University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Dominican Republic, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.18 (1993).


 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 40 DU PACTE


Observations du Comité des droits de l'homme

REPUBLIQUE DOMINICAINE

1. Après avoir examiné le troisième rapport périodique de la République dominicaine (CCPR/C/70/Add.3) à ses 1213e à 1215e séances, les 25 et 26 mars 1993, le Comité a adopté à sa 1232e séance (quarante-septième session), tenue le 8 avril 1993 les observations suivantes :


A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de la République dominicaine et l'occasion qui lui est offerte de poursuivre le dialogue avec cet Etat partie. Toutefois, le Comité constate qu'à maints égards les renseignements communiqués dans le rapport étaient incomplets et ne tenaient pas compte de l'échange de vues qui avait eu lieu au cours de l'examen du précédent rapport. Le Comité aurait également apprécié que l'Etat partie présente une évaluation plus honnête des lacunes existantes dans le domaine législatif ainsi que des facteurs et difficultés rencontrés dans l'application du Pacte. Le troisième rapport périodique ne contenait guère plus d'informations à cet égard que le rapport précédent et est jugé insuffisant par le Comité. Toutefois, le Comité exprime sa satisfaction à la délégation dominicaine pour ce rapport ainsi que pour les renseignements supplémentaires qu'elle a fournis en réponse aux questions posées par les membres du Comité. Toutefois, de nombreuses questions n'ont pas été abordées et la plupart des informations fournies n'étaient pas suffisamment détaillées.


B. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

3. Le Comité note que la République dominicaine a accueilli un grand nombre de réfugiés et de travailleurs étrangers. Il note également que l'Etat partie a dû surmonter un passé d'autoritarisme. Ces circonstances, entre autres, peuvent expliquer en partie pourquoi nombre des dispositions du Pacte n'ont toujours pas été incorporées dans l'ordre juridique de la République.


C. Principaux sujets de préoccupation

4. Le Comité constate avec regret que, de manière générale, l'application du Pacte n'a pas progressé depuis l'examen du deuxième rapport périodique de l'Etat partie. Il subsiste en particulier un grand nombre de dispositions législatives qui ne sont toujours pas conformes au Pacte alors que la République dominicaine a adhéré à cet instrument il y a plus d'une quinzaine d'années. Plusieurs droits énoncés dans le Pacte ne sont pas garantis dans les textes juridiques en vigueur et d'autres droits sont sans effet en raison de dispositions juridiques nationales qui sont incompatibles avec le Pacte. Le Comité regrette en outre de ne pas avoir été clairement informé du statut de jure et de facto du Pacte dans le système juridique de la République dominicaine. En outre, les motifs prévus pour déclarer un état d'urgence sont trop vastes et l'éventail des droits auxquels il peut être dérogé est trop important pour être conforme à l'article 4 du Pacte. Le Comité est également préoccupé par le fait que les juristes, les fonctionnaires de justice et le public en général connaissent mal les dispositions du Pacte. Par ailleurs, le Comité note qu'aucune autorité gouvernementale n'est expressément chargée de veiller au respect des normes relatives aux droits de l'homme. A cet égard, le Comité note qu'il n'a pas été suffisamment donné suite aux constatations qu'il a adoptées conformément au Protocole facultatif mais se félicite de la promesse qu'a faite l'Etat partie de coopérer plus étroitement dans ce domaine à l'avenir.

5. Le Comité se déclare préoccupé par le fait que les Haïtiens qui vivent ou travaillent dans le pays ne sont pas protégés contre de graves violations des droits de l'homme telles que le travail forcé et les traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité est préoccupé du fait que la protection des droits fondamentaux des étrangers est soumise au principe de la réciprocité. Le Comité se déclare également préoccupé par les conditions de vie et de travail dégradantes des travailleurs haïtiens et par les pratiques tolérées qui restreignent en fait leur liberté de circulation. Bien que certains progrès aient été réalisés pour améliorer ces conditions, notamment en ce qui concerne le travail des enfants, celles-ci demeurent inacceptables. Qui plus est, alors que de nombreux travailleurs haïtiens se sont vu refuser le droit de quitter le lieu où ils travaillent, dans le même temps des cas d'expulsions massives du pays ont été constatés. A cet égard, le Comité estime que le décret présidentiel No 233-91, qui a entraîné l'expulsion massive de travailleurs haïtiens de moins de 16 ans et de plus de 60 ans, constitue une violation grave de plusieurs articles du Pacte.

