Introduction et principes de base
1. Le droit fondamental à une
nourriture suffisante est reconnu dans
plusieurs instruments du droit international.
Le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels
en traite de façon plus complète
qu'aucun autre instrument. Au paragraphe
1 de son article 11, les États
parties reconnaissent " le droit
de toute personne à un niveau
de vie suffisant pour elle-même
et sa famille, y compris une nourriture,
un vêtement et logement suffisants,
ainsi qu'à une amélioration
constante de ses conditions d'existence
" et, au paragraphe 2 du même
article, ils reconnaissent que des mesures
plus immédiates et urgentes peuvent
être nécessaires pour assurer
" le droit fondamental . . . d'être
à l'abri de la faim et de la
malnutrition ". Le droit fondamental
à une nourriture suffisante est
d'une importance cruciale pour la jouissance
de tous les droits. Il s'applique à
toute personne. Aussi les mots "
pour elle-même et sa famille"
figurant au paragraphe 1 de l'article
1 n'impliquent-ils pas de limitations
de l'applicabilité de ce droit
dans le cas d'individus ou lorsqu'il
s'agit de ménages dont le chef
est une femme.
2. Depuis 1979, le Comité a
accumulé au fil des années,
à l'occasion de l'examen des
rapports des États parties, une
quantité appréciable de
renseignements concernant le droit à
une nourriture suffisante. Il a noté
que, bien qu'il existe pour la présentation
des rapports des directives portant
sur le droit à une nourriture
suffisante, seuls quelques États
parties ont fourni des renseignements
suffisants et assez précis pour
lui permettre de déterminer quelle
est la situation dans les pays concernés
et de mettre en évidence les
obstacles à la réalisation
de ce droit. La présente observation
générale a pour but de
préciser certains des principaux
points que le Comité juge importants
à propos du droit à une
nourriture suffisante.
Elle a été rédigée
comme suite à la demande que
les États Membres ont faite lors
du Sommet mondial de l'alimentation,
en 1996, de mieux définir les
droits concernant la nourriture énoncés
à l'article 11 du Pacte ainsi
qu'à une invitation expresse
adressée au Comité à
accorder une attention particulière
au Plan d'action adopté par le
Sommet lorsqu'il surveille l'application
des mesures spécifiques prévues
à l'article 11 du Pacte.
3. Comme suite à ces demandes,
le Comité a examiné les
rapports et autres documents pertinents
de la Commission des droits de l'homme
et de la Sous-Commission de la lutte
contre les mesures discriminatoires
et de la protection des minorités
relatifs au droit à une alimentation
suffisante en tant que droit de l'homme;
il a consacré à la question
une journée de débat général
lors de sa dix-septième session,
en 1997, prenant en considération
le projet de code international de conduite
sur le droit fondamental à une
alimentation suffisante élaboré
par des organisations non gouvernementales
internationales; il a participé
à deux consultations d'experts
sur le droit à une alimentation
suffisante en tant que droit de l'homme,
organisées par le Haut-Commissariat
des Nations Unies aux droits de l'homme,
à Genève en décembre
1997, et à Rome en novembre 1998
conjointement avec l'Organisation des
Nations Unies pour l'alimentation et
l'agriculture (FAO), et a pris note
de leurs rapports finals. En avril 1999,
le Comité a participé
à un colloque sur le contenu
et les orientations des politiques et
programmes d'alimentation et de nutrition
envisagés dans l'optique des
droits de l'homme, organisé par
le Sous-Comité de la nutrition
du Comité administratif de coordination
à sa vingt-sixième session,
à Genève, sous les auspices
du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.
4. Le Comité affirme que le
droit à une nourriture suffisante
est indissociable de la dignité
intrinsèque de la personne humaine
et est indispensable à la réalisation
des autres droits fondamentaux consacrés
dans la Charte internationale des droits
de l'homme. Il est également
indissociable de la justice sociale
et exige l'adoption, au niveau national
comme au niveau international, de politiques
économiques, environnementales
et sociales appropriées visant
à l'élimination de la
pauvreté et à la réalisation
de tous les droits de l'homme pour tous.
