Commission de la vérité ne soient toujours pas appliquées. Il existe toujours un hiatus marqué entre les garanties inscrites dans la Constitution et dans les lois et la manière dont ces garanties sont appliquées effectivement. Le Comité note également avec inquiétude que les droits et libertés consacrés par le Pacte n'ont pas été incorporés à part entière dans la Constitution.

7. Le Comité est gravement préoccupé par l'adoption de la loi d'amnistie, qui fait obstacle aux enquêtes nécessaires, empêche que les auteurs des violations passées des droits de l'homme soient châtiés et exclut par conséquent toute possibilité d'indemnisation. La loi d'amnistie compromet également sérieusement les effort entrepris pour rétablir le respect des droits de l'homme en El Salvador et empêcher que ne se produisent à nouveau les violations massives des droits de l'homme commises dans le passé. En outre, le fait de ne pas interdire aux auteurs des violations passées des droits de l'homme d'exercer des fonctions publiques, en particulier dans l'armée, dans la police nationale et dans le système judiciaire, ne manquera pas d'entraver sérieusement la transition vers la paix et la démocratie.

8. Le Comité exprime son inquiétude quant au fait que des violations des droits de l'homme sont encore commises par l'armée et les forces de sécurité. Il note à cet égard avec une préoccupation particulière que les autorités civiles n'exercent pas un contrôle plein et entier sur l'armée et les forces de sécurité.

9. Le Comité s'inquiète de ce que de hauts fonctionnaires du système judiciaire aient été impliqués dans des violations des droits de l'homme par la Commission de la vérité. A cet égard, il note avec inquiétude qu'en l'absence d'une véritable réforme du pouvoir judiciaire, les efforts entrepris pour renforcer la légalité et promouvoir le respect des droits de l'homme continueront d'être entravés. Le Comité est également préoccupé par le fait que les autorités civiles n'accordent ni aide ni protection aux membres du système judiciaire dans l'exercice de leurs fonctions.

10. D'autres sujets de préoccupation qui subsistent ont trait à la question de la pleine et entière application du Pacte en ce qui concerne la pleine jouissance par les femmes des droits consacrés par le Pacte et les difficultés rencontrées pour assurer la participation pleine et entière de tous les citoyens au processus électoral.


E. Suggestions et recommandations

11. Le Comité fait siennes les recommandations de la Commission de la vérité et recommande que le gouvernement prenne immédiatement les mesures nécessaires pour les appliquer intégralement.

12. Le Comité souligne l'obligation qui incombe à l'Etat partie, au titre du paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, de garantir que toute victime de violations passées des droits de l'homme dispose d'un recours utile. Afin de se conformer à cette obligation, le Comité recommande que l'Etat partie réexamine la loi d'amnistie et y apporte les modifications nécessaires ou l'abroge le cas échéant.

13. Le Comité recommande que toutes les mesures voulues soient prises sans délai pour combattre les violations continues des droits de l'homme commises en El Salvador. Toute violation devrait faire l'objet d'une enquête approfondie, les auteurs étant punis et les victimes indemnisées. A cet égard, le Comité recommande aussi que les services du Procureur chargé d'assurer la protection des droits de l'homme soient renforcés, en ce qui concerne tant leurs ressources que leurs attributions, afin de permettre au Procureur de s'acquitter efficacement de sa mission.

14. Le Comité recommande que toutes les mesures requises soient prises, afin de faire respecter les droits de l'homme par l'armée. Il exhorte l'Etat partie à prendre des mesures strictes pour faire en sorte que les personnes étroitement mêlées à des violations des droits de l'homme ne puissent pas réintégrer la police, l'armée ou les forces de sécurité.

15. Le Comité recommande qu'une réforme en profondeur du pouvoir judiciaire soit entreprise à l'effet d'établir un système judiciaire indépendant, impartial et à l'abri des pressions et des intimidations politiques, qui assurera la protection des droits de l'homme et ancrera la primauté du droit sans discrimination.

16. Le Comité demande instamment que le respect des droits de l'homme soit institutionnalisé à tous les niveaux du gouvernement et reconnu comme un élément essentiel du processus de la réconciliation et de la reconstruction nationales. A cet effet, le Comité recommande que tous les articles du Pacte soient pleinement incorporés dans le droit national; que les juges, les membres de la police et les militaires reçoivent une formation approfondie en matière de droits de l'homme; et que les droits de l'homme soient enseignés dans les écoles à tous les niveaux. La participation active des ONG au processus de démocratisation devrait également être encouragée.




Page Principale || Traités || Recherche || Liens