University of Minnesota



Conclusions du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Gambie, U.N. Doc. E/C.12/1994/9 (1994).




COMITE DES DROITS ECONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE


Conclusions du Conité des droits économiques,
sociaux et culturels


GAMBIE

Le Comité a examiné l'état de la mise en oeuvre, par la Gambie, des droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans le Pacte à sa 23ème séance, le 18 mai 1994, et a adopté à sa 23ème séance (dixième session), le 18 mai 1994 les conclusions suivantes :

A. Examen de la mise en oeuvre du Pacte dans le cas d'Etats parties qui n'ont pas présenté de rapport

1. A sa septième session, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a décidé de procéder à l'examen de l'état de la mise en oeuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans un certain nombre d'Etats parties qui, bien qu'ayant été priés à plusieurs reprises de le faire, ne se sont pas acquittés des obligations contractées en vertu des articles 16 et 17 du Pacte concernant la présentation de rapports.

2. Le système de présentation de rapports mis en place par le Pacte a pour objet de faire en sorte que les Etats parties indiquent à l'organe conventionnel compétent, à savoir le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, et, par l'intermédiaire de ce dernier, au Conseil économique et social, les mesures qu'ils ont adoptées pour assurer le respect des droits reconnus dans le Pacte ainsi que les progrès accomplis et les difficultés rencontrées dans ce domaine. Outre qu'il constitue une violation du Pacte, tout manquement par un Etat partie à ses obligations en matière de présentation de rapports entrave gravement l'exécution, par le Comité, des tâches qui lui sont attribuées. En pareil cas, le Comité est néanmoins tenu de s'acquitter de son rôle d'organe de surveillance et doit le faire en se fondant sur tous les renseignements fiables auxquels il a accès.

3. Lorsqu'un gouvernement n'a fourni au Comité aucune information quant à la mesure dans laquelle il estime s'être acquitté des obligations qu'il a contractées en vertu du Pacte, le Comité doit fonder ses observations sur divers éléments provenant de sources tant intergouvernementales que non gouvernementales. Les premières fournissent principalement des renseignements statistiques et appliquent d'importants indicateurs économiques et sociaux, tandis que les renseignements recueillis dans la presse ou les travaux universitaires pertinents, ou provenant des organisations non gouvernementales ou de la presse, ont tendance, par leur nature même, à être plus critiques à l'égard de la situation politique, économique et sociale des pays concernés. Dans des conditions normales, le dialogue constructif qui se déroule entre l'Etat partie qui présente son rapport et le Comité fournit l'occasion, pour le gouvernement concerné, de faire connaître sa position et de chercher à réfuter ces critiques et à convaincre le Comité de la conformité de ses orientations avec les prescriptions du Pacte. En ne soumettant pas de rapport et en ne se présentant pas lui-même devant le Comité, un gouvernement se prive de cette possibilité de rétablir les faits.

B. Gambie - Introduction

4. La Gambie, qui est partie au Pacte depuis le 29 mars 1979, date de son entrée en vigueur, n'a jamais présenté un seul rapport. Le Comité engage instamment le Gouvernement gambien à s'acquitter aussitôt que possible de ses obligations en matière de présentation de rapports afin qu'il puisse être donné pleinement effet au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dans l'intérêt du peuple gambien. Le Comité considère que le manquement d'un Etat partie à l'obligation de présenter des rapports constitue un grave obstacle à la bonne application du Pacte.

C. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

5. Le Comité note que le manquement du Gouvernement gambien aux obligations imposées par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne peut être évalué sans tenir compte de la situation politique, économique et sociale actuelle dans le pays. Depuis la proclamation de l'indépendance en 1965, la Gambie a toujours été en tête de la défense des droits de l'homme en Afrique dans le cadre d'un système politique de démocratie multipartite, mais sa stabilité politique manifeste a été mise en péril dans la période qui a précédé les élections générales d'avril 1992.

6. Le Comité note que la Gambie est l'un des pays les moins développés d'Afrique où la pauvreté est généralisée, en particulier dans les zones rurales où, selon des chiffres du PNUD, 200 000 personnes (25 % de la population) vivent au-dessous du seuil de pauvreté. La courbe indiciaire du progrès social montre que la Gambie se plaçait 167ème sur 173 pays en 1993.

7. Le Comité note en particulier la situation socio-économique défavorable des femmes, dont les causes semblent être les pratiques traditionnelles et l'absence d'éducation, notamment.

8. Le Comité constate aussi l'absence jusqu'à récemment d'une politique démographique nationale dont la réussite pourrait jouer un rôle essentiel en permettant de concrétiser des estimations de croissance optimistes en une amélioration du niveau de vie de tous les citoyens gambiens.

9. Le Comité note aussi qu'en dépit du programme de reprise économique - généralement bien accueilli - qui est financé par la Banque mondiale, les retombées de la croissance économique n'ont pas également profité à tous les citoyens. La population rurale, en particulier, continue à pâtir de la détérioration de son niveau de vie.

D. Aspects positifs

10. Le Comité prend acte du fait que les droits de l'homme sont protégés par la Constitution gambienne et que le gouvernement s'emploie à promouvoir le respect des droits de l'homme. Il note, entre autres, la création du Centre africain pour la démocratie et l'étude des droits de l'homme dont la vocation est de promouvoir un plus grand respect des droits de l'homme en Afrique. Le Comité note aussi que la Gambie est un membre actif de la Commission des droits de l'homme et des peuples de l'Organisation de l'unité africaine.

