MODULE 27
LA BANQUE MONDIALE ET LES DROITS ESC

Objet du module 27

Ce module a pour objet de fournir des informations et des références sur la Banque mondiale afin de comprendre son rôle dans la promotion et la dégradation de la situation des droits ESC.

Ce module

  • aborde certaines questions relatives aux droits humains sur lesquelles intervient la Banque;
  • récapitule les principales politiques de protection des droits humains de la Banque;
  • identifie ce que doivent savoir les militants des droits humains sur la Banque afin d’aborder ces questions;
  • suggère des méthodes possibles d’action; et
  • dresse une liste des références clés qui pourraient être utiles aux militants.

Pourquoi la Banque mondiale est-elle importante pour les militants qui œuvrent sur les droits ESC?

La Banque mondiale a un impact énorme sur la vie et les moyens de subsistance de millions de personnes des pays en voie de développement.  Les projets qu’elle a financés ont boule­versé les communautés indigènes, déplacé des millions de pauvres et provoqué d’amples dégâts environnementaux, notamment le déboisement et la perte de diversité biologique, la pollution de l’air et de l’eau, la destruction des pêcheries, l’altération des marais et des éco­systèmes riverains dans les pays emprunteurs.  Pour ses programmes d’ajustement structurel, il fallut réduire les dépenses des États, anéantir des organes publics, dévaluer des devises et privatiser des entreprises publiques, ce qui a appauvri des millions de personnes.  Sa politi­que économique et ses prêts de réformes sectorielles ont considérablement influé sur la légi­slation des pays emprunteurs.  L’on pourrait dire qu’elle a plus d’influence sur les budgets et les activités des gouvernements que la plupart des organes législatifs.  Entre-temps, prati­quement tous ses prêts et stratégies d’aide aux pays sont élaborés et décidés sans la participa­tion informée des citoyens des pays emprunteurs.

La Banque est essentiellement un organe de transmission de l’agenda économique du G-7.  Elle agit par conséquent plus qu’une banque et qu’une institution de développement.  Elle est l’architecte d’une politique économique, un canal pour les entreprises multinationales et le secteur privé.  Elle joue un rôle capital dans la détermination des investissements, du déve­loppement institutionnel et de la politique officielle des pays en développement.  Ses prêts et garanties et, surtout, ses prescriptions macro-économiques en font l’institut de développe­ment le plus puissant du monde.  Son Groupe comprend la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, l’Association internationale de développement, la So­ciété financière internationale et l’Agence multilatérale de garantie des investissements.

La Banque mondiale prête entre 20 et 28 milliards de dollars par an aux pays en développe­ment.  Ces fonds génèrent des milliards supplémentaires d’autres banques multilatérales de développement, d’organismes bilatéraux d’assistance et du secteur privé.  Elle prête aux sec­teurs productifs: agriculture, pêche et mines, aux secteurs d’infrastructure: routes, barrages, réseaux d'adduction et de distribution d’eau, travaux d’assainissement et centrales électriques, au secteur du développement humain, y compris l’éducation, la santé, la nutrition et la popu­lation.  À  l’heure actuelle, 40 pour cent environ des sommes qu’elle a prêtées sont consacrés à des programmes d’ajustement structurel et à des réformes sectorielles dans les pays em­prunteurs, y compris, en 1997 et 1998, des montants substantiels pour aider les économies défaillantes en Indonésie, en Corée, en Thaïlande, en Russie, au Brésil et en Argentine.

En 1998, elle prêta près de 8,5 milliards de dollars à ses pays emprunteurs pour des projets du secteur social, notamment la santé, la nutrition et la population, l’éducation et la protection sociale, montant qui représentait près de 30 pour cent de la totalité de ses prêts (28,6 milliards de dollars).  Les prêts de « protection sociale » se définissent comme des mesures de protec­tion sociale entreprises pour compenser les effets sociaux négatifs de l’ajustement structurel.  Ces effets comprennent par exemple le chômage, la réforme des pensions, les fonds d’investissement social, les réformes politiques sur les marchés de l’emploi, etc.  L’augmentation des prêts au secteur social ces dernières années est due en partie aux impacts négatifs de l’ajustement structurel et aux nombreuses critiques des programmes d’ajustement structurel de la Banque.

Les programmes d’ajustement structurel ont entre-temps été responsables de la réduction des dépenses des États et de la dégradation de leurs capacités à financer et administrer des plans sociaux, ce qui a donné à la Banque encore plus d’influence pour élaborer sa politique sociale par le biais de prêts au secteur social (voir ci-dessous une explication détaillée).

Origines et structure

Créée à la fin de la Deuxième guerre mondiale, la Banque mondiale est une banque multilaté­rale de développement (BMD) qui favorise l’expansion économique des pays en développe­ment.

Fondée parallèlement à la création des Nations Unies et du Fonds monétaire international, elle fait officiellement partie du système des Nations Unies en tant qu’organisme spécialisé, sans être obligée d’adhérer à ses accords ou décisions.  Elle affirme pouvoir tenir compte «de façon discrétionnaire »  des accords des Nations Unies.

La Banque mondiale est une institution publique détenue par ses 181 pays membres.  Toute­fois, à la différence des Nations Unies, elle ne suit pas le principe d’« un vote par pays », mais celui d’« un vote par dollar ».  Elle rassemble essentiellement deux types de pays: les pays donateurs, qui possèdent ensemble 62 pour cent des parts donnant droit au vote et les pays emprunteurs, qui possèdent ensemble 38 pour cent des parts donnant droit au vote.  À l’heure actuelle, ses membres se composent de 26 pays donateurs et de 155 pays emprun­teurs.

