University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Brazil, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.66 (1996).


 

 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
Cinquante-septième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l'homme


BRESIL



1. Le Comité a examiné le rapport initial du Brésil (CCPR/C/81/Add.6) de sa 1506ème à sa 1508ème séance, les 10 et 11 juillet 1996 (voir CCPR/C/SR.1506 à 1508). A sa 1526ème séance, le 24 juillet 1996, il a adopté les observations suivantes.


A. Introduction

2. Le Comité remercie l'Etat partie de son rapport initial conforme en tous points aux directives relatives à l'établissement des rapports. La franchise et l'exhaustivité des informations que contient ce document méritent une mention particulière. Le Comité apprécie également la présentation faite par la délégation qui a détaillé les mesures prises par l'Etat partie pour donner effet aux dispositions du Pacte après que le rapport a été soumis. Il se félicite de la manière franche avec laquelle la délégation de haut rang a répondu aux questions des membres du Comité. L'échange de vues avec la délégation a été constructif et fructueux, même s'il est à regretter que certaines questions soulevées lors de l'examen du rapport de l'Etat partie soient demeurées sans réponse.


B. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre du Pacte

3. Il semblerait que les disparités énormes dans la répartition de la richesse entre les différentes couches de la population soit un facteur essentiel dans la genèse des phénomènes décrits dans le rapport, phénomènes qui sont incompatibles avec la jouissance des droits les plus fondamentaux protégés par le Pacte.


C. Aspects positifs

4. Le Comité approuve l'engagement pris par le Gouvernement fédéral d'adopter des mesures propres à renforcer la protection des droits consacrés par le Pacte. Il se félicite des mesures législatives et autres prises ces dernières années par l'Etat partie en vue d'accroître la promotion et la protection des droits de l'homme. Il prend note, à cet égard, de la ratification, récemment, par l'Etat partie, d'instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme. Il se félicite également du lancement, par le décret No 1904 du 13 mai 1996, du programme national relatif aux droits de l'homme destiné à accélérer le processus d'application des droits de l'homme. Il note avec intérêt les initiatives proposées pour repenser et renforcer le rôle du conseil de défense des droits de la personne humaine (CDDPH) et la création de l'institution du défenseur public chargé de faciliter l'accès du public au système judiciaire. Il appuie également les mesures prises par le Gouvernement fédéral pour permettre au ministère public de porter devant la justice fédérale des affaires de violations des droits de l'homme.


D. Principaux sujets de préoccupation

5. En ce qui concerne les obligations qui incombent à l'Etat partie en vertu des articles 2 et 50 du Pacte, le Comité craint que les mesures prises pour faire respecter partout dans la fédération les droits inscrits dans le Pacte restent insuffisantes et inefficaces, compte tenu en particulier de l'immensité du territoire et de l'isolement de certaines zones. Il se demande si le Gouvernement fédéral a fait le nécessaire pour que les gouvernements des Etats brésiliens et les collectivités locales protègent efficacement les droits énoncés dans le Pacte.

6. Le Comité est profondément préoccupé par les exécutions sommaires et arbitraires - qui sont le fait des forces de sécurité et d'escadrons de la mort comptant souvent parmi leurs membres des agents de ces forces - de personnes appartenant à des groupes particulièrement vulnérables, notamment des enfants des rues, des paysans sans terre, des autochtones et des dirigeants syndicaux.

7. Le Comité est également très préoccupé par les nombreux cas de torture, de détentions arbitraires et illégales, de menaces de mort et d'actes de violence dont sont victimes des prisonniers de la part des forces de sécurité et, en particulier, de la police militaire.

8. Le Comité déplore que les exécutions sommaires et arbitraires, les tortures, les menaces de mort, les détentions arbitraires et illégales et les actes de violence dont sont victimes des prisonniers ne fassent que rarement l'objet d'une enquête appropriée et demeurent très souvent impunis. Les membres des forces de sécurité impliqués dans des violations flagrantes des droits de l'homme bénéficient d'une grande impunité incompatible avec le Pacte.

9. Le Comité est extrêmement préoccupé par les conditions de détention intolérables et, en premier lieu, le surpeuplement. Il déplopre le fait qu'à l'expiration de leur peine, certains prisonniers ne soient pas immédiatement remis en liberté et que la crainte de représailles par les autorités pénitentiaires ou un gardien empêche les personnes incarcérées ou détenues de se plaindre.

