University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Tchad, U.N. Doc. E/C.12/TCD/CO/3 (2009).


 

 

Nations Unies E/C.12/TCD/CO/3

Conseil économique et social

Distr. : générale 16 décembre 2009

Original : français

 

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante-troisième session

Genève, 2–20 novembre 2009

Examen des rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Tchad

1. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le rapport initial combiné avec les deuxième et troisième rapports périodiques du Tchad sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/TCD/3) à sa 35e séance tenue le 5 novembre 2009 (E/C.12/SR.35), et a adopté à sa 53e séance, le 18 novembre 2009, les observations finales ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité regrette qu’en l’absence d’une délégation de l’État partie, il n’a pas été en mesure de suivre sa pratique générale consistant à examiner les rapports des États parties en présence des représentants de l’État concerné. Le Comité a fait application de l’article 62, paragraphe 3, de son règlement intérieur qui prévoit que lorsque le rapport a été programmé pour l’examen par le Comité, ce dernier examinera ce rapport à la date prévue, même en l’absence de représentants de l’État partie. Le Comité souhaite rappeler à l’État partie que le dialogue est un élément clef de l’examen du rapport et que c’est une opportunité unique pour le Comité et l’État partie en question d’engager un dialogue approfondi et constructif, ce qui permet au Comité, à côté du rapport fourni par l’État partie, des réponses écrites à la liste des points à traiter et d’autres informations communiquées, de constater les progrès accomplis et d’indiquer à l’État partie les domaines où de nouveaux efforts sont nécessaires. Le Comité souligne l’opportunité ainsi manquée par l’État partie de présenter son rapport, d’y ajouter des informations supplémentaires ou mises à jour et d’apporter les éclaircissements et réponses nécessaires aux questions posées par les membres du Comité. Le Comité déplore que sa tâche d’évaluer de la manière la plus objective possible la mise en œuvre du Pacte dans l’État partie se soit trouvée fortement compromise par l’absence de l’État partie à l’examen de son rapport et exhorte l’État partie à être présent lors de l’examen de son prochain rapport. Le Comité prend toutefois note qu’une délégation de l’État partie s’est déplacée le 9 novembre 2009 pour le rencontrer et lui expliquer, à posteriori, les raisons qui ont empêché sa présence lors de l’examen du rapport.

3. Le Comité accueille la présentation du rapport initial et des deuxième et troisième rapports périodiques de l’État partie en un seul document (E/C.12/TCD/3), mais regrette que le Tchad ait attendu 12 ans avant de le faire et que le rapport manque d’informations suffisamment détaillées pour lui permettre d’évaluer le degré d’exercice des droits consacrées par le Pacte dans l’État partie. Il accueille aussi avec satisfaction les réponses écrites à la liste des points à traiter (E/C.12/TCD/Q/3/Add.1), mais regrette que certaines réponses aux questions posées se limitent à répéter les mêmes informations que celles continues dans le rapport.

B. Aspects positifs

4. Le Comité se félicite de la création d’un Comité national pour l’élimination de l’analphabétisme.

5. Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adopté la loi n° 007/PR/2007 portant protection des personnes handicapées qui reconnaît que toutes les personnes handicapées jouissent des mêmes droits reconnus par la Constitution à tous les citoyens tchadiens et qu’une Direction des personnes handicapées au sein du Ministère en charge de l’action sociale, de la solidarité nationale et de la famille est chargée de favoriser, sur le plan légal, l’exercice de tous les droits à cette catégorie de personnes.

6. Le Comité prend note avec satisfaction des efforts entrepris par l’État partie pour lutter contre la pauvreté, notamment le projet «Réduction de la pauvreté et action en faveur des femmes» (REPA/FEM) du Ministère de l’action sociale et de la famille.