La Banque mondiale et les droits humains

Au cours de son existence de plus de 50 ans, la Banque mondiale a soutenu que son mandat limité la restreignait à des activités purement économiques, comme stipulé dans ces disposi­tions:

La Banque et ses agents n’interviendront pas dans les affaires politiques d’un Etat mem­bre et ne seront pas influencés dans leurs décisions par les choix politiques du ou des membres concernés.  Seules les considérations économiques seront pesées de ma­nière impartiale afin d’atteindre les objectifs visés dans l’article 1. [1]

Elle a par conséquent toujours évité de reconnaître ou de promouvoir les droits civils et politi­ques et ne possède pas de politique sur les droits humains.  L’application de l’argument de limite n’a toutefois pas toujours été suivie au fil des ans.  Au cours des années 1990, par exemple, la Banque a soit suspendu, soit réduit ses prêts au Malawi, au Kenya, au Zaïre et à la Chine (à la suite du massacre de la Place Tienanmen) en avançant des raisons politiques dues à des questions de gouvernance et de droits humains.

Elle a cependant modifié sa position vis-à-vis des droits humains.  Par exemple, le message central de sa publication commémorative du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, assurait que le développement est un droit humain:

La Banque mondiale est convaincue qu’un objectif fondamental et incontournable du développement consiste à créer des conditions propres à assurer le respect des droits de l’homme. En plaçant la dignité de chaque être humain—et en particulier la dignité des plus pauvres—au cœur même de son approche du développement, la Banque aide les habitants de toutes les régions du monde à espérer et à donner un sens à leur vie. [2]

Les militants qui suivent la Banque depuis de nombreuses années considéreront sans doute ce message comme bon pour les relations publiques mais dénué de caractère pratique; toutefois, le fait de voir ces mots sur papier signale une modification des vues de la Banque.  Il est clair que sa rhétorique et ses actions s’éloignent d’une approche du développement qui n’est que technocrate et purement économique pour aller vers une perspective nuancée reconnaissant le rôle de la démocratie et des droits humains dans le développement économique.  En particu­lier, la question de la gouvernance est devenue une priorité pour elle ces dernières années.  La Banque étant motivée par l’effet de la gouvernance sur la performance économique des pays et l’efficacité de l’assistance, elle élargit de plus en plus l’espace consacré aux questions des droits humains.

La Banque et les droits ESC

La Banque affirme que sa contribution aux droits humains reste strictement dans le cadre des droits économiques et sociaux.  Sa mission s’articule autour de la formule « aider les em­prunteurs à réduire la pauvreté et améliorer le niveau de vie » [3] et à octroyer des prêts aux sec­teurs sociaux; elle est convaincue d’« apporter sa plus grande contribution au développement . . . en continuant de se consacrer aux tâches importantes du développement social et écono­mique ». [4]   Dans ce cadre, elle caractérise principalement sa contribution à l’incitation au déve­loppement économique et social par le biais de prêts au secteur social et en incorporant des stratégies de soulagement de la pauvreté dans ses prêts d’ajustement structurel.

Les programmes d’ajustement structurel et les droits ESC

Depuis les années 1970, les programmes d’ajustement structurel (PAS) représentent environ 25 pour cent de la totalité des prêts octroyés par la Banque.  L’impact de ces programmes sur la jouissance des droits ESC est un important facteur à analyser pour les militants des droits ESC; ils doivent donc comprendre le principe des PAS.

Lorsqu’un pays connaît une grave stagnation économique et des dettes extérieures ingérables, le gouvernement n’a pas vraiment d’autre choix que de se tourner vers le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et d’autres banques de développement régionales pour qu’ils lui fournissent des prêts rapidement.  Ces institutions ont toutefois besoin d’être assurées que le pays (1) sera capable de rembourser les prêts et (2) prendra les mesures né­cessaires pour assurer sa survie budgétaire à court terme.  Elles obtiennent ces assurances des gouvernements grâce à des programmes mandatés, autrement dit des programmes de stabili­sation et d’ajustement structurel, qui comprennent entre autres la réduction de la taille et de la structure des dépenses des gouvernements, la privatisation des industries d’État, la réduction du contrôle gouvernemental sur le secteur public, la restructuration des secteurs économiques afin de les adapter aux règles commerciales libéralisées.

La suppression des droits du travail dans le cadre de l'ajustement structurel

Le rôle que joue la Banque mondiale dans la dégradation de la démocratie et des droits de l'homme par ses ajustements structurels est bien évident dans ses politiques de réforme du travail. Un article du Los Angeles Times d'août 1998 signalait qu'elle formait les " officiels indonésiens à 's'isoler' de la pression pluraliste et à supprimer les syndicats indépendants ". Il citait une étude de la Banque et suggérait que " l'un des principaux avantages résultant de la suppression des syndicats de travailleurs . . . est la libération des bureaucraties administratives pour appliquer les mesures d'austérité économique et amener les ajustements structurels qui ouvrent les portes aux investissements privés ".5 L'étude, The East Indian Miracle, déclare " Au Japon, en Corée, à Singapour, à Taiwan et en Chine (et, dans une moindre mesure, en Malaisie), les gouvernements ont restructuré le secteur du travail pour supprimer l'activité radicale afin d'assurer la stabilité politique. Ils ont aboli les associations syndicales et ont poussé à la création d'associations d'entreprise ".