10. Le Comité est préoccupé par le fait que les membres de la police militaire qui sont accusés de violations des droits de l'homme sont traduits devant un tribunal militaire et il regrette que la compétence de connaître ces affaires n'ait pas encore été attribuée à des juridictions civiles.

11. Le Comité s'inquiète des menaces dont sont victimes des membres du pouvoir judiciaire, menaces qui compromettent l'indépendance et l'impartialité de la justice, laquelle joue un rôle fondamental pour assurer le respect des droits protégés par l'article 14 du Pacte.

12. Le Comité note avec préoccupation que lorsque des membres des forces de sécurité de l'Etat sont accusés de violation des droits de l'homme, il n'est donné aucune protection aux témoins pour qu'ils ne soient pas victimes de représailles, d'actes d'intimidation, de menaces et de harcèlement.

13. Le Comité est préoccupé par la situation des femmes qui, en dépit de certains progrès, continuent d'être victimes de discrimination de fait et de droit, y compris en ce qui concerne l'accès au marché du travail. Comme l'Etat partie, il est préoccupé par le fait que la violence contre les femmes demeure un grand problème qu'il convient de traiter plus efficacement.

14. L'ampleur du problème du travail forcé et du servage pour dette, en particulier en milieu rural, inquiète le Comité. Les problèmes graves que sont l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine et la prostitution enfantine demeurent un sujet de grande préoccupation pour le Comité.

15. Le Comité est particulièrement préoccupé par la discrimination raciale et autre dont sont victimes les Noirs et les autochtones. Il relève que le gouvernement poursuit le processus de délimitation des terres autochtones au Brésil afin de mettre en oeuvre les droits des communautés autochtones mais regrette que ce processus soit loin d'être achevé.


E. Suggestions et recommandations

16. Le Comité invite instamment l'Etat partie à veiller à ce que les dispositions du Pacte soient pleinement mises en oeuvre sur tout le territoire, conformément aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2 et 50.

17. Le Comité approuve la volonté du Gouvernement fédéral de veiller à ce que la législation nationale soit parfaitement conforme aux dispositions du Pacte et espère que l'Etat partie continuera d'accorder une priorité élevée à l'adoption et à la mise en oeuvre d'amendements aux lois existantes et aux nouveaux codes de lois proposés afin que ces textes soient conformes aux obligations internationales qui lui incombent en matière de droits de l'homme.

18. Le Comité se félicite du projet de loi (N.4.716-A/94) qui fait de la torture une infraction et du projet de loi (PL 2801/92) qui attribuera non plus à la justice militaire mais à la justice civile la compétence de juger les membres de la police militaire accusés de violations des droits de l'homme contre des civils. Il invite l'Etat partie à faire promulguer rapidement ces textes.

19. Le Comité demande instamment au Gouvernement brésilien de prendre immédiatement des mesures efficaces pour prévenir les violations des droits de l'homme par les membres des forces de sécurité, en particulier les cas d'exécutions sommaires et arbitraires, de torture, d'usage abusif de la force et de détention arbitraire et pour lutter contre de tels actes. Ces mesures devraient viser notamment à faire connaître les droits de l'homme aux responsables de l'application des lois, en particulier aux membres de la police militaire, et à les sensibiliser à cette question. Il faudrait lancer des campagnes et des programmes destinés à atteindre cet objectif et faire figurer systématiquement l'enseignement des droits de l'homme dans toutes les activités de formation.

20. Il faut, pour lutter contre l'impunité, adopter des mesures sévères afin que les allégations de violations des droits de l'homme fassent promptement l'objet d'une enquête approfondie, que les auteurs de telles violations soient poursuivis, que ceux qui sont reconnus coupables soient dûment châtiés et que les victimes soient convenablement indemnisées. Il faudrait que l'Etat partie veille à ce que les membres des forces de sécurité reconnus coupables d'infractions graves soient définitivement radiés de ces forces et que ceux contre lesquels de telles allégations sont formulées soient suspendus pendant toute la durée de l'enquête.

21. Il faudrait prendre immédiatement des mesures pour que les condamnés soient libérés sans retard à l'expiration de leur peine.

22. Le Comité recommande vivement qu'un organe indépendant - et non les forces de sécurité elles-mêmes - enquête sur toute plainte mettant en cause leurs membres. Il faudrait instituer partout dans le pays - et informer le public de leur existence - des mécanismes formels chargés de recueillir les plaintes de cette nature et d'enquêter sur leur contenu. De tels mécanismes doivent protéger efficacement les plaignants et les témoins contre les actes d'intimidation et de représailles.