C. Facteurs et difficultés entravant l’application du Pacte

7. Le Comité note que l’État partie traverse, depuis une trentaine d’années, des crises institutionnelles et politiques caractérisées par des rebellions armées et des conflits intercommunautaires qui ont eu et continuent d’avoir des conséquences désastreuses sur la situation dans le pays en général et, en particulier, pour l’application des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques. Il s’inquiète particulièrement de l’impact de la crise du Darfour et des déplacements massifs de population qui ont eu lieu à l’est du Tchad, de la paix toujours fragile à l’intérieur et aux frontières du pays et de la pauvreté généralisée qui ne cesse de s’accroître.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

8. Le Comité regrette que le rapport contienne peu de données statistiques ventilées et que ces données datent du recensement de 1993, ce qui ne lui permet pas d’évaluer l’application du Pacte dans l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des données statistiques à jour sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, ventilées par sexe, âge, population rurale/urbaine, et précisant la proportion de réfugiés/personnes déplacées à l’intérieur du pays, de personnes atteintes du VIH/sida et de personnes handicapées.

9. Tout en prenant note de l’article 222 de la Constitution du 31 mars 1996 révisée par la loi constitutionnelle n° 08/PR/2005 du 15 juillet 2005 en vertu duquel les traités ou accords ont une autorité supérieure à celle des lois, le Comité s’inquiète de l’affirmation contraire de l’État partie selon laquelle aucune disposition n’a été prise sur le plan national pour l’application des dispositions du Pacte et de n’avoir pas reçu d’exemples du jurisprudence montrant l’application directe du Pacte par les tribunaux de l’État partie.

Le Comité engage instamment l’État partie à redoubler d’efforts pour appliquer pleinement le Pacte dans le droit interne et fournir des renseignements sur la jurisprudence dans son prochain rapport périodique. À cet égard, il appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale nº 9 (1998) concernant l’application du Pacte au niveau national. L’État partie devrait veiller à ce que la justiciabilité des droits énoncés dans le Pacte soit pleinement prise en compte dans la formation des magistrats et prendre des mesures pour sensibiliser à la possibilité d’invoquer les dispositions du Pacte devant les tribunaux.

10. Le Comité regrette que la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) ne soit pas pleinement fonctionnelle, qu’elle ne soit pas conforme aux Principes de Paris et que l’État partie n’ait pas répondu à la question de savoir si la promotion et la protection des droits économiques, sociaux et culturels font partie du mandat de ladite commission.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer que sa Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) soit en conformité avec les exigences d’indépendance et d’autonomie des Principes relatifs au statut des institutions nationales chargées de la promotion et de la protection des droits de l’homme (Principes de Paris, résolution 48/134 de l’Assemblée générale). Le Comité recommande également que l’État partie donne le mandat spécifique à la CNDH de s’occuper des violations des droits économiques, sociaux et culturels.

11. Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore adopté de mesures fermes et efficaces pour lutter contre la corruption et l’impunité, alors que l’État partie connaît un degré de corruption élevé. Il regrette l’absence d’information sur les poursuites ou condamnations pour corruption.

Le Comité recommande à l’État partie de former les fonctionnaires de police et les autres membres des forces de l’ordre, les magistrats du parquet et les juges à la stricte application des lois anticorruption, d’organiser des campagnes de sensibilisation et de faire le nécessaire pour imposer, en droit et en pratique, la transparence du comportement des autorités publiques. Il recommande aussi à l’État partie de redoubler d’efforts pour engager des poursuites dans les cas de corruption et de revoir le régime des peines applicable aux infractions liées à la corruption. Le Comité prie l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements détaillés sur les progrès enregistrés et les obstacles rencontrés dans le cadre de la lutte contre la corruption et l’impunité.

12. Le Comité prend note avec préoccupation et sur la base des renseignements mis à sa disposition du fait que le système de justice pâtit d’une corruption généralisée, est souvent soumis à l’influence du pouvoir exécutif et manque de moyens financiers. Il note également avec préoccupation la non-application de certaines décisions de justice par le Gouvernement.

Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire et veiller à ce que ce principe soit pleinement appliqué et promu. Il demande également à l’État partie de s’assurer que les décisions de justice sont effectivement appliquées. L’État partie est invité à dispenser une formation aux juges et aux juristes dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels.

Article 2, paragraphe 2

13. Le Comité s’inquiète des conséquences néfastes de l’exploitation des ressources naturelles, en particulier de l’extraction minière et de la prospection pétrolière menées sur les territoires autochtones, en violation du droit des peuples autochtones sur leurs terres ancestrales et leurs ressources naturelles.