Les négociations sur les programmes d’ajustement structurel ont lieu presque exclusivement entre la Banque, le FMI et les ministères des finances, sans la participation de la société ci­vile.  L’information sur les prêts d’ajustement structurel est en majeure partie non-disponible pour le grand public.

L’objectif principal des programmes de stabilisation et d’ajustement structurel est la stabilité macro-économique, toutefois ces programmes ont malheureusement produit des effets néga­tifs, en particulier à court terme.

Le tableau ci-dessous illustre la manière dont l’ajustement structurel touche le secteur de l’éducation et de la santé.

OBJECTIF ÉCONOMIQUE

MESURE

IMPACTS SUR LE SECTEUR DE LA SANTÉ ET DE L’ÉDUCATION

Equilibrer le budget

Réductions des budgets

Réduction/abolition des subsides

Les dépenses du secteur social, y compris dans la santé et l’éducation, sont susceptibles de connaître des réductions et la suppression d’allocations.

Les groupes à faibles revenus perdent l’accès bon marché aux services de santé et d’éducation.

Stimuler les exportations

Dévaluation de la monnaie locale

Le prix des articles importés et des articles produits à partir de composants importés peut monter en flè­che.  La santé et l’éducation deviennent inabord­ables pour de nombreuses personnes.

Empêcher la fuite des capitaux

Augmentation des taux d’intérêt

Les établissements scolaires et médicaux ne peu­vent se permettre d’effectuer des investissements avec paiement de taux d’intérêt.  À court terme, ce manque d’investissements nuit à la qualité et à la disponibilité des services.

Décentraliser la responsabilité fiscale

Réduction/abolition du contrôle sectoriel du gouvernement central

Les administrations locales doivent générer des res­sources par elles-mêmes alors que nombre d’entre elles n’ont que peu de capacités pour cela.  Elles sont souvent obligées de supprimer des dépenses, y compris celles de santé et d’éducation.  Nombre d’administrations locales n’ont que peu de capaci­tés/d’expérience en gestion sectorielle, y compris dans les secteurs de la santé et de l’éducation. 

Du fait des nombreuses critiques concernant les impacts de l’ajustement structurel sur les popu­lations les plus vulnérables des pays emprunteurs, la Banque mondiale a commencé à incorporer des objectifs de réduction de la pauvreté dans ses prêts d’ajustement structurel.  Toutefois, un pays qui connaît une stagnation économique et des problèmes de balance des paiements est généralement dans une mauvaise situation.  La capacité de son gouvernement et sa légitimité politique se détériorent souvent.  Le pays peut également avoir à faire face à une grave corruption et à des problèmes de bureaucratie, qui peuvent rendre inefficace un programme de prévention.

À l’heure actuelle, toutefois, ni le gouvernement ni le FMI, la Banque mondiale ou les ban­ques de développement régionales ne possèdent d’informations précises sur les personnes touchées, les lieux où elles se trouvent, leur nombre et la façon dont elles sont touchées par les programmes d’ajustement structurel.  Sans ces données de base, il est très difficile de ci­bler efficacement les efforts de prévention.  La Banque a entrepris une étude d’impact des programmes d’ajustement structurel avec le gouvernement et les organisations non gouver­nementales, appelée Initiative d’examen des politiques d’ajustement structurel, qui analyse les effets des politiques sur ceux qui n’en ont pas bénéficié.  Elle n’a toutefois pas eu recours à cette étude comme moyen de réviser sa démarche pour la réforme économique.  Elle ne re­connaît pas non plus le rapport entre les droits ESC et l’augmentation de la pauvreté sous l’ajustement structurel.  « Ce ne sont donc pas les prêts de réforme économique qui doivent susciter des préoccupations sur les droits humains, mais plutôt le mode d’application de ces programmes et les mesures prises pour assurer que les besoins des pauvres ne sont pas négligés ».6

Assistance fournie par la Banque à l'industrie du charbon
et aux projets d'énergie thermique

Un prêt de 400 millions de dollars à la National Thermal Corporation d'Inde fut approuvé en 1993 pour le développement de l'industrie charbonnière et des projets d'énergie thermique de la région de Singrauli, à la frontière des États indiens d'Uttar Pradesh et de Madhya Pradesh. Les ONG locales, nationales et internationales constatèrent par la suite une pollution généralisée de l'environnement, des impacts sociaux et sanitaires, ainsi que le déplacement des populations pauvres et tribales locales. Elles observèrent entre autres que les populations touchées par ces projets n'avaient pas été réinstallées et réhabilitées adéquatement, que des cultures, forêts et pâturages avaient été perdus, et que la pauvreté des familles réinstallées avait augmenté. En 1997, un militant local déposa une plainte auprès du Panel d'inspection indépendant de la Banque au nom des populations anonymes touchées par ces projets, qui craignaient des représailles de leurs exploitants si leurs noms étaient associés à la plainte. Même après le dépôt de la plainte, les violations des droits humains se poursuivirent, notamment sous forme de violences physiques, d'expulsions forcées, de destructions des fermes et habitations par de lourdes machines. En mars 1998, l'organisation Human Rights Watch envoya des représentants dans la région pour enquêter sur les violations; ces représentants constatèrent clairement que les " autorités civiles et les fonctionnaires de la National Thermal Corporation s'engageaient souvent de concert à des violations graves des droits humains ".

