MODULE 2
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L'émergence des idéaux socialistesL'exploitation du travail pendant les décennies de la révolution industrielle créa les conditions matérielles pour l'émergence des idéaux socialistes. Les premières réactions aux horreurs des débuts de l'industrialisation se manifestèrent par la destruction physique des machines par les travailleurs. Une autre réponse est reflétée dans les écrits de Saint-Simon (1760-1825), Charles Fourier (1772-1837), et Robert Owen (1771-1858). Ils discutèrent tous des fléaux du capitalisme et proposèrent des alternatives pour atténuer les effets négatifs de l'industrialisation. Ils défendaient la création de communautés qui vivraient selon des règles et principes socialistes et offriraient une alternative au capitalisme. La réponse des victimes de l'exploitation n'a pas toujours été passive. Par exemple, en 1796, en France, il fut tenté de renverser le gouvernement et d'établir une société basée sur les idéaux socialistes. Ceci fut appelé la Conspiration des Egaux, François-Noël Babeuf l'avait planifiée, et avait aussi monté une société secrète appelée la Société des Égaux. Le travail de Karl Marx fit la synthèse de ces courants de doctrine socialiste divers et fertiles. Marx lui-même développa sa théorie sur les fondations et idées fournies par les autres philosophes de son époque, en particulier, celles d'Immanuel Kant et de Georg W. F. Hegel. Il se concentra sur l'importance de l'être humain (en contraste à Dieu) comme agent de l'histoire. Ses idées furent regroupées dans le Manifeste communiste qui fut publié conjointement par Marx et Friedrich Engels, mais qui était principalement le travail de Marx. " C'est une esquisse des dynamiques historiques qui ont mené au triomphe de la civilisation bourgeoise, une célébration des accomplissements de cette civilisation, une dénonciation cinglante de ses cruautés et vices, et un appel à l'action de la part du prolétariat pour accélérer le processus historique . . . "8 Lorsque le Manifeste communiste fut publié en 1848, la classe ouvrière était en révolte dans presque tous les pays d'Europe. Ces soulèvements avaient entre autres objectifs de renverser les gouvernements autocratiques, d'établir la démocratie et, dans des pays tels que l'Italie et l'Allemagne, d'unifier des nations. La classe ouvrière était une force sociale majeure derrière ces révolutions, inspirées par les idées du socialisme. Bien que ces révolutions aient échoué pour la plupart, elles mirent effectivement un terme aux politiques traditionnelles basées sur la religion et la hiérarchie. En dépit des revers subis par
les classes laborieuses et de l'antagonisme
généré par ces
révoltes au sein des classes
possédantes, les idéaux
socialistes avaient commencé
à exercer une influence majeure
en Europe. Pays après pays, des
mesures d'aide sociale furent introduites.
Plusieurs pays adoptèrent des
lois pour les usines, mirent en place
des fonds de compensation pour les ouvriers,
et des assurances vieillesse, santé
et chômage pour les travailleurs.
De plus en plus, les secteurs de la
banque et de la communication furent
sujets à des réglementations.