Le Comité demande instamment à l’État partie de procéder à des évaluations de l’impact sur l’environnement et sur la société des activités économiques, notamment de l’extraction minière et de la prospection pétrolière, et de consulter les communautés concernées, afin de veiller à ce que ces activités ne privent pas les peuples autochtones du plein exercice de leurs droits sur leurs terres ancestrales et leurs ressources naturelles. À cet égard, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier la Convention nº 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) (1989) concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

Article 3

14. Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes continuent de subir une discrimination généralisée, surtout en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la terre, et au crédit et la possibilité d’hériter de propriétés, bien que la Constitution prévoit en son article 14, alinéa 2, que l’État a le devoir de veiller à l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme et d’assurer la protection de ses droits dans tous les domaines de la vie privée et publique. Le Comité est également préoccupé par l’affirmation de l’État partie selon laquelle la femme elle-même participe à la perpétuation des stéréotypes qui la marginalisent.

Le Comité demande à l’État partie de prendre des mesures plus énergiques et efficaces pour s’attaquer, en droit et dans les faits, à l’inégalité des sexes et à la discrimination à l’égard des femmes dans l’État partie. Il prie notamment l’État partie d’adopter rapidement le Code des personnes et de la famille qui est en cours d’élaboration et d’indiquer dans son prochain rapport les dispositions clefs de ce texte en matière d’égalité des droits entre hommes et femmes et s’il est conforme aux différentes obligations contenues dans le Pacte. Le Comité engage l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris en recourant aux médias et par l’éducation, pour faire disparaître les stéréotypes traditionnels concernant le statut de la femme dans la vie publique et dans la vie privée et pour garantir en pratique l’égalité entre hommes et femmes dans tous les domaines, comme il est énoncé au paragraphe 2 de l’article 2, et à l’article 3 du Pacte. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale nº 16 (2005) relative au droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels.

15. Le Comité est préoccupé par la faible représentation des femmes au Parlement, aux postes de responsabilité au sein de l’exécutif et dans l’appareil judiciaire.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures positives spéciales en faveur des femmes, par exemple en leur réservant des sièges au Parlement et en imposant un quota minimum pour la nomination, le recrutement et la promotion des femmes au sein de l’exécutif et du judiciaire, notamment aux postes de responsabilité et dans les instances les plus élevées. Le Comité demande à l’État partie d’indiquer dans son prochain rapport si le projet de loi sur le quota aux fins de corriger la sous-représentativité des femmes dans l’occupation des postes d’empois a été adopté, et, en cas de réponse négative, les obstacles qui empêchent l’adoption de cette loi.

Articles 6, 7 et 8

16. Le Comité est préoccupé par le niveau élevé du chômage et l’absence d’informations détaillées sur les programmes nationaux et locaux pour l’emploi dans le secteur formel et informel ou d’autres stratégies claires visant à remédier à ce problème. Il regrette que le Code du travail n’établisse pas de système d’inspection du travail.

Le Comité prie instamment l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre des plans d’action en faveur de l’emploi qui soient de nature à réduire progressivement le chômage dans le secteur informel. Le Comité recommande à l’État partie d’amender sa législation du travail afin d’y établir un système d’inspecteurs du travail et de solliciter l’assistance technique de l’OIT pour former lesdits inspecteurs.

17. Le Comité constate avec préoccupation que le principe de l’égalité de rémunération des hommes et des femmes pour un travail de valeur égale n’est pas appliqué de manière uniforme par les entreprises publiques et privées.

Le Comité demande instamment à l’État partie de bien appliquer les mesures récemment adoptées en vue d’assurer une rémunération égale pour un travail de valeur égale, conformément au Pacte, et de réduire l’écart salarial entre les hommes et les femmes.

Article 9

18. Le Comité est préoccupé par le fait que le régime de sécurité sociale de l’État partie ne prévoit pas de couverture universelle, un grand nombre de groupes vulnérables et marginalisés, en étant exclus, comme par exemple les travailleurs occasionnels et les travailleurs indépendants.

Le Comité recommande à l’État partie d’assurer la couverture universelle du régime de sécurité sociale au Tchad, en accordant la priorité aux groupes vulnérables et marginalisés. À cet égard, le Comité encourage l’État partie à explorer les possibilités offertes par la coopération internationale, comme prévu au paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte.

