University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Chile, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.104 (1999).


 

 


Convention Abbreviation: CCPR
Comité des droits de l'homme
Soixante-cinquième session


Examen des rapports présentés par les
États parties en vertu de l'article 40 du Pacte

Observations finales du Comité des droits de l'homme

Chili


1. Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique du Chili (CCPR/C/95/Add.11) à ses 1733e et 1734e séances (CCPR/C/SR.1733 et 1734), tenues le 24 mars 1999, et a adopté les observations finales ci-après à sa 1740e séance (CCPR/C/SR.1740), tenue le 30 mars 1999.


A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport détaillé présenté par l'État partie, qui couvre les changements importants intervenus dans ce pays depuis 1990. Tout en prenant note des renseignements utiles contenus dans le rapport concernant les projets de propositions de lois, il regrette que celui-ci ait été soumis en retard, de même que le document de base.

3. Le Comité apprécie les renseignements supplémentaires fournis par la délégation lors du dialogue qu'elle a engagé avec le Comité.


B. Facteurs positifs

4. Le Comité constate avec satisfaction les progrès réalisés depuis l'examen du troisième rapport périodique de l'État partie en ce qui concerne le rétablissement de la démocratie au Chili après la dictature militaire ainsi que les initiatives prises pour modifier les dispositions législatives incompatibles avec les obligations qui incombent à l'État partie au titre du Pacte.

5. La création du Service national des femmes (SERNAM), de la Commission nationale pour la famille, de l'École de la magistrature et du Comité national pour la suppression du travail des enfants et l'adoption de la loi sur la violence familiale sont des faits nouveaux positifs.


C. Facteurs et difficultés ayant une incidence sur l'application du Pacte

6. Les arrangements constitutionnels pris dans le cadre de l'accord politique qui a facilité le passage de la dictature militaire à la démocratie entravent la pleine application du Pacte par l'État partie. Tout en appréciant le contexte politique et les dimensions de ces arrangements, le Comité souligne que les contraintes politiques intérieures ne peuvent servir d'excuses ou de justifications pour le non-respect des obligations internationales qui incombent à l'État partie en vertu du Pacte.


D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7. Le décret-loi d'amnistie, en vertu duquel les personnes qui ont commis des infractions entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1978 sont amnistiées, empêche l'État partie de respecter son obligation au titre du paragraphe 3 de l'article 2 en vue de garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le Pacte ont été violés dispose d'un recours utile. Le Comité réitère l'opinion exprimée dans son Observation générale No 20, selon laquelle les lois d'amnistie qui s'étendent aux violations des droits de l'homme sont généralement incompatibles avec le devoir de l'État partie d'enquêter sur les violations des droits de l'homme, de garantir le droit d'être à l'abri de telles violations dans les limites de sa juridiction et d'assurer que des violations similaires ne se produiront pas à l'avenir.

8. Le Comité est gravement préoccupé par les enclaves de pouvoir conservées par les membres de l'ancien régime militaire. Le pouvoir, accordé au Sénat, de bloquer les initiatives adoptées par le Congrès, et les pouvoirs exercés par le Conseil national de sécurité, sont incompatibles avec l'article 25 du Pacte. La composition du Sénat entrave aussi la réforme juridique qui permettrait à l'État partie de respecter plus pleinement les obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.

9. La compétence étendue des tribunaux militaires, qui sont habilités à connaître de toutes les affaires mettant en cause des militaires, contribue à l'impunité dont jouissent ces derniers pour ce qui concerne les violations graves des droits de l'homme. En outre, que les tribunaux militaires aient compétence pour juger des civils ne semble pas être en conformité avec l'article 14 du Pacte. Pour ces motifs :

10. Le Comité est gravement préoccupé par la persistance des plaintes faisant état de torture et d'usage excessif de la force par la police et d'autres forces de sécurité, actes dont certains ont été confirmés dans le rapport de l'État partie, ainsi que par l'absence de mécanismes indépendants permettant d'enquêter sur ces plaintes. La seule possibilité qui est de recourir à une action en justice ne peut remplacer ce type de mécanismes. Pour ces motifs :

11. Tout en se félicitant de la réforme du Code de procédure pénale, le Comité est gravement préoccupé de voir qu'un grand nombre de ses dispositions, dont certaines renforceront les garanties relatives à un procès équitable prévues à l'article 14 du Pacte, n'entreront pas en vigueur avant longtemps. Pour ces motifs :

12. La loi et la pratique en matière de détention provisoire, en vertu de laquelle de nombreuses personnes accusées d'infractions sont mises en détention en attendant la fin de la procédure pénale, soulèvent des questions s'agissant du respect du paragraphe 3 de l'article 9 et du paragraphe 2 de l'article 14 du Pacte. À cet égard :