23. Compte tenu de ce qui est dit dans le rapport de l'Etat partie, à savoir que le niveau de la mortalité infantile reste généralement élevé, il faut prendre des mesures pour le faire baisser.

24. Le Comité recommande que l'Etat partie continue d'examiner d'autres moyens d'améliorer l'efficacité de la justice. Il faudrait que le gouvernement envisage de mettre en place des juridictions d'arbitrage des petits litiges et des juridictions pour les infractions mineures, ce qui contribuerait à désengorger les tribunaux.

25. Le Comité insiste sur le devoir qu'a l'Etat partie, en vertu de l'article 10 du Pacte, de veiller à ce que toute personne privée de sa liberté soit traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Etant donné ce qui est dit dans le rapport de l'Etat partie sur les conditions de détention intolérables, notamment la surpopulation carcérale, l'Etat partie a l'obligation de prendre des mesures propres àassurer la mise en oeuvre de l'article 10. Pour réduire la surpopulation dans les prisons, des peines de substitution qui permettraient à certaines personnes de purger leur peine au sein de la collectivité pourraient être envisagées. Si la réduction du nombre de personnes incarcérées ou détenues ne peut pas constituer la solution de ce problème, l'Etat partie doit consacrer davantage de ressources à renforcer la capacité de son système pénitentiaire. Des mesures doivent également être prises pour mettre en place des programmes efficaces de réinsertion sociale et d'amendement des détenus.

26. Le Comité recommande vivement d'organiser régulièrement des cours sur les droits de l'homme à l'intention des hommes de loi, des procureurs et des magistrats.

27. Le Comité recommande l'adoption de lois interdisant la discrimination fondée sur l'un quelconque des motifs visés au paragraphe 1 de l'article 2 du Pacte. Il faudrait réformer les dispositions de la législation nationale régissant l'âge légal de la majorité pour participer à la vie publique et le droit de tout citoyen d'accéder aux fonctions publiques de façon à les aligner sur les dispositions pertinentes du Pacte, les articles 2.1, 16 et 25.

28. Le Comité estime que la distinction qui est faite au paragraphe 3 de l'article 12 de la Constitution entre Brésilien de naissance et Brésilien par naturalisation aux fins de l'accès à certaines positions dans la vie publique est incompatible avec les articles 2 et 25 du Pacte. L'Etat partie doit agir en conséquence.

29. Le Comité est d'avis que la loi, comme le requiert l'article 22 du Pacte, doit permettre la pluralité des syndicats.

30. Le Comité recommande que l'Etat partie crée des mécanismes efficaces pour la mise en oeuvre de la loi No 9 029 qui interdit d'exiger la présentation d'un certificat de grossesse ou de stérilisation et autres pratiques discriminatoires en matière d'emploi. Il demande instamment que le projet de loi No 382-B/91 relatif à l'égalité d'accès au marché du travail soit adopté sans plus attendre. Il espère que les propositions contenues dans le plan national brésilien relatif aux droits de l'homme visant à combattre la violence à l'égard des femmes seront toutes appliquées sans retard.

31. Le Comité demande instamment à l'Etat partie de faire appliquer les lois interdisant le travail forcé, le travail des enfants et la prostitution enfantine et de mettre en oeuvre des programmes visant à prévenir et à combattre les violations des droits de l'homme de cette nature. Il l'exhorte, en outre, à mettre en place des mécanismes de surveillance plus efficaces pour faire respecter les dispositions de la législation nationale et les normes internationales pertinentes. Les responsables du travail forcé, de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine et de la prostitution enfantine ainsi que ceux qui tirent directement profit d'activités de cette nature doivent être sévèrement punis par la loi.

32. Le Comité recommande que l'Etat partie prenne immédiatement des mesures pour protéger les droits des personnes appartenant à des minorités raciales et à des communautés autochtones, en particulier en ce qui concerne leur accès à des services de santé et à un enseignement de qualité. Ces mesures devraient permettre à un plus grand nombre d'enfants d'être scolarisés et réduire le nombre des abandons scolaires. Le Comité est d'avis que, eu égard à l'article 27 du Pacte, toutes les mesures voulues devraient être prises pour achever rapidement et équitablement le processus de délimitation des terres autochtones.

33. Le Comité recommande à l'Etat partie d'envisager d'adhérer aux premiers Protocoles facultatifs se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.




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