Le financement de projets par la Banque mondiale et les droits ESC

Comme mentionné ci-dessus, la Banque fournit également des financements aux secteurs pro­ductifs (agriculture, pêche, exploitations minières, etc.), aux secteurs d’infrastructure (routes, barrages, réseaux d'adduction et de distribution d’eau, travaux d’assainissement, centrales électriques, etc.), au secteur du développement humain (éducation, santé, nutrition, population, etc.).  Ces projets peuvent eux-mêmes nuire à la jouissance des droits ESC.

Deux politiques de la Banque mondiale reconnaissent la protection des droits humains; toutes deux ont été élaborées à la suite de graves violations de ces droits dans les projets financés par la Banque.  Ces politiques sont les suivantes:

         Directive opérationnelle (OD) 4.20 sur les populations indigènes
         Directive opérationnelle (OP) 4.30 sur les réinstallations involontaires.

 

Le barrage de Pangue (BioBio), le Chili et les populations indigènes

La Société financière internationale, principal organe de prêt de la Banque mondiale pour le secteur privé, prêta 150 millions de dollars à une société de service électrique privée chilienne (ENDESA) pour la construction du barrage hydroélectrique de Pangue sur le fleuve BioBio. Au cours de la préparation de ce projet, la SFI n'en identifia pas complètement les impacts environnementaux et sociaux. Les populations impliquées et les ONG affirmèrent que le barrage détruirait de vastes périmètres de forêts et menacerait la culture et les moyens de subsistance des Indiens Pehuenche. Elles soutinrent que l'accès à l'information, la participation, la réinstallation et les politiques de la Banque concernant les populations indigènes avaient été violés par la SFI. En outre, un fonds fut financé par la société avec des montants provenant de la SFI pour assurer que les bénéfices du projet seraient distribués aux Pehuenche, mais ces derniers ne reçurent aucune information concernant ce fonds et n'obtinrent rien. Les groupes environnementaux chiliens ainsi que les populations concernées portèrent plainte auprès du Panel d'inspection de la Banque mondiale, qui n'a pas de compétence sur la SFI. James Wolfensohn, Président de la Banque mondiale, envoya donc un investigateur indépendant, Jay Hair, examiner les allégations que contenait la plainte. Son rapport, qui critiquait le rôle de la Banque, fut censuré par cette dernière. Ultérieurement, une présentation effectuée auprès du Comité des droits humains de l'American Anthropological Association attesta de violations des droits humains.

Directive opérationnelle 4.20 sur les populations indigènes: L’objectif de cette directive est d’assurer que les populations indigènes bénéficient des projets de développement financés par la Banque et d’éviter ou d’atténuer leurs effets potentiellement nuisibles.  Cette directive stipule expressément:

L’objectif d’ensemble de la Banque vis-à-vis des populations indigènes et vis-à-vis de toutes les populations de ses pays membres, c’est d’assurer que le processus de déve­loppement favorise le respect total de leur dignité, de leurs droits humains et de la culture qui leur est propre.

Pour ce faire, la politique exige la participation informée des populations indigènes pendant le processus de développement.  La Directive opérationnelle 4.20 est à l’heure actuelle en cours de révision, en consultation avec les organisations de populations indigènes et des ONG du monde entier.  Elle restera en vigueur jusqu’à ce que sa révision soit terminée.

La politique sur les populations indigènes n’est pas appliquée de façon adéquate dans les pro­jets de la Banque.  Des cas spécifiques de non-respect figurent dans plusieurs plaintes dépo­sées auprès de son Panel d’inspection indépendant.  Sur les treize plaintes déposées à ce jour auprès du Panel, cinq l’ont été pour violations de la politique sur les populations indigènes.  Par ailleurs, cette politique n’a pas été appliquée lors des prêts de réforme sectorielle ou au­tres prêts non-destinés à des projets, même si la réforme sectorielle, en particulier dans les domaines de l’agriculture et de l’énergie, a eu des impacts négatifs sur les populations indigènes.

Directive opérationnelle 4.30 sur les réinstallations involontaires: des millions de personnes des pays emprunteurs de la Banque ont été déplacées de force dans le cadre de projets qu’elle finançait.  Ces déplacements étaient dus entre autres à la construction de grands barrages hy­droélectriques, à l’amélioration des taudis urbains, à des projets de distribution d’eau et de travaux d’assainissement, ainsi qu’à la construction de centrales au charbon.  L’objectif de la politique de réinstallation est d’assurer que les populations déplacées « retirent des béné­fices » de ces projets.  Le critère principal est toutefois d’« éviter ou de minimiser la réinstal­lation involontaire dans toute la mesure du possible ».  Lorsque la réinstallation est inévita­ble, la politique prévoit de fournir une compensation et une assistance totales aux populations déplacées, dans le but de « d’améliorer ou au moins de rétablir, leur niveau de vie, leur capa­cité de revenu et leur niveau de production antérieurs ».

Cette politique est destinée à protéger les droits; cependant, de toutes les violations commises au cours de projets financés par la Banque, le plus grand nombre a lieu lors des projets impli­quant une réinstallation involontaire.  Les évaluations internes effectuées par la Banque et des études de cas menées à l’extérieur ont permis d’établir que la politique de la Banque est rai­sonnable, mais qu’elle n’est pas souvent appliquée.

En raison du potentiel de violation des droits des personnes et des groupes aux termes de la loi nationale et internationale, la réinstallation involontaire est différente de toutes autres activités d’un projet.  Y procéder de façon à respecter les droits des per­sonnes n’est pas seulement une question de respect de la loi, c’est également une pra­tique de développement judicieuse, qui exige non seulement des structures juridiques adéquates, mais aussi un changement de position afin de reconnaître les droits, les be­soins et l’identité culturelle des populations déplacées.7

Des violations de la politique de réinstallation ont également été citées dans sept des treize cas présentés devant le Panel d’inspection de la Banque mondiale et figurent dans nombre d’études de cas entreprises par les ONG et le Département d’évaluation des opérations de la Banque.


