University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, El Salvador, U.N. Doc. E/C.12/1/Add.4 (1996).


 

COMITE DES DROITS ECONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits économiques,
sociaux et culturels

EL SALVADOR


1. Le Comité a examiné à ses 15ème, 16ème et 18ème séances, tenues les 9 et 10 mai 1996, le rapport initial d'El Salvador (E/1990/R.Add.25) et il a adopté à sa 26ème séance, tenue le 17 mai 1996, les observations finales ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité remercie l'Etat partie pour son rapport initial, tout en déplorant qu'il ait été soumis avec un retard considérable. Le Comité remercie également l'Etat partie pour la soumission de réponses écrites à sa liste de questions, mais regrette qu'elles n'aient pas été remises au Comité suffisamment tôt pour être traduites et étudiées de manière plus approfondie par les membres du Comité. Le Comité regrette aussi que le rapport et les réponses écrites à la liste de questions ne contiennent aucune information sur la mise en oeuvre de l'article 15 du Pacte, bien que des renseignements aient été expressément demandés à ce sujet. Le Comité note avec satisfaction que le rapport d'El Salvador a été rédigé en consultation avec des organisations non gouvernementales nationales.

3. Le Comité note que le manque d'informations pratiques, tant dans le rapport écrit que dans les réponses écrites et orales fournies par la délégation, ne lui a pas permis d'évaluer effectivement la situation réelle au niveau de la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels au sein de la population salvadorienne. Le Comité note en particulier que la délégation n'a pas fourni de données statistiques sur la composition de la population et sur les différents indicateurs économiques, sociaux et culturels. Toutefois, le Comité a pris note de l'engagement pris par la délégation que des informations complémentaires seraient envoyées pour répondre aux problèmes soulevés par le Comité.

B. Aspects positifs

4. Le Comité note avec satisfaction le statut des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme dans l'ordre juridique interne, qui priment sur les lois nationales, ainsi que la présence de dispositions relatives aux droits de l'homme dans la Constitution de 1983. Le Comité note de même que la possibilité de faire un recours en amparo est prévue pour la protection des droits économiques, sociaux et culturels, encore que la délégation n'ait pas précisé si les dispositions du Pacte pouvaient être invoquées directement devant les tribunaux.

5. Le Comité salue la ratification en 1994 de 14 conventions de l'OIT, dont notamment celles qui concernent l'examen médical d'aptitude à l'emploi dans l'industrie des enfants et des adolescents (Convention No 77), l'inspection du travail dans l'industrie et le commerce (No 81), les méthodes de fixation des salaires minimum dans l'agriculture (No 99), la discrimination en matière d'emploi et de profession (No 111), l'inspection du travail dans l'agriculture (No 129), la fixation des salaires minima, notamment en ce qui concerne les pays en voie de développement (No 131), le rôle de l'orientation et de la formation professionnelles dans la mise en valeur des ressources humaines (No 142), et les consultations tripartites destinées à promouvoir la mise en oeuvre des normes internationales du travail (No 144).

6. La création en 1991 du poste de Procureur pour la défense des droits de l'homme dont les attributions importantes, notamment la faculté qui lui est reconnue de procéder à des inspections et des enquêtes, de déposer des plaintes ou encore de rédiger des recommandations, sont prévues par l'article 194 de la Constitution, est accueillie avec satisfaction par le Comité. Le Comité salue également la création d'antennes locales du bureau du Procureur pour la défense des droits de l'homme, qui permettent une connaissance et une protection accrues des droits de l'homme et en particulier des droits économiques, sociaux et culturels.

