University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Chypre, U.N. Doc. E/C.12/1/Add.28 (1998).


COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE


Observations finales du Comité des droits
économiques, sociaux et culturels


CHYPRE

1. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de Chypre sur l'application du Pacte (E/1994/104/Add.12) ainsi que les réponses apportées par écrit à la liste des points à traiter à l'occasion de l'examen dudit rapport, à ses 34ème, 35ème et 36ème séances, tenues les 18 et 19 novembre 1998, et a adopté à la 55ème séance (dix-neuvième session) tenue le 3 décembre 1998 les observations finales ci-après.


A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de Chypre (E/1994/104/Add.12) dont il constate qu'il a été établi, d'une manière générale, conformément à ses directives. Il remercie aussi le Gouvernement d'avoir présenté par écrit des réponses complètes à la liste des points à traiter et d'avoir fourni des renseignements complémentaires par l'intermédiaire de sa délégation au cours du dialogue. Il regrette néanmoins que le rapport ne contienne pas suffisamment d'informations sur les obstacles à la mise en oeuvre du Pacte et les problèmes qu'elle pose.


B. Aspects positifs

3. Le Comité se félicite de la place accordée aux instruments juridiques internationaux, y compris le Pacte, dans l'ordre juridique et note avec approbation qu'ils viennent avant la législation nationale dans la hiérarchie juridique. Il note que les dispositions du Pacte peuvent être invoquées directement par des particuliers devant les tribunaux.

4. Le Comité se déclare satisfait des efforts que déploie le Gouvernement pour continuer à fournir des services, tels que l'approvisionnement en électricité et le versement des pensions de retraite, à la population vivant dans la partie de l'île qu'il ne contrôle pas.

5. Le Comité se félicite de la création récente de l'Institut national des droits de l'homme en tant qu'organe indépendant dont les membres sont désignés par les secteurs public et privé. Le Comité note toutefois que l'Institut n'a pas donné lieu à promulgation d'un texte législatif officiel et que son indépendance n'est pas garantie.

6. Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés pour faire figurer les droits de l'homme dans les programmes d'enseignement des écoles et des universités ainsi que des activités organisées dans le pays pour commémorer le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

7. Le Comité se félicite de l'abrogation des dispositions du Code pénal faisant des actes homosexuels une infraction pénale.

8. Le Comité prend note également avec satisfaction de la déclaration de la délégation, selon laquelle le rapport a été largement distribué aux organisations gouvernementales et non gouvernementales.

9. Le Comité se félicite de la nomination d'un comité consultatif chargé de prévenir la violence au sein de la famille et de subventionner l'Association pour la prévention et le traitement de la violence dans la famille, une organisation non gouvernementale.


C. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

10. Le Comité déplore que la division de Chypre se perpétue, ce qui entrave la capacité de l'État partie à exercer son contrôle sur la totalité de son territoire et donc à assurer l'application du Pacte dans l'ensemble du pays.


D. Principaux sujets de préoccupation

11. Le Comité est préoccupé par l'absence de données sur l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels par la population chypriote vivant dans la zone qui n'est pas contrôlée par le Gouvernement.

12. Le Comité note avec préoccupation qu'une discrimination entre hommes et femmes continue d'exister sous la forme d'inégalités concernant notamment l'accès aux postes d'encadrement, les traitements et les salaires pour un travail de valeur égale (en particulier dans le secteur privé), la sécurité sociale, la transmission de la nationalité aux enfants et l'octroi du statut de réfugié aux enfants (seuls les enfants des hommes déplacés y ont droit). Cette situation semble imputable à des facteurs structurels et culturels.

13. Les employées de maison ne bénéficient que de peu de protection contre les pressions visant à leur imposer une durée de travail excessive. L'État partie ne semble pas assurer une protection adéquate aux prostituées contre la contrainte et l'exploitation. Ces femmes sont particulièrement vulnérables en raison de la crainte de représailles de la part de leur employeur. En outre, le Comité note la tendance de l'État partie à sous-estimer les problèmes.

14. Le Comité note avec préoccupation que la rémunération minimale légale ne garantit pas un niveau de vie suffisant au sens des articles 7 a) ii) et 11 du Pacte, notamment aux commis de magasin, aux infirmières, aux employés de bureau, au personnel des crèches, etc.

15. Le Comité exprime sa profonde préoccupation face à la fréquence des cas de violence familiale à l'encontre des femmes et des enfants dans la société chypriote. La persistance de cette situation amène à se demander si l'État partie a fait tout son possible pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 10 et 12 du Pacte. En particulier, le Gouvernement ne semble pas avoir réussi à adopter une politique de prévention suffisante ni à appliquer pleinement les mesures législatives existantes pour lutter contre la violence dans la famille et aider les victimes.