13. Le pouvoir de garder les détenus au secret, bien que limité par les réformes législatives récentes, demeure un sujet de vive préoccupation. Par conséquent :

14. Le Comité est préoccupé par les conditions dans les prisons et les lieux de détention chiliens et par les rapports faisant état de discrimination entre les prisonniers. Par conséquents :

15. La criminalisation de tous les avortements, sans exception, soulève de graves questions, d'autant plus que, selon des informations non réfutées, de nombreuses femmes auraient recours à des avortements clandestins qui mettraient leur vie en danger. Le fait que la loi fait obligation au personnel de santé de signaler les femmes qui ont subi des avortements peut dissuader les femmes de se faire soigner, ce qui met leur vie en danger. L'État partie est tenu de prendre des mesures pour garantir le droit à la vie de toutes les personnes, y compris les femmes qui décident de mettre un terme à leur grossesse. À cet égard :

16. Le Comité est gravement préoccupé par les dispositions légales existantes qui sont discriminatoires à l'égard des femmes en matière de mariage. Les réformes juridiques en vertu desquelles les couples mariés peuvent décider de ne pas appliquer ces dispositions discriminatoires, telles que celles relatives au contrôle des biens et à l'autorité sur les enfants, ne suppriment pas la discrimination inscrite dans les dispositions légales de base auxquelles il ne peut être dérogé qu'avec le consentement du mari. Par conséquent :

17. L'inexistence du divorce dans le droit chilien peut être considéré comme une violation du paragraphe 2 de l'article 23 du Pacte, aux termes duquel l'homme et la femme d'âge nubile ont le droit de se marier et de fonder une famille. Du fait de l'inexistence du divorce, la femme mariée reste toujours soumise aux lois discriminatoires en matière de patrimoine mentionnées au paragraphe 16, même lorsqu'un mariage est irrémédiablement brisé.

18. Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de cas de harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Par conséquent :

19. Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes sont insuffisamment représentées dans la vie politique, la fonction publique et la magistrature. Par conséquent :

20. Le maintien en vigueur de la législation qui criminalise les relations homosexuelles entre adultes consentants constitue une violation du droit à la protection de la vie privée prévue à l'article 17 du Pacte et peut renforcer les attitudes discriminatoires entres les personnes sur la base de l'orientation sexuelle. Pour ces motifs :

21. L'âge minimum du mariage, qui est de 12 ans pour les filles et de 14 ans pour les garçons, soulève des questions de respect par l'État partie de l'obligation qui est la sienne au titre du paragraphe 1 de l'article 24 d'offrir une protection aux mineurs. En outre, le mariage à un âge si jeune signifie généralement que les personnes concernées n'ont pas la maturité suffisante pour que le mariage soit conclu avec le libre et plein consentement des futurs époux, comme exigé au paragraphe 3 de l'article 23 du Pacte. Pour ces motifs :

22. Le Comité prend note des différentes mesures législatives et administratives prises pour respecter les droits des personnes appartenant aux communautés autochtones au Chili et garantir leur droit de jouir de leur propre culture. Toutefois, le Comité est préoccupé par les projets de production d'énergie hydroélectrique et autres projets de développement qui risquent d'avoir des effets négatifs sur le mode de vie et les droits des Mapuche et aux autres communautés autochtones. La réinstallation et l'indemnisation peuvent ne pas être suffisantes pour assurer le respect de l'article 27 du Pacte. Par conséquent :

23. Le Comité est préoccupé par le manque de législation d'ensemble qui interdirait la discrimination dans les domaines public et privé, par exemple en ce qui concerne l'emploi et le logement. Aux termes du paragraphe 3 de l'article 2 et de l'article 26 du Pacte, l'État partie doit protéger les personnes contre ce type de discrimination. Par conséquent :

24. Le statut spécial accordé dans le droit public aux églises catholiques romaines et orthodoxes constitue une discrimination entre les personnes sur la base de leur religion et peut entraver la liberté de religion. Par conséquent :

25. L'interdiction générale imposée aux fonctionnaires de constituer des syndicats et de négocier collectivement, ainsi que de faire grève, soulève de graves questions au regard de l'article 22 du Pacte. Par conséquent :

26. Le Comité fixe à avril 2004 la date à laquelle le cinquième rapport périodique du Chili devra être présenté. Il demande que le texte du quatrième rapport périodique de l'État partie et les présentes observations finales soient rendus publics et fassent l'objet d'une large diffusion au Chili et que le prochain rapport périodique soit diffusé auprès des organisations non gouvernementales oeuvrant au Chili.

 



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