Article 10

19. Le Comité est préoccupé par l’étendue des pratiques traditionnelles violant l’intégrité physique et la dignité humaine des femmes et des jeunes filles et note avec préoccupation que la loi n° 06/PR/2002 portant promotion de la santé de reproduction, qui interdit notamment les mutilations génitales féminines, les mariages précoces, la violence familiale et la violence sexuelle, ne prévoit pas de sanctions pour les auteurs de ces actes. Le Comité constate avec préoccupation le taux de filles et de femmes victimes d’une forme ou une autre de mutilation génitale est de 45 % d’après le Rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés au Tchad (S/2007/400).

Le Comité recommande à l’État partie de lancer des campagnes de sensibilisation pour lutter contre les pratiques traditionnelles néfastes et sensibiliser les parents, en particulier les mères, les enfants et les chefs communautaires aux effets néfastes de ces mutilations qui sont constitutives de traitements cruels, inhumains ou dégradants, et d’amender urgemment la loi n° 06/PR/2002 afin de prévoir des sanctions appropriées à la gravité des actes prévu dans cette législation. Le Comité demande que l’État partie prenne les mesures nécessaires pour éliminer les pratiques traditionnelles néfastes, telles que les mutilations génitales féminines, et fournisse dans son prochain rapport périodique des informations détaillées à ce sujet.

20. Le Comité est gravement préoccupé par l’ampleur des violences sexuelles, y compris des viols, à l’égard des femmes, des jeunes filles et des fillettes, en particulier dans les sites de personnes déplacées et les camps de réfugiés et leurs alentours. Il est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles les femmes, les jeunes filles et les fillettes ne sont pas protégées comme il convient contre toutes les formes de violence au sein des communautés de réfugiés et de personnes déplacées et ne disposent pas des voies de recours adéquates. Il est également préoccupé par le recours aux méthodes traditionnelles de résolution des conflits qui perpétue l’impunité et favorise la violence.

Le Comité prie l’État partie de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur la situation des femmes et des enfants réfugiés et déplacés au Tchad, en particulier sur les moyens utilisés pour protéger ces femmes et enfants contre toutes les formes de violence et les mécanismes en place pour qu’ils disposent de voies de recours et puissent se réinsérer dans la société. Il demande également instamment à l’État partie de prendre des mesures pour que des enquêtes soient menées et que tous les responsables de violences contre les femmes et les enfants réfugiés et déplacés soient châtiés. Le Comité prie instamment l’État partie d’augmenter les effectifs et l’intégration des femmes dans les rangs des policiers chargés de la sécurité des camps de réfugiés et de personnes déplacées. Il encourage également l’État partie à continuer de collaborer avec la Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT) et les agences onusiennes spécialisée sur le terrain.

21. Le Comité est profondément préoccupé par la prévalence du travail des enfants, notamment par l’exploitation économique et l’abus fréquent d’enfants utilisés pour garder le troupeau d’éleveurs nomades (enfants bouviers), des « mahadjirines » ou celui des domestiques de maison.

Le Comité prie instamment l’État partie d’indiquer dans son prochain rapport périodique les mesures prises, et leurs résultats, en vue de lutter contre le travail des enfants et mettre fin à la pratique des enfants bouviers, des « mahadjirines » ou celui des domestiques de maison, et de fournir des informations sur l’assistance accordée aux victimes de ces pratiques et à leurs familles.

22. Le Comité note avec préoccupation la présence d’enfants soldats, y compris de filles, dans les camps militaires et au sein des groupes armés ainsi que le mode de recrutement employé qui consiste à encourager les familles des enfants à envoyer leurs enfants contre rétribution.

L’État partie devrait mettre un terme à tout recrutement d’enfants soldats, y compris de filles, dans les groupes armés. À cette fin, il devrait mettre en place un système de contrôle, comprenant des visites régulières de contrôle dans les camps militaires et les centres d’entraînement militaire, afin d’éviter tout nouveau recrutement de mineurs. L’État partie devrait renforcer les mesures d’accompagnement et de réinsertion des enfants engagés dans l’armée.

