University of Minnesota



Observation générale 23, Article 27: Protection des minorités, Compilation des commentaires generaux et Recommendations generales adoptees par les organes des traites, U.N. Doc. HRI\GEN\1\Rev.1 (1994).


 

1. L'article 27 du Pacte stipule que, dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue. Le Comité constate que cet article consacre un droit qui est conféré à des individus appartenant à des groupes minoritaires et qui est distinct ou complémentaire de tous les autres droits dont ils peuvent déjà jouir, conformément au Pacte, en tant qu'individus, en commun avec toutes les autres personnes.

2. Dans certaines communications présentées au Comité en application du Protocole facultatif, le droit consacré à l'article 27 a été confondu avec le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, énoncé à l'article premier du Pacte. En outre, dans les rapports présentés par les Etats parties conformément à l'article 40 du Pacte, les obligations imposées aux Etats parties par l'article 27 ont parfois été confondues avec le devoir qu'ils ont en application du paragraphe 1 de l'article 2 de garantir les droits reconnus dans le Pacte, sans distinction aucune, ainsi qu'avec les droits à l'égalité devant la loi et à une égale protection de la loi énoncés à l'article 26.

3.1 Une distinction est faite dans le Pacte entre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et les droits consacrés à l'article 27. Le premier droit est considéré comme un droit appartenant aux peuples et fait l'objet d'une partie distincte du Pacte (première partie). Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes n'est pas susceptible d'être invoqué en vertu du Protocole facultatif. Par ailleurs, l'article 27 confère des droits à des particuliers et, à ce titre, il figure, comme les articles concernant les autres droits individuels conférés à des particuliers, dans la troisième partie du Pacte et peut faire l'objet d'une communication en vertu du Protocole facultatif1.

3.2 La jouissance des droits énoncés à l'article 27 ne porte pas atteinte à la souveraineté et à l'intégrité territoriale d'un Etat partie. Toutefois, l'un ou l'autre des droits consacrés dans cet article -- par exemple, le droit d'avoir sa propre vie culturelle -- peut consister en un mode de vie étroitement associé au territoire et à l'utilisation de ses ressources2. Cela peut être vrai en particulier des membres de communautés autochtones constituant une minorité.

4. Le Pacte établit également une distinction entre les droits consacrés à l'article 27 et les garanties énoncées au paragraphe 1 de l'article 2 et à l'article 26. La faculté consacrée au paragraphe 1 de l'article 2 de jouir des droits reconnus dans le Pacte sans distinction aucune appartient à tous les individus se trouvant sur le territoire ou relevant de la compétence de l'Etat, que ceux-ci appartiennent ou non à une minorité. En outre, l'article 26 consacre un droit distinct à l'égalité devant la loi et à l'égale protection de la loi et garantit une protection contre toute discrimination en ce qui concerne les droits reconnus et les obligations imposées par les Etats. Il régit l'exercice de tous les droits, énoncés ou non dans le Pacte, que l'Etat partie reconnaît de par la loi à tous les individus se trouvant sur son territoire ou relevant de sa compétence, qu'ils appartiennent ou non aux minorités visées à l'article 273. Certains Etats parties qui prétendent qu'ils ne pratiquent aucune distinction de race, de langue ou de religion font valoir à tort, sur cette seule base, qu'ils n'ont aucune minorité.

5.1. Il ressort des termes employés à l'article 27 que les personnes que l'on entend protéger appartiennent à un groupe et ont en commun une culture, une religion et/ou une langue. Il ressort également de ces termes que les individus que l'on entend protéger ne doivent pas être forcément des ressortissants de l'Etat partie. A cet égard, les obligations découlant du paragraphe 1 de l'article 2 sont également pertinentes, car, conformément à cet article, les Etats parties sont tenus de veiller à ce que tous les droits énoncés dans le Pacte puissent être exercés par tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence, à l'exception des droits qui sont expressément réservés aux citoyens, par exemple les droits politiques énoncés à l'article 25. En conséquence, les Etats parties ne peuvent pas réserver l'exercice des droits énoncés à l'article 27 à leurs seuls ressortissants.