Le logement et la santé furent
ramenés sous le contrôle
de l'État. Le mouvement des femmesLe mouvement des femmes est un phénomène mondial. Les femmes ont dû se battre à chaque époque pour réclamer leur place dans l'histoire. Au dix-septième siècle, alors que l'Europe des Lumières exigeait l'égalité, elle ignorait la subordination des femmes. La plus flagrante omission fut la Révolution française qui, en dépit de la participation active de milliers de femmes, ignora leurs préoccupations spécifiques. C'est à une révolutionnaire française, Olympe de Gouges, qu'il fut laissé la tâche de proclamer les " Droits de la femme et du citoyen féminin " pour faire contrepoint à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de la Révolution française. De nombreuses femmes étaient engagées dans les mouvements pour l'abolition de l'esclavage. En effet, les réussites et l'enthousiasme du mouvement anti-esclavagiste s'ajoutèrent à l'énergie qui s'était accumulée internationalement pour réclamer davantage de droits pour les femmes. Alors que, pendant les premières années, les principales revendications du mouvement des femmes portaient sur les droits civils et politiques, les questions liées au travail-particulièrement les conditions de la femme dans les usines de la révolution industrielle-étaient, elles aussi, des préoccupations majeures.10 Les femmes de différents pays faisaient campagne, sous des formes diverses, pour l'amélioration des conditions de vie des femmes. Tandis qu'elles menaient une lutte pour leur propre égalité, les femmes ont très largement contribué à mettre un terme à l'esclavage, à l'exploitation économique de la classe laborieuse, et au colonialisme. Création de l'Organisation internationale du travailAu dix-neuvième siècle, un grand nombre de pays passèrent des lois de réforme sur les heures et conditions de travail. Cependant, les menaces permanents de troubles et leur réalité dans le monde du travail, forcèrent les industriels et les gouvernements à penser à des mesures supplémentaires. Entre 1890 et 1905, de nombreuses réunions furent tenues au cours desquelles gouvernements et industriels considérèrent la possibilité de standardiser la législation internationale du travail. Finalement, en 1905 et 1906, les deux premières conventions internationales du travail furent adoptées.11 Les initiatives pour définir et adopter des conventions supplémentaires furent interrompues par la Première Guerre mondiale. Afin de maintenir une force de production de guerre et une " unité " sur le front domestique pendant la guerre, les gouvernements firent diverses promesses liées aux droits économiques et sociaux pour après la fin des hostilités. Au cours de ces mêmes années, plusieurs conférences internationales de travailleurs développèrent une liste de revendications élémentaires liées aux conditions de travail et autres problèmes. La menace posée par la Révolution russe avait créé une pression considérable sur les gouvernements pour les amener à répondre aux exigences des travailleurs. En conséquence, lors de la Conférence pour la paix de Paris, les gouvernements établirent une Commission sur la législation internationale du travail, dont l'une des propositions fut la création de l'Organisation internationale du travail (OIT).12 Cette proposition fut adoptée dans sa forme finale dans le cadre du Traité de Versailles à la conclusion de la guerre. L'OIT se basait sur les convictions suivantes, énoncées dans le préambule à sa Constitution: une paix durable ne peut être
établie que si elle est basée
sur la justice sociale; Entre 1919 et 1933, l'OIT rédigea et soumit aux gouvernements pour ratification quarante conventions concernant une grande variété de questions liées au travail.14 En 1929, suite au crash de la Bourse aux États-Unis, la Grande dépression commença. Des millions de personnes se trouvèrent au chômage et les manifestations de travailleurs sans emploi devinrent un fait de tous les jours. Aux États-Unis,
La dépression se répandit rapidement au reste du monde, entraînant le licenciement, pays après pays, d'un grand nombre de travailleurs. L'accroissement des souffrances créa un élan pour la poursuite de discussions sur les droits, particulièrement les droits économiques et sociaux. La dépression fit bien sûr des ravages en Allemagne, devenant l'une des causes contribuant à la montée au pouvoir d'Adolf Hitler. L'oppression subie par les Juifs, les Gitans, les homosexuels et autres groupes dans l'Allemagne nazie et les pays occupés d'Europe, impliquait la perte de toute une variété de droits-non seulement la perte de libertés, mais aussi la perte de travail, d'opportunités d'éducation et d'expression culturelle. Dans les camps de concentration, des millions de prisonniers souffrirent de la détérioration de leur santé, d'un hébergement insalubre et, finalement, de la privation du droit à la vie. Alors que le monde sortait juste de la dépression et que la deuxième guerre mondiale se déroulait en Europe, le président américain Franklin D. Roosevelt délivra au Congrès son fameux discours des quatre libertés:
Faits nouveaux de l'après-guerreImmédiatement après la deuxième guerre mondiale, l'une des principales préoccupations était de développer une nouvelle organisation internationale qui soit plus forte-l'Organisation des Nations Unies-dans laquelle les principes des droits humains joueraient un rôle principal. Les raisons pour ceci étaient nombreuses. Une d'entre elles était l'engouement qui s'était développé au cours des décennies précédentes pour l'institution d'un ordre international qui protègerait l'ensemble des droits-civils et politiques, de même que ceux qui s'attacheraient aux souffrances généralisées que les travailleurs et les chômeurs avaient subies durant la dépression. De plus, la guerre s'était déclarée en raison des actions des régimes Nazi et fascistes en Europe. Les chefs de gouvernement croyaient que la création de mécanismes effectifs pour garantir les droits humains aideraient à empêcher le développement de tels régimes à l'avenir. Ces idées sont clairement exprimées dans le préambule à la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) de 1948 qui indique que " la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité " et que " la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ". La Charte des Nations Unies L'impact immédiat de ce souci émergeant pour les droits humains fut l'inclusion dans la Charte des Nations Unies, qui fut rédigée et adoptée à la Conférence de San Francisco en 1945, de références à la promotion et à la protection des droits de l'homme. L'article 1 de la charte stipule, plus particulièrement, que l'un des objectifs des Nations Unies est de
Les obligations assumées dans la poursuite de ce but sont énoncées dans les articles 55 et 56 de la Charte. Ces articles indiquent que les États doivent agir conjointement et séparément en coopération avec les Nations Unies pour promouvoir
Aussi importantes soient-elles, ces dispositions ne représentaient clairement qu'une première étape, très timide, vers l'institution d'un système universel de protection des droits humains. Aucune indication ne fut précisée dans la Charte quant au contenu des ces " droits de l'homme et libertés fondamentales " ni quant au type d'actions requises pour leur protection et leur promotion. Ces dispositions avaient, et continuent effectivement à avoir, une valeur largement symbolique. Elles signalaient simplement que les droits humains formeraient une arène continue pour l'action de la part des Nations Unies. La tâche d'énoncer la substance de ces droits de l'homme et de créer des mécanismes pour les protéger serait prise en charge par divers organes de l'Organisation (et organisations régionales) au cours des années suivantes. La Déclaration universelle des droits de l'homme La première initiative majeure prise par les Nations Unies après sa formation fut la création de la Commission des droits de l'homme. La Commission elle-même était chargée de rédiger une Charte internationale des droits de l'homme, supposée former la clé de voûte du nouvel ordre " constitutionnel ". Lorsque cette tâche lui fut assignée, la Commission décida que ses efforts devraient se concentrer avant tout sur la rédaction d'une déclaration des droits de l'homme qui serait suivie plus tard par celle d'un traité ou " convention " et d'un document traçant les méthodes de mise en application. La Commission rédigea relativement rapidement ce qui devint la Déclaration universelle des droits de l'homme, et ce document fut finalement adopté par l'Assemblée générale du 10 décembre 1948. La Déclaration universelle comprend parmi ses clauses une variété relativement exhaustive de droits, parmi lesquels non seulement les droits " classiques ", civils et politiques, mais aussi un certain nombre de droits économiques, sociaux et culturels (ESC). Dans les articles 22 à 27, par exemple, elle déclare entre autres, que tout le monde a droit à la sécurité sociale, au travail, au repos et aux loisirs, droit à un niveau de vie suffisant, à l'éducation et à la libre participation à la vie culturelle de la communauté. Ces articles présentent essentiellement l'ensemble des préoccupations amenées depuis lors dans le rayon d'action des droits humains. Alors que l'inclusion dans la Déclaration universelle d'un certain nombre de droits ESC était sans nul doute radicale, la Déclaration n'était clairement pas prévue pour être un instrument auquel les États seraient formellement lies au niveau législatif. Elle était plutôt considérée par la Commission comme un " idéal commun à atteindre " auquel les États aspireraient (pour employer la phrase utilisée dans le préambule), et pour cette raison, fut adoptée simplement par un vote majoritaire à l'Assemblée générale.17 De nos jours, le statut juridique de la Déclaration n'est pas tout à fait clair. Certains ont prétendu que la Déclaration reflétait dans son ensemble des normes de droit coutumier international, ce qui semble plutôt optimiste. Cependant, même si seulement certains de ses éléments reflètent pour l'instant le droit coutumier, elle demeure un instrument important, ne serait-ce que pour le cadre général qu'elle offre aux activités liées aux droits humains. La Charte internationale des droits de l'homme Selon son intention originale, après