Rapports des Etats parties
1. Les obligations en matière de présentation de rapports qui sont prévues dans la quatrième partie du Pacte ont d'abord pour but d'aider chaque Etat partie à s'acquitter des obligations de fond que lui donne cet instrument et, ensuite, de fournir au Conseil, assisté du Comité, une base lui permettant de s'acquitter de ses responsabilités dans les deux domaines suivants : contrôler la façon dont les Etats parties donnent suite à ces obligations et faciliter la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, conformément aux dispositions du Pacte. De l'avis du Comité, il serait erroné de ne voir dans les rapports des Etats parties qu'une simple procédure, qui n'aurait pour but que de satisfaire l'obligation formelle de chaque Etat partie de faire rapport à l'organe international compétent. Au contraire, compte tenu de la lettre et de l'esprit du Pacte, l'établissement et la présentation des rapports des Etats peuvent - et doivent - répondre à plusieurs objectifs.
2. Le premier objectif - d'une importance particulière dans le cas du rapport
initial, qui doit être présenté dans un délai de deux ans à partir de l'entrée
en vigueur du Pacte pour l'Etat partie intéressé - est de faire en sorte que
chaque Etat partie procède à une étude d'ensemble de ses lois, règlements, procédures
et pratiques en vue de les rendre aussi conformes que possible avec le Pacte.
Cette étude peut se faire par exemple avec la collaboration de chacun des ministères
ou autres autorités chargées de définir les orientations nationales et de mettre
celles-ci en oeuvre dans les différents domaines visés par le Pacte.
3. Le deuxième objectif est de veiller à ce que chaque Etat partie apprécie
de façon régulière la réalité de la situation en ce qui concerne chacun des
droits en question, et puisse ainsi déterminer dans quelle mesure ces divers
droits peuvent - ou ne peuvent pas - être exercés par tous les individus vivant
sur son territoire ou relevant de son autorité. L'expérience acquise à ce jour
par le Comité démontre que des statistiques ou des évaluations d'ensemble ne
sauraient suffire à atteindre cet objectif, et qu'il importe que chaque Etat
partie accorde une attention particulière aux régions ou secteurs défavorisés
et aux groupes ou sous-groupes de population qui paraissent être particulièrement
vulnérables ou désavantagés. Le premier pas vers la concrétisation des droits
économiques, sociaux et culturels consiste donc à prendre conscience de la situation
réelle et à porter un diagnostic sur cette situation. Le Comité n'ignore pas
que la collecte et l'étude de l'information nécessaire à cette fin constituent
une opération qui peut être gourmande en temps et en ressources, ni qu'il se
peut que les Etats parties aient besoin, pour s'acquitter de leurs obligations,
de l'assistance et de la coopération internationales qui sont prévues au paragraphe
1 de l'article 2 et aux articles 22 et 23 du Pacte. Dans un tel cas, si un Etat
partie conclut qu'il n'a pas les moyens de procéder à cette opération, qui fait
partie intégrante de tout effort sur la voie des buts reconnus de politique
générale et qui est indispensable à l'application effective du Pacte, il pourra
l'indiquer dans son rapport au Comité, en précisant la nature et l'importance
de l'assistance internationale qui lui serait nécessaire.
4. Ce qui précède doit permettre de dresser un tableau détaillé de la situation
réelle, qui servira à son tour de base à l'élaboration de politiques formulées
et ciblées avec précision, avec définition de priorités correspondant aux dispositions
du Pacte. Le troisième objectif des rapports des Etats parties est donc de permettre
aux gouvernements de ces pays de démontrer que cette redéfinition des politiques
a effectivement été entreprise. S'il est vrai que le Pacte ne rend cette obligation
explicite qu'à l'article 14, dans les cas où "le caractère obligatoire
et la gratuité de l'enseignement primaire" ne sont pas encore établis pour
tous, il existe une obligation comparable, astreignant chaque Etat partie "à
établir et à adopter [...] un plan détaillé des mesures nécessaires pour réaliser
progressivement" chacun des droits inscrits dans le Pacte au paragraphe
1 de l'article 2, où il est dit que chacun des Etats parties "s'engage
à agir [...] par tous les moyens appropriés [...]".