Article 11

23. Le Comité note avec préoccupation que les fonds consacrés aux services sociaux et aux infrastructures publiques sont loin d’être suffisants, malgré la grande richesse des ressources naturelles et l’article 212 de la Constitution qui prévoit qu’un pourcentage sur le produit des ressources du sol et du sous-sol revient aux collectivités territoriales,

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues, grâce notamment au produit des recettes pétrolières, pour accélérer la rénovation et la reconstruction des infrastructures publiques et des services sociaux dans les zones aussi bien urbaines que rurales et de s’assurer que l’exploitation des ressources naturelles s'exerce dans l'intérêt du développement national et du bien-être de la population.

24. Le Comité constate avec préoccupation que, malgré la stratégie de réduction de la pauvreté, un pourcentage élevé de la population de l’État partie vit dans la pauvreté et dans l’extrême pauvreté, notamment les habitants des zones rurales et des zones urbaines défavorisées, les personnes sans terre, les femmes, les enfants, les ménages dont le chef de famille est une femme, les familles touchées par le VIH/sida, les personnes handicapées et les personnes déplacées à l’intérieur du pays. Il note en particulier que l’État partie n’a pas encore créé de mécanisme de coordination efficace pour lutter contre la pauvreté.

Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre toutes les mesures efficaces pour mettre en œuvre une stratégie de réduction de la pauvreté qui prenne en considération les droits économiques, sociaux et culturels, conformément à sa déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/2002/22–E.12/2001/17, annexe VII). Il lui recommande de prendre notamment des mesures visant à évaluer l’impact de sa stratégie et à recenser ses faiblesses. Il prie l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des données comparatives ventilées par sexe, âge, population rurale et urbaine, ainsi que des indicateurs sur le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté et sur les progrès accomplis dans la lutte contre la pauvreté.

25. Le Comité est gravement préoccupé par l’insécurité alimentaire chronique d’une grande partie de la population.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre effectivement en place des programmes pertinents et de leur allouer des ressources suffisantes pour assurer à tous, et en particulier aux individus et groupes sociaux les plus défavorisés et marginalisés, l’accès physique et économique à un minimum de nourriture indispensable, qui soit suffisante, adéquate sur le plan nutritionnel et salubre, afin d’être à l’abri de la faim, conformément à l’observation générale nº 12 du Comité sur le droit à une nourriture suffisante (1999) et à sa Déclaration sur la crise alimentaire mondiale (E/C.12/2008/1).

26. Le Comité note avec préoccupation l’affirmation de l’État partie selon laquelle les éléments de confort minimum, eau potable, évacuation des déchets, installations sanitaires et électricité manquent pour toute la population, exception faite pour un nombre très négligeable de la population vivant dans les centres villes.

Le Comité engage instamment l’État partie à assurer, si nécessaire en sollicitant l’assistance et la coopération internationales, à toutes les collectivités rurales et urbaines l’accès à l’eau potable et à une infrastructure d’assainissement satisfaisante.

27. Le Comité est préoccupé par la proportion élevée de la population qui vit sans abri et par l’absence de mesures efficaces visant à fournir des logements sociaux aux personnes et aux groupes de condition modeste, vulnérables et marginalisés qui vivent dans des établissements spontanés et dont la plupart ne peuvent avoir accès, à un prix modéré, à une eau salubre et à des installations sanitaires adéquates.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter un vaste ensemble de plans et de politiques de logement, et d’allouer suffisamment de ressources budgétaires pour garantir leur mise en œuvre, en particulier pour les personnes et groupes de condition modeste, vulnérables et marginalisés. Le Comité recommande également à l’État partie de prendre des mesures immédiates pour garantir l’accès, à un prix modéré, à une eau salubre et à un assainissement de qualité, conformément à l’observation générale no 15 du Comité sur le droit à l’eau (2002). Le Comité demande également à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des données relatives au phénomène des sans-abri ventilées par sexe, âge, population rurale/urbaine

28. Le Comité est préoccupé par le grand nombre d’expulsions forcées et la destruction d’habitations qui ont eu lieu dans les quartiers de N’Djamena, sans notification préalable et sans proposition de relogement ou d’indemnisation adéquate.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures appropriées pour que les mesures d’expulsion forcées ne soient prises qu’en dernier recours, et d’adopter des mesures efficaces, législative ou autres, définissant de façon stricte les circonstances et les garanties dans le cadre desquelles les expulsions peuvent avoir lieu, conformément à l’observation générale nº 7 (1997)du Comité sur le droit à un logement convenable (art. 11.1) et les expulsions forcées. Le Comité recommande également à l’État partie de s’assurer que les victimes d’expulsion forcée bénéficient de mesures adéquates d’indemnisation ou de relogement, qu’il n’y soit pas procédé sans que les intéressés aient été consultés et que les victimes aient accès à un recours utile. Il prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des données relatives aux expulsions forcées ventilées par sexe, âge, population rurale/urbaine.