Les barrages de Narmada en Inde

En 1985, la Banque approuva un projet de 450 millions de dollars pour la construction de barrages sur le fleuve Narmada; l'objectif était la production d'énergie hydroélectrique, l'irrigation et l'eau potable. Dans le cadre de ce projet, appelé Sardar Sarovar, plus de 100 000 personnes devaient être déplacées de force et 140 000 autres devaient être affectées par la construction de canaux. Au cours de la construction des barrages pendant les années 1980, il y eut de graves violations des droits humains vis-à-vis des " oustees " (gens du dehors), ce qui conduisit au premier examen indépendant d'un projet financé par la Banque, pour des raisons de droits humains et d'impact environnemental.

La Banque a d’autres « politiques de sauvegarde » destinées à protéger l’environnement et les populations vulnérables des effets négatifs des opérations qu’elle finance.  Les militants des droits ESC les trouveront sans doute utiles.  Les voici: OD 4.01, Evaluation environnemen­tale; OD 4.04, Habitats naturels; OP4.36, Forêts, OP 4.09, Lutte contre les parasites; OP 4.12, Réinstallation involontaire; OPN 11.03, Propriété culturelle; OP 7.50, Projets sur les voies d’eau internationales; OP 7.60, Projets dans les régions en litige.

Voici d’autres politiques susceptibles d’intéresser les militants, mais qui ne font toutefois pas partie de la catégorie des politiques de  sauvegarde: OP 4.15, Réduction de la pauvreté; OP 4.20, Dimensions de genre dans le développement; OP 8.60, Prêts d’ajustement; OD 13.05, Supervision de projets; GP 14.70, Intervention des ONG dans les activités soutenues par la Banque; BP 17.55, Panel d’inspection.  Tous les textes relatifs aux politiques de la Banque sont disponibles sur son site Internet ou peuvent être commandés à l’Infoshop.  (Voir dans les Toolkits [boîtes à outils] du Bank Information Center, une critique de l’application des politiques dans les projets de la Banque et des infor­mations détaillées sur ce qu’il est possible de faire lorsque ces politiques ne sont pas respec­tées.)

Autres politiques et procédures de la Banque relatives aux droits humains 8

Diffusion de l’information: Depuis 1994, la Banque mondiale suit une politique de mise à disposition de certains de ses documents au public.  Elle établit sa politique de diffusion de l’information par suite de la forte pression internationale exercée au cours des années 1980 et au début des années 1990 par les ONG et les dirigeants du Congrès américain, qui récla­maient davantage de transparence et de responsabilisation de sa part.  Cette politique stipule:

La Banque reconnaît et cautionne l’importance fondamentale de la responsabilisation et de la transparence dans le processus de développement.  Par conséquent, elle a pour politique d’être ouverte quant à ses activités, d’apprécier et de chercher les occasions qui lui sont fournies d’expliquer ses travaux au public le plus large possible.

Cette politique, qui met un certain nombre de documents de la Banque mondiale à disposition du public, a conduit à la création d’un site web, ce qui a amélioré leur diffusion de l’information au public.  Toutefois, la mise en oeuvre demeure problématique, car les ci­toyens de ses pays emprunteurs ont souvent eu des difficultés à se procurer des documents publics auprès de ses agences locales.  En outre, cette politique par elle-même est faible.  Par exemple, les textes qui décrivent les prêts de la Banque, appelés Documents d’évaluation de projet, ne sont disponibles qu’après l’approbation des prêts.  Les ONG et les populations af­fectées ont par conséquent du mal à comprendre les projets ou à participer effectivement à leur création.  La plupart de ces documents sont également rédigés en anglais—y compris pour les projets relatifs aux pays et aux politiques opérationnelles de la Banque—et ne sont généralement pas  traduits dans la langue du pays emprunteur.  C’est pourquoi il est prati­quement impossible à la plupart des citoyens et même aux fonctionnaires gouvernementaux d’accéder aux informations de la Banque.

Gouvernance

La Banque mondiale publia en 1992 son premier rapport sur le sujet de la gouvernance, défini comme « la manière dont est exercé le pouvoir dans le cadre de la gestion des ressources éco­nomiques et sociales pour le développement d’un pays ».  Governance and Development (Le gouvernance et le développement) reconnaît le besoin de la responsabilisation, de la transpa­rence et d’un cadre juridique solide dans la gestion du secteur public; ce rapport a pour but de contribuer au débat croissant parmi les organismes d’assistance et de développement, né des critiques publiques d’une aide qui soutenait les régimes non démocratiques corrompus.

La Banque n’identifie pas la gouvernance en tant que secteur de prêt distinct (comme l’agriculture ou l’éducation), mais elle a tenté de définir les travaux qui y sont liés en inté­grant les démarches suivantes dans son programme de prêts: (1) gestion du secteur public, (2) responsabilisation, (3) transparence et information, (4) cadre juridique, (5) dialogue sur les politiques, (6) approches à participatives (7) dépenses militaires, (8) droits humains (vis-à-vis de la réduction de la pauvreté et des mesures de protection sociale), (9) procédures internes (y compris les questions de gouvernance soulevées dans le cadre de la Stratégie d’aide au pays).