avoir établi la Déclaration universelle, la Commission des droits de l'homme commença à rédiger un traité international des droits de l'homme. Ce projet s'avéra plus difficile que prévu. Lorsque le moment vint pour la Commission de commencer à délibérer sur ce sujet, les relations entre l'Est et l'Ouest avaient commencé à se détériorer. Au cours des quelques décennies suivantes, la plupart des organes des Nations Unies se trouvèrent handicapés par les tractations politiques entre les États socialistes d'un côté et le bloc de l'Ouest, de l'autre. Et la Commission des droits de l'homme ne faisait pas exception. La dispute entre ces deux blocs politiques vis-à-vis des droits humains se manifestait par des différences sur la priorité de certaines catégories de droits humains et leur méthode de mise en application. Les États socialistes défendaient la cause des droits ESC, qu'ils associaient aux buts d'une société socialiste. Ils croyaient aussi que la mise en uvre de droits devait être effectuée par des organes politiques, plutôt que judiciaires, à la différence de l'Ouest. Les États occidentaux insistaient sur la priorité des droits civils et politiques, qu'ils considéraient comme faisant partie intégrante des fondements de la liberté et de la démocratie. Ils soutenaient aussi fermement la création d'un comité ou d'une cour des droits de l'homme qui superviserait leur mise en application. Le résultat de cette polarisation de la guerre froide fut effectivement d'empêcher l'adoption d'un seul traité recouvrant tout. Le traité proposé fut divisé en deux parties-l'une traitant des droits civils et politiques, l'autre des droits économiques, sociaux et culturels-et chaque partie fut rédigée en un traité distinct. La dispute prolongea également considérablement le processus de rédaction, qui continua jusqu'en 1966. Finalement, l'adoption du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) en 1966, conclut le travail des Nations Unies sur ce qui est appelé la Charte internationale des droits de l'homme. La principale différence entre les deux pactes tels qu'ils furent adoptés, en dehors de la différence évidente de sujet, est que le PIDCP envisage spécifiquement la création d'un Comité des droits de l'homme composé d'experts indépendants chargés de la responsabilité de superviser la mise en application par, entre autres moyens, un système de pétitions.18 Le PIDESC, en revanche, devait être mise en application par le Conseil économique et social-un organe politique des Nations Unies-qui devait superviser une procédure de rapports.19 Comme nous allons le voir plus bas, ce dernier arrangement s'est avéré être une entrave au développement du PIDESC, qui ne fut surmontée qu'à la création du Comité des droits économiques, sociaux et culturels en 1986. Autres traités sur les droits humains L'adoption de la Charte internationale des droits de l'homme ne mit pas fin au travail des Nations Unies dans la détermination de standards pour les droits de l'homme. En effet, en 1966 l'ONU avait déjà adopté deux autres instruments utiles. La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide rédigée en 1948, et entrée en application en 1951,20 et la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale adoptée en 1965.21 Au cours des quelques décennies suivantes, divers organes des Nations Unies continuèrent le processus de rédaction des traités internationaux de droits humains menant à l'adoption, entre autres, de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) en 1979,22 la Convention contre la torture en 1984,23 et la Convention relative aux droits de l'enfant (CRC) en 1989.24 Chacun de ces traités complète et améliore la garantie fondamentale énoncée dans les deux pactes et traite une catégorie spécifique de problèmes ou de personnes. À l'exception de la Convention contre la torture, toutes comprennent plusieurs dispositions visant spécifiquement des droits ESC. (Voir les modules 4 et 5 pour une discussion plus approfondie des CEDAW et CDE.) En dehors des instruments universels rédigés par les Nations Unies, un certain nombre d'instruments pour les droits humains ont été rédigés par des agences spécialisées de l'ONU, telles que l'OIT, l'UNESCO et d'autres. De plus, des organisations régionales, qui forment le principal centre d'intérêt du travail des droits humains dans certaines régions du monde, ont développé leurs propres standards. En fait le premier instrument regional de protection des droits de l'homme, la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme25, a même été adopté avant la declaration universelle. Les trois instruments régionaux les plus connus qui ont été rédigés sont la Convention européenne des droits de l'homme26, la Convention américaine relative aux droits de l'homme,27 et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.28 En dehors de la Charte africaine, ces derniers ne traitent pas réellement des droits ESC. Dans le contexte européen, il existe un autre instrument-la Charte sociale européenne29-qui traite de tels droits. Aux Amériques, le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits ESC30 offre un système de pétitions en rapport avec un certain