Article 12

29. Le Comité, tout en notant les statistiques détaillées et informatives fournies aux paragraphes 193 à 206 du rapport de l’État partie s’agissant de l’article 12 du Pacte, est préoccupé par les taux de mortalité maternelle et infantile et de mortalité des moins de 5 ans, par la forte prévalence du VIH/sida, le manque de personnel soignant dans les zones rurales et la qualité médiocre des services de santé. Le Comité regrette l’absence d’information sur les résultats de la politique nationale de la santé initiée en 1998.

Le Comité demande instamment à l’État partie d’agir pour remédier à la situation actuelle dans le domaine de la santé, qui ne répond pas aux besoins essentiels de la population en la matière, notamment en améliorant les services de santé de base par l’augmentation des allocations du budget de l’État dans le domaine de la santé et en prenant les mesures préventives et thérapeutiques nécessaires pour combattre la pandémie de VIH/sida et autres maladies transmissibles. Le Comité recommande aussi à l’État partie de tenir compte de son observation générale n° 14 sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint. Le Comité demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés et actualisés, y compris des indicateurs et des données statistiques ventilées, qui lui permettront d’évaluer l’ampleur des progrès réalisés dans ce domaine.

30. Le Comité note avec préoccupation la situation alarmante des droits en matière de santé sexuelle et génésique de la population ainsi que le manque de services de soins basiques en matière de santé de la sexualité et de la procréation dans l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures spécifiques pour se doter de services et de soins de base en matière de santé de la sexualité et de la procréation, ainsi que de mettre en œuvre des programmes d’éducation sur la santé en matière de sexualité et de procréation.

31. Le Comité note avec préoccupation les graves risques pour la santé de la contamination des eaux souterraines et des eaux pluviales lié au fait que plus de 70 % de la population ne disposaient pas de toilettes appropriées en 2000, alors que seulement 24 % de la population avait accès à un système d’évacuation adéquat des excréments.

Le Comité engage instamment l’État partie à doter toutes les collectivités rurales et urbaines de systèmes appropriés d’accès à l’eau potable et à une infrastructure d’assainissement satisfaisante, si nécessaire en sollicitant l’assistance et la coopération internationales.

Article 13

32. Le Comité, tout en notant que l’article 35 de la Constitution garantit à tout citoyen le droit à l’instruction, que l’enseignement public est gratuit et que l’enseignement fondamental est obligatoire, regrette que l’État partie n’ait pas fourni de réponse satisfaisante quant à la mise en œuvre de cette disposition, en particulier pour les enfants pauvres des zones urbaines et rurales et pour les enfants autochtones, l’empêchant d’évaluer dans quelle mesure cette garantie constitutionnelle est mise en œuvre. Le Comité, tout en appréciant le programme décennal d’appui à la reforme du système éducatif 2004-2015 adopté par l’État partie, note avec préoccupation le taux élevé d’abandon scolaire, notamment dans les régions les plus pauvres du pays et en particulier dans les régions rurales.

Le Comité prie l’État partie d’indiquer, dans son prochain rapport, dans quelle mesure l’enseignement primaire obligatoire et gratuit est dispensé à tous les enfants, y compris aux enfants pauvres des zones urbaines et rurales et aux enfants autochtones. À cet égard, le Comité rappelle à l’État partie les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14 du Pacte aux termes duquel il doit garantir «l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous». Le Comité recommande à l’État partie, dans le cadre de la mise en œuvre de son plan national pour l’éducation, de prendre en compte les observations générales nº 11 et nº13 (1999) du Comité et de créer un mécanisme de contrôle efficace dudit plan. L’État partie est également encouragé à solliciter les avis et l’assistance techniques de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) en ce qui concerne la mise en œuvre de son plan.

33. Le Comité est préoccupé par la persistance du taux élevé d’analphabétisme dans l’État partie, lequel taux est plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Il note également avec préoccupation la préférence en matière d’éducation donnée traditionnellement aux enfants de sexe masculin.