7. Le Comité note avec satisfaction l'adoption d'un plan de développement économique et social pour la période 1994-1999, qui prévoit dans ses grandes lignes la réduction de la pauvreté, l'amélioration de la qualité de la vie au sein de la population et l'augmentation du nombre de propriétaires fonciers. Le Comité relève aussi l'augmentation de la part du budget national alloué aux dépenses sociales. La création du Fonds d'investissement social, chargé d'orienter des ressources provenant de donateurs vers des projets visant essentiellement à aider les groupes à bas revenus, et la mise en oeuvre du Projet de réhabilitation des secteurs sociaux à l'intention de 78 communes sont accueillis avec satisfaction par le Comité.

8. Le Comité se félicite des mesures prises par le Gouvernement pour réformer le système d'enseignement et renforcer l'accès à l'éducation. Le programme EDUCO, mis en place pour promouvoir l'éducation des enfants et des adultes en milieu rural, les programmes d'alphabétisation et le programme de prise en charge intégrale des enfants, sont autant de démarches positives en vue de la réalisation du droit à l'éducation pour tous.

9. Le Comité prend également note avec satisfaction de la création en 1989 du Secrétariat national à la famille, l'adoption récente du Code de la famille, la ratification par le Gouvernement en août 1995 de la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme, ainsi que la création de l'Institut salvadorien pour le développement de la femme et celle de l'Institut salvadorien pour la protection du mineur. Le Comité se félicite de la mise en service d'une ligne de téléphone fonctionnant en permanence, qui offre une aide psychologique aux victimes de violences et les renseigne sur l'aide sociale et médicale ainsi que sur l'assistance juridique qui sont à leur disposition.

C. Facteurs et difficultés affectant la mise en oeuvre du Pacte

10. Le Comité est conscient que le coût élevé de la reconstruction des nombreuses infrastructures détruites durant les 12 années de guerre civile et de la mise en oeuvre des deux accords de paix, ainsi que la situation économique difficile dans laquelle se trouve la région, entravent la pleine réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.

11. La pleine réalisation des droits économiques, sociaux et culturels est entravée par ailleurs par le coût élevé de la réinsertion des réfugiés rapatriés et des personnes déplacées.

D. Principaux sujets de préoccupation

12. Le Comité est profondément préoccupé par le degré de pauvreté élevé qui touche la majorité des habitants du pays. La situation alimentaire et nutritionnelle est un grave problème qui se traduit entre autres par un taux élevé de mortalité infantile, une proportion très importante d'enfants souffrant de malnutrition. Bien que le Comité reconnaisse que des efforts importants ont été entrepris par les autorités pour améliorer la situation, il tient à souligner que la persistance d'un tel niveau de pauvreté dans un pays qui connaît une croissance économique constante est injustifiable.

13. Le Comité est préoccupé par la lenteur avec laquelle certaines clauses des accords de paix de 1992 sont mises en oeuvre, notamment les clauses qui ont trait au respect des droits économiques, sociaux et culturels de la population, et plus particulièrement au programme de redistribution de terres.

14. Le Comité note également que l'étendue des pouvoirs du Bureau du Procureur pour la défense des droits de l'homme n'est pas claire, notamment quant aux suites données par les autorités administratives ou judiciaires aux plaintes qui ont été déposées par son bureau pour des violations des droits économiques, sociaux et culturels qui sont portées à son attention par des particuliers.

15. Le Comité note avec préoccupation que la discrimination à l'égard des femmes, tant dans le domaine du travail que dans la famille, reste un problème très important dans la société salvadorienne, et, tout en notant que des efforts ont été entrepris pour changer la législation, souligne qu'il existe encore des dispositions légales discriminatoires, notamment dans le Code civil et le Code pénal.

16. Le Comité regrette qu'aucune information concrète n'ait été donnée concernant les articles 6 à 8 du Pacte, ni dans le rapport écrit ni dans le courant de la discussion. Le Comité se déclare préoccupé par les conséquences néfastes pour les droits économiques, sociaux et culturels des modalités de mise en oeuvre des programmes d'ajustement structurel, d'austérité et de privatisation, surtout à court terme. Il note que les conditions de travail dans les zones franches se sont détériorées et que l'insuffisance de moyens mis à la disposition des services responsables de l'inspection du travail pour faire appliquer la législation sur le salaire minimum, l'égalité de rémunération des hommes et des femmes, l'hygiène et la sécurité du travail ou les licenciements abusifs a été source de difficultés.