nombre de droits, mais il lui reste encore à être adopté. (Voir la section X pour plus d'informations sur les traités régionaux et les mécanismes d'application.) Les constitutions nationales Le développement de normes relatives aux droits humains a également eu un impact sur les constitutions nationales. La plupart des États post-coloniaux qui sont apparus dans les années 1950 et 1960 ont intégré des éléments de la Déclaration universelle des droits de l'homme dans leurs constitutions. Cependant, dans la plupart des cas, les droits civils et politiques étaient intégrés en tant que droits fondamentaux, tandis que les droits économiques et sociaux étaient classifiés comme questions relevant de la politique de l'État. Cet écart se resserre petit à petit, certains pays intégrant les deux séries de droits au sein même des dispositions sur les droits fondamentaux de leurs constitutions. La constitution de 1987 des Philippines comprend dans l'article 13 une disposition sur la justice sociale et les droits de l'homme. Dans sa définition de la justice sociale, l'article 13 se concentre sur les doits économiques et sociaux: une protection totale est accordée au travail; la distribution juste de toutes les terres agricoles doit être promue; les droits des fermiers et pêcheurs doivent être respectés; et un programme de réforme pour les terrains urbains et de logement doit être établi, ainsi qu'un système de protection de la santé. La constitution philippine reconnaît plus particulièrement le rôle d'organisations populaires indépendantes dans l'habilitation des personnes à poursuivre et à protéger leurs intérêts et aspirations légitimes et collectifs par des moyens pacifiques et légaux. La constitution la plus remarquable pour son intégration des droits ESC est celle adoptée par l'Afrique du Sud en 1996. Le chapitre 3 de la constitution sud-africaine garantit des droits fondamentaux à tous les citoyens. Ces droits fondamentaux, en plus des droits civils et politiques traditionnels, comprennent plusieurs droits ESC: Le droit à un "
environnement qui n'est pas nuisible
à leur santé ou bien-être
" (chapitre 3, sec. 24); L'assurance de la reconnaissance des droits ESC dans les constitutions nationales fait partie de la lutte pour faire avancer ces droits. La constitution sud-africaine est un signe encourageant de ce qui est possible. Cependant, l'histoire de l'émergence des droits humains montre que la reconnaissance légale d'un droit n'est qu'une première étape. Divers obstacles, particulièrement liés à des coutumes, pratiques ou cultures locales et/ou nationales peuvent continuer à entraver la jouissance et la protection totales d'un droit qui a été légalement protégé. Les interdictions légales contre la discrimination raciale aux États-Unis, par exemple, n'ont pas réussi à éliminer ce problème dans la pratique. Dans la plupart des pays, les femmes n'ont pas été effectivement en mesure de jouir de droits spécifiques (par exemple d'un salaire égal à travail égal) reconnus aux niveaux national et international. Il est par conséquent essentiel pour les militants de connaître non seulement les statuts constitutionnels et légaux internationaux et nationaux des droits humains, mais aussi de comprendre dans quelle mesure ces droits-particulièrement ceux de groupes vulnérables tels que les femmes et les enfants-sont protégés dans la pratique. Obligations légales assumées par les États selon la législation internationale relative aux droits humainsLes traités sont essentiellement contractuels par nature, et par conséquent les États doivent " consentir à être liés " afin d'être légalement responsables d'en remplir les obligations. Comme l'essentiel de la législation internationale relative aux droits humains a trait à la mise en application de ces traités, le principe général est que seuls les États parties au traité en question sont liés par les obligations relatives aux droits humains correspondantes. Ceci étant dit, il est clair qu'il ne suffit pas pour un État de ne pas ratifier un traité relatif aux droits de l'homme pour qu'il puisse échapper à toute responsabilité quant à ses actions par rapport à la loi internationale. Pour commencer, les États ont clairement une obligation morale à respecter certains droits humains, qu'ils ne peuvent ignorer qu'au risque d'une condamnation universelle. Ceci est en soi renforcé de deux manières différentes. En premier, l'existence d'obligations pour la protection des droits humains est évidente par le fait-même que certains droits humains sont maintenant regardés comme faisant partie intégrante du droit coutumier international. L'interdiction de la torture, par exemple, est une obligation qui incombe aux États, qu'ils aient ou non signé ou ratifié un traité s'y rapportant. Il en est de même pour les génocides et disparitions forcées. Ce qui ne signifie pas pour autant que les traités soient sans importance-en effet, ils procurent des mécanismes d'application indispensables-mais plus simplement que l'obligation de protéger et de promouvoir les droits humains incombe à tous les gouvernements et États, qu'ils aient ou non officiellement ratifié les traités. La nature