5. Bien que la communauté internationale
ait fréquemment réaffirmé
l'importance du respect intégral
du droit à une nourriture suffisante,
entre les normes énoncées
à l'article 11 du Pacte et la
situation qui règne dans de nombreuses
parties du monde, l'écart reste
préoccupant. Plus de 840 millions
de personnes à travers le monde,
pour la plupart dans les pays en développement,
souffrent chroniquement de la faim;
des millions de personnes sont en proie
à la famine par suite de catastrophes
naturelles, de la multiplication des
troubles civils et des guerres dans
certaines régions et de l'utilisation
de l'approvisionnement alimentaire comme
arme politique. Le Comité relève
que, si les problèmes de la faim
et de la malnutrition sont souvent particulièrement
aigus dans les pays en développement,
la malnutrition, la sous-alimentation
et d'autres problèmes qui mettent
en jeu le droit à une nourriture
suffisante et le droit d'être
à l'abri de la faim sont présents
aussi dans certains des pays les plus
avancés sur le plan économique.
Fondamentalement, la cause du problème
de la faim et de la malnutrition n'est
pas le manque de nourriture mais le
fait que de vastes segments de la population
mondiale n'ont pas accès à
la nourriture disponible, en raison
entre autres de la pauvreté.
Contenu normatif des paragraphes 1 et
2 de l'article 11
6. Le droit à une nourriture
suffisante est réalisé
lorsque chaque homme, chaque femme et
chaque enfant, seul ou en communauté
avec d'autres, a physiquement et économiquement
accès à tout moment à
une nourriture suffisante ou aux moyens
de se la procurer. Le droit à
une nourriture suffisante ne doit donc
pas être interprété
dans le sens étroit ou restrictif
du droit à une ration minimum
de calories, de protéines ou
d'autres nutriments spécifiques.
Il doit être réalisé
progressivement. Cela étant,
les États ont l'obligation fondamentale
d'adopter les mesures nécessaires
pour lutter contre la faim, comme le
prévoit le paragraphe 2 de l'article
11, même en période de
catastrophe naturelle ou autre.
Adéquation et durabilité
de la disponibilité de nourriture
et possibilité d'obtenir cette
nourriture
7. La notion d'adéquation est
particulièrement importante dans
le cas du droit à l'alimentation
car elle recouvre divers facteurs dont
il faut tenir compte pour déterminer
si tel ou tel aliment que l'on peut
se procureur, ou tel ou tel régime
alimentaire, peut être considéré
comme le plus approprié compte
tenu des circonstances au sens de l'article
11 du Pacte. La notion de durabilité
est intrinsèquement liée
à celle de nourriture suffisante
ou sécurité alimentaire
et implique que les générations
actuelles et futures aient la possibilité
d'obtenir cette nourriture. Ce que recouvre
précisément la notion
d'" adéquation " est
dans une grande mesure déterminé
par les conditions sociales, économiques,
culturelles, climatiques, écologiques
et autres, tandis que la " durabilité
" renferme l'idée de disponibilité
et de possibilité d'obtenir à
long terme.
8. Le Comité estime que le contenu
essentiel du droit à une nourriture
suffisante comprend les éléments
suivants:
- la disponibilité de nourriture
exempte de substances nocives et acceptable
dans une culture déterminée,
en quantité suffisante et d'une
qualité propre à satisfaire
les besoins alimentaires de l'individu;
- l'accessibilité ou possibilité
d'obtenir cette nourriture d'une manière
durable et qui n'entrave pas la jouissance
des autres droits de l'homme.
9. Pour satisfaire les besoins alimentaires,
le régime alimentaire dans son
ensemble doit contenir une combinaison
des nutriments nécessaires pour
assurer la croissance physique et mentale,
le développement et la subsistance
de l'individu, ainsi qu'une activité
physique, conformément aux besoins
physiologiques de l'être humain
à tous les stades du cycle de
vie et en fonction du sexe et de la
profession. Il faudra donc peut-être
prendre des mesures pour assurer, adapter
ou renforcer la diversité de
l'alimentation ainsi que des modes de
consommation et d'alimentation appropriés,
y compris l'allaitement au sein, tout
en veillant à ce que des modifications
de la disponibilité de nourriture
et de l'accès aux approvisionnements
alimentaires à tout le moins
n'aient pas de répercussions
négatives sur le régime
et l'apport alimentaires.