6. Le Comité se déclare préoccupé par le faible niveau de protection juridique et les recours effectivement offerts aux citoyens en ce qui concerne les arrestations arbitraires et les détentions préventives pendant de longues périodes. Le Comité prend note avec inquiétude du grand nombre de détenus en instance de jugement, ce qui est particulièrement inquiétant vu les nombreux cas d'allégations d'abus de la police pendant la détention et des informations concernant les conditions insalubres d'emprisonnement. Le Comité souligne également que le châtiment par l'exil est incompatible avec le Pacte. En outre, les pouvoirs et l'indépendance des organes judiciaires ne semblent pas être suffisamment protégés. Une ordonnance judiciaire de libération doit être exécutée sans discussion.

7. Le Comité manifeste son inquiétude au sujet de la protection insuffisante des droits des minorités ethniques, religieuses et linguistiques en République dominicaine. A cet égard, il note que l'interdiction de diffuser dans une langue autre que l'espagnol n'est pas conforme à l'article 19 du Pacte. Il semble que le droit de réunion pacifique ne soit pas convenablement respecté par la police.


D. Recommandations

8. Le Comité recommande à l'Etat partie d'entreprendre un grand effort pour harmoniser sa législation nationale avec les dispositions du Pacte. A cet effet, la Constitution et les Codes civil et pénal devraient être révisés pour que la loi et son application concordent avec les dispositions du Pacte. L'Etat partie devrait aussi envisager de créer des services et mécanismes chargés de surveiller l'application des normes relatives aux droits de l'homme et de protéger et promouvoir ces droits. Il pourrait, par exemple, désigner un bureau indépendant qui recevrait les plaintes et, le cas échéant, enquêterait sur les abus. Il faudrait accorder une plus grande publicité au Pacte et au Protocole facultatif pour faire en sorte que les juristes, la magistrature et le grand public connaissent mieux leurs dispositions.

9. L'examen de la situation en ce qui concerne les conditions de vie et de travail des travailleurs haïtiens devrait recevoir la priorité. L'Etat partie devrait assurer l'application de la législation du travail, et notamment assurer un contrôle adéquat des conditions de travail. A cet égard, le Comité souligne la nécessité de rendre l'inspection du travail mieux à même de contrôler efficacement les conditions de travail des travailleurs haïtiens en vue de mettre fin à leur exploitation tyrannique. Le travail des enfants nécessite en particulier un degré de protection plus élevé et les normes internationales en la matière doivent être rigoureusement appliquées. Il faudrait assurer plus activement, en particulier dans les "zones d'exportation" l'exercice des droits syndicaux conformément à l'article 22 du Pacte. De plus, le décret présidentiel No 233-91 devrait être non pas simplement suspendu mais annulé.

10. Le Comité recommande que des mesures soient immédiatement prises pour réduire le nombre de détenus en instance de jugement de même que le nombre de dérogations à la règle des 48 heures. Des sanctions beaucoup plus sévères doivent être prises pour décourager efficacement les actes de torture et autres abus par le personnel des établissements pénitentiaires et les autorités de police. Il faudrait aussi prendre des dispositions pour adopter des réglementations plus sévères en matière d'emploi d'armes à feu par la police. Des stages de formation dans le domaine des normes internationales relatives aux droits de l'homme devraient être offerts aux membres de la police et au personnel des prisons.

11. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre de nouvelles mesures pour éliminer la discrimination à l'encontre des minorités ethniques, religieuses et linguistiques et de revoir la législation en la matière pour assurer sa conformité avec le Pacte.



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