Lors de la douzième reconstitution des ressources de l’AID (Association internationale de développement, fonctionnant comme organe de « prêts de faveur » de la Banque), la Banque déclara que la gouvernance était l’un de ses quatre secteurs prioritaires de prêts pendant la période AID-12.  Les représentants de l’AID convinrent que le développement économique est gêné par une mauvaise gouvernance et par la corruption, et suggérèrent à la Banque d’utiliser son pouvoir pour obtenir des gouvernements qu’ils changent leurs politiques.  Le rapport de la douzième reconstitution des ressources définit ainsi la bonne gouvernance: (1) des institutions publiques responsables et compétentes, (2) des politiques et pratiques écono­miques et sociales transparentes, (3) des cadres juridiques prévisibles et stables, (4) la parti­cipation des groupes impliqués et de la société civile.  Le rapport fixe également de nouveaux critères de gouvernance pour évaluer la performance d’un pays, ce qui influera éventuelle­ment sur le niveau des prêts.  Par exemple, il recommande de « réduire ou supprimer com­plètement si nécessaire les prêts aux pays dont la gouvernance est faible ».

Les questions de gouvernance prennent de plus en plus d’importance dans les opérations de prêt de la Banque, toutefois l’ampleur de sa contribution au développement continu et équita­ble est douteuse.  Dans le contexte des droits ESC, par exemple, la conditionnalité de gou­vernance est moins utile aux citoyens qu’au secteur privé.  Comme le remarque David Gil­lies, cette conditionnalité est « destinée principalement à réformer et améliorer les capacités administratives de l’État  pour une ‘gestion judicieuse du développement’, ainsi qu’à favori­ser un ‘environnement favorable’ pour une économie dynamique orientée sur le marché avec un secteur privé florissant ».9  Il conclut que « l’agenda de la gouvernance a simplement élargi la portée des conditionnalités que la Banque mondiale peut potentiellement appli­quer ».  Des prêts d’ajustement structurel ont dans de nombreux cas affaibli l’aptitude des États à mettre sur pied et à gérer des activités de développement économique.

D’autres ont critiqué les programmes de réforme judiciaire de la Banque en les disant orien­tés aussi sur l’amélioration de l’environnement économique pour le secteur privé tout en omettant certaines questions comme l’accès à la justice.  Dans son étude de la réforme judi­ciaire au Venezuela, financée par la Banque, le Lawyers Committee for Human Rights déclare:

Les réformes judiciaires soutenues par la Banque ont fait ressortir des distinctions en­tre les éléments jugés économiques et non-économiques des systèmes judiciaires.  La Banque tend à se pencher sur les codes commerciaux et les procédures civiles, mais à éviter les questions et procédures pénales, ainsi que les instances judiciaires, qui protègent les droits constitutionnels d’une manière générale, mais ne sont pas considérées comme ayant un rapport « direct » avec le commerce ou les investissements.10

Le manque de transparence persistant de la Banque, le fait qu’elle n’encourage pas la participation des citoyens à la création et la mise en place de ses projets, ainsi que l’inobservation de ses propres politiques ont amené les critiques à questionner sa crédibilité en tant que promoteur d’une bonne gouvernance.  Ses progrès sur ces questions sont évidents, mais il est toutefois nécessaire d’exercer un suivi et d’engager des actions pour assurer que sa rhétorique se rapproche de la réalité.

L'oléoduc Tchad-Cameroun, l'accès à l'information et la participation

La Banque mondiale et la SFI travaillent toutes deux à la mise en place de prêts pour la construction d'un oléoduc de 960 km qui s'étendrait des champs pétrolifères de Doba au Tchad, puis à travers le Cameroun jusqu'à un port de l'Atlantique. Exxon, Shell et Elf, entre autres, mettent ces champs en valeur et prévoient de forer environ 300 puits pour produire 225 000 barils de pétrole par jour. Ce projet soutiendrait les gouvernements du Tchad et du Cameroun, responsables de graves violations des droits humains. Il est impossible aux citoyens d'avoir accès à l'information et de participer aux décisions. En 1997-98, 180 personnes furent tuées dans la région de Doba, où le développement du pétrole a intensifié les conflits entre le gouvernement principalement musulman et les rebelles chrétiens/animistes situés dans le sud. Un législateur du Tchad qui critiquait la corruption dans le projet proposé fut arrêté et condamné pour " insultes et diffamation du président Tchadien ".

Les actions de droits ESC vis-à-vis de la Banque mondiale

La Banque a elle-même reconnu que ses propres politiques sont mieux respectées lorsque le contrôle est extérieur.  L’expérience qu’ont acquis les organisations environnementales en exerçant des pressions sur elle afin qu’elle effectue des réformes est instructive pour les mi­litants souhaitant assurer que le développement économique qu’elle finance favorise les droits ESC au lieu de les miner.

La création d’une société civile transnationale efficace composée des ONG d’Europe du Nord, du Sud, du centre, de l’Est et de mouvements sociaux populaires, a formé un élément important de l’effort de réforme internationale entrepris par les organisations environnemen­tales.  Des groupes faisant partie du réseau international et de nombreuses alliances plus petites, moins organisées, collaborent désormais tous les jours pour se transmettre des infor­mations, mener des campagnes sur des projets problématiques financés par la Banque, orga­niser des lobbies auprès de ses dirigeants, des gouvernements des pays donateurs et emprun­teurs afin qu’ils changent de politique.

