University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels,
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, U.N. Doc. E/C.12/1/Add.19 (1997).


 

COMITE DES DROITS ECONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE


Observations finales du Comité des droits économiques,
sociaux et culturels


ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE ET D'IRLANDE DU NORD

1. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord sur la mise en oeuvre des droits énoncés aux articles premier à 15 du Pacte (E/1994/104/Add.11) à ses 36ème, 37ème et 38ème séances, les 24 et 25 novembre 1997, et il a adopté, à sa 53ème séance, le 4 décembre 1997, les observations finales ci-après :


A. Introduction

2. Le Comité note que le rapport soumis par l'Etat partie a été établi en suivant ses directives. Il se félicite de la présence au Comité d'une importante délégation du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord composée de représentants de haut niveau et note que la très haute qualité du dialogue a été encore rehaussée par la présence d'un spécialiste de pratiquement chacun des articles du Pacte. Les réponses complètes et détaillées qui ont été apportées à sa liste de questions ont aussi beaucoup facilité le dialogue. Le Comité note avec satisfaction que les renseignements fournis tant dans le troisième rapport périodique qu'en réponse aux questions écrites et orales lui ont permis d'avoir une bonne idée générale de la manière dont l'Etat partie s'acquitte de ses obligations au regard du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.


B. Aspects positifs

3. Le Comité note qu'il existe au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord une infrastructure administrative très développée et élaborée pour aider à mettre en oeuvre les dispositions du Pacte.

4. Le Comité salue, en particulier, les nouvelles initiatives suivantes prises par le Gouvernement britannique :

a) L'initiative dite "du passage de l'aide sociale à l'emploi" (welfare to work) visant à offrir de meilleures possibilités d'emploi durable et à rompre la dépendance prolongée à l'égard de l'aide sociale;

b) La proposition d'intégrer la Convention européenne des droits de l'homme dans la législation britannique, qui constitue un formidable revirement par rapport à l'approche traditionnelle consistant à ne pas incorporer les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme dans le droit interne du Royaume-Uni.

5. Le Comité prend également note des initiatives suivantes :

a) La proposition d'instituer un salaire minimum au plan national, salaire dont le Comité espère qu'il tiendra dûment compte de la valeur du travail et qu'il donnera aux travailleurs la possibilité de mener une vie décente;

b) L'intention du Gouvernement de ratifier le Traité d'Amsterdam, qui devrait rendre la Charte sociale européenne applicable dans l'Etat partie;

c) La proposition de lancer un "new deal" (nouvelle donne) pour apporter un soutien positif à l'emploi par la création de conseils de formation et de l'entreprise et par l'octroi au secteur privé de subventions à l'emploi destinées à créer de nouvelles possibilités d'emploi, en mettant davantage l'accent sur les minorités ethniques qui connaissent des taux de chômage supérieurs à la moyenne;

d) L'établissement d'une commission des droits des handicapés pour s'occuper du problème des droits des personnes handicapées; et

e) La nouvelle politique tendant à mettre en place un programme d'éducation permanente qui s'adresserait en particulier aux personnes qui, dans l'Etat partie, sont fonctionnellement analphabètes.

6. Le Comité note que des progrès importants ont été accomplis dans la satisfaction des besoins de la communauté des gens du voyage et des Tsiganes en matière d'éducation.

7. Le Comité juge positive l'adoption de l'Ordonnance de Hong-kong de 1997 qui permet aux citoyens de Hong-kong qui ne sont pas autorisés à acquérir la nationalité chinoise d'obtenir la nationalité britannique.


C. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

8. L'Etat partie n'a fait état d'aucun facteur ou d'aucune difficulté spécifique entravant l'application du Pacte. Le Comité a toutefois noté qu'en raison du récent changement de gouvernement, il avait été répondu à beaucoup de questions que de nouvelles initiatives étaient à l'étude, ou qu'un groupe consultatif avait été nommé pour examiner divers problèmes ou encore qu'un "Livre blanc" était en préparation sur un sujet donné. Ces réponses, bien qu'elles soient dans une certaine mesure compréhensibles, n'en entravaient pas moins sensiblement la capacité du Comité d'apprécier le degré d'observation de certaines dispositions du Pacte. En outre, il était clairement ressorti de l'examen du rapport que des difficultés économiques et sociales continuaient à être rencontrées par certains des groupes les plus vulnérables de la société et que la capacité du Gouvernement de remédier à ces difficultés était entravée par les contraintes budgétaires qu'il s'était lui-même imposées.


D. Principaux sujets de préoccupation

9. Le Comité note qu'en dépit du niveau de développement de l'économie du Royaume-Uni et des progrès accomplis dans la réduction générale du chômage, il existe encore des degrés de pauvreté inacceptables dans certains groupes de la population de l'Etat partie, en particulier en Irlande du Nord. Les bénéfices économiques provenant des récents accroissements de la prospérité sont très inégalement répartis, ce qui a contribué à creuser encore plus le fossé entre les riches et les pauvres. A cet égard, le Comité juge préoccupant le fait qu'environ un million de personnes ne demandent pas à bénéficier de l'aide sociale à laquelle elles auraient droit et que le Gouvernement limite l'accès à l'aide judiciaire gratuite pour un certain nombre de droits économiques et sociaux.