5. Le quatrième objectif auquel répondent les rapports des Etats parties est
de faciliter l'évaluation, par l'opinion publique, des politiques nationales
en matière de droits économiques, sociaux et culturels, et d'encourager la participation
des divers secteurs économiques, sociaux et culturels de la société à la formulation
de ces politiques, à leur mise en oeuvre et à leur réexamen. En étudiant les
rapports présentés jusqu'à ce jour, le Comité a constaté avec satisfaction que
plusieurs Etats parties, dotés de systèmes politiques et économiques différents,
encouragent ces groupes non gouvernementaux à apporter leur contribution à l'élaboration
des rapports prévus dans le Pacte. D'autres veillent à ce que leurs rapports
soient largement diffusés, afin que les divers secteurs de la population puissent
y apporter les commentaires nécessaires. Considérées ainsi, l'élaboration des
rapports et leur étude au niveau national peuvent être d'une utilité au moins
égale à celle du dialogue constructif qui a lieu sur le plan international entre
le Comité et les représentants des Etats auteurs des rapports.
6. Le cinquième objectif est de dégager une base à partir de laquelle chaque
Etat partie, ainsi que le Comité, peut effectivement évaluer l'importance des
progrès réalisés vers l'exécution des obligations prévues dans le Pacte. Peut-être
sera-t-il utile pour cela que les Etats définissent certains critères ou certains
buts, à la lumière desquels ils apprécieront les résultats obtenus. Par exemple,
il est généralement admis qu'il importe de s'assigner des buts précis en ce
qui concerne la lutte contre la mortalité infantile, la généralisation de la
vaccination des enfants, la consommation de calories par personne, le nombre
d'individus par membre du personnel de santé, etc. Dans beaucoup de ces domaines,
les critères mondiaux sont d'un intérêt limité, alors que des critères nationaux
ou plus particularisés peuvent fournir une indication extrêmement précieuse
sur les progrès accomplis.
7. Le Comité tient à noter à ce propos que le Pacte donne une importance particulière
à la "réalisation progressive" des droits qui y sont proclamés. Aussi
invite-t-il instamment les Etats parties à faire figurer dans leurs rapports
des indications montrant les progrès dans le temps qu'ils enregistrent vers
cette réalisation de ces droits. Pour la même raison, et pour permettre une
évaluation satisfaisante de la situation, il est évident que des indications
de caractère qualitatif sont aussi nécessaires, outre les indications quantitatives.
8. Le sixième objectif est de mettre les Etats parties en mesure de mieux comprendre
les problèmes et les échecs rencontrés dans leurs efforts pour mettre progressivement
en oeuvre tous les droits économiques, sociaux et culturels. Pour cela, il est
indispensable que les Etats parties fassent rapport en détail sur les facteurs
et les difficultés qui s'opposent à cette mise en oeuvre effective. C'est en
définissant et en reconnaissant ces difficultés qu'ils pourront établir le cadre
où s'inscrivent de nouvelles politiques, plus efficaces.
9. Le septième objectif est d'aider le Comité, ainsi que les Etats parties dans
leur ensemble, à faciliter les échanges d'informations entre Etats, à mieux
comprendre les problèmes communs à ces Etats et à se faire une meilleure idée
des mesures que l'on pourrait prendre en vue de la réalisation effective de
chacun des droits proclamés dans le Pacte. Le Comité peut aussi, de cette façon,
déterminer les moyens par lesquels la communauté internationale peut aider les
Etats intéressés, conformément aux articles 22 et 23 du Pacte. En vue de bien
montrer l'importance qu'il attache à cet objectif, le Comité examinera à sa
quatrième session une observation générale consacrée à ces articles.