Le Comité invite instamment l’État partie à prendre toutes les mesures efficaces pour améliorer le taux d’alphabétisation, en particulier celui des femmes. Il recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts en vue de permettre l’égal accès des filles et des garçons à l’éducation. Il engage l’État partie à mettre en œuvre un plan national global d’éducation pour tous, comme le prescrit le paragraphe 16 du Cadre d’action de Dakar, en tenant compte des observations générales nº 11 et nº 13 (1999) du Comité, ainsi que de l’observation générale nº 1 (2001) du Comité des droits de l’enfant sur les buts de l’éducation. Il demande à l’État partie de fournir aussi dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur les mesures prises pour améliorer la qualité de l’enseignement et promouvoir l’égalité des chances pour tous dans le domaine de l’éducation, y compris dans celui de la formation professionnelle. Le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier la Convention de 1960 de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement.

Article 15

34. Le Comité regrette l’absence d’informations sur les mesures prises par l’État partie en vue de préserver, protéger et promouvoir le droit de participer à la vie culturelle.

Le Comité prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures prises par lui en vue de préserver, protéger et promouvoir le droit de participer à la vie culturelle.

35. Le Comité est préoccupé par le système d’exploitation des ressources naturelles dans l’État partie qui affecte négativement la terre et les modes de vie des populations autochtones, les privant de la jouissance de droits associés à leur terre ancestrale et à leur identité culturelle.

Le Comité recommande que l’État partie adopte des mesures spécifiques pour protéger l’identité culturelle et la terre ancestrale de la population indigène.

36. Le Comité recommande à l’État partie de dispenser une éducation aux droits économiques, sociaux et culturels aux élèves, à tous les niveaux de l’enseignement, et une vaste formation aux droits de l’homme à toutes les professions et à tous les secteurs qui jouent un rôle direct dans la promotion et la protection des droits de l’homme, notamment les juges, les avocats, les fonctionnaires publics, les enseignants, les responsables de l’application de la loi, les agents de l’immigration, la police et les militaires.

Le Comité prie l’État partie d’indiquer, dans son prochain rapport périodique, une liste précise de toutes les conventions internationales en matière de protection de l’environnement auxquelles il est partie. Il prie également l’État partie de définir les mandats respectifs du Ministère de l’environnement et du Haut Comité national pour l’environnement. Le Comité souhaite savoir si l’État partie bénéficie, en sa qualité de membre à la Convention des Nations Unies sur la désertification, des programmes d’Action sous-régionaux et du Fond de l’environnement mondial pour la mise en œuvre de la cette convention.

37. Le Comité recommande vivement à l'État partie d'avoir recours aux services d'assistance technique du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et des institutions spécialisées et programmes pertinents des Nations Unies, afin d'assurer l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels conformément aux obligations qu'il a contractées en vertu du Pacte ainsi que pour préparer et présenter son prochain rapport et donner suite aux présentes observations finales.

38. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier les Conventions de l’OIT n° 2 sur le chômage (1919) ; nº 102 sur la sécurité sociale (1952); nº 117 sur la politique sociale (objectifs et normes de bases) (1962), n° 118 sur l’égalité de traitement (sécurité sociale) 1962; n°122 sur la politique de l’emploi (1962) ; n° 160 sur les statistiques du travail (1985) ; n° 169 sur les peuples indigènes et tribaux (1989) et n° 174 sur la prévention des accidents industriels majeurs (1993).

39. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant.

40. Le Comité invite l’État partie à mettre à jour son document de base conformément aux prescriptions applicables au document de base commun dans les directives harmonisées concernant les rapports, récemment approuvées par les organes de surveillance des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme.

41. Le Comité encourage l’État partie à envisager de signer et de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

42. Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, en particulier auprès de la fonction publique, de l’appareil judiciaire et des organisations de la société civile, et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu’il aura prises pour les mettre en œuvre. Il l’encourage aussi à associer des organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile au processus de discussion à l’échelon national avant la présentation de son prochain rapport périodique.

43. Le Comité demande à l’État partie de présenter ses quatrième et cinquième rapports périodiques d’ici au 30 juin 2012.

 



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