10. Le Comité juge également regrettable la position de l'Etat partie qui considère que les dispositions du Pacte, à quelques petites exceptions près, constituent des principes et des objectifs plutôt que des obligations légales, et ne peuvent pas, à ce titre, avoir force de loi dans l'ordre interne.

11. Le Comité estime que la non-reconnaissance du droit de grève dans la législation britannique constitue une violation de l'article 8 du Pacte. Il considère que l'approche de la common law consistant à ne reconnaître que la liberté de faire grève, et l'idée selon laquelle la grève constitue une rupture fondamentale du contrat de travail justifiant le licenciement, ne sont pas conformes au principe de protection du droit de grève. La proposition de donner aux employés grévistes la possibilité d'exercer un recours devant les tribunaux en cas de licenciement abusif ne lui paraît pas satisfaisante. Les employés participant à une grève légale ne devraient pas être considérés comme ayant, par là même, rompu leur contrat de travail. Le Comité estime aussi que la pratique légalement admise qui consiste à autoriser les employeurs à traiter différemment les employés syndiqués et les non-syndiqués en offrant des augmentations de salaire à ces derniers est incompatible avec l'article 8 du Pacte.

12. Le Comité estime qu'en dépit d'une législation et de mécanismes élaborés de protection contre la discrimination, il continue à exister dans l'Etat partie une discrimination de fait non négligeable à l'égard des femmes, des Noirs et des autres minorités ethniques. Le Comité note que les femmes continuent à être sous-représentées dans les postes de direction, en particulier dans le secteur privé, alors qu'elles sont proportionnellement plus nombreuses que les hommes à occuper des emplois moins bien rémunérés ou des emplois à temps partiel. Il note aussi que le taux de chômage continue à être sensiblement plus élevé chez les Noirs et les autres minorités ethniques, qui sont également surreprésentés dans les emplois les moins bien rémunérés. Le Comité constate avec une vive inquiétude qu'en Irlande du Nord, le taux de chômage est environ deux fois plus élevé chez les catholiques que chez les protestants et très nettement supérieur à la moyenne nationale.

13. Le Comité est préoccupé par la situation de nombreux enfants placés directement ou indirectement sous la tutelle de l'Etat, en dépit des abondantes dispositions législatives existant à ce sujet. Le rapport de sir William Utting intitulé "People Like Us" fait état d'une importante diminution du nombre des placements en institution au profit des placements familiaux. Cette tendance semble avoir entraîné une augmentation de l'incidence des sévices à enfant dans les foyers d'accueil.

14. Le Comité note avec préoccupation la forte incidence des cas de violences dans la famille dirigées contre les femmes, que l'Etat partie a estimé à 680 000 en 1995 d'après une enquête nationale sur la criminalité.

15. Le Comité note avec préoccupation que les délais d'attente pour les interventions chirurgicales peuvent atteindre 18 mois ou plus. Dans la pratique, cette situation semble s'être aggravée plutôt qu'améliorée au cours des six derniers mois et a pris maintenant de telles proportions qu'elle réclame des mesures immédiates. Le fait que cette situation persiste amène à se demander si l'Etat partie fait tout son possible pour donner effet aux dispositions de l'article 12 du Pacte.

16. Le Comité est alarmé par le fait que les châtiments corporels continuent à être pratiqués dans des écoles financées sur des fonds privés et par la déclaration de la délégation du Royaume-Uni selon laquelle le Gouvernement n'a pas l'intention de mettre fin à cette pratique.

17. Le Comité s'inquiète de ce que le problème des sans-abri n'ait pas encore été traité de manière satisfaisante au Royaume-Uni et de ce que les groupes vulnérables tels que les gens du voyage et les minorités ethniques ne bénéficient pas d'une protection suffisante contre les expulsions.

18. Le Comité se déclare préoccupé par la forte ségrégation qui existe dans le système scolaire en Irlande du Nord, où la plupart des enfants protestants fréquentent des écoles protestantes et la plupart des catholiques des écoles catholiques tandis que seulement 2 % environ des élèves fréquentent des écoles intégrées. Le Comité estime que la politique actuelle du Gouvernement, qui semble consister à envisager la transformation des écoles protestantes ou catholiques existantes en écoles intégrées si une majorité s'exprime en ce sens dans l'école concernée, est inefficace et de nature à favoriser le maintien du statu quo. Cette situation est particulièrement regrettable étant donné qu'il semblerait qu'environ 30 % des parents en Irlande du Nord préféreraient envoyer leurs enfants dans des écoles intégrées.

19. Le Comité s'inquiète du sort des quelque 13 000 enfants exclus de l'école de manière permanente et du fait qu'un nombre proportionnellement élevé de ces enfants sont originaires d'Afrique ou des Caraïbes.

20. Le Comité note que la langue irlandaise en Irlande du Nord ne semble pas bénéficier du même soutien financier et du même statut que le gaélique en Ecosse ou le gallois au pays de Galles, et estime que cette différence de traitement est injustifiée.