17. Le Comité regrette que l'article 291 du Code pénal demeure en vigueur, bien qu'il ait été jugé contraire à la Convention No 105 de l'Organisation internationale du Travail par la commission d'experts de celle-ci.

18. Tout en prenant acte de l'augmentation du salaire minimum, le Comité est préoccupé par le fait qu'il demeure inférieur au coût du panier de la ménagère, comme la délégation salvadorienne l'a reconnu; le salaire minimum est de 1 050 colones en milieu urbain et de 900 en milieu rural, alors qu'il en coûte 4 500 colones pour satisfaire les besoins essentiels.

19. Le Comité estime que les limitations imposées par la loi à la liberté syndicale et au droit de grève sont beaucoup trop étendues. A son avis, l'interdiction faite aux étrangers d'occuper des postes de responsabilité au sein d'un syndicat est contraire au Pacte. Le Comité est préoccupé par les nombreuses violations des droits consacrés dans les articles 7 et 8 du Pacte qui seraient commises pratiquement en toute impunité dans les entreprises situées dans les zones franches.

20. Le Comité exprime sa préoccupation devant l'ampleur prise dans la société salvadorienne par le problème de la violence à l'encontre des femmes, tant dans la famille qu'à l'extérieur, et les incidences de ce phénomène sur la santé physique et mentale des femmes et de leurs enfants.

21. Le Comité note avec préoccupation le déficit apparemment chronique de logements, et le fait qu'une grande partie de la population vit dans des conditions précaires et dans des logements qui ne correspondent pas à la définition d'un logement suffisant aux termes de l'article 11 du Pacte.

22. Le Comité note que, malgré une série d'initiatives du Gouvernement, l'accès effectif des enfants d'âge scolaire à l'enseignement reste limité en El Salvador. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que l'objectif de l'enseignement primaire universel n'est pas encore atteint. Les hauts niveaux d'abandon scolaire, d'absentéisme, d'échec scolaire et d'analphabétisme qui découlent de l'exclusion du système scolaire sont autant de sujets d'inquiétude pour le Comité. Le travail des enfants, s'il est souvent nécessaire à la survie de la famille, est l'un des facteurs qui entravent la mise en oeuvre des articles 13 et 14 du Pacte et le Comité est préoccupé par l'apparente inaction des autorités pour trouver un remède à cette situation.

23. Le Comité s'étonne de n'avoir pas reçu d'informations sur les éventuels programmes mis en place par le Gouvernement pour garantir les droits économiques, sociaux et culturels des minorités ethniques d'El Salvador.

24. Le Comité note avec préoccupation l'absence totale d'informations, qu'elles soient relatives aux textes de lois ou à la pratique, concernant la mise en oeuvre en El Salvador des droits culturels énoncés à l'article 15 du Pacte.

25. Le Comité note que le projet d'assistance technique soumis par le Centre pour les droits de l'homme au Gouvernement salvadorien, qui permettrait à ce dernier de recevoir l'assistance nécessaire pour mettre en oeuvre les conventions internationales relatives aux droits de l'homme auxquelles El Salvador est partie et pour familiariser les membres de son administration avec les droits de l'homme et les amener à mieux les respecter, n'a pas encore reçu l'aval des autorités.

E. Suggestions et recommandations

26. Le Comité recommande que le Gouvernement s'attaque au problème de la répartition inéquitable des richesses au sein de la population, afin de lutter contre la pauvreté qui caractérise le pays.

27. Le Comité recommande que tout soit fait pour assurer une mise en oeuvre rapide et complète des accords de paix de 1992, sans omettre les clauses relatives à la redistribution des terres et aux droits économiques, sociaux et culturels, clauses dont le respect est, de l'avis du Comité, le garant de la paix sociale en El Salvador.