10. Pour que la nourriture soit exempte
de substances nocives, il faut que les
pouvoirs publics et le secteur privé
imposent des normes de sécurité
des produits alimentaires et prennent
une série de mesures de protection
afin d'empêcher que les denrées
alimentaires ne soient contaminées
par frelatage et/ou par suite d'une
mauvaise hygiène du milieu ou
d'un traitement inapproprié aux
différents stades de la chaîne
alimentaire; il faut également
veiller à identifier et à
éviter ou détruire les
toxines naturelles.
11. Pour que la nourriture soit acceptable
sur le plan culturel ou pour le consommateur,
il faut également tenir compte,
dans toute la mesure possible, des valeurs
subjectives, n'ayant rien à voir
avec la nutrition, qui s'attachent aux
aliments et à la consommation
alimentaire, ainsi que des préoccupations
du consommateur avisé quant à
la nature des approvisionnements alimentaires
auxquels il a accès.
12. La disponibilité de nourriture
vise les possibilités soit de
tirer directement son alimentation de
la terre ou d'autres ressources naturelles,
soit de disposer de systèmes
de distribution, de traitement et de
marché opérants capables
d'acheminer les produits alimentaires
du lieu de production à l'endroit
où ils sont nécessaires
en fonction de la demande.
13. L'accessibilité est à
la fois économique et physique:
L'accessibilité économique
signifie que les dépenses d'une
personne ou d'un ménage consacrées
à l'acquisition des denrées
nécessaires pour assurer un régime
alimentaire adéquat soient telles
qu'elles n'entravent pas la satisfaction
des autres besoins élémentaires.
Elle s'applique à tout mode d'acquisition
ou toute prestation par lesquels les
gens se procurent leur nourriture et
permet de déterminer dans quelle
mesure le droit à une alimentation
suffisante est assuré. Il se
peut qu'il faille prêter attention
dans le cadre de programmes spéciaux
aux groupes socialement vulnérables,
comme les personnes sans terre et les
autres segments particulièrement
démunis de la population.
L'accessibilité physique signifie
que chacun, y compris les personnes
physiquement vulnérables, comme
les nourrissons et les jeunes enfants,
les personnes âgées, les
handicapés, les malades en phase
terminale et les personnes qui ont des
problèmes médicaux persistants,
dont les malades mentaux, doit avoir
accès à une nourriture
suffisante. Il se peut qu'il faille
prêter une attention particulière
et parfois donner la priorité
à cet égard aux victimes
de catastrophes naturelles, aux personnes
vivant dans des zones exposées
aux catastrophes et aux autres groupes
particulièrement défavorisés.
De nombreux groupes de population autochtones,
dont l'accès à leurs terres
ancestrales peut être menacé,
sont particulièrement vulnérables.
Obligations et violations
14. La nature des obligations juridiques
des États parties est énoncée
à l'article 2 du Pacte et fait
l'objet de l'Observation générale
3 du Comité (1990). La principale
obligation consiste à agir en
vue d'assurer progressivement le plein
exercice du droit à une nourriture
suffisante, ce qui impose l'obligation
de progresser aussi rapidement que possible
vers cet objectif. Chaque État
est tenu d'assurer à toute personne
soumise à sa juridiction l'accès
à un minimum de nourriture indispensable,
qui soit suffisante, adéquate
sur le plan nutritionnel et salubre,
afin de faire en sorte que cette personne
soit à l'abri de la faim.
15. Comme tous les autres droits de
l'homme, le droit à une nourriture
suffisante impose aux États parties
trois sortes ou niveaux d'obligation:
les obligations de respecter et de protéger
ce droit et de lui donner effet. Cette
dernière obligation comprend
en fait l'obligation de prêter
assistance et celle de distribuer des
vivres. L'obligation qu'ont les États
parties de respecter le droit de toute
personne d'avoir accès à
une nourriture suffisante leur impose
de s'abstenir de prendre des mesures
qui aient pour effet de priver quiconque
de cet accès. Leur obligation
de protéger ce droit leur impose
de veiller à ce que des entreprises
ou des particuliers ne privent pas des
individus de l'accès à
une nourriture suffisante. L'obligation
qu'a l'État de donner effet à
ce droit (en faciliter l'exercice) signifie
qu'il doit prendre les devants de manière
à renforcer l'accès de
la population aux ressources et aux
moyens d'assurer sa subsistance, y compris
la sécurité alimentaire,
ainsi que l'utilisation desdits ressources
et moyens. Enfin, chaque fois qu'un
individu ou un groupe se trouve, pour
des raisons indépendantes de
sa volonté, dans l'impossibilité
d'exercer son droit à une nourriture
suffisante par les moyens dont il dispose,
l'État a l'obligation de faire
le nécessaire pour donner effet
directement à ce droit (distribuer
des vivres). Il a la même obligation
envers les victimes de catastrophes,
naturelles ou autres.