E. Suggestions et recommandations

21. Le Comité suggère que l'Etat partie prenne des mesures appropriées pour donner effet, dans sa législation, aux dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, afin que les droits qui y sont énoncés puissent être pleinement mis en oeuvre. Il juge encourageant le fait que des mesures de ce type aient été prises concernant la Convention européenne des droits de l'homme et estime que l'Etat partie devrait, de la même manière, tenir compte dûment des obligations découlant du Pacte.

22. Le Comité considère que l'aide sociale devrait être utilisée de manière plus judicieuse pour lutter contre la pauvreté dans les classes de la population touchées par le chômage de longue durée, et chez les personnes ayant un revenu global très faible (par rapport notamment à la taille de la famille) ou celles qui sont dans l'incapacité de travailler. Une attention particulière devrait être accordée aux groupes qui se trouvent statistiquement surreprésentés aux échelons les plus bas de l'échelle des salaires ou qui semblent avoir des difficultés à gravir cette échelle des salaires. Il ressort de l'examen du rapport que ces groupes comprennent au moins les personnes suivantes : minorités ethniques, femmes, parents isolés, enfants en situation de vulnérabilité, personnes âgées, handicapés et catholiques d'Irlande du Nord. Le Comité engage l'Etat partie à faire davantage d'efforts pour étendre le bénéfice de l'aide sociale au million de personnes environ qui remplissent les conditions requises pour y avoir droit et qui ne la réclament pas. Il estime qu'une politique moins restrictive concernant l'octroi de l'aide judiciaire gratuite pour la défense des droits économiques et sociaux faciliterait l'accès à ces droits et à d'autres avantages sociaux et économiques.

23. Le Comité recommande que le droit de grève soit inscrit dans la législation britannique et que l'exercice de ce droit n'entraîne plus la perte de l'emploi, et il estime que la notion actuelle de "liberté de faire grève", qui revient simplement à reconnaître qu'il est illégal de forcer quelqu'un à travailler contre son gré, n'est pas suffisante pour satisfaire aux prescriptions de l'article 8 du Pacte. Le Comité recommande en outre que le droit pour les employeurs d'accorder des avantages financiers aux employés qui renoncent à se syndiquer soit aboli.

24. Le Comité recommande à l'Etat partie d'agir plus efficacement pour combattre la discrimination de fait, notamment à l'égard des Noirs et des autres minorités ethniques, et à l'égard des femmes et des catholiques d'Irlande du Nord.

25. Le Comité recommande à l'Etat partie de reconsidérer sa politique et ses pratiques tendant à placer un grand nombre d'enfants dans des familles d'accueil, compte tenu de l'augmentation des cas de sévices à enfant qui semble résulter de cette politique, et d'examiner la possibilité de recourir plus fréquemment au placement en institution si cela est dans l'intérêt des enfants.

26. Le Comité invite l'Etat partie à fournir dans son prochain rapport des informations actualisées sur les mesures prises pour combattre le phénomène de la violence contre les femmes et à mettre à jour son analyse des mesures qui semblent donner les meilleurs résultats dans la lutte contre ce problème.

27. Le Comité estime que les délais actuels d'attente imposés aux personnes devant subir des interventions chirurgicales sont inacceptables et recommande donc à l'Etat partie de prendre immédiatement des mesures pour les réduire.

28. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre des mesures appropriées pour interdire les châtiments corporels dans les établissements où cette pratique est encore autorisée, à savoir dans les écoles privées.

29. Le Comité recommande d'étudier des solutions appropriées en Irlande du Nord pour faciliter l'établissement de nouvelles écoles intégrées dans les zones où un nombre important de parents d'élèves ont manifesté le désir d'inscrire leurs enfants dans ce type d'établissement.

30. Le Comité recommande à l'Etat partie de suivre de plus près l'évolution de la situation en ce qui concerne les sans-abri et les expulsions forcées et de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur ces problèmes ainsi que des renseignements sur les mesures prises pour assurer la protection des personnes touchées, conformément à l'Observation générale No 7 du Comité relative aux expulsions forcées.

31. Le Comité recommande que des critères uniformes soient définis concernant l'éviction scolaire, et que l'Etat partie lui fasse rapport sur les programmes éventuels mis en place par les pouvoirs publics pour faciliter la réorientation des élèves exclus vers d'autres filières de formation ou d'apprentissage.

32. Le Comité recommande d'accorder à la langue irlandaise en Irlande du Nord un degré d'appui et un statut analogues à ceux dont bénéficient le gaélique en Ecosse et le gallois au pays de Galles.

33. Le Comité recommande que l'on étudie la possibilité d'évaluer ou de préciser systématiquement l'impact sur les droits de l'homme de chaque projet de loi, de la même manière que l'on évalue ou que l'on indique leur impact sur l'environnement.

34. Le Comité recommande enfin à l'Etat partie de répondre, dans son quatrième rapport périodique, aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales ainsi qu'aux questions laissées en suspens au cours du débat sur le troisième rapport périodique, et invite instamment l'Etat partie à diffuser largement les présentes observations finales que le Comité a adoptées à l'issue de l'examen du troisième rapport périodique.



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