University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Croatia, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.15 (1992).


 

 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME


RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations du Comité des droits de l'homme *

CROATIE



A. Introduction

1. Profondément préoccupée par les événements dont le territoire de l'ex-Yougoslavie a été récemment ou est actuellement le théâtre et qui affectent les droits de l'homme protégés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; notant que toutes les populations qui se trouvent sur le territoire de l'ex-Yougoslavie ont droit aux garanties énoncées dans le Pacte; et agissant conformément aux dispositions du paragraphe 1 b) de l'article 40 du Pacte, le Comité a, le 7 octobre 1992, prié le Gouvernement de Croatie de lui présenter un bref rapport sur les questions suivantes, concernant ces événements et les personnes relevant à présent de sa juridiction :

a) Mesures prises pour prévenir et combattre la politique de "nettoyage ethnique" menée, selon plusieurs sources d'information, sur le territoire de certaines parties de l'ex-Yougoslavie, eu égard aux articles 6 et 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

b) Mesures prises contre les arrestations arbitraires et l'assassinat ainsi que la disparition de personnes, eu égard aux articles 6 et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

c) Mesures prises contre les exécutions arbitraires, la torture et autres traitements inhumains dans les camps de détention, eu égard aux articles 6, 7 et 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

d) Mesures prises pour lutter contre tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence, eu égard à l'article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

2. En réponse à cette demande, la Croatie a présenté un bref rapport spécial intitulé "Rapport sur les mesures prises pour empêcher les actes criminels perpétrés en violation des droits et libertés de l'homme dans la République de Croatie", que le Comité a examiné à ses 1201ème et 1202ème séances, le 4 novembre 1992. La République de Croatie était représentée par M. Smiljan Simac, ministre adjoint des affaires étrangères de la République de Croatie, chef de la délégation; M. Budislav Vukas, professeur à la faculté de droit de Zagreb, membre de la délégation; et M. Davor Krapac, professeur à la faculté de droit de Zagreb, membre de la délégation. Le rapport a été complété par une introduction orale de M. Simac et par les réponses des différents membres de la délégation aux questions et observations des membres du Comité.

3. Le 12 octobre 1992, la République de Croatie a fait savoir au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies qu'elle avait succédé, à compter du 8 octobre 1991 (date de la proclamation de son indépendance), aux divers instruments relatifs aux droits de l'homme, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.


B. Aspects positifs

4. On a noté certains facteurs encourageants quant à la garantie des droits de l'homme. La République de Croatie était devenue un Etat en 1990 à la suite d'élections parlementaires démocratiques. Les obligations découlant des instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme étaient inscrites dans la nouvelle Loi constitutionnelle relative aux droits et libertés de l'homme et aux droits des communautés ou minorités nationales ou ethniques, adoptée en décembre 1991 et modifiée en avril 1992. Le gouvernement avait créé un bureau des relations interethniques, qui aurait des services dans différents districts de Croatie et serait doté d'un mandat très large.

La délégation croate a confirmé que, du point de vue du gouvernement, l'identité ethnique devait servir uniquement à faire en sorte que les minorités ethniques reçoivent les garanties auxquelles elles avaient droit en vertu de l'article 27 du Pacte. On a également noté que des personnes accusées de crimes contre des civils, de crimes contre des prisonniers de guerre ou du crime de génocide avaient été traduites en justice. Les trois camps de prisonniers de guerre qui existaient en Croatie étaient placés sous le contrôle du Ministère de la défense et ouverts au Comité international de la Croix-Rouge. Le gouvernement avait condamné la politique des groupes paramilitaires et des partis politiques d'extrême droite et menait des enquêtes sur les activités de certains membres du Parlement appartenant au Parti de droite croate.


C. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

5. Depuis son indépendance, le territoire de la République de Croatie a été le théâtre de vastes opérations militaires. Il en est résulté des violations massives des droits de l'homme, y compris des pertes en vies humaines, des tortures, des disparitions et des exécutions sommaires; des villes entières ont été détruites et des populations ont été déplacées. En outre, à cause du conflit qui déchire la Bosnie-Herzégovine voisine, la Croatie a accueilli un grand nombre de réfugiés.

6. Les représentants ont aussi informé le Comité que la Croatie ne contrôlait que les trois quarts environ de son territoire, le reste étant placé sous le contrôle de la FORPRONU. La délégation a admis qu'au cours des hostilités qui s'étaient déroulées sur son territoire, il y avait eu des périodes où l'ordre public s'était effondré et où il avait été impossible de maîtriser la violence d'origine ethnique dirigée contre les Serbes. Le pays en acceptait la responsabilité.


D. Principaux sujets d'inquiétude

7. Le Comité était préoccupé par le préambule de la Constitution, selon lequel la République de Croatie est définie comme "l'Etat national de la nation croate comprenant des membres d'autres nations et minorités qui en sont les citoyens". Il était également préoccupé par la discrimination et les tracasseries dont étaient victimes depuis longtemps les personnes d'origine serbe résidant en Croatie. Il fallait déplorer, en particulier, la circulation de listes de personnes groupées selon leur origine ethnique. Des purges avaient été permises dans les services publics et la police était identifiée au nationalisme d'extrême droite. On voyait souvent des militaires porter des emblèmes fascistes en public, y compris en Bosnie-Herzégovine. Des Serbes avaient été licenciés dans les services de presse, et les arrestations ainsi que les disparitions étaient chose courante. Des personnes étaient détenues dans des conditions déplorables en Bosnie-Herzégovine dans des lieux d'internement qui étaient placés sous le contrôle de l'armée croate ou de factions militaires croates locales appuyées par la République de Croatie.

La responsabilité internationale de la République de Croatie se trouvait engagée du fait de ces événements.

8. Le Comité était convaincu qu'il y avait en Croatie des lieux de détention qui n'avaient pas été signalés et où des personnes étaient détenues souvent par des groupes privés. De nombreuses personnes étaient illégalement détenues sans aucune raison légitime. On les privait parfois de leur liberté simplement pour pouvoir les échanger contre des prisonniers croates.


E. Recommandations

9. Le Gouvernement croate est instamment prié de lutter vigoureusement contre toutes les manifestations de haine raciale. La circulation de listes de personnes classées selon leur appartenance ethnique doit être publiquement condamnée et les mesures appropriées doivent être prises. Des efforts énergiques doivent être faits pour identifier les lieux de détention non déclarés et pour veiller à ce que seules les personnes ayant le statut de prisonnier de guerre soient détenues, et ce dans des camps dûment notifiés et administrés conformément aux Conventions de Genève et au Pacte. L'Etat doit accepter la responsabilité des actes commis par les membres des forces armées en Croatie ainsi que dans les autres territoires. Tous les membres du personnel militaire doivent recevoir des instructions claires quant aux obligations qui leur incombent en vertu du Pacte. Ce qui précède vaut également pour l'appui accordé, directement ou indirectement, aux milices croates locales en Bosnie-Herzégovine. Les responsables de violations des droits de l'homme doivent être traduits rapidement en justice. A cet égard, les distinctions existant entre les juridictions militaires et les juridictions civiles doivent être révisées de manière à ce que les militaires puissent être jugés et, s'ils sont reconnus coupables, punis dans le cadre d'une juridiction civile normale.

*/ Adoptées à la 1205ème séance (quarante-sixième session), le 6 novembre 1992.



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