16. Certaines des mesures à
prendre à ces différents
niveaux d'obligation des États
parties ont un caractère immédiat,
tandis que d'autres sont des mesures
à long terme, de façon
à assurer progressivement le
plein exercice du droit à l'alimentation.
17. Il y a violation du Pacte lorsqu'un
État n'assure pas au moins le
minimum essentiel requis pour que l'individu
soit à l'abri de la faim. Pour
déterminer quelles actions ou
omissions constituent une violation
du droit à l'alimentation, il
est important de distinguer si l'État
partie est dans l'incapacité
de se conformer à cette obligation
ou n'est pas enclin à le faire.
Si un État partie fait valoir
que des contraintes en matière
de ressources le mettent dans l'impossibilité
d'assurer l'accès à l'alimentation
à ceux qui ne peuvent le faire
par eux-mêmes, il doit démontrer
qu'aucun effort n'a été
épargné pour utiliser
toutes les ressources qui sont à
sa disposition en vue de remplir, à
titre prioritaire, ces obligations minimum.
Ceci découle du paragraphe 1
de l'article 2 du Pacte, en vertu duquel
chacun des États parties est
tenu de faire le nécessaire "
au maximum de ses ressources disponibles
", comme le Comité l'a précédemment
souligné au paragraphe 10 de
son Observation générale
3. Il incombe donc à l'État
qui affirme ne pas pouvoir s'acquitter
de son obligation pour des raisons indépendantes
de sa volonté, de prouver que
tel est bien le cas et qu'il s'est efforcé,
sans succès, d'obtenir un soutien
international pour assurer la disponibilité
et l'accessibilité de la nourriture
nécessaire.
18. En outre, toute discrimination
en matière d'accès à
la nourriture, ainsi qu'aux moyens et
aux prestations permettant de se procurer
de la nourriture, que cette discrimination
soit fondée sur la race, la couleur,
le sexe, la langue, l'âge, la
religion, les opinions politiques ou
autres, l'origine nationale ou sociale,
la fortune, la naissance ou toute autre
situation, dans le but d'infirmer la
jouissance ou l'exercice, en pleine
égalité, des droits économiques,
sociaux et culturels, ou d'y porter
atteinte, constitue une violation du
Pacte.
19. Des violations du droit à
l'alimentation peuvent être le
fait d'une action directe de l'État
ou d'autres entités insuffisamment
réglementées par l'État,
à savoir: abrogation ou suspension
formelle de la législation nécessaire
à l'exercice permanent du droit
à l'alimentation; déni
de l'accès à l'alimentation
à certains individus ou groupes,
que cette discrimination repose sur
la législation ou qu'elle soit
anticipative; prévention de l'accès
à l'aide alimentaire à
caractère humanitaire en cas
de conflit interne ou d'autres situations
d'urgence; adoption de mesures législatives
ou de politiques manifestement incompatibles
avec les obligations juridiques préexistantes
touchant le droit à l'alimentation;
et fait que l'État ne réglemente
pas les activités de particuliers
ou de groupes de façon à
les empêcher de porter atteinte
au droit d'autrui à l'alimentation,
ou qu'il ne tient pas compte de ses
obligations juridiques internationales
concernant le droit à l'alimentation
lorsqu'il conclut des accords avec d'autres
États ou avec des organisations
internationales.
20. Seuls les États sont parties
au Pacte et ont donc, en dernière
analyse, à rendre compte de la
façon dont ils s'y conforment,
mais tous les membres de la société-individus,
familles, collectivités locales,
organisations non gouvernementales,
organisations de la société
civile et secteur privé-ont des
responsabilités dans la réalisation
du droit à une nourriture suffisante.