28. Le Comité souhaite que le prochain rapport d'El Salvador contienne des informations concrètes sur les activités du Bureau du Procureur pour la défense des droits de l'homme, et notamment sur l'autorité réelle accordée aux recommandations qu'il fait et sur les suites données aux plaintes qu'il dépose en matière de violation de droits économiques, sociaux et culturels.

29. Le Comité demande instamment que toutes les mesures nécessaires soient prises pour éradiquer la discrimination à l'égard des femmes dans la loi salvadorienne, et que des programmes soient mis en place pour éliminer les inégalités entre hommes et femmes.

30. Le Comité recommande qu'une attention particulière soit accordée aux problèmes du chômage. Il recommande que des mesures soient prises pour assurer qu'un nombre d'emplois le plus restreint possible soit sacrifié et que des programmes de protection sociale et de réadaptation professionnelle soient assurés aux personnes qui perdent leur emploi.

31. Le Comité recommande à l'Etat partie d'entreprendre les efforts nécessaires pour faire appliquer la législation salvadorienne régissant le salaire minimum, la sécurité et l'hygiène sur le lieu de travail, l'égalité de rémunération des hommes et des femmes pour un même travail, ou encore les licenciements abusifs. A cette fin, le Comité souligne que des moyens suffisants doivent être alloués aux services responsables de l'inspection du travail, afin qu'ils puissent mener à bien leurs tâches.

32. Le Comité recommande à El Salvador de prendre les mesures nécessaires pour aligner sa législation en matière de liberté syndicale, de négociations collectives et de droit de grève sur ses obligations internationales en la matière.

33. Le Comité recommande à El Salvador de développer la construction de logements sociaux à l'intention des secteurs les plus pauvres de la société salvadorienne, en zone urbaine comme en zone rurale, et de consentir un plus gros effort pour assurer des services d'assainissement et l'approvisionnement en eau potable à toute la population.

34. Le Comité encourage le Gouvernement salvadorien à poursuivre les réformes entreprises dans le système éducatif, notamment pour parvenir à l'universalité de l'enseignement primaire et à la réduction de l'analphabétisme. Il est de l'avis du Comité que des mesures devraient être prises par les autorités afin de permettre aux enfants qui travaillent de recevoir une éducation convenable.

35. Le Comité souhaite que le prochain rapport de l'Etat partie contienne des informations lui permettant d'apprécier dans quelle mesure les membres des communautés autochtones jouissent de tous les droits économiques, sociaux et culturels prévus dans le Pacte.

36. Compte tenu des nombreuses lacunes relevées par le Comité dans le rapport écrit et dans les renseignements complémentaires fournis par le Gouvernement salvadorien et la délégation, le Comité renouvelle l'invitation faite au Gouvernement de présenter un complément d'information sur l'application des articles 6 à 8 et 15 du Pacte, ainsi que sur les éventuels problèmes rencontrés à cet égard. Ces informations devraient être fournies au Comité d'ici le 31 octobre 1996.

37. Tout en se félicitant de la collaboration qui s'est instaurée entre les autorités et les organisations non gouvernementales, le Comité constate qu'elle est sporadique; il exprime l'espoir qu'elle se généralisera, en particulier pour ce qui est de la rédaction des rapports aux différents organes créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, dont le Comité lui-même, et de la publicité à donner aux activités du Procureur pour la défense des droits de l'homme.

38. Le Comité exprime le souhait que l'Etat partie envisage la possibilité de ratifier le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme en matière de droits économiques, sociaux et culturels (Protocole de San Salvador).

39. Le Comité recommande que la proposition de coopération technique du Centre pour les droits de l'homme soit examinée favorablement par les autorités salvadoriennes, et que cette assistance serve à assurer à tous la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels.



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