5.2 L'article 27 confère des droits aux personnes appartenant aux minorités qui existent dans l'Etat partie. Etant donné la nature et la portée des droits énoncés dans cet article, il n'est pas justifié de déterminer le degré de permanence que suppose le terme exister. Il s'agit simplement du fait que les individus appartenant à ces minorités ne doivent pas être privés du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de pratiquer leur religion et de parler leur langue. De même que ces individus ne doivent pas nécessairement être des nationaux ou des ressortissants, ils ne doivent pas non plus nécessairement être des résidents permanents. Ainsi, les travailleurs migrants ou même les personnes de passage dans un Etat partie qui constituent pareilles minorités ont le droit de ne pas être privés de l'exercice de ces droits. Comme tous les autres individus se trouvant sur le territoire de l'Etat partie, ils devraient également, à cette fin, pouvoir jouir normalement de la liberté d'association, de réunion et d'expression. L'existence dans un Etat partie donné d'une minorité ethnique, religieuse ou linguistique ne doit pas être tributaire d'une décision de celui-ci, mais doit être établie à l'aide de critères objectifs.

5.3 Le droit des personnes appartenant à une minorité linguistique d'employer leur propre langue entre elles, en privé ou en public, ne doit pas être confondu avec d'autres droits en relation avec l'expression au moyen de la langue consacrés dans le Pacte. Il doit être distingué en particulier du droit général à la liberté d'expression, consacré à l'article 19. Ce dernier droit est reconnu à toutes les personnes, qu'elles appartiennent ou non à des minorités. De même, le droit consacré à l'article 27 doit être distingué du droit particulier des personnes accusées de bénéficier de services d'interprétation si elles ne comprennent pas la langue employée à l'audience, tel qu'il est garanti au paragraphe 3 f) de l'article 14 du Pacte. Le paragraphe 3 f) de l'article 14 ne confère en aucun autre cas aux personnes accusées le droit d'employer ou de parler la langue de leur choix lors des audiences des tribunaux4.

6.1 L'article 27, même s'il est formulé en termes négatifs, reconnaît l'existence d'un droit et interdit de dénier celui-ci. En conséquence, les Etats parties sont tenus de veiller à ce que l'existence et l'exercice de ce droit soient protégés et à ce que ce droit ne soit ni refusé ni violé. C'est pourquoi, il faut prendre des mesures positives de protection, non seulement contre les actes commis par l'Etat partie lui-même, par l'entremise de ses autorités législatives, judiciaires ou administratives, mais également contre les actes commis par d'autres personnes se trouvant sur le territoire de l'Etat partie.

6.2 Bien que les droits consacrés à l'article 27 soient des droits individuels, leur respect dépend néanmoins de la mesure dans laquelle le groupe minoritaire maintient sa culture, sa langue ou sa religion. En conséquence, les Etats devront également parfois prendre des mesures positives pour protéger l'identité des minorités et les droits des membres des minorités de préserver leur culture et leur langue et de pratiquer leur religion, en commun avec les autres membres de leur groupe. A cet égard, il convient de souligner que ces mesures positives doivent être prises compte tenu des dispositions du paragraphe 1 de l'article 2 et du paragraphe 26 du Pacte, en ce qui concerne tant le traitement réservé aux différentes minorités que le traitement réservé aux personnes appartenant à des minorités par rapport au reste de la population. Toutefois, si ces mesures visent à remédier à une situation empêchant ou entravant l'exercice des droits garantis à l'article 27, les Etats peuvent légitimement établir une distinction conformément au Pacte, à condition de se fonder sur des critères raisonnables et objectifs.

7. Pour ce qui est de l'exercice des droits culturels consacrés à l'article 27, le Comité fait observer que la culture peut revêtir de nombreuses formes et s'exprimer notamment par un certain mode de vie associé à l'utilisation des ressources naturelles, en particulier dans le cas des populations autochtones. Ces droits peuvent porter sur l'exercice d'activités traditionnelles telles que la pêche ou la chasse et sur la vie dans des réserves protégées par la loi5. L'exercice de ces droits peut exiger des mesures positives de protection prescrites par la loi et des mesures garantissant la participation effective des membres des communautés minoritaires à la prise des décisions les concernant.

8. Le Comité fait observer qu'aucun des droits consacrés à l'article 27 du Pacte ne peut être légitimement exercé d'une façon ou dans une mesure qui serait incompatible avec les autres dispositions du Pacte.

9. Le Comité conclut que l'article 27 énonce des droits dont la protection impose aux Etats parties des obligations spécifiques. La protection de ces droits vise à assurer la survie et le développement permanent de l'identité culturelle, religieuse et sociale des minorités concernées, contribuant ainsi à enrichir l'édifice social dans son ensemble. En conséquence, le Comité fait observer que ces droits doivent être protégés en tant que tels et ne doivent pas être confondus avec d'autres droits individuels conférés conformément au Pacte à tous et à chacun. Les Etats parties ont donc l'obligation de veiller à ce que l'exercice de ces droits soit pleinement garanti et ils doivent indiquer dans leurs rapports les mesures qu'ils ont adoptées à cette fin.

 



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