11. Le Comité se félicite de la promulgation en 1990 de la loi sur le travail qui protège la liberté de s'associer, y compris le droit de constituer des syndicats, le droit de s'organiser et de négocier collectivement, et qu'elle établit des normes contractuelles minimales en matière d'embauche, de formation, de conditions d'emploi, de rémunération et de cessation d'emploi.

E. Principaux sujets de préoccupation

12. En ce qui concerne les droits visés aux articles 6 à 9 du Pacte, le Comité note avec préoccupation que les revenus des femmes se situent généralement à des niveaux inférieurs au barème minimum fixé par les pouvoirs publics, notamment ceux des travailleuses employées dans la production agricole sous contrat. Le Comité note en particulier que seulement 20 % de la main-d'oeuvre sont protégés par une législation sur le salaire minimum. Le reste est employé dans le secteur privé, principalement dans l'agriculture.

13. Le Comité note aussi avec préoccupation qu'en janvier 1194 la Gambie n'avait ratifié aucune des conventions de l'Organisation internationale du Travail (OIT).

14. Au sujet de l'article 10 du Pacte, le Comité est gravement préoccupé par la situation des femmes en Gambie dont les mariages sont arrangés et qui, de ce fait, ne jouissent pas du droit au mariage librement consenti, comme le stipule le Pacte. Le Comité note que la polygamie est permise en Gambie, et fait observer que conformément aux articles 2 et 3 du Pacte, le statut juridique des femmes ne devrait pas en être affecté.

15. Pour ce qui est du droit à un niveau de vie suffisant reconnu à l'article 11 du Pacte, le Comité s'inquiète d'informations selon lesquelles le pays connaîtrait une pénurie de denrées alimentaires. Selon les statistiques du PNUD pour 1992, 68,8 % des familles urbaines manqueraient de vivres et 64 % des familles rurales n'en auraient pas suffisamment pour passer la saison des pluies. Selon certaines informations, la malnutrition chronique atteindrait 40 % des enfants. Le Comité déplore l'absence d'information sur le droit au logement en Gambie.

16. Pour ce qui est du droit à la santé couvert par l'article 12 du Pacte, le Comité se déclare profondément inquiet du taux extrêmement élevé de la mortalité liée à la maternité, soit 1 050 pour 100 000 naissances vivantes. Selon l'UNICEF, les principales causes en sont les hémorragies et les infections dues à la difficulté d'accès aux services de santé et à l'insuffisance de ces services. Le Comité est tout aussi inquiet des taux alarmants de mortalité infantile et de fécondité, publiés par le PNUD, qui figurent parmi les plus élevés d'Afrique : 145,1 pour 1 000 naissances vivantes pour le premier et 6,5 % pour le second en 1986-1987. Le Comité déplore la pratique de l'excision sur les femmes encore fort répandue en Gambie. Selon les rapports d'experts indépendants, la proportion des Gambiennes soumises à cette pratique pourrait dépasser la moitié.

17. Pour ce qui est du droit à l'éducation dont traite l'article 13 du Pacte, le Comité déplore le fait que l'enseignement ne soit pas obligatoire en Gambie et appelle l'attention du gouvernement sur les dispositions du Pacte en vertu desquelles "l'enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous". Le Comité appelle aussi l'attention du Gouvernement gambien sur l'article 14 du Pacte en vertu duquel "tout Etat partie ... qui n'a pas encore pu assurer ... le caractère obligatoire et la gratuité de l'enseignement primaire s'engage à établir et à adopter ... un plan détaillé des mesures nécessaires pour réaliser progressivement, dans un nombre raisonnable d'années fixé par ce plan, la pleine application" du droit considéré. Le Comité se déclare préoccupé, non seulement par les taux élevés d'analphabétisme, mais aussi par la disparité des statistiques selon le sexe. D'après les derniers rapports de l'UNICEF, plus de 75 % des adultes ayant entre 15 et 54 ans seraient illettrés fonctionnels, dont 90 % des femmes de cette tranche d'âge. Ces rapports montrent aussi à quel point les femmes sont désavantagées en matière d'éducation : elles ne représentent qu'un tiers des effectifs au niveau primaire et seulement un quart au niveau secondaire. Le Comité est aussi préoccupé par le fait qu'étant donné l'absence de législation rendant l'enseignement obligatoire et le peu de possibilités d'entrer dans le cycle secondaire, la plupart des enfants terminent leurs études à 14 ans et entrent clandestinement dans le monde du travail.

F. Suggestions et recommandations

18. Le Comité invite de nouveau le Gouvernement gambien à participer activement à un dialogue constructif avec lui sur la manière de mieux satisfaire aux obligations découlant du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il appelle l'attention de ce gouvernement sur le fait que le Pacte oblige juridiquement tous les Etats parties à présenter des rapports périodiques et que la Gambie manque à cette obligation de façon persistante depuis de nombreuses années.

19. Le Comité engage le Gouvernement gambien à utiliser les services consultatifs du Centre des Nations Unies pour les droits de l'homme afin d'être en mesure de présenter aussitôt que possible un rapport complet sur la mise en oeuvre du Pacte, conformément aux directives générales révisées adoptées par le Comité en 1990 (E/C.12/1991/1) en mettant l'accent, en particulier, sur les problèmes soulevés et les préoccupations exprimées dans les présentes conclusions.



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