obligatoire de la protection et de la promotion des droits humains est renforcée davantage par les termes de la Charte des Nations Unies qui s'applique à tous les États parties (et par conséquent aujourd'hui à la vaste majorité des États dans le monde). Bien que l'expression " droits de l'homme et libertés fondamentales " ne soit pas précisément énoncée, ceci n'excuse pas les États lorsqu'ils donnent libre cours à des pratiques excessives ou en violation des standards élémentaires d'humanité. Par le passé, les actions des Nations Unies contre la Rhodésie du Sud, l'Afrique du Sud et l'Iraq, par exemple, ont été justifiées en référence aux dispositions de droits de l'homme de la Charte. Il est prévu que les Nations Unies continueront à insister pour que leurs membres adhèrent à certains standards élémentaires. Les principes fondamentaux des droits humainsLa dignité inhérente aux êtres humains: Selon la Déclaration universelle, les droits de l'homme découlent de la " dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine ". Par conséquent, bien que les droits humains puissent être officialisés par des traités, déclarations et lois, leur origine et justification sont essentiellement antérieures ou en dehors du cadre légal. Les droits humains, en d'autres termes, ne sont pas la création du droit ou des législateurs, et n'existent pas simplement parce que les gouvernements ou les États le décrètent. Ils relèvent plutôt du droit moral dérivé de notre appartenance à la " famille humaine " et représentant un standard par rapport auquel la loi doit être mesurée. Égalité et non-discrimination: Il résulte de ce premier principe que les droits humains, en vertu de leur nature-même, sont possédés par tous à part égale. Quelle que soit notre situation sociale, économique, culturelle ou politique, et quelles que soient les conditions dans lesquelles nous vivons, nous avons le droit, au moins en principe, aux mêmes droits et libertés élémentaires. L'idéal d'égalité et de non-discrimination est un principe fondamental et sous-jacent des droits humains. Selon l'article 2 de la Déclaration universelle:
Indivisibilité et interdépendance des droits humains: Le processus de définition de standards au sein des Nations Unies fut infecté par la lutte idéologique entre l'Est et l'Ouest. La séparation idéologique, qui se concrétisa par la rédaction de deux traités différents, a contribué à la perception durable que les deux catégories de droits étaient nécessairement distinctes et même contradictoires. Au cours des dernières années, cependant, une compréhension plus nuancée des droits humains a gagné une acceptation croissante qui s'attache fermement à l'idée que tous les droits humains sont indivisibles, étroitement liés et interdépendants. Cette idée trouve son expression de plusieurs façons. Il a fini par être reconnu que donner la priorité aux droits civils et politiques ne peut être justifié dans les cas où les individus vivent dans la pauvreté et la dégradation. Dans de tels cas, les actions entreprises pour promouvoir des standards de santé, d'hygiène et de logement décents sont clairement plus importants pour l'individu concerné que toute revendication de liberté. Deuxièmement, il a été de plus en plus admis que les deux séries de droits étaient intégralement liées. Une bonne éducation est nécessaire pour la complète jouissance de la liberté d'expression, et par-là même, la protection des droits civils et politiques et reste la meilleure façon de contribuer à la création d'une société dans laquelle les droits ESC de la population seront assurés. Finalement, l'idée de l'interdépendance est renforcée dans un sens formel par le fait que la division entre les catégories de droits est en elle-même imparfaite. L'article 27 du PIDCP, par exemple, protège le droit des personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques d'avoir " leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue ". De même, l'article 22 de ce traité protège le droit de " constituer des syndicats et d'y adhérer ", un droit reconnu dans les mêmes termes à l'article 8 du PIDESC. Le contexte contemporainDes droits sont apparus à la suite de luttes des peuples à diverses époques de l'histoire. Ces luttes ne se produisirent pas dans le vide. Des gains ont été acquis et des défaites essuyées le plus souvent dans un contexte resultant largement de conditions économiques, politiques et sociales spécifiques alors dominantes. Afin d'être efficaces, il est essentiel pour les militants d'aujourd'hui de comprendre les contextes au sein desquels des droits ont historiquement atteint une reconnaissance. Ils doivent aussi comprendre les contextes économiques, politiques et sociaux contemporains au sein desquels ils agissent eux-mêmes. Les droits humains ont atteint une reconnaissance officielle dans le contexte historique de l'État nation. Les droits civils et politiques ont été longtemps perçus comme un tampon essentiel protégeant l'individu de l'exercice abusif du pouvoir de l'État. La responsabilité de l'État pour la protection des droits économiques et sociaux a été basée sur les suppositions que l'État, par son autorité fiscale, avait