University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Cameroon, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.33 (1994).


 

 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
Cinquantième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN VERTU DE L'ARTICLE 40 DU PACTE
Observations du Comité des droits de l'homme


Cameroun

1. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Cameroun (CCPR/C/63/Add.1) à ses 1306ème, 1307ème et 1308ème séances (CCPR/C/SR.1306 à SR.1308), tenues les 30 et 31 mars 1994, et a adopté à sa 1316ème séance (cinquantième session), tenue le 7 avril 1994 les observations ci-après :


A. Introduction

2. Le Comité remercie le Cameroun de son rapport et se félicite de la volonté du gouvernement de poursuivre le dialogue engagé avec le Comité. Le rapport, bien que sommaire et assez théorique, est à d'autres égards conforme aux directives du Comité concernant l'élaboration des rapports périodiques (CCPR/C/20/Rev.1) et les observations orales ont complété utilement les informations données par écrit. Les réponses apportées aux questions des membres du Comité par une délégation compétente et de haut niveau ont contribué à rendre le dialogue entre la délégation et le Comité franc et fructueux.


B. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

3. La méconnaissance de leurs droits par les justiciables entrave l'exercice de ces droits et contribue à laisser les individus sans recours en cas de violations. Par conséquent, de nombreuses violations des droits de l'homme ne font l'objet d'aucune attention. La subsistance de certaines traditions et coutumes constitue parfois des pesanteurs qui entravent l'application du Pacte, notamment en ce qui concerne l'égalité entre l'homme et la femme.


C. Aspects positifs

4. La création du Comité national des droits de l'homme et des libertés représente un progrès notable dans la promotion des droits de l'homme au Cameroun.

5. Les lois adoptées en 1990, notamment la loi No 90-56 du 19 décembre 1990 relative aux partis politiques instituant le multipartisme, constituent un facteur encourageant pour la mise en oeuvre du Pacte.

6. Les informations détaillées données oralement par la délégation sur la situation des minorités au Cameroun permettent de noter une approche positive des autorités du pays au regard de l'application de l'article 27 du Pacte.


D. Principaux sujets de préoccupation

7. Le Comité regrette que la proclamation de l'état d'urgence à l'occasion des événements survenus dans le nord-ouest du pays en 1992 n'ait pas été notifiée dans les réformes voulues au Secrétaire général de l'ONU, conformément aux exigences de l'article 4 du Pacte.

8. Le Comité déplore que l'Etat partie n'ait pas engagé toutes les réformes nécessaires pour lutter contre les pesanteurs qui font encore obstacle à l'égalité entre hommes et femmes.

9. Malgré une réduction intervenue récemment, le Comité s'inquiète du nombre encore trop important d'infractions punissables de la peine de mort dans le Code pénal, en particulier pour le vol aggravé ou le trafic de déchets toxiques, ainsi que du nombre de condamnations à mort prononcées par les tribunaux.

10. Il déplore les atteintes au droit à la vie portées par les représentants des forces de l'ordre, l'armée et même par des groupes paramilitaires à l'égard de civils, non seulement lors des événements survenus en 1992 mais aussi en mars 1993, et encore récemment en mars 1994.

11. Le Comité déplore les multiples cas de tortures, les mauvais traitements, les exécutions extrajudiciaires et les détentions illégales, subis notamment par les journalistes et les opposants politiques. Les tortures et mauvais traitements paraissent pratiqués systématiquement par les forces de l'ordre et, à plusieurs reprises, la brutalité de celles-ci a entraîné la mort des victimes.

12. Il déplore également le fait que de tels sévices soient pratiqués dans les prisons ainsi que le non-respect des dispositions de l'article 10 du Pacte dans les centres de détention où cohabitent hommes et femmes, prévenus et condamnés, mineurs et adultes dans les mêmes cellules, globalement insalubres.

13. Le Comité constate que la liberté d'expression n'est pas garantie, en raison du dépôt préalable de toute publication, de la surveillance exercée par la censure ainsi que du contrôle exercé par les autorités sur la presse écrite, la radio et la télévision.

14. Le Comité s'interroge sur l'indépendance du pouvoir judiciaire; en particulier, la composition du Conseil supérieur de la magistrature ne paraît pas de nature à garantir le respect de ce principe.

15. Le Comité regrette les difficultés rencontrées par les travailleurs pour exercer librement et de manière pacifique leurs droits au titre des articles 21 et 22 du Pacte.

16. Le Comité s'inquiète des conditions dans lesquelles se sont déroulées les élections présidentielles du 11 octobre 1992; en particulier, il exprime sa préoccupation au sujet des nombreuses allégations de cas de fraude survenus lors des différents scrutins.


E. Suggestions et recommandations

17. Le Comité recommande aux autorités camerounaises de saisir l'occasion de la réforme constitutionnelle pour incorporer au système législatif national l'ensemble des droits garantis par le Pacte et recommande que chaque article du projet soit systématiquement examiné au regard des dispositions du Pacte.

18. Des mesures devraient être prises pour organiser des élections libres se déroulant dans la régularité et la transparence.

19. Le Comité invite le gouvernement à diffuser le Pacte, par des moyens appropriés au niveau culturel, afin que toute personne ait connaissance de ses droits, quels que soient son lieu de résidence et sa situation dans la société camerounaise.

20. Le Comité insiste auprès des autorités du Cameroun pour que le Code pénal soit revu aux fins de limiter le nombre des infractions punissables de la peine de mort.

21. Le Comité recommande fermement au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher les exécutions sommaires, les actes de torture, les mauvais traitements et les détentions illégales, de mener des enquêtes dans tous les cas afin de traduire en justice les personnes soupçonnées de tels actes, de sanctionner ceux dont la culpabilité est établie et d'indemniser les victimes.

22. Le Comité invite les autorités camerounaises à modifier leur législation applicable à la garde à vue administrative afin que celle-ci soit limitée dans le temps et puisse faire l'objet d'un recours conformément au paragraphe 4 de l'article 9 du Pacte. Le Comité insiste pour que les autorités camerounaises imposent aux responsables de l'application des lois un strict respect des dispositions de l'article 9 du Pacte afin que cessent les détentions arbitraires ou illégales, en organisant au besoin à leur attention une formation spécifique.

23. Le Comité invite les autorités camerounaises à adopter d'urgence les mesures nécessaires pour que, dans les prisons et centres de détention, l'ensemble des dispositions de l'article 10 du Pacte soit pleinement respecté.

24. Des mesures devraient être prises, au besoin sous la forme d'une réforme constitutionnelle, pour garantir l'indépendance et l'impartialité du corps judiciaire, conformément au paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte.

25. Le Comité invite le gouvernement à améliorer la situation de la femme en vue de parvenir à une application effective de l'article 3 du Pacte, notamment en adoptant les mesures éducatives et autres nécessaires pour surmonter les pesanteurs de certaines coutumes et traditions, ainsi qu'en donnant suite le plus rapidement possible au projet de modifier le Code de la famille.

26. Le Comité recommande aux autorités camerounaises de lever définitivement la censure et d'amender la loi du 19 décembre 1990 en vue d'assurer sa conformité à l'article 19 du Pacte.




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