16. Le Comité prend note avec une vive inquiétude des allégations de traitement inhumain ou dégradant dont les malades mentaux seraient l'objet dans certains établissements de soins. Il souligne que ce genre de situation constitue une violation grave des obligations qui incombent à l'État partie en vertu des articles 2 et 12 du Pacte.

17. Le Comité note en outre qu'un trop grand nombre de projets de loi et autres mesures concernant les droits économiques, sociaux et culturels attendent d'être adoptés par le Parlement ou le Conseil des ministres, ou d'être mis en application par d'autres organismes officiels, et engage l'État partie à accélérer le processus afin d'honorer les obligations lui incombant en vertu du Pacte.


E. Suggestions et recommandations

18. Le Comité recommande que la récente création de l'Institut national des droits de l'homme fasse l'objet d'une loi qui soit rapidement promulguée et que son indépendance soit garantie.

19. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts en vue de garantir l'égalité des hommes et des femmes en ce qui concerne l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels, notamment :

a) En lançant une vaste campagne de sensibilisation du public pour éliminer les préjugés ayant cours dans la société quant aux rôles dévolus aux deux sexes;

b) En prenant toutes les mesures nécessaires pour garantir pleinement le principe d'une rémunération égale pour un travail de valeur égale, en particulier dans le secteur privé de l'économie;

c) En promulguant les projets de règlement concernant l'emploi et les conditions de travail des femmes enceintes et des mères allaitantes, et en veillant à leur conformité avec le Pacte;

d) En abrogeant les dispositions discriminatoires de la législation sur la sécurité sociale;

e) En adoptant le projet de loi visant à abolir la discrimination en ce qui concerne l'acquisition et la transmission de la nationalité.

20. Le Comité prie instamment l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour favoriser une meilleure compréhension de la nature et de l'ampleur des problèmes auxquelles se trouvent exposés les domestiques, afin d'assurer la pleine application des textes législatifs en vigueur. Le Comité insiste sur la nécessité :

a) D'organiser des campagnes de sensibilisation sur cette question auprès des syndicats, des organisations de femmes et des communautés à Chypre dont les employées de maison font partie;

b) D'améliorer le système de dépôt de plainte en cas d'abus, en vue de protéger pleinement les droits des victimes.

21. Le Comité insiste en outre auprès de l'État partie pour qu'il surveille de plus près le phénomène de la prostitution forcée à Chypre, en vue notamment de venir en aide à celles qui sont prises au piège de la prostitution ou contraintes de se prostituer, ainsi que de protéger les droits qui leur sont reconnus dans le Pacte.

22. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour relever les salaires minimaux légaux de manière à honorer pleinement les obligations qui lui incombent en vertu de l'article 11 du Pacte.

23. Le Comité recommande à l'État partie de prendre les dispositions voulues pour empêcher et traiter le phénomène de la violence à l'encontre des femmes et des enfants au sein de la famille dans toute sa complexité et lui demande d'inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures adoptées pour faire face à ce phénomène. À ce propos, le Comité engage vivement l'État partie à soutenir financièrement l'Association pour la prévention et le traitement de la violence dans la famille, une organisation non gouvernementale, pour lui permettre de donner suite, dans les meilleurs délais, à son projet d'ouverture d'un foyer d'accueil pour les femmes.

24. Tout en prenant note de la déclaration de la délégation, selon laquelle la situation en ce qui concerne le traitement des malades mentaux s'est considérablement améliorée, le Comité souligne que l'État partie devrait revoir complètement sa politique sanitaire à l'égard de ces malades pour répondre au mieux à tous leurs besoins et protéger tous leurs droits de l'homme.

25. Le Comité demande à l'État partie d'inclure dans son prochain rapport périodique des informations exhaustives sur l'ampleur de la toxicomanie à Chypre, d'indiquer si le projet de loi sur les stupéfiants et les substances psychotropes dont le Parlement a été saisi a été adopté et d'évaluer le fonctionnement des unités thérapeutiques/antistupéfiants dont le projet de loi prévoit la création, une fois ce texte adopté.

26. Le Comité recommande que les projets de loi et de règlement soient soumis rapidement au Parlement ou au Conseil des ministres pour approbation, afin de favoriser l'application effective du Pacte, en particulier les projets suivants :

a) Proposition de loi relative au mariage, au divorce et aux tribunaux des affaires familiales;

b) Projet de loi relatif aux droits des demandeurs d'asile;

c) Projet de loi devant réviser les dispositions législatives pertinentes concernant la nationalité des enfants nés de mère chypriote;

d) Texte de loi devant régir le droit de grève, dans un souci de pleine conformité avec la Convention No 87 de l'OIT;

e) Projet de loi intitulé "Système national de santé", dont le Conseil des ministres est saisi pour approbation depuis 1996.

27. Enfin, le Comité demande à l'État partie de diffuser largement les présentes observations finales à Chypre et de l'informer, dans son quatrième rapport périodique des mesures qu'il aura prises pour donner suite à ses recommandations.



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