des ressources bien supérieures à celles des individus, et que grâce à elles, il avait la possibilité de garantir que tous ceux vivant sous sa coupe jouissent d'un certain niveau de sécurité sociale et économique. Au cours des deux dernières décennies, des changements énormes sont survenus dans le contexte économique, politique et social au sein duquel les droits humains ont été reconnus par le passé. Ces changements, en retour, ont eu et auront des implications profondes en ce qui concerne les efforts pour la protection et la promotion des droits ESC. Ils ont été le résultat d'un processus nommé " globalisation ". La globalisation repose sur l'hypothèse que le marché est le meilleur arbitre de l'utilisation efficace des ressources et que l'État est un acteur économique encombrant dont l'intervention sur le marché crée des distorsions génératrices de gaspillage. La conclusion qu'il faut en tirer est que le marché devrait jouir d'une liberté débridée et que le rôle de l'État dans l'économie devrait être minimisé. Les partisans de la globalisation maintiennent que si ces mesures sont menées à bien, les ressources seront utilisées au maximum de leur efficacité et que le plus grand nombre en bénéficiera. L'accent est par conséquent porté sur le rattachement des capitaux nationaux aux capitaux internationaux, selon la logique que grâce à de tels liens les économies faibles peuvent bénéficier de l'apport de capitaux, de technologies et de techniques de gestion. Le terme " globalisation " reflète ces connexions mondiales. Les principaux acteurs impliqués dans le processus de globalisation sont abordés plus en détail plus loin dans ce manuel (voir par exemple, section IX). Toutefois, certaines des implications de la globalisation devraient être mentionnées ici, puisqu'elles touchent directement à une série de questions liées aux droits ESC qui sont traitées dans les modules suivants. Venant de la conviction que l'État est inefficace, l'effort est de plus en plus porté sur la privatisation-le transfert des actifs et responsabilités de l'État à des acteurs privés. Les terres de l'État sont vendues à des individus et sociétés privées, les entreprises (services publics), ressources (charbon, pétrole), services (transports) et fonctions (prisons, aide sociale) de l'État sont confiés au secteur privé. Les mécanismes, processus, lois et réglementations qui avaient été établis pour permettre le contrôle démocratique de ces propriétés et fonctions ont été démantelés ou réduits de façon significative, de sorte que certains aspects essentiels de la vie des individus et communautés sont davantage assujettis aux caprices des acteurs privés, sur lesquels ils n'ont plus le contrôle légal qu'ils avaient auparavant. Divers groupes d'individus et d'institutions ont bénéficié de la globalisation. Ce phénomène a par exemple encouragé un flot d'information plus libre entre les États, et tout le monde, en termes généraux, en a profité. Cependant, la majorité des bénéfices de la tendance à la globalisation sont revenus aux grandes sociétés et banques transnationales qui peuvent plus facilement déplacer capitaux et investissements d'un pays à l'autre pour tirer profit de salaires plus bas et de conditions économiques plus favorables. Un nombre croissant de ces entreprises exerce désormais un pouvoir économique et politique bien plus grand que nombre d'États. Ces derni-ères sont avant tout respon-sables vis-à-vis de leurs actionnaires. Contrairement aux gouvernements élus, elles n'ont pas de responsabilité inhérente vis-à-vis des millions d'individus pour lesquelles leurs décisions d'investir ou de désinvestir ont d'énormes implications. Ces derniers n'ont virtuellement aucun contrôle sur elles.
Les implications de ces changements pour l'activisme des droits ESC sont considérables. Le droit international relatif aux droits humains et la plupart des protections nationales y ayant trait sont dirigées vers l'État; c'est, en général, l'État, et non les acteurs privés, qui est responsable légalement de la protection et de la promotion des droits humains. Dans un tel contexte, que peut faire une communauté lorsque la terre dont elle dépend pour vivre est vendue par l'État à un propriétaire privé? Vers qui les travailleurs peuvent-ils se retourner lorsque la société pour laquelle ils travaillent offre des salaires bien inférieurs à ce qu'il faut pour vivre décemment? Quel est l'avenir des enfants n'ayant pas les moyens de payer les droits d'inscription demandés par les systèmes d'éducation privatisés? Tandis que l'État " s'amenuise ", vers qui l'individu peut-il se retourner pour trouver refuge contre l'impact des actions et décisions d'acteurs privés dont les choix sont peut-être déterminés à des milliers de kilomètres? Comment est-il possible pour un État affaibli d'exercer des pressions sur une entreprise ayant des ressources financières bien plus importantes que ce dernier et pouvant retirer ses investissements sur un coup de tête? Dans les modules suivants, nous poserons directement et indirectement ces questions ainsi que de nombreuses autres soulevées par les changements radicaux entraînés par la globalisation.