L'État doit assurer un environnement
qui facilite l'exercice de ces responsabilités.
Les entreprises privées-nationales
et transnationales-doivent mener leurs
activités dans le cadre d'un
code de conduite qui favorise le respect
du droit à une nourriture suffisante,
arrêté d'un commun accord
avec le Gouvernement et la société
civile.
Mise en oeuvre à l'échelon
national
21. Inévitablement, les moyens
les plus appropriés de donner
effet au droit à une alimentation
suffisante varient de façon très
sensible d'un État partie à
l'autre. Chaque État a une certaine
latitude pour choisir ses méthodes,
mais le Pacte impose sans ambiguïté
que chaque État partie prenne
toutes mesures nécessaires pour
faire en sorte que toute personne soit
à l'abri de la faim et puisse
jouir dès que possible du droit
à une alimentation suffisante.
Il faut pour cela adopter une stratégie
nationale visant à assurer la
sécurité alimentaire et
nutritionnelle pour tous, compte tenu
des principes en matière de droits
de l'homme qui définissent les
objectifs, et formuler des politiques
et des critères correspondants.
L'État partie doit aussi recenser
les ressources dont il dispose pour
atteindre ces objectifs et définir
la manière la plus rentable de
les utiliser.
22. Cette stratégie devrait
reposer sur la mise en évidence
systématique des mesures et des
activités correspondant à
la situation et au contexte, s'inspirant
du contenu normatif du droit à
une nourriture suffisante et précisées
en fonction des niveaux et de la nature
des obligations des États parties
visées au paragraphe 15 de la
présente Observation générale.
Ceci devrait faciliter la coordination
entre les ministères et les autorités
régionales et locales, et garantir
que les politiques et les décisions
administratives connexes sont compatibles
avec les obligations découlant
de l'article 11 du Pacte.
23. La formulation et l'application
de stratégies nationales concernant
le droit à l'alimentation passent
par le respect intégral des principes
de responsabilité, de transparence,
de participation de la population, de
décentralisation, d'efficacité
du pouvoir législatif et d'indépendance
du pouvoir judiciaire. La bonne gouvernance
est indispensable à la réalisation
de tous les droits de l'homme, s'agissant
notamment d'éliminer la pauvreté
et d'assurer un niveau de vie satisfaisant
pour tous.
24. Il faudrait concevoir des mécanismes
institutionnels appropriés pour
assurer un processus représentatif
tendant à la formulation d'une
stratégie, en faisant appel à
toutes les compétences disponibles
dans le pays en matière d'alimentation
et de nutrition. La stratégie
devrait spécifier les responsabilités
et les délais quant à
l'application des mesures nécessaires.
25. La stratégie devrait viser
les problèmes clés, prévoir
des mesures portant sur tous les aspects
du système alimentaire, à
savoir la production, le traitement,
la distribution et la consommation de
produits alimentaires salubres, ainsi
que des mesures parallèles dans
les domaines de la santé, de
l'éducation, de l'emploi et de
la sécurité sociale. Il
faudrait veiller à assurer la
gestion et l'utilisation les plus durables
des ressources naturelles et autres
servant à la production alimentaire
aux niveaux national, régional,
local et à celui des ménages.
26. La stratégie devrait tenir
particulièrement compte de la
nécessité de prévenir
la discrimination dans l'accès
à la nourriture ou aux ressources
servant à la production alimentaire.
Elle devrait prévoir les garanties
d'un accès sans restrictions
et en pleine égalité aux
ressources économiques, en particulier
pour les femmes, y compris le droit
de posséder la terre et d'autres
biens ainsi que d'en hériter,
le droit au crédit, aux ressources
naturelles et aux technologies appropriées;
des mesures visant à faire respecter
et à protéger l'emploi
indépendant et le travail assurant
la rémunération qui procure
une existence décente aux salariés
et à leur famille (comme stipulé
à l'alinéa a) ii) de l'article
7 du Pacte); et la tenue de registres
fonciers (portant notamment sur les
forêts).
27. Dans le cadre de leurs obligations
de protéger la base de ressources
servant à la production alimentaire,
les États parties devraient prendre
les mesures voulues pour faire en sorte
que les activités des entreprises
privées et de la société
civile soient en conformité avec
le droit à l'alimentation.
28. Même lorsqu'un État
fait face à de sévères
limitations de ressources en raison
d'un processus d'ajustement économique,
d'une récession économique,
de conditions climatiques ou d'autres
facteurs, des dispositions devraient
être prises pour donner spécialement
effet au droit des groupes de population
et des individus vulnérables
à une nourriture suffisante.
Critères et législation-cadre
29. Pour mettre en oeuvre les stratégies
de pays visées ci-dessus, les
États devraient établir
des critères pour le suivi à
l'échelon national et international.
À cet égard, ils devraient
envisager d'adopter une loi-cadre en
tant que principal instrument de l'application
de leur stratégie nationale concernant
le droit à l'alimentation. Cette
loi-cadre devrait contenir les dispositions
ci-après: but; objectifs à
atteindre et délai fixé
à cet effet; moyens d'atteindre
le but recherché, définis
en termes généraux, s'agissant
en particulier de la collaboration envisagée
avec la société civile
et le secteur privé ainsi qu'avec
les organisations internationales; responsabilité
institutionnelle de ce processus; et
mécanismes nationaux de suivi
du processus ainsi que procédures
de recours possible. Les États
parties devraient faire participer activement
les organisations de la société
civile à l'élaboration
de ces critères et de la législation-cadre.
30. Les programmes et organismes compétents
des Nations Unies devraient, sur demande,
prêter leur concours à
la rédaction de la législation-cadre
et à l'examen de la législation
sectorielle. La FAO, par exemple, dispose
de compétences considérables
et a accumulé une somme de connaissances
concernant la législation dans
le domaine de l'alimentation et de l'agriculture.
Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance
(UNICEF) possède des compétences
équivalentes en matière
de législation touchant le droit
des nourrissons et des jeunes enfants
à une nourriture suffisante dans
le cadre de la protection maternelle
et infantile, y compris la législation
visant à favoriser l'allaitement
au sein, et touchant la réglementation
de la commercialisation des substituts
du lait maternel.
Suivi
31. Les États parties doivent
mettre en place et faire fonctionner
des mécanismes permettant de
suivre les progrès accomplis
dans la voie de la réalisation
du droit de tous à une nourriture
suffisante, de cerner les facteurs et
les difficultés faisant obstacle
à l'exécution de leurs
obligations et de faciliter l'adoption
de mesures correctrices d'ordre législatif
et administratif, notamment de mesures
pour s'acquitter des obligations que
leur imposent le paragraphe 1 de l'article
2 et l'article 23 du Pacte.
Recours et responsabilité
32. Toute personne ou tout groupe qui
est victime d'une violation du droit
à une nourriture suffisante devrait
avoir accès à des recours
effectifs, judiciaires ou autres, aux
échelons tant national qu'international.
Toutes les victimes de telles violations
ont droit à une réparation
adequate-réparation, indemnisation,
gain de cause ou garantie de non-répétition.
Les médiateurs nationaux et les
commissions nationales des droits de
l'homme devraient prêter attention
aux violations du droit à l'alimentation.
33. L'incorporation dans l'ordre juridique
interne des instruments internationaux
reconnaissant le droit à l'alimentation,
ou la reconnaissance de leur applicabilité,
peut accroître sensiblement le
champ et l'efficacité des mesures
correctrices et devrait être encouragée
dans tous les cas. Les tribunaux seraient
alors habilités à se prononcer
sur les violations du contenu essentiel
du droit à l'alimentation en
invoquant directement les obligations
découlant du Pacte.
34. Les magistrats et les autres membres
des professions judiciaires sont invités
à prêter plus d'attention,
dans l'exercice de leurs fonctions,
aux violations du droit à l'alimentation.
35. Les États parties doivent
respecter et protéger le travail
des défenseurs des droits de
l'homme et des autres membres de la
société civile qui aident
les groupes vulnérables à
exercer leur droit à une alimentation
suffisante.
Obligations internationales
États parties
36. Dans l'esprit de l'article 56 de
la Charte des Nations Unies, des dispositions
spécifiques du paragraphe 1 de
l'article 2, de l'article 11 et de l'article
23 du Pacte, et de la Déclaration
de Rome du Sommet mondial de l'alimentation,
les États parties devraient reconnaître
le rôle essentiel de la coopération
internationale et honorer leur engagement
de prendre conjointement et séparément
des mesures pour assurer la pleine réalisation
du droit à une nourriture suffisante.
Pour s'acquittant de cet engagement,
ils devraient prendre des mesures pour
respecter l'exercice du droit à
l'alimentation dans les autres pays,
protéger ce droit, faciliter
l'accès à la nourriture
et fournir l'aide nécessaire
en cas de besoin. Les États parties
devraient, par voie d'accords internationaux
s'il y a lieu, faire en sorte que le
droit à une nourriture suffisante
bénéficie de l'attention
voulue et envisager d'élaborer
à cette fin de nouveaux instruments
juridiques internationaux.
37. Les États parties devraient
s'abstenir en tout temps d'imposer des
embargos sur les produits alimentaires
ou des mesures analogues mettant en
péril, dans d'autres pays, les
conditions de la production de vivres
et l'accès à l'alimentation.
L'approvisionnement alimentaire ne devrait
jamais être utilisé comme
instrument de pression politique ou
économique. À cet égard,
le Comité réaffirme la
position qu'il a exprimée dans
son Observation générale
8, concernant la relation entre les
sanctions économiques et le respect
des droits économiques, sociaux
et culturels.
États et organisations internationales
38. Les États ont, conformément
à la Charte des Nations Unies,
une responsabilité conjointe
et individuelle de coopérer à
la fourniture de secours en cas de catastrophe
et d'une aide humanitaire en période
d'urgence, y compris une assistance
aux réfugiés et aux personnes
déplacées dans leur propre
pays. Chaque État devrait contribuer
à cette tâche selon ses
capacités. Le rôle du Programme
alimentaire mondial (PAM) et du Haut-Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés
(HCR), et de plus en plus celui de l'UNICEF
et de la FAO, sont particulièrement
importants à cet égard
et devraient être renforcés.
En matière d'aide alimentaire,
priorité devrait être donnée
aux populations les plus vulnérables.
39. Autant que faire se peut, l'aide
alimentaire devrait être fournie
de façon à ne pas avoir
de répercussion néfaste
sur les producteurs locaux et les marchés
locaux, et devrait être organisée
de manière à permettre
aux bénéficiaires de recouvrer
leur autonomie en matière alimentaire.
Cette aide devrait être fonction
des besoins des bénéficiaires.
Les produits alimentaires faisant l'objet
d'échanges internationaux ou
livrés dans le cadre de programmes
d'aide doivent être salubres et
culturellement acceptables pour la population
bénéficiaire.
ONU et autres organisations internationales
40. Le rôle que jouent les organismes
des Nations Unies, notamment par le
biais du plan-cadre des Nations Unies
pour l'aide au développement,
au niveau des pays, en favorisant la
réalisation du droit à
l'alimentation revêt une importance
particulière. Il faut poursuivre
les efforts qui sont menés pour
la réalisation de ce droit de
façon à accroître
la cohérence et l'interaction
entre tous les acteurs concernés,
y compris les diverses composantes de
la société civile. Les
organisations qui s'occupent d'ali-mentation-FAO,
PAM et Fonds international pour le développement
agricole (FIDA)-, en collaboration avec
le Programme des Nations Unies pour
le développement (PNUD), l'UNICEF,
la Banque mondiale et les banques régionales
de développement, devraient coopérer
plus efficacement, en mettant à
profit leurs compétences respectives,
à la réalisation du droit
à l'alimentation à l'échelon
national, en respectant dûment
leurs mandats respectifs.
41. Les institutions financières
internationales, notamment le Fonds
monétaire international (FMI)
et la Banque mondiale, devraient faire
une plus large place à la protection
du droit à l'alimentation dans
leurs politiques de prêt et leurs
accords de crédit ainsi que dans
les mesures internationales visant à
régler la crise de la dette.
Il faudrait veiller, conformément
au paragraphe 9 de l'Observation générale
2 du Comité, à ce que
dans tout programme d'ajustement structurel
le droit à l'alimentation soit
protégé.
NOTES
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