Les ONG du Nord ont eu recours à l’éducation publique, aux médias et aux campagnes de groupes de pression pour influencer les décideurs dans les pays donateurs de la Banque, les Ministères des finances, les Parlements et les Congrès.  Dans de nombreux pays, les campa­gnes ont conduit à une législation donnant aux gouvernements le mandat de promouvoir des politiques environnementales et démocratiques dans les banques multilatérales de dévelop­pement (BMD).  Les ONG d’Europe du Sud et de l’Est ont organisé des campagnes pour des réformes démocratiques ciblant notamment l’accès à l’information, la participation et la res­ponsabilisation; elles ont façonné l’intervention des ONG dans les politiques environnementales et sociales qui ont été établies.  Ces organisations et les mouvements de citoyens ont souffert des conséquences manifestes des prêts de la Banque, entre autres des impacts envi­ronnementaux et sociaux des projets et prêts d’ajustement structurel, impacts sur lesquels ils ont recueilli des informations.

La mobilisation comme moyen d'influencer les politiques de la Banque mondiale
Un exemple du Sri Lanka

Le Mouvement national pour la terre et la réforme agricole (MONLAR) est un vaste réseau d'organisations situé au Sri Lanka. Ses activités portent entre autres sur l'impact des politiques de la Banque mondiale menées par le gouvernement. Le programme d'ajustement structurel mis en application depuis 1977 a eu des effets négatifs sur les vies des pauvres et autres groupes défavorisés. De 1990 à 1994, MONLAR entreprit un programme éducatif sur toute l'île à propos de ces politiques. En 1994, il recueillit 150 000 signatures soutenant une pétition proposant d'autres politiques économiques et sociales à l'examen de la Banque mondiale et du gouvernement nouvellement élu.

En 1995-1996, la Banque fit au nouveau gouvernement des recommandations sur des politiques agricoles et économiques qui auraient fait empirer la situation des pauvres. Elle recommandait entre autres la propriété privée des ressources en eau, la libéralisation du marché des terres et le retrait des allocations. En collaboration avec d'autres organisations, MONLAR organisa des campagnes contre ces propositions. Ces questions furent débattues dans les médias et il y eut un dialogue avec le gouvernement. MONLAR eut des discussions directes avec les représentants de la Banque et des spécialistes, mais ni la Banque ni le gouvernement ne modifièrent leurs positions. Toutefois, à la suite de la crise financière asiatique, James Wolfensohn, Président de la Banque mondiale, admit l'échec des politiques de la Banque et proposa que la société civile participe à l'élaboration des politiques du pays. MONLAR lui écrivit, attirant son attention sur l'échec de la Banque dû à son refus d'adopter les propositions qu'il lui avait soumises. Wolfensohn assura MONLAR qu'à l'avenir le Mouvement serait invité à participer aux réunions de planning tenues dans le pays pour élaborer les politiques. Cela n'a toutefois pas eu lieu.

En 1999, MONLAR et un vaste réseau d'autres organisations organisèrent une campagne sur toute l'île demandant l'ouverture et la participation des populations à l'élaboration des politiques économiques; 30 000 signatures furent recueillies. La pétition fut diffusée lors d'une importante réunion populaire, à laquelle avaient été invités des représentants de la Banque et le FMI (ils ne vinrent pas). MONLAR exige maintenant du gouvernement et de la Banque qu'ils mettent à disposition du public-et débattent au Parlement-les propositions examinées lors des réunions des groupes d'assistance organisées par la Banque mondiale.

La combinaison de réseaux transnationaux, la collecte d’information sur des projets problémati­ques et les lobbies entrepris auprès des décideurs ont entraîné d’importants chan­gements des politiques de la Banque mondiale et d’autres BMD, qui ont conduit principale­ment à la création de politiques environnementales et sociales, à la diffusion des informations et à la constitution du Panel d’inspection indépendant (voir l’encart ci-après).

Le fonctionnement de la bureaucratie de la Banque mondiale: Pour réformer la Banque mon­diale, que ce soit à l’échelon des projets ou des politiques, il convient de comprendre son fonctionnement, comment les décisions sont prises et les moyens auxquels peut avoir recours la société civile pour exercer des pressions.

Structure: La Banque est une bureaucratie complexe, composée d’environ 7 000 employés basés à Washington et dans la plupart de ses pays emprunteurs.  Pour comprendre qui est res­ponsable des activités de la Banque dans les pays, des projets spécifiques, des politiques opé­rationnelles, de la recherche, des différents secteurs (secteur privé, environnement, genre, etc.) ou des relations externes, les références suivantes seront utiles:

         Who’s Who In the World Bank (Annuaire de la Banque mondiale).  Bread for the World Institute, 1999.  Ce guide permet de chercher le nom des personnes responsables par région, pays et secteur spécifique; il contient les numéros de téléphone, de télécopie et les adresses électroniques.  Il est disponible auprès de:

Bread for the World Institute

1100 Wayne Avenue, Suite 1000
Silver Spring, MD 20910, USA
Tél.: (1 301) 608 2400

Fax: (1 301) 608 2401
http://www.bread.org


         The World Bank Group Directory.  Ce répertoire contient les coordonnées de tous les em­ployés de la Banque, les listes organisationnelles et fonctionnelles, celles de tous les di­recteurs exécutifs avec les pays qu’ils représentent.  Il est disponible auprès de:

The World Bank Infoshop

701 18th Street, N.W.

Washington, D.C. 20433, USA

Tél.: (1 202) 473 2941

Fax: (1 202) 477 0604

http://www.worldbank.org.; cliquez sur Publications

Le panel d'inspection indépendant et la responsabilisation de la Banque

Pour aborder les questions d'impacts négatifs des prêts et de l'inobservation des propres politiques de la Banque, la communauté des ONG demande depuis longtemps un mécanisme de responsabilisation indépendant qui permettait aux citoyens lésés par ses projets de présenter leurs griefs et demander des recours. La création du Panel d'inspection constitue la mesure la plus concrète qu'a prise la Banque mondiale ces dix dernières années pour établir une forme de responsabilisation publique et la transparence de ses opérations. Constitué en août 1993 par des Résolutions du Comité exécutif, il est opérationnel depuis août 1994. Il représente un pas en avant pour la Banque mondiale, mais surtout il établit un précédent pour les autres banques multilatérales de développement, dont deux possèdent désormais leurs propres mécanismes d'inspection. Il permet également de faire avancer le droit international, car c'est la première fois qu'un organisme financier international admet potentiellement sa responsabilité vis-à-vis des citoyens lésés par ses opérations.

Jusqu'à présent, le Panel est un mécanisme de responsabilisation imparfait, dû en grande partie à l'incapacité du conseil d'administration de la Banque à affronter la nature controversée de certaines revendications qui ont été présentées. À l'heure actuelle, sur les treize plaintes déposées, six seulement ont fait l'objet d'enquêtes complètes et, sur ces six, une seule a été approuvée par le conseil d'administration.

Le processus de décision: Le conseil d’administration est chargé d’approuver tous les prêts et toutes les politiques de la Banque, mais en fait il approuve automatiquement les propositions émanant de la direction.  Ci-dessous figurent les informations et principaux textes permettant de comprendre comment sont établies les priorités, comment sont développés les projets, comment les citoyens peuvent participer aux processus et les influencer:

         Stratégie d’aide au pays (SAP): chaque pays négocie son programme de prêt avec la Ban­que en stratégies de 3 à 6 ans qui figurent dans le document SAP.  Les textes compren­nent: Who Shapes Your Country’s Future? A Guide to Influencing the World Bank’s Country Assistance Strategies (Qui façonne l’avenir de votre pays? Guide pour influencer les stratégies d’assistance de la Banque mondiale aux pays), disponible auprès du Bread for the World Institute (adresse ci-dessus).
         Le cycle d’un projet: Chaque prêt et projet identifiés dans la SAP sont développés en une série d’étapes qui comprennent dans certains cas la participation et la consultation des citoyens.  Les informations sur le cycle d’un projet sont disponibles auprès de l’Infoshop de la Banque mondiale et sur son site Internet.
         Approbation du Conseil d’administration: Une fois qu’un prêt est élaboré, la proposition est communiquée au conseil des directeurs exécutifs pour approbation.  Les citoyens peu­vent influencer la décision du conseil des directeurs si des stratégies d’action sont mises en œuvre dès le début du processus.

L’accès à l’information: Certains documents de la Banque sur ses projets et politiques sont mis à la disposition du public.  Pour savoir ceux qui sont disponibles, voir: The World Bank Policy on Disclosure of Information (La Politique de la Banque mondiale sur la diffusion de l’information) (The World Bank, janvier 1994) et Bank Procedure 17:50: Disclosure of Ope­rational Information (Procédure 17.50 de la Banque: diffusion des informations opération­nelles) (The World Bank, 1993).  D’autres textes sont disponibles sur le site Web de la Ban­que et auprès de son Infoshop.  Pour savoir quels types de documents sont produits par la Banque, ce qu’ils signifient, s’ils sont disponibles, quels sont ceux qui ne sont pas mis à la disposition du public, mais qui sont importants, voir les Toolkits du Bank Information Center.

Auteur: L’auteur de ce module est Kay Treakle.

NOTES


1. . Protocole d’accord de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (modi­fié le 16 février 1989), article IV, section 10.

2. . Banque mondiale.  Développement et droits de l’homme: le rôle de la banque mondiale.  Washing­ton, D.C.: 1998). Disponible en français sur       http://www.worldbank.org/html/extdr/rights/hrtextfr.pdf

3. . Rapport annuel de la Banque mondiale (1998), de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale.

4. . Développement et droits de l’homme, note 2.

 5. Jeff Bollinger, « Old Policies of Repression Linger », The Los Angeles Times, 7 août 1998.

6.Développement et droits de l’homme, 4.  Voir également Daniel D. Bradlow, « The World Bank, the IMF, and Human Rights », Transnational Law and Contemporary Problems 6, no. 1 (printemps 1996): 48-89.

7. Banque mondiale, Resettlement and Development: The Bankwide Review of Projects Involving Involuntary Resettlement 1986-93 (8 avril 1994).

8. Pour un exposé des trois indicateurs essentiels susceptibles d’aider à déterminer si un projet financé par la Banque promouvra les droits humains, voir Bradlow, note 6 ci-dessus.  Ce sont (1) le degré de participation publique au projet, (2) l’impact prévu du projet sur les droits humains; (3) le degré de responsabilisation publique des décisionnaires dans le cadre du projet spécifique.

9.David Gillies, « Human Rights, Democracy and Good Governance: Stretching the World Bank’s Policy Frontiers » dans The World Bank: Lending on a Global Scale, Jo Marie Griesgraber et Bernhard G. Gunter, éds. (Pluto Press avec Center of Concern, 1996).

10. Halfway to Reform: The World Bank and the Venezuelan Justice System (New York: Lawyers Committee for Human Rights et PROVEA, 1996).


Droits résérves