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Deng, éds., Human Rights in Africa: Cross-Cultural Perspectives (Washington, D.C.: The Brookings Institution, 1990), 19. 17. Le vote fut de 48 contre 0, avec 8 abstentions (Biélorussie, Tchécoslovaquie, Pologne, URSS, Arabie Saoudite, Ukraine, Afrique du Sud et Yougoslavie). 18. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté le 16 décembre 1966, AG res. 2200A (XXI), 21 UN GAOR Supp. (No. 16) à 52, arts. 28?45, ONU Doc. A/6316 (1966), 999 UNTS 171, entrée en vigueur le 23 mars 1976. 19. Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté le 16 décembre 1966, GA Rés. 2200A (XXI), 21 UN GAOR Supp. (No. 16) à 49, arts. 16?25, ONU Doc. A/6316 (1966), 993 UNTS 3, entrée en vigueur le 3 janvier 1976. 20. Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée le 9 décembre 1948, 78 UNTS 277, entrée en vigueur le 12 janvier 1951. 21. Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adopté le 21 décembre 1965, 660 UNTS 195, entrée en vigueur le 4 janvier 1969. 22. Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, adopté le 18 décembre 1979, AG res. 34/180, 34 UN GAOR Supp. (No. 46) à 193, ONU Doc. A/34/46, entrée en vigueur le 3 septembre 1981. 23. Convention contre la torture et tout autre traitement ou punition cruel, inhumain ou dégradant, adopté le 10 décembre 1984, AG Res. 39/46, annexe, 39 UN GAOR Supp. (No. 51) à 197, ONU Doc. A/39/51 (1984), entré en vigueur le 26 juin 1987. 24. Convention relative aux droits de l'enfant, adopté le 20 novembre 1989, AG Res. 44/25, annexe, 44 UN GAOR Supp. (No. 49) à 167, ONU Doc. A/44/49 (1989), éntrée en vigueur le 2 septembre 1990. 25. Déclaration américaine les droits et devoirs de l'homme, signé le 2 mai 1948, OÉA Res. XXX, adopté par la neuvième conférence internationale d'États américains (1948), réimprimée dans les documents de base concernant les droits de l'homme dans le système d'Interaméricain, OÉA/Ser.L.V/II.82 doc.6 rev. 1 à 17 (1992). 26. Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (dite Convention européenne des droits de l'homme), 213 UNTS 222, entré en vigueur 3 septembre 1953, texte revise conformément aux dispositions du Protocole No. 3, entré en vigueur le 21 septembre 1970, du Protocole No. 5, entré en vigueur le 20 décembre 1971, du Protocole No. 8, entré en vigueur le 1er janvier 1990 et du Protocole No. 11, entré en vigueur le 1 novembre 1998. 27. Convention américaine relative aux droits de l'homme, ouvert pour la signature le 22 novembre 1969, OÉA Séries de traité No. 36, 1144 UNTS 123 entrée en vigueur le 18 juillet 1978. 28. Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, adopté le 27 juin 1981, OAU Doc. CAB/LEG/67/3/rev. 5, 21 ILM 58 (1982), entré en vigueur le 21 octobre 1986. 29. Charte sociale européenne (ETS No. 35) 529 UNTS 89, entré en vigueur le 26 février 1965. 30. Protocole supplémentaire à la Convention américaine sur des droits de l'homme dans la zone des droites économiques, socials et culturelles, OÉA No. 69 (1988) de série de Traité, signé le 17 novembre 1988, réimprimé dans les documents de base concernant les droits de l'homme dans le système d'Interamerican, OÉA/Ser.L.V/II.82 doc.6 rev.1 à 67 (1992). 31. Vito Tanzi, " Working Paper of the International Monetary Fund", WP/00/12